La finance publique au secours du climat

Tribune de Florent Compain (Amis de la Terre), Geneviève Azam (Attac) et Jon Palais (Bizi !) paru dans le Monde.fr de ce jeudi 12 décembre

Puisque l’écotaxe provoque dans la fiscalité française plus de remous que les pleurs du philippin Sano versés lors des négociations sur le climat au moment de la Conférence des Parties de Varsovie, il est à souTyphon Philippineshaiter que le travail parlementaire débouche sur une proposition forte qui, dans le respect des situations différenciées des corps de métier et des contribuables, contribue à lutter contre le changement climatique. Pour cela, il convient de rappeler qu’entre finances publiques et limitation du changement climatique, il y a un lien de cause à effet.

Le dernier rapport du Groupe International des Experts sur le Climat (GIEC) affirme à nouveau la nature anthropique des changements climatiques en cours. La responsabilité humaine se trouve engagée. Mais cette responsabilité n’est ni abstraite, ni indifférenciée. Les pays en première ligne des changements climatiques, comme les Philippines, paient un lourd tribut alors que la responsabilité de l’accumulation des émissions incombe aux pays du Nord et au modèle industriel qu’ils ont promu. Parmi les responsables, on trouve des acteurs économiques qui, tels des flibustiers internationaux, extraient généralement pour leur profit des ressources fossiles et des matières premières dès qu’ils en voient le bout du filon, au Nord et au Sud. Or, pour limiter l’augmentation de la température du globe à 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle, seuil au-delà duquel les conditions climatiques seraient à certains endroits invivables, de nombreux rapports scientifiques ont mis en évidence que la majorité des ressources fossiles connues ne devait pas être exploitée1. On peut penser que neutraliser le flibustier est tâche ardue : c’est là que les finances publiques ont un rôle à jouer.

L’État français, par exemple, a les moyens d’agir. En interne, il peut lever des taxes qui, au lieu de reporter le coût de la pollution sur le contribuable, le prélève à la source, chez le pollueur. C’est ce que devrait être la prochaine « pollutaxe » : en pénalisant les grosses compagnies de transport routier, elle favoriserait le fret ferroviaire et les transports doux, allégerait les coûts de plus en plus importants de la pollution, finalement supportés par la collectivité. Hors de ses frontières, l’Etat n’en est pas plus impuissant : il est l’un des actionnaires principaux d’institutions financières internationales (Banque européenne d’investissement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement) qui, même si elles viennent de limiter leur soutien au charbon, continuent d’investir dans des énergies fossiles, notamment des hydrocarbures non conventionnels. EDF et GDF, deux entreprises largement contrôlées par l’Etat, investissent encore dans des projets charbon au niveau international La Coface, agence française de crédit à l’exportation, bénéficiant de la garantie de l’État, soutient elle aussi des projets de centrales à charbon à l’étranger.

Sans ce soutien des bailleurs publics, le flibustier moderne n’aurait pas les garanties financières suffisantes pour pouvoir investir. Il est donc grand temps pour l’Etat français, sur le point d’accueillir la Conférence des Parties sur le changement climatique de 2015, de rendre ses politiques publiques cohérentes et ambitieuses. Cela passe par une fiscalité écologique juste et une « pollutaxe », afin d’amorcer la transition énergétique. Cela passe aussi par la fin du soutien public aux énergies fossiles : à la France de faire en sorte, avec sa loi sur la transition énergétique, que ses efforts en matière de réduction de la consommation énergétique, d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables ne soient pas annulés par des financements publics climaticides versés en parallèle.

C’est aux finances publiques françaises d’être des outils clés pour museler les flibustiers, afin de limiter autant que possible l’ampleur des changements climatiques, et les événements climatiques extrêmes comme celui qui a frappé les Philippines.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/12/la-finance-publique-au-secours-du-climat_4333333_3232.html