Face aux politiques d’austérité et au chômage : comment créer des millions d’emplois pour le climat
Maxime
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José Bové : « L’écologie n’est pas un supplément d’âme, c’est une transformation complète de la manière de penser l’économie »
Agnès Rousseaux, Sophie Chapell
www.bastamag.net/Jose-Bove-L-ecologie-n-est-pas-un-supplement-d-ame-c-est-une-transformation
« La démographie n’est pas responsable de la crise écologique »
Jean-Pierre Tuquoi
www.reporterre.net/La-demographie-n-est-pas
Face aux politiques d’austérité et au chômage : comment créer des millions d’emplois pour le climat
Maxime
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Le chômage vient de battre un nouveau record historique. Le gouvernement salue une « amélioration de la tendance », mais rien ne semble enrayer l’accroissement du chômage. Pourtant, de nombreuses études montrent que la lutte contre les dérèglements climatiques pourrait générer de nombreux emplois. Plus de 10 000 pour le seul Pays Basque, selon une étude publiée par le collectif altermondialiste Bizi ! à la veille du 1er mai. Au Royaume-Uni, syndicats et organisations écologistes s’allient pour encourager la création d’un million d’emplois dans les énergies renouvelables, les transports et la rénovation des bâtiments. Tour d’horizon des propositions.
La question n’est pas nouvelle : peut-on concilier lutte contre le changement climatique et création d’emplois ? Dans son rapport de 2006, Nicholas Stern, ancien responsable de la Banque mondiale, avait voulu frapper les esprits : sans une action radicale des gouvernements, le réchauffement climatique pourrait coûter jusqu’à 5 500 milliards euros et détruire des dizaines de millions d’emplois. En évoquant un coût supérieur à celui des deux guerres mondiales et à celui de la Grande Dépression de 1929, l’étude visait à montrer qu’il valait mieux, du point de vue de l’économie mondiale, agir pour le climat que rester inactif.
L’argument n’a pas suffi : l’inertie perdure concernant les négociations sur le climat (voir notre article) et les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) continuent de s’accroître. La lutte contre les dérèglements climatiques suppose des mutations économiques. Un sujet qui reste controversé : quels seront les effets sur l’activité économique, sur les entreprises les plus polluantes et sur les emplois qui en dépendent ? Comment assurer que les opérations de conversion industrielle ne soient pas de simples délocalisations vers d’autres pays ? Ou des opérations menées au détriment des salariés de ces entreprises ?
Alliance inédite entre syndicalistes et écologistes au Royaume-Uni
C’est à cette question que tente de répondre une alliance de syndicats et d’organisations écologistes qui, au Royaume-Uni, ont lancé une campagne intitulée « un million d’emplois pour le climat » (One million climate jobs). Elle vise à convaincre qu’une action résolue en matière de climat créera beaucoup plus d’emplois que la reconversion du secteur industriel n’en détruira. Pour éviter que les syndicats ne défendent les emplois des secteurs qui doivent être reconvertis, les promoteurs de cette campagne proposent que les salariés soient assurés de conserver un emploi.
Le terme de « climate jobs » (emplois pour le climat) de cette campagne, préféré à celui de « green jobs » (emplois verts), n’a pas été choisi par hasard. Il s’agit de mettre en avant des emplois qui assurent une véritable réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un moyen également de se démarquer des opérations de greenwashing par lesquelles des entreprises et des institutions internationales repeignent en vert des activités problématiques du point de vue du climat et de la protection de l’environnement (« charbon propre », « voiture propre », nucléaire, etc.).
Rendre désirable la lutte contre les dérèglements climatiques
Pour les promoteurs de cette campagne, les trois principaux secteurs créateurs d’emplois au Royaume-Uni seraient la production d’énergies renouvelables (425 000 emplois), les transports (300 000) et la rénovation des bâtiments (175 000). Ces emplois, publics et nouveaux, pourraient coûter 52 milliards de livres par an (71 milliards d’euros). Les recettes attendues par la création d’emplois directs et indirects (21 milliards de livres) et par l’augmentation de l’activité (13 milliards) compenseraient pour partie ce coût initial. Les initiateurs de la campagne proposent de renforcer l’imposition sur les plus riches et de créer une taxe sur les transactions financières pour financer le reste.
« Si nous conjuguons justice sociale et action pour le climat, les gens se battront pour cet avenir », a récemment confié Naomi Klein à Basta ! (voir notre interview). Pour la campagne « One million climate jobs », il s’agit de rendre désirable la lutte contre les dérèglements climatiques, parce qu’elle permet la création d’emplois. Et de construire des alliances fortes entre les organisations écologistes et les syndicats.
600 000 emplois, selon le scénario Negawatt
On peut reprocher à cette campagne d’avoir transformé une question compliquée en un objectif chiffré, pour en faire un slogan. L’ordre de grandeur est néanmoins confirmé par d’autres études. Ainsi, en France, le scénario de transition énergétique Négawatt, s’il devait être mis en œuvre, pourrait créer jusqu’à 600 000 emplois d’ici à 2030 selon une étude du Cired. Rénovation du bâti, développement de filières renouvelables et lutte contre la précarité énergétique seraient de nature à inverser la courbe du chômage – ce que le gouvernement ne parvient pas à faire – tout en répondant aux défis climatiques. Des emplois qui, par ailleurs, seraient non délocalisables et ancrés sur les territoires.
Une approche par territoire que vient de mener le collectif altermondialiste Bizi ! : il a fait réaliser une étude qui montre que d’ici à 2030, dans le Pays Basque nord, « près de 6 750 emplois peuvent être créés dans différents secteurs soutenables et près de 3 250 autres emplois à travers la relocalisation de secteurs économiques comme celui de l’agriculture et du commerce ». Soit 10 000 emplois, alors que ce territoire de 290 000 habitants comptait 15 883 demandeurs d’emploi de catégorie A (sans aucune activité au cours du dernier mois) en janvier 2015. Ce qui reviendrait à diviser par trois le chômage dans la région.
Énergies renouvelables, mobilité durable, recyclage…
S’appuyant sur des rapports de l’Organisation internationale du travail et diverses études disponibles portant sur l’économie de la région, ce travail montre que des mesures concrètes peuvent changer la donne, tant en termes d’emplois que de climat. Bizi ! affirme avoir décidé de se limiter aux « politiques réalisables localement, ne dépendant pas de changements législatifs hexagonaux ». Ainsi, la réduction du temps de travail a été laissée de côté. Les estimations retenues sont également fonction de la réalité du territoire basque : le potentiel éolien, minime, n’a par exemple pas été pris en compte.
Malgré des hypothèses restrictives, plus de 3000 emplois pourraient voir le jour dans le développement des sources locales d’énergie renouvelable : solaire photovoltaïque et thermique, biomasse, géothermie, etc. Et plus de 600 pour réhabiliter un parc de 33 000 logements dans un délai de 10 ans. Le développement d’une politique de « mobilité durable », s’appuyant sur un usage accentué des transports en commun (bus urbain, ferroviaire inter-urbain etc.), du vélo et un redéploiement du fret ferroviaire dans la région pourrait générer plus de 400 emplois. Les secteurs des déchets, de l’agriculture et de la gestion des ressources naturelles viennent compléter le total des 6750 nouveaux emplois soutenables.
Plus délicat, l’étude réalisée par Bizi ! tente d’évaluer le nombre d’emplois qui pourraient être créés par la relocalisation d’activités agricoles et commerciales. Il est difficile de tenir compte de l’ensemble des facteurs et de bien cerner quels sont les leviers disponibles pour faciliter l’implantation de producteurs locaux et la modification des pratiques de consommation. En considérant qu’une partie de la production de lait et de légumes devait être produite sur le territoire, l’étude fixe un objectif de près de 1300 emplois liés à la relocalisation d’activités agricoles. Ce volontarisme et cette ambition sont également affichés en matière de développement du petit commerce, puisque l’étude fixe un objectif de près de 2000 créations d’emplois, allant de pair avec la disparition de 60 % des grandes surfaces au Pays Basque.
Quelles productions pour satisfaire quels besoins ?
Et le financement ? Cette première étude n’apporte pas d’éléments chiffrés. C’est pourtant une question-clé, notamment pour créer et pérenniser les emplois qui ne génèreront pas immédiatement de revenus supplémentaires suffisants. Mais le financement doit également être comparé au coût du maintien dans le chômage d’une part grandissante de la population et au coût des autres plans de création d’emplois. Les propositions de cette étude reviendraient à « trois à cinq fois moins cher que les emplois espérés via le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ndlr) » mis en place par le gouvernement de François Hollande, souligne Txetx Etcheverry de Bizi !.
Bizi ! ne s’en cache pas. Cette étude n’est qu’une contribution au débat qui doit se développer autour de l’avenir du tissu économique et de la satisfaction des besoins des populations vivant au Pays Basque : quelles productions pour satisfaire quels besoins, le tout sans dépasser la capacité écologique du territoire ? Cette étude a donc vocation à être discutée, amendée et complétée tout au long de l’année. Néanmoins, considérant qu’elle « dessine une vraie politique de transition pour le Pays Basque nord », Bizi ! organise le 1er mai un cortège « festif et revendicatif pour appuyer ces 10 000 emplois climatiques ». Et invite l’ensemble des « acteurs de la vie politique, économique, sociale, environnementale et culturelle » à se saisir du sujet.
José Bové : « L’écologie n’est pas un supplément d’âme, c’est une transformation complète de la manière de penser l’économie »
Agnès Rousseaux, Sophie Chapell
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Aujourd’hui l’écologie est un peu perçue comme « punitive », subie, ou comme une écologie de résistance, et non comme un projet désirable, qui attire, qui ne soit pas dans une logique défensive. Où peut se construire cette vision positive de l’écologie ?
Être radical n’empêche pas d’être pragmatique. La lucidité ne doit pas amener à rester chez soi ou à s’opposer systématiquement. J’essaie d’être pragmatique, c’est-à-dire d’utiliser tous les espaces possibles – y compris avec le gouvernement. Si demain nous avons une ligne claire du gouvernement, qui donne des garanties sur certains sujets, pourquoi ne pas essayer ? Je ne suis pas contre. Si demain un vrai projet de transition énergétique est sur la table, je dirais : « Je ne pensais pas que vous le feriez, mais banco, allons-y ». Ce n’est pas parce que c’est difficile et qu’on voit tous les écueils, qu’il ne faut pas tenter d’avancer dans chaque espace possible.
(…)
La conférence sur le climat (COP21), en décembre, sera un test. Des mouvements, des associations, des forces politiques, qui considèrent le climat comme une question centrale, seront-ils capables de se rassembler, d’agir ensemble ? Serons-nous capables d’insuffler une dynamique jusqu’au mois de décembre, de mobiliser 300 000 ou 400 000 personnes dans la rue à Paris, à la veille de l’ouverture du sommet ? L’enjeu est là. Il ne suffit pas d’avoir raison sur le fond. Il faut être en capacité d’entrainer les gens et de faire un « Seattle du climat ». Il faut qu’il y ait une pression des citoyens pour obliger les gouvernements à agir, pour les obliger à ne pas céder en permanence à tous les lobbys. Si on réussit une large mobilisation, si les gens sont capables de s’écouter – et pas de se regarder en chiens de faïence en partageant un minimum de points communs –, nous aurons peut-être un espace pour faire quelque chose. Ce Sommet sur le climat est une chance, il peut être un test grandeur nature de notre capacité collective à faire bouger les lignes.
Que peut-on attendre des négociations lors de la COP21 ?
Rien de contraignant ne va sortir de cette COP. Depuis le Sommet de Kyoto en 1997, on sait que cela ne fonctionne pas. Ce sera au bon vouloir des États, et nous ressortirons avec un catalogue de promesses de chaque État. Et lorsque nous ferons l’addition des catalogues, on se dira : « Oui, cela va dans le bon sens ». Sauf si les citoyens se mobilisent. Mais je suis assez sceptique. Cette mobilisation doit permettre de dire que cette affaire nous concerne, que les États sont discrédités dans leurs façon de l’aborder. L’Union européenne n’a pas de compétence sur l’énergie, comment pourrions-nous construire un projet commun au 28 pays membres ? L’Europe, c’est 500 millions d’habitants. Si nous faisons bouger cet espace sur les questions énergétiques, l’impact sera très important en terme de lutte contre le réchauffement climatique. Une politique commune de l’énergie est essentielle, notamment une politique commune de sortie des énergies carbonées.
En France et en Europe, il y a moins de climatosepticisme qu’aux États-Unis, mais on a l’impression que des « fossoyeurs de bonnes solutions » mettent systématiquement en échec toutes les solutions…
A la Commission européenne et au Parlement européen, il y a une connivence très forte entre les instances de décision et les grands groupes industriels. Sur les questions économiques, madame Thatcher disait : « Il n’y a pas d’autre solution ». Les grands groupes jouent aujourd’hui ce rôle vis-à-vis des instances politiques, en affirmant : « C’est comme cela qu’il faut faire, il n’y a pas d’autres possibilités ». C’est une forme d’enfermement, on n’ouvre absolument plus les espaces de possibles. Comme s’il n’y avait qu’une seule solution : les réductions des émissions de CO2 sont conditionnées aux déclarations de l’industrie du charbon, de l’automobile, et aux menaces de licenciements. On pourrait avoir une organisation du travail différente avec des emplois dans d’autres secteurs. Mais ce n’est pas le logiciel de ces intérêts corporatistes, privés.
Ce n’est pas un problème de conviction pour les citoyens : ils sont prêts à entendre, comprendre, ils voient des conséquences dans leur vie quotidienne. Quand on habite près d’une côte, on voit bien comment le climat bouge. Les responsables politiques, comme les dirigeants d’entreprises, sont issus des mêmes générations, des mêmes écoles, ne tiennent absolument pas compte de la nécessaire révolution pour faire face à ce changement climatique. L’écologie est « ajoutée » à un autre discours – discours d’entreprise, socialiste, libéral, de droite, nationaliste (puisque maintenant il existe même une « écologie patriotique ») – dans un discours idéologique. Mais elle n’est pas un supplément d’âme, un supplément au socialisme… L’écologie est une transformation complète de la manière de penser l’économie, de penser le rapport à la nature et à l’environnement, c’est quelque chose de radicalement différent.
A ceux qui doutent du politique, qui s’abstiennent, qu’avez-vous envie de dire ?
Nous avons une responsabilité collective – ceux qui sont membres de partis, ceux qui sont élus, responsables dans des associations. Nous devons dépasser la logique où chacun a raison tout seul. C’est une spécialité très française. Nous avons beaucoup de mal en France à nous rassembler pour mener les combats, il y a une méfiance mutuelle face à de possibles récupérations. L’urgence climatique nous oblige à construire des réseaux beaucoup plus larges. Si nous sommes d’accord sur les constats, que l’on soit radical ou pragmatique, utilisons tous les espaces et outils possibles pour faire bouger ensemble les lignes.
« La démographie n’est pas responsable de la crise écologique »
Jean-Pierre Tuquoi
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Avec Une planète trop peuplée ? Le mythe populationniste, l’immigration et la crise écologique, Ian Angus et Simon Butler réfutent le courant de pensée qui pose la « bombe démographique » comme responsable de la crise écologique. Un ouvrage fort et argumenté qui juge que le dérèglement climatique ne résulte pas d’une population trop nombreuse, mais du système capitaliste.
En 2050 la population mondiale devrait dépasser 9 milliards d’habitants. En un siècle elle aura donc été multipliée par trois. Si les prévisions de l’ONU sont exactes, elle se stabilisera vers 2100 – encore que rien ne le garantit tant la démographie à long terme fait mentir les spécialistes.
Existe-t-il un lien entre la croissance très forte de la population mondiale dont nous sommes témoin et la dégradation de l’environnement ou, pour faire référence à un sujet d’actualité, le dérèglement climatique ? Autrement dit, « les gens sont-ils le problème » ? C’est autour de cette question que tourne le livre de Ian Angus et Simon Butler, publié en 2011 aux Etats-Unis sous le titre Too many people, et qui vient de faire l’objet d’une traduction française venue du Canada.
La « bombe démographique »
Que la « bombe démographique » soit responsable de la crise écologique est une antienne ancienne, couramment répandue y compris dans certains milieux écologiques. Elle repose sans l’avouer sur une représentation de l’homme comme étant nocif pour l’environnement. Réduire le nombre des humains serait donc la meilleure façon d’atténuer les dégâts infligés à la Terre.
Un scientifique réputé comme le britannique James Lovelock (concepteur de la théorie Gaïa) constitue un exemple caricatural de ce courant de pensée. A l’en croire, « il serait sage d’opter pour une population stabilisée d’environ un demi-milliard d’individus ». Il préconise même d’aménager en « refuges sûrs pour une humanité civilisée » les zones terrestres « les moins à même de subir les effets délétères du changement climatique ».
Ian Angus et Simon Butler s’emploient à réfuter les arguments d’un courant populationniste très influent dans les pays anglo-saxons. Ils le font de manière honnête et serrée, sans caricaturer la pensée de leurs adversaires mais en essayant d’en démontrer, chiffres à l’appui, les erreurs et les présupposés.
Il ne s’agit pas de nier, écrivent-ils, que la croissance démographique pose « le moindre problème social, économique ou écologique ». Ni que l’expansion démesurée des villes ne peut continuer : près de quarante dépassent aujourd’hui dix millions d’habitants !
Là où les populationnistes se trompent, ajoutent-ils, c’est en mettant sur le compte de la seule démographie la cause des déséquilibres environnementaux : « Tous les arguments populationnistes élaborés [depuis Malthus] se fondent sur l’idée que notre nombre détermine notre sort, que la démographie scelle notre destin. La faim, la pauvreté et la destruction écologique sont présentées comme des lois naturelles. »
Or les statistiques sont trompeuses et illusoires. Elles fournissent des chiffres mais ne décrivent pas une réalité toujours plus complexe. Comme le dit une ancienne responsable de l’UNESCO, Lourdes Arizpe, citée dans l’ouvrage : « Le concept de population en tant que nombre de corps humains n’a que peu d’intérêt pour comprendre l’avenir des sociétés dans le contexte mondial. C’est ce que font ces corps, ce qu’ils prennent et rendent à l’environnement, leur usage de la terre, des arbres et de l’eau (…) qui sont d’une importance cruciale. »
Ne pas se tromper d’adversaire
Dans cet ordre d’idée les deux auteurs dénoncent des jugements hâtifs, des idées toutes faites qui contribuent à cacher la vérité. Ainsi, écrivent-ils, il est de bon ton de fustiger le consommateur américain qui « consomme 5 fois plus que le Mexicain moyen, 10 fois plus que le Chinois moyen et 30 fois plus que l’Indien moyen » avant d’aboutir à la conclusion « qu’on ne sauvera le monde que si l’on peut persuader l’ « Américain moyen » de réduire considérablement sa consommation, de moins manger, de moins conduire, de moins dépenser ».
Penser cela, précisent Ian Angus et Simon Butler, c’est se tromper d’adversaire : « La consommation individuelle n’est pas une cause majeure de destruction environnementale (de sorte) qu’une modification dans le comportement des individus ne fera au mieux qu’une différence minime ». Autrement dit, éteindre la lumière d’une pièce inoccupée au moment de la quitter ou laisser sa voiture au garage n’a que peu d’intérêt.
Une telle conclusion risque de faire grincer des dents parmi les écologistes. Mais les auteurs ont assuré leurs arrières en s’appuyant sur une donnée chiffrée rarement mise en avant : les émissions de gaz à effet de serre en fonction du secteur directement émetteur et non de l’utilisateur final ou de l’activité finale. Or cela change tout.
L’essentiel des émissions de gaz à effet de serre est le fait de l’industrie et du commerce, et non du consommateur qui se trouve ainsi en partie dédouané. Qui plus est, rappelle le duo, il y a Américain et Américain, ceux qui vivent dans l’opulence et consomment à outrance, et ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. « Il est difficile de soutenir l’idée que les gens dépensent avec excès lorsqu’on observe l’évolution du revenu d’une majorité d’Américains (…) depuis 40 ans (…) En dollars constants, le revenu moyen des 90 % les moins riches de la population a chuté de 4,5 % entre 1970 et 2002 ».
On devine où veulent nous conduire in fine les auteurs : à l’idée que le dérèglement climatique, comme tous les autres maux liés à l’environnement, résulte du système capitaliste et de lui seul. Ce qu’il faut pour s’en sortir c’est remonter à la source, changer de système économique, jeter le capitalisme par-dessus bord et opter pour « l’écosocialisme ».
Et de conclure : « L’obstacle principal dans la transition vers une société écologique n’est pas une insuffisance technologique ou financière, encore moins une population trop nombreuse. Les entraves sont politiques et économiques : les gouvernements et la grande industrie bloquent le passage à l’action. (…) La quête incessante du gain immédiat, sans se soucier de ses conséquences à long terme, s’inscrit dans le fonctionnement même du système. » .
Voilà qui n’est guère rassurant pour la suite.
Une planète trop peuplée ? Le mythe populationniste, l’immigration et la crise écologique, de Ian Angus et Simon Butler, Préface de Serge Mongeau, Ed écosociété, 301 pages, 20 euros.