COP 26 : de Glasgow au Pays Basque, les engagements et les actes n’assurent toujours pas une Terre habitable

Les scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont formels : les changements du climat s’accélèrent et causent des événements météorologiques extrêmes (sécheresses, canicules, inondations…) à la fois plus forts et plus intenses. Pourtant, les engagements pris à la COP 26 emmènent toujours l’humanité droit vers un monde catastrophique à + 2,4°C (1) et non vers la neutralité carbone (2) et une limitation à +1,5°C de réchauffement. Un rehaussement des objectifs de réduction nationaux d’ici 2030 est prévu à la prochaine COP en Egypte dès 2022, ainsi qu’un bilan annuel des engagements des Etats.

Les pays du Sud sont les premières victimes de ce dérèglement et subissent les conséquences d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dont ils ne sont en majorité pas responsables. L’association Bizi ! défend le principe de justice climatique selon lequel les pays du Nord, premiers responsables, doivent faire preuve de solidarité et contribuer à financer les investissements d’atténuation et d’adaptation des pays du Sud ainsi que les coûts des dommages déjà subis. En particulier la France, 8ème pays mondial en termes de responsabilité historique des émissions GES (3). Or, les pays développés ne tiennent toujours pas leurs engagements de financements d’adaptation des pays les plus vulnérables. De plus, l’Europe et la France s’opposent à une contribution des pays responsables pour dédommager ceux déjà victimes de dégâts climatiques.

“L’irresponsabilité des politiques des pays développés, pourtant premiers responsables de la situation, est totale, s’indigne Francisco Ordas, porte-parole de Bizi ! Il est scandaleux que les pays riches refusent de payer leur dette climatique !

Si la France prévoit enfin de cesser les subventions à l’international de certains projets d’énergies fossiles dès fin 2022, les projets pétroliers ne seront concernés qu’en 2025 et les gaziers qu’en 2035. Mais ces dates ne visent que les projets sans dispositif de captage et stockage de carbone (CSC). Pour le GIEC (4), cette technologie présente des risques de fuite de CO2 des formations géologiques de stockage et lors du transport vers les lieux de séquestration. Elle constitue aussi un verrouillage du capital humain et physique dans l’industrie fossile.

Selon Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC, le fossé qu’il y a entre les objectifs affichés par les pays et la réalité de leurs actes nous emmène vers un monde désastreux à + 3°C. La France a d’ailleurs été récemment condamnée en justice car elle ne respectait déjà pas une trajectoire compatible avec ses promesses de neutralité carbone pour 2050. Dans ce contexte, cet objectif ne pourra pas être atteint sans que les collectivités locales, responsables directement et indirectement de 50% des émissions de GES, ne déclinent localement une ambition comparable et ne prennent pleinement leur part. Tel n’est pour l’instant pas le cas de la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB) qui, par “réalisme”, ne s’inscrit pas dans une trajectoire de neutralité carbone alors que son territoire possède des puits de carbone (forêts et prairies notamment) aux capacités de captation supérieures à la moyenne hexagonale. Or, d’autres territoires comme Lille Métropole ou Grenoble Alpes Métropole visent la neutralité carbone et prévoient en plus des actions pour réduire les émissions associées aux importations.

“Les élus nous opposent régulièrement le principe de réalité pour expliquer ce faible niveau d’ambition, déclare Sabine Endara, porte-parole de Bizi! et sentinelle écologique de Sare. Mais le réalisme des lois de la physique, lui, contrairement au “réalisme politique”, n’est pas négociable ! En tardant à agir, c’est l’avenir des enfants d’aujourd’hui qu’on condamne de manière irréversible.”

Dans sa version actuelle, la stratégie du Plan Climat de la CAPB ne vise que -19% de réduction des émissions de GES en 2030 (par rapport à 2019). Avec cette trajectoire, le Pays Basque nord ne prend clairement pas sa juste part dans la lutte contre le dérèglement climatique. Tandis que l’Union européenne vient de rehausser ses ambitions de baisse de GES à – 55% en 2030 (par rapport à 1995) que la France devra aussi décliner, que prévoit la CAPB ? Prendra-t-elle exemple sur Grenoble Alpes Métropole qui, suite à la décision européenne, a rehaussé ses ambitions de réduction pour 2030 à 50% des émissions locales de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 2005 ?

En marge de la COP, la France s’est engagée aux côtés de 105 États à réduire les émissions mondiales de méthane de 30% d’ici 2030 (par rapport à 2020). 2eme contributeur au changement climatique, ce gaz a un pouvoir de réchauffement environ 30 fois supérieur à celui du CO2 sur 100 ans et plus de 80 fois supérieur sur 20 ans. Dans son dernier rapport, le GIEC indique que réduire ses émissions permettrait ainsi d’obtenir des effets rapides sur le climat. Or, le secteur agricole est le 1er émetteur de GES à l’échelle locale, notamment de méthane. Comment la CAPB compte-t-elle contribuer à cet élan alors qu’actuellement, on ne peut lire aucun objectif de réduction des GES non énergétique (dont le méthane) dans le Plan Climat pour 2030 et qu’ils constituent pourtant la quasi-totalité des émissions du secteur agricole (94%) ?

Les actions entreprises au niveau communal ne sont pour l’instant pas non plus à la hauteur selon Bizi! Après plus d’un an de mandat, les sentinelles écologiques de Bizi! ont sorti leur 1er rapport sur l’état de la métamorphose écologique au Pays Basque : la grande majorité des communes n’ont pas débuté la métamorphose écologique nécessaire pour assurer un habitat viable et adapté aux bouleversements à venir. En effet, sur les 56 communes suivies (87% de la population de la CAPB), la grande majorité des communes (40) sont au stade 0 de l’inaction. Le score moyen de métamorphose communal surnage à 0,3/4 : la métamorphose du Pays Basque n’est pas encore dans l’œuf !

Bizi! appelle les citoyen·nes à rejoindre les sentinelles écologiques et participer à la métamorphose du territoire.

(1) https://climateactiontracker.org/global/temperatures/  
(2) La neutralité carbone se définit par le fait de séquestrer autant de carbone que l’on émet, de manière à stabiliser son niveau de concentration dans l’atmosphère et ainsi limiter l’augmentation de la température globale de la planète. Cela suppose d’une part, de réduire drastiquement les émissions, qu’elles soient d’origine fossile ou issues de matière vivante, et d’autre part, d’augmenter les puits (les forêts et les sols) permettant la séquestration du carbone.  
(3) https://ourworldindata.org/contributed-most-global-co2  
(4) Rapport spécial du GIEC 1,5°C d’après le rapport HCC 2020, p129 https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2020/