L’État ne doit pas sacrifier la transition énergétique des territoires sur l’autel de la rigueur !
RAC
https://reseauactionclimat.org/transition-energetique-territoires-rigueur/
L’effondrement de notre civilisation est une bonne chose
Nicolas Casaux , membre de l’organisation internationale Deep Green Resistance.
https://reporterre.net/L-effondrement-de-notre-civilisation-est-une-bonne-chose
Edgar Morin : « Le bouillonnement d’initiatives est ma raison d’espérer »
Edgar Morin, Sociologue, philosophe et historien
www.alternatives-economiques.fr/edgar-morin-bouillonnement-dinitiatives-raison-desperer/00080821
‘Monsantoren eskuliburua: zientzialarien lana desitxuratu, pozoia saltzen jarraitzeko
Unai Brea
www.argia.eus/argia-astekaria/2572/monsantoren-eskuliburua-zientzialarien-lana-desitxuratu-pozoia-saltzen-jarraitzeko
L’État ne doit pas sacrifier la transition énergétique des territoires sur l’autel de la rigueur !
RAC
https://reseauactionclimat.org/transition-energetique-territoires-rigueur/
Les collectivités sont les chevilles ouvrières des objectifs de transition énergétique fixés par l’État. Ce dernier doit soutenir dans la continuité tous les efforts qu’elles réalisent sur le terrain.
Dans une circulaire datée du 26 septembre, Nicolas HULOT, ministre de la Transition écologique et solidaire, appelle les préfets à « appliquer strictement » de nouvelles règles de gestion « destinées à recentrer le dispositif » des Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) lancé par Ségolène ROYAL en 2014. Ce serrage de vis inquiète les collectivités engagées dans la transition énergétique et remet en question le financement des projets qu’elles ont initiés.
Les collectivités sont les chevilles ouvrières des objectifs de transition énergétique fixés par l’État. Ce dernier doit soutenir dans la continuité tous les efforts qu’elles réalisent sur le terrain.
Aujourd’hui, de nombreuses associations de collectivités et ONG (AMORCE, CLER, FLAME, FNAU, France Urbaine, le RARE et le RAC-F) regrettent vivement cette baisse significative des financements. Elles demandent une réunion d’urgence avec Nicolas HULOT en personne pour sauver les projets prévus dans le cadre de ces conventions.
Selon Michel MAYA, vice-président du CLER – Réseau pour la transition énergétique :
« Les collectivités ont initialement répondu à l’appel à projet TEPCV dans une volonté forte de s’engager dans la transition énergétique au côté de l’État – avant d’apprendre avec satisfaction qu’elles bénéficieraient d’une importante aide financière. Elles ont articulé leur stratégie et leurs actions autour de ce financement. Si ce dernier s’effondre pour de simples problèmes administratifs, les conséquences sur les dynamiques territoriales de transition énergétique seront lourdes – à l’instar de celles subies par la filière photovoltaïque après le moratoire il y a quelques années. »
Selon Jean-Patrick MASSON, vice-président d’AMORCE et membre de la plateforme des associations de collectivités pour la transition énergétique :
« L’application stricte de cette circulaire conduirait à exclure des projets pour des vices de forme mineurs, placerait les territoires concernés dans une situation imprévue et engendrerait de nombreuses difficultés sur le terrain. C’est d’autant plus regrettable que la plupart de ces irrégularités sont dues aux délais imposés par l’État. »
« Pour en finir avec les politiques de Stop and Go, nos structures réclament une affectation pérenne de la fiscalité sur le carbone aux collectivités pour la mise en œuvre de la transition énergétique dans tous les territoires, comme proposé en ce moment dans les discussions sur le projet de loi de finances et exposé récemment auprès des services du Président de la République. »
L’effondrement de notre civilisation est une bonne chose
Nicolas Casaux , membre de l’organisation internationale Deep Green Resistance.
https://reporterre.net/L-effondrement-de-notre-civilisation-est-une-bonne-chose
Les « civilisations », entendues comme « cultures humaines urbaines, très hiérarchiques, organisées grâce à une forme d’État, et dont l’alimentation dépend de l’agriculture », ont ceci en commun, selon l’auteur de cette tribune, de dévaster leurs territoires et de dissoudre les diversités culturelles. La nôtre, mondialisée, pousse à l’extrême cette double destruction.
J’imagine déjà les réactions d’incompréhension de beaucoup. La civilisation ? Poser problème ? Comment le « fait pour un peuple de quitter une condition primitive (un état de nature) pour progresser dans le domaine des mœurs, des connaissances, des idées » (définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales, un organe du CNRS) pourrait-il être un problème ?
Avez-vous remarqué le racisme et le suprémacisme qui caractérisent cette définition de la civilisation ? Ce qui est implicitement (et relativement explicitement) insinué, c’est que les peuples (que les civilisés qualifient de) « primitifs » sont en quelque sorte en retard, ou arriérés, « dans le domaine des mœurs, des connaissances, des idées » par rapport aux peuples civilisés.
Il va sans dire que les rédacteurs de dictionnaires sont des gens « civilisés », ce qui aide à comprendre pourquoi ils se définissent en des termes si élogieux. Derrick Jensen, militant écologiste et écrivain états-unien, le souligne de manière ironique : « Pouvez-vous imaginer des rédacteurs de dictionnaires se qualifier volontairement de membres d’une société humaine basse, non développée, ou arriérée ? »
Durant plus de 95 % de la durée d’existence de l’espèce humaine, ses membres ont vécu en petits groupes de chasseurs-cueilleurs
Pour faire simple, la civilisation [1] désigne les cultures humaines urbaines, très hiérarchiques, organisées grâce à une forme d’État, et dont l’alimentation dépend de l’agriculture [2] (à grande échelle, façon monoculture, par opposition, entre autres, à la petite horticulture parfois pratiquée par des peuples de chasseurs-cueilleurs).
Durant plus de 95 % de la durée d’existence de l’espèce humaine, ses membres ont vécu en petits groupes de chasseurs-cueilleurs. Sans anéantir le paysage planétaire, sans le submerger de millions de tonnes de plastique et de produits chimiques cancérigènes, et sans saturer son atmosphère de gaz toxiques. Leur histoire (arrogamment qualifiée de préhistoire) n’était ni infectée, ni rythmée par la guerre [3] . Leur mode de vie ne requérait pas ce qui, d’après Lewis Mumford (historien et sociologue états-unien), caractérisera par la suite le fonctionnement de toutes les civilisations : « La centralisation du pouvoir politique, la séparation des classes, la division du travail (pour la vie), la mécanisation de la production, l’expansion du pouvoir militaire, l’exploitation économique des faibles, l’introduction universelle de l’esclavage et du travail imposés pour raisons industrielles et militaires. » [4]
Il y a quelques milliers d’années, en Mésopotamie, les premières villes se développèrent. Les forêts furent rasées, la terre surexploitée, et aujourd’hui, du « croissant fertile », il ne reste qu’un désert infertile.
L’expansion de cultures urbaines, étatiques, en d’autres termes, de civilisations, qui a balayé la planète au cours des derniers millénaires, a fait disparaître les forêts du Proche-Orient (les cèdres du Liban ne sont plus qu’un lointain souvenir), les forêts de l’Afrique du Nord, les forêts de Grèce, et ainsi de suite.
Ces civilisations (grecque, romaine, égyptienne, khmère, etc.) se sont toutes effondrées. Pour diverses raisons. Cependant, elles avaient toutes ravagé les territoires qu’elles contrôlaient.
Leurs effondrements ont été documentés et analysés dans plusieurs ouvrages, parmi lesquels Effondrement, de Jared Diamond, Le Viol de la terre : Depuis des siècles, toutes les civilisations sont coupables, de Clive Ponting, et L’effondrement des sociétés complexes, de Joseph Tainter. Comment tout peut s’effondrer, écrit par Pablo Servigne et Raphael Stevens, documente l’inévitable effondrement (déjà débuté) de la civilisation mondialisée qui est la nôtre.
Ce que nous avons été pendant des centaines de milliers d’années, ce que nous sommes encore
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’effondrement de notre civilisation est une bonne chose. Du moins, c’est ainsi que le perçoivent ceux qui placent « le monde avant la vie, la vie avant l’homme » et « le respect des autres êtres avant l’amour-propre » (Lévi-Strauss). Notre civilisation est actuellement synonyme de sixième extinction de masse des espèces, et d’ethnocide vis-à-vis de la diversité culturelle humaine (ainsi que l’ONU le reconnaît, « les cultures autochtones d’aujourd’hui sont menacées d’extinction dans de nombreuses régions du monde »). Cet écocide et cet ethnocide ne sont pas des accidents de parcours, ils découlent du fonctionnement normal de la civilisation (les autres civilisations ne se comportèrent pas autrement).
La critique de la civilisation implique de remettre en question un large pan de ce que la plupart des gens comprennent de l’histoire de l’humanité, de l’idée de progrès, de la place de l’être humain sur Terre.
Elle nous rappelle ce que nous avons été pendant des centaines de milliers d’années, ce que nous sommes encore — derrière le conditionnement culturel massif qui nous est imposé dès l’enfance.
Elle nous offre une perspective de soutenabilité écologique réaliste, éprouvée et testée, et encore incarnée, aujourd’hui, par quelques peuples autochtones (les rares qui subsistent encore) en Amazonie, en Papouasie, en Inde (les Jarawas, par exemple, dont la cause est actuellement médiatisée par deux Français), et ailleurs.
Pour aller plus loin
Ce texte n’est qu’une brève introduction à la critique de la civilisation, et une version longue en est à lire ici.
[1] « La “Civilisation”, cette catastrophe » (par Aric McBay / Thomas C. Patterson).
[2] « L’agriculture ou la pire erreur de l’histoire de l’humanité » (par Jared Diamond & Clive Dennis).
[3] « Non, les hommes n’ont pas toujours fait la guerre » (par Marylène Patou-Mathis).
[4] Lewis Mumford, Le Mythe de la machine.
Edgar Morin : « Le bouillonnement d’initiatives est ma raison d’espérer »
Edgar Morin, Sociologue, philosophe et historien
www.alternatives-economiques.fr/edgar-morin-bouillonnement-dinitiatives-raison-desperer/00080821
En amont de la deuxième édition des Journées de l’économie autrement organisées à Dijon les 24 et 25 novembre par Alternatives Economiques, nous nous sommes entretenus avec Edgar Morin, sociologue, historien et penseur de la complexité. Edgar Morin, 96 ans, et ancien résistant, appelle aujourd’hui à résister aux forces destructrices qui menacent notre planète, en s’appuyant sur les forces positives à l’œuvre chez les porteurs d’initiatives et d’expériences locales.
Quelle est votre vision face aux multiples défis, écologiques, sociaux, économiques, auxquels l’humanité est confrontée ?
Nous sommes dans un monde extrêmement inquiétant, avec de nombreux processus extrêmement dangereux en cours. C’est une situation dans laquelle on peut se demander quelles sont les raisons d’espérer. Mes raisons premières d’espérer sont les forces positives que je vois actuellement : un bouillonnement d’initiatives qui mettent au centre l’épanouissement des êtres humains en tant qu’individus, et de même au sein des communautés, des familles, des amitiés, des réseaux, etc.
« Les micro-expériences locales sont une des façons de résister aux forces techno-économiques de la mondialisation »
Ces initiatives existent aussi bien dans le domaine de l’agro-écologie, dans les éco-quartiers, dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, dans les nouvelles relations de solidarité, ainsi que dans toutes les associations qui ont compris que l’un des buts de la vie n’est autre que le « convivialisme ». Ces micro-expériences locales constituent l’une des façons de résister aux forces techno-économiques de la mondialisation. Elles nous prédisposent notamment à voir loin.
Quel est votre message aux acteurs de ces initiatives ?
Qu’il est en effet très important de continuer à expérimenter, de développer des initiatives créatrices œuvrant pour une existence plus solidaire, pour des formes d’économie sociale vouées à la solidarité. Ces initiatives disent oui à une autre vision du monde. Je ne sais pas si les forces auxquelles je crois – l’amour, la communion, la fraternité – peuvent s’imposer face aux forces de mort. Mais « résister » devient en tout cas fondamental. Pendant la résistance, nous avons dit non à cette dérive de l’humanité. Résister aujourd’hui, c’est dire non à une économie non contrôlée, à la fermeture sur soi qui conduit aux fanatismes. Et c’est dire oui à la liberté, à l’espérance et au bien-vivre. Même si le concept de bien-vivre s’est malheureusement dégradé, dans le sens d’une focalisation excessive sur le confort matériel.
Bien entendu, ce vaste mouvement de forces positives est dispersé et les initiatives ne sont pas toujours reliées les unes aux autres. Aussi bien les administrations que les pouvoirs publics ignorent tout ceci ou sont complètement indifférents, parce qu’ils vivent dans une autre logique, une logique mathématique, du calcul, des chiffres. Et je dirais que les systèmes d’éducation formatent les esprits, faisant voir la réalité de façon compartimentée et séparée, au lieu de permettre de comprendre et de tisser les liens.
« Les systèmes d’éducation font voir la réalité de façon compartimentée et séparée au lieu de tisser les liens »
Les liens les plus importants aujourd’hui sont ceux qui unissent les humains dans la même communauté de péril qu’est la planète. Nous sommes tous confrontés, dans tous les continents, au danger écologique, à la dégradation de la biosphère ; nous avons une économie non régulée qui accroît les inégalités entre les pauvres et les riches. Nous avons des situations où, dans l’angoisse, des populations se renferment sur leur identité particulière et dès lors, ont peur de l’étranger, des migrants, de l’autre, etc. Les peurs mutuelles et les fanatismes se développent, comme vous le voyez, un peu partout.
Nous sommes donc dans une situation extrêmement inquiétante, et il n’est pas sûr que les forces positives dont je vous parle triomphent. Je suis un homme extrêmement âgé, et mon adolescence a été celles des années 1930 à 1940, celles de l’avant-guerre, une époque où il y avait d’un côté la crise du capitalisme, une crise mondiale épouvantable et où il y avait la crise de la démocratie parce qu’elle était victime elle-même de scandales énormes et était dans une impuissance totale. Se présentaient donc comme solution deux monstres, le fascisme et le nazisme, et le communisme stalinien – avec les procès de Moscou. Et dans cette situation, nous étions quelques-uns à chercher la troisième voie qui éviterait la guerre. Mais dès que celle-ci est arrivée, tout s’est écrabouillé et on n’a rien pu faire. Donc, je sais qu’on a des espoirs, mais l’espoir, ce n’est jamais la certitude.
Quelle est votre conviction profonde pour la société qui advient ? Peut-elle devenir meilleure ?
Ma conviction profonde est que, si je regarde le futur – qui est inconnu, parce que toujours l’inattendu arrive – les probabilités sont à la continuation de toutes les dégradations. Bien entendu, les optimistes disent : « il y aura les robots qui feront tout, il y aura des gens qui vivront extrêmement vieux », etc. Comment cela sera-t-il possible si l’humanité commence à s’entre-tuer dans une nouvelle guerre mondiale, avec cette fois des possibilités nouvelles d’extermination qui n’existaient même pas encore lors la dernière ? Certains avancent qu’une petite élite se sauvera au Tibet ou en Australie, mais il n’y en aura que quelques-uns qui pourront bénéficier de ces possibilités. Donc, je dirais que l’avenir est extrêmement inquiétant dans sa probabilité.
Mon expérience du passé, c’est que l’improbable arrive. Je suis de ceux qui ont vécu alors que l’Allemagne nazie dominait l’Europe d’une façon qui semblait définitive, Hitler avait pratiquement conquis la Russie et l’Europe et a été simplement arrêté par l’hiver devant les portes de Moscou. En quelques jours, ils ont réussi à sauver Moscou et à faire la première victoire soviétique contre les Allemands et deux jours après il y a eu Pearl Harbor et l’Amérique entrait dans la guerre : donc l’improbable est devenu probable. Je crois personnellement aux possibilités de l’improbable !
J’en viens maintenant à ma position essentielle : je ne pense pas qu’on puisse fabriquer ou plutôt élaborer un modèle de société future. S’il y a une société future meilleure, elle s’élaborera d’elle-même par des processus positifs. Je pense que l’on peut indiquer quels sont des processus positifs qui vont vers cet état de choses, mais on n’est pas sûrs qu’ils vont se réaliser.
« S’il y a une société future meilleure, elle s’élaborera d’elle-même par des processus positifs »
Ma conviction profonde, c’est que l’on s’inscrit dans une histoire incroyable qui est celle de l’humanité, qui a commencé avant même que l’on soit homo sapiens, il y a des millions d’années. Nous sommes inscrits dans une histoire qui a vu des sociétés primitives, des civilisations formidables, merveilleuses et horribles, et… qui sont toutes mortes. Cette histoire qui aujourd’hui se poursuit à travers la mondialisation, à travers les sacrifices, les beautés, les horreurs etc., qui elle-même est une suite de l’histoire de la vie et peut-être du monde.
Quand je considère cette histoire de la vie et de tout l’univers, j’y vois le conflit permanent et inextinguible entre ce qu’on peut appeler Eros et Thanatos, c’est-à-dire entre les forces d’amour qui sont des forces de liaisons, d’associations, de reliance, et les forces de mort qui sont les forces de dispersion, de dégradation et de destruction.
Vous avez cela dès le début avec le fait que la matière se soit créée par association dans les atomes et en détruisant l’antimatière. Dès le début, vous avez à la fois ce que disait Héraclite : la Concorde et la Discorde, et – ce qu’a repris Freud – je dirais la lutte inextinguible entre Eros et Thanatos. Cette lutte, elle continue dans le genre humain maintenant, et nous ne savons pas quel est l’avenir. Nous espérons en une voie nouvelle. J’ai même écrit un livre qui s’appelle « La Voie ». Mais, même si cette voie ne se réalise pas, je m’inscris de toute façon du côté d’Eros dans cette lutte permanente contre Thanatos et cela doit donner du tonus et de l’espoir !
Que souhaitez-vous transmettre aux jeunes ?
Leur dire que la plus grande leçon de l’histoire, c’est que l’on ne tire pas les conséquences des leçons de l’histoire. Mon message, c’est de vivre ! Quand j’ai fait de la résistance, c’était dangereux, c’était embêtant, mais en même temps je sentais que j’avais choisi de vivre plutôt que de survivre. C’est-à-dire que la chose qui est importante, c’est : Vivez ! Luttez ! Aimez ! Associez-vous ! Eduquez ! Résistez aux choses les plus terribles ! Même dans les époques désespérées, il faut tenir ce message.
Je rêve que les beautés de la vie se déploient le plus possible et que les horreurs de la vie soient inhibées le plus possible. C’est cela mon souhait. Mais nous sommes tous des somnambules, nous vivons à moitié dans le rêve et c’est cela aussi qu’il faut comprendre. Je ne parle plus d’utopie, c’est-à-dire que ma façon de penser ne peut plus se situer dans l’alternative entre le réalisme et l’utopie. Pourquoi ? Parce que je pense qu’il y a deux types d’utopie : l’utopie folle, celle qui pense à l’harmonie totale. Je pense que celle-ci est impossible car la discorde, Thanatos, est toujours présente. On peut améliorer les choses mais on n’atteindra pas la perfection. D’ailleurs, la perfection n’est pas possible dans l’univers : s’il était parfait, il n’existerait pas.
« Ma façon de penser ne peut plus se situer dans l’alternative entre le réalisme et l’utopie »
En revanche, il y a la bonne utopie : c’est l’utopie qui nous dit que certaines choses sont tout à fait possibles, mais que toute une série de conditions actuelles les rendent impossibles. Il est possible de nourrir correctement tous les gens de la planète. Nous avons les moyens agricoles, techniques, etc., pour cela ; il est possible de faire la paix mondiale entre les nations. Nous avons tous les systèmes de communication pour cela. On voit très bien que ce sont les conditions psychologiques, sociologiques, économiques, des limites, des erreurs, des folies qui empêchent tout ceci. Donc, vous avez la bonne et la mauvaise utopie, comme vous avez le bon et le mauvais réalisme. Le mauvais réalisme, c’est de croire qu’on est dans l’immédiat et que tout va rester comme dans l’immédiat.
Le mauvais réalisme ignore qu’il y a des forces profondes et souterraines qui travaillent les sociétés, ce qu’Hegel appelait « la vieille taupe », qui brusquement les font sauter. Il ne faut pas penser que l’on est dans un monde figé : le monde se transforme qu’on le veuille ou non. Et il faut jouer sur des forces de transformation, c’était mon maître le philosophe Bernard Groethuysen, qui disait : « Etre réaliste, quelle utopie ! ». Ainsi, les mots d’utopie et de réalisme doivent être pris dans un sens complexe, c’est-à-dire double, ambigu l’un comme l’autre. Voilà ma conception.
Voir aussi l’Appel d’Edgar Morin http://changeonsdevoie.org/
‘Monsantoren eskuliburua: zientzialarien lana desitxuratu, pozoia saltzen jarraitzeko
Unai Brea
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Urriaren 25ean glifosato herbizidaren merkaturatze-baimena luzatu edo eteteaz bozkatuko dute Europar Batasuneko estatu kideek. Aurtengo abenduaren 31n iraungiko da gaur egun indarrean dagoen baimena, eta Europako Batzordeak beste hamar urterako berritzea proposatu du, 2015ean IARC erakundeak –minbizia aztertzen duen OMEren menpeko organismoa– glifosatoa seguraski kantzerigenoa dela esan arren.
Europan abiarazitako Herri Ekimen Legegileak 1.300.000 sinadura baino gehiago helarazi dizkio Europako Batzordeari, glifosatoa debekatzeko eskatuz. Batzordeak, haatik, haren merkaturatze-baimena hamar urtez luzatzeko proposatu du.
IARCen iritziari kontra eginez, hainbat europar agentziak, tartean elikagaien segurtasunaren zaindari den EFSAk, adierazi dute ez dagoela arrazoirik glifosatoa –munduan gehien saltzen den herbizida– kaltegarria denik esateko. Azken hilabeteetan, ordea, EFSAri berari eta Europan substantzia kimikoen segurtasunaz arduratzen den ECHAri leporatu izan zaie hainbat ikerlan kontuan hartu ez izana beren ebazpena egiterakoan.
Monsantok aspalditik zekien
Salaketa horien azken pasartea joan den urriaren 4an gertatu zen. Egun hartan, AEBetan Monsantoren aurkako auzia abiarazi duten zenbait pertsona –denak minbiziak jota– Bruselan izan ziren, euren abokatu eta guzti, europar agintariei eskatzeko aintzat har dezatela glifosatoaren arriskuaz berriki zabaldu den ebidentzia.
Desklasifikatutako Monsantoren dokumentuetan ikus daiteke konpainiak aspalditik zuela glifosatoaren toxikotasunaren berri
Monsantoren aurkako auzibidearen karietara multinazionalaren barne agiri ugari –Monsantoren paperak izena eman zaie– desklasifikatzeko agindu du epaitegi estatubatuar batek. Horietan argi ikusten da enpresak aspalditik zuela bere produktu nagusietako baten toxikotasunaren berri. Konpainiak 1999an eskatutako ikerlan baten ondorio modura, James Parry toxikologoak Monsantori ohartarazi zion glifosatoak zeluletan mutazioak eragiteko gaitasuna zuela, eta ondo aztertu beharko litzatekeela haren formulazio komertzialak, enpresak Roundup markapean saltzen duenak, zer eragin eduki dezakeen.
Parryren ikerlana ez zen sekula argitaratu, eta haren gomendioak ez ziren aintzat hartu. Baina transnazionalak bazekien glifosatoa arriskutsua izan zitekeela, Monsantoren paperen artean dagoen agiri batek argi uzten duenez. Donna Farmer, konpainiako toxikologo batek, honakoa idatzi zuen 2002an: “Ezin dugu esan Roundup-ak minbizia eragiten ez duenik. Ez dugu haren kartzinogenitate azterketarik egin”.
Zientzialarien ospea auzitan jartzen
Monsantok bere ikerlanen emaitzak estali zituen isil-isilik, baina aldiz, zalaparta handia eragin zuen IARCek 2015ean esan zuenean glifosatoa seguraski minbizi-eragilea dela gizakiengan. Agentzia horretako hainbat arduradunen esanetan, glifosatoari buruzko ebazpenak atea ireki zion beren aurka sekula ikusi gabeko erasoaldiari.
2016ko apirilean, Reuters agentziak argitaratutako artikulu batek zalantzan jarri zituen IARCek substantzia minbizi-eragileen sailkapena egiteko darabiltzan irizpideak, eta beren-beregi kritikatu zuen zerrenda horretan glifosatoa jarri izana.
Artikuluaren edukiak zabalpen handia izan zuen mundu osoko hedabideetan. Luze gabe jakin zen –baina ez horrenbeste zabaldu– haren egilea, Kate Kelland, Monsantok hautatutako eta emandako materialean oinarritu zela. Bestalde, Kellandek “zientzialari independente” modura aurkeztutako Bob Tarone Monsantoren ordainpeko aholkularia da. Carey Gilliam Reuterseko kazetari ohiak azaldu zuenez, Kellandek berak lagundu egin zuen Science Media Centre taldea sortzen; haren helburua da zientzialari eta kazetari jakin batzuk –esaterako, Tarone eta Kelland– harremanean jartzea, eta agrokimikoen arloko konpainietatik eskuratzen du finantzazioaren zati handi bat, Monsanto barne. Hemerotekara bisitatxo azkarra egitea aski da ohartzeko Kellandek artikulu ugari sinatu dituela Reutersen, IARCek glifosatoarekiko ebatzitakoa gogor kritikatuz.
« Junk science »
Reutersen artikulua kanpaina handi baten adibide bakana baino ez da, Le Monde egunkarian Stéphane Horel eta Stéphane Foucart kazetariek argitaratutako ikerketa-lan baten arabera. Lehenik eta behin, Monsantok adierazi zuen IARCen erabakia zientzia txarraren ondorioa izan zela. Zehazki, ingelesezko junk science esamoldea erabili zuten.
Beren interesen kontra doazen ikerlanak zientzia txartzat jotzea konpainia handien eskuliburuan ageri den lehen urratsa da aspalditik; taktika horren bidez lortu zuen tabakoaren industriak, hainbat hamarkadaz, saltzen dituen produktuen eta minbiziaren arteko lotura ezkutatzea, edo behintzat zalantza piztea, eta geroztik sistematikoki erabilitako metodoa izan da. Monsanto da adibiderik argienetakoa, hain zuzen.
IARCek inoiz ez bezalako erasoaldia jasan du 2015ean glifosatoa seguraski minbizi-eragilea dela ebatzi eta gero
Missouriko multinazionalak hedabideetan mezu hori zabaldu bitartean, bere abokatuek gutunak bidali zizkieten IARCerako glifosatoari buruz azterlanak egindako zientzialariei, beren dokumentuak bidaltzeko eskatuz. AEBetakoak, horrez gain, epaitegietara eraman zituzten. Aldi berean, hazien eta pestiziden alorreko lobbyek IARCen erabakiaz kexak bidali zituzten erakundea finantzatzen duten organismoetara.
Armada txiki bat Monsantoren egia zabaltzen
Monsantoko exekutiboek eurek azaldu dute badutela Let nothing go izeneko lan-ildo bat, funtsean konpainiak jasotzen dituen kritika guzti-guztiei erantzutean datzana. Horren arabera, Monsantok, beste enpresa batzuen bitartez, itxuraz industriarekin loturarik ez duten pertsonak kontratatzen ditu, hedabide eta sare sozialetan multinazionalaren produktuak eta jarduerak defendatzeko, eta haren aurkariei erasotzeko.
Ez daude lan horretan bakarrik. Sigla zopa baten atzean aurkitu daiteke pestiziden, hazien eta sintetiko kimikoen alorretako industriaren interesak defendatzen dituzten talde ugari; IARCen eta harekin lankidetzan dabiltzan beste erakundeen aurkikuntzak kritikatzen dituzte etengabe, ikerketen emaitzak zalantzan jarriz.
EFSAren independentzia ezbaian
Monsantoren paperen artean badira konpainiaren eta AEBetako Ingurumen Agentziaren (EPA) arteko lotura estuak erakusten dituzten zenbait mezu. Urriaren 4an Bruselara joan ziren Monsantoren aurkarien abokatuek iradoki egin zuten Europan gauza bera gerta litekeela. Gaur-gaurkoz horren froga zehatzik ez badago ere, irailean The Guardian-ek argitaratutako artikulu batek erakusten zuen glifosatoa segurutzat jotzen duen EFSAren txostenaren zenbait pasarte Monsantok idatzitakoen berdinak direla, hitzez hitz.
Bestela ere, EFSAren independentzia auzitan jarri da behin baino gehiagotan. Lobbyen jarduna behatzen duen CEO gobernuz kanpoko erakundeak ekainean argitaratua du txosten bat, esanez EFSArako lanean dabiltzan zientzialarien erdia inguruk elikagaien industriarekin loturaren bat duela.