Articles du Vendredi : Sélection du 4 novembre 2011

Les changements climatiques accroissent les risques d’événements climatiques extrêmes

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/les-changements-climatiques-accroissent-les-risques-d-evenements-climatiques-extremes,25729 02.11.2011

« Le vrai risque pour l’avenir : la surconsommation »

Frédéric Julien, doctorant en science politique (université d’Ottawa) et chercheur invité au département de géographie du King’s College London
Le Monde de 01.11.2011

Attac et les Amis de la Terre passent au crible les pratiques de dix banques

Aude Lasjaunias
Le Monde de 03.11.2011

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Les changements climatiques accroissent les risques d’événements climatiques extrêmes

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/les-changements-climatiques-accroissent-les-risques-d-evenements-climatiques-extremes,25729 02.11.2011

Longtemps supposé, le lien entre changements climatiques et événements climatiques extrêmes est désormais avéré par le GIEC.

C’est la question à plusieurs centaines de milliards de dollars. A l’heure où la Thaïlande se noie sous des crues exceptionnelles, où les Etats-Unis sont victimes d’inhabituelles tempêtes de neige: les changements climatiques vont-ils accroître le nombre et la force des événements climatiques extrêmes ?

 

La semaine passée, à Denver, lors du sommet du programme mondial de recherche sur le climat (WCRP), la réponse brûlait les lèvres de nombre de climatologues.

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) devrait mettre tout le monde d’accord.

 

Hier, le prix Nobel de la paix 2007 a laissé fuité une partie du rapport qu’il doit formellement adopter, le 18 novembre, lors d’une réunion à Kampala. Ses conclusions ne sont guère surprenantes.

 

Sécheresse, inondations, cyclones et incendies: les désastres climatiques sont devenus à la fois plus fréquents et plus intenses sous l’effet du réchauffement global, et la tendance risque de s’aggraver, avertit le rapport Managing the Risks of Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change Adaptation (SREX, en jargon onusien). Ce que disait déjà le 4e rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2007.

 

Certes, l’impact du réchauffement climatique sur de tels événements dépend de leur nature et de leur répartition, très inégale, entre les différentes régions du monde. Et le niveau de confiance des prévisions formulées par les spécialistes varie selon la quantité et la qualité des données disponibles.
Mais les centaines de scientifiques ayant rédigé ce rapport pour le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), sont formels: les événements climatiques extrêmes seront globalement plus marqués et plus fréquents dans les décennies à venir, entraînant des dangers accrus pour la plupart des habitants de notre planète.

 

Selon le document, qui s’appuie sur des centaines d’études publiées ces dernières années, il est pratiquement certain, à 99% ou 100%, que la fréquence et la magnitude des records de chaleur quotidiens va augmenter à l’échelle de la planète au cours du 21e siècle.

 

 

Il est aussi très probable (90% à 100%) que la durée, la fréquence et/ou l’intensité des vagues de chaleur et des canicules continueront à augmenter dans la plupart des régions.
Les pics de température vont probablement (66% à 100% de certitude) augmenter par rapport à la fin du 20e siècle, jusqu’à 3°C d’ici 2050 et jusqu’à 5°C d’ici 2100.
De nombreuses zones, particulièrement les tropiques et les latitudes élevées, expérimenteront probablement des chutes de pluie et de neige plus intenses. Parallèlement les sécheresses vont s’aggraver en d’autres points du globe, notamment en Méditerranée, en Europe centrale, en Amérique du Nord, dans le nord-est du Brésil et en Afrique australe.
La hausse du niveau des mers et de leur température va aussi vraisemblablement rendre les cyclones plus destructeurs, tandis que la fonte des glaciers et du permafrost, alliée à des précipitations plus importantes, risque de déclencher davantage de glissements de terrain, explique le GIEC.

 

Selon le réassureur Munich Re, le coût des catastrophes climatiques, pour les assureurs, s’élève à 1.600 milliards de dollars depuis 1980. Un chiffre en progression de 11%, en moyenne, chaque année.


« Le vrai risque pour l’avenir : la surconsommation »

Frédéric Julien, doctorant en science politique (université d’Ottawa) et chercheur invité au département de géographie du King’s College London
Le Monde de 01.11.2011

Faut-il cette année convier le monstre de la surpopulation à la fête d’Halloween ? La question se pose alors que les Nations unies ont annoncé qu’au 31 octobre le genre humain franchirait la barre des 7 milliards de représentants. Il y a bien là un potentiel de frayeur : peut-être les Terriens deviennent-ils trop nombreux pour leur planète, certes accueillante, mais aux ressources limitées. Peut-être. Tout dépend d’une autre vilaine créature, autrement plus terrifiante : la surconsommation.

Ultimement, l’impact environnemental de l’être humain dépend du niveau de sa consommation de ressources naturelles et de sa production de déchets. Schématiquement, on peut se représenter cet impact comme étant fonction de deux variables : le nombre de consommateurs, et la consommation effectuée par chacun de ceux-ci. Toutes choses étant égales par ailleurs, une plus grande population ou une population de consommateurs plus gourmands signifie donc un plus grand impact environnemental.

Voilà donc les deux grands leviers avec lesquels jouer si l’on souhaite limiter la dégradation de l’écosystème planétaire. Or c’est la gourmandise des consommateurs plutôt que leur nombre qui représente le principal défi écologique de notre temps.

Mesurer l' »empreinte écologique » de l’activité humaine, soit la surface biologiquement productive de terre et d’eau nécessaire à un certain mode de vie, permet de s’en rendre compte. On réalise ainsi que, entre 1961 et 2007, l’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) a vu sa population augmenter de quelque 39 %, alors que son empreinte écologique, elle, a bondi de 160 %.

La spectaculaire progression de l’impact environnemental des Nord-Américains durant cette période doit donc d’abord et avant tout être attribuée à une hausse de la consommation de ressources par personne plutôt qu’à celle de la population. Avec pour résultat qu’en 2007 l’Amérique du Nord comptait pour 5 % de l’humanité, mais pour 17 % de son empreinte écologique.

Or c’est à un mode de vie de ce genre qu’aspire la majeure partie du reste du monde. Le défi écologique est là : à 7 milliards de Nord-Américains, la Terre serait effectivement surpeuplée.

Mais, si la croissance démographique cause moins de problème que celle de la consommation per capita (par tête), n’augmente-t-elle pas néanmoins la pression qu’exerce l’être humain sur son environnement ? Les choses ne seraient-elles pas tellement plus simples dans un monde moitié moins peuplé ?

Assurément. Sauf que les 7 milliards d’humains qui sont déjà là ne déménageront pas et qu’ils ont déjà largement commencé à s’attaquer au problème démographique : dans les soixante dernières années, le nombre d’enfants par femme est passé d’environ 6,0 à 2,5. Les prévisions à long terme doivent être considérées avec prudence, mais cette tendance lourde laisse espérer un monde où la population continuera de croître de moins en moins vite, jusqu’à l’atteinte d’un plateau avoisinant les 10 milliards d’habitants vers 2100.

Si tout n’est pas rose du côté de la croissance démographique, le tableau se noircit considérablement lorsqu’on considère la croissance de la consommation, laquelle ne montre pas les mêmes signes d’essoufflement. Virtuellement, tous les pays du monde, même les plus riches, visent une croissance économique maximale et infinie. D’ici à 2050, la taille de l’économie mondiale pourrait tripler.

En fait, contrairement à celle de la population, l’augmentation de la production économique devrait aller en s’accélérant : à l’horizon 2050, le taux de croissance de l’économie mondiale pourrait approcher les 3 %, comparativement à son niveau légèrement au-dessus des 2 % au cours des années 2000.

Mais ce n’est qu’un début. En 2050, malgré une croissance fulgurante, le revenu par habitant en Chine ne représentera peut-être que 32 % de celui des Etats-Unis, qui aura crû lui aussi. « Les possibilités de croissance additionnelle seront (donc) substantielles », comme le dit un rapport de prospective à l’horizon 2050 émanant de la banque HSBC.

Encore une fois, il faut prendre ce type de prévision avec prudence, mais la tendance est clairement inquiétante du point de vue écologique. Il faut aussi préciser que de meilleurs modes et techniques de production ont le potentiel de rendre la croissance économique future moins polluante que celle d’hier. Cependant, il n’en demeure pas moins qu’elle sera davantage alimentée par une hausse du revenu par habitant – l’équivalent d’un « permis de consommer » – que par celle du nombre de « bouches à nourrir », et qu’elle mènera à une forte croissance de l’impact environnemental de l’être humain. Surtout, alors que le baby-boom est derrière nous et que la fin de l’accroissement des effectifs de ce qui compose l’humanité peut au moins être espérée, aucune halte à la croissance économique n’est même envisagée.

Il convient de préciser pourquoi il est important d’insister davantage sur la surconsommation que sur la surpopulation. Après tout, ne peut-on pas s’attaquer simultanément aux deux problèmes ?

En principe, oui, et les efforts internationaux en matière de planification des naissances, tant qu’ils ne dérivent pas vers l’autoritarisme de la politique chinoise de l’enfant unique, sont louables. En fait, laisser aux femmes le contrôle de leur corps, améliorer leur accès à l’éducation et d’autres mesures qui favorisent la baisse de la natalité se justifient en elles-mêmes, quelles que soient leurs répercussions écologiques. Voilà bien ce qu’il y a de rassurant dans le dossier démographique : on sait à peu près ce qui peut être fait pour le gérer au mieux possible et il existe une volonté d’y arriver.

Ce n’est pas le cas du dossier de la consommation, et c’est pourquoi il faut en faire une priorité. Les plans d’action font défaut et, en vérité, rares sont ceux qui voient l’enrichissement infini d’un mauvais oeil. Il faut dire que ralentir le train de vie de l’humanité sans enfermer les pauvres « qui font des enfants » dans la misère nécessiterait certains sacrifices des riches « qui n’en font plus » : ce monstre-là est plus que terrifiant, il est pétrifiant.


Depuis 1820, le nombre d’humains a plus que quintuplé, tandis que le revenu par habitant a été multiplié par plus de huit. Produire la nourriture consommée par une personne en une journée, sur la base d’un régime alimentaire carné, typique en Occident, demande environ 5 000 litres d’eau, contre 2 700 litres pour un végétarien.

Attac et les Amis de la Terre passent au crible les pratiques de dix banques

Aude Lasjaunias
Le Monde de 03.11.2011

www.journaldelenvironnement.net/article/les-changements-climatiques-accroissent-les-risques-d-evenements-climatiques-extremes,25729 02.11.2011

A la veille de l’ouverture du G20, qui se tient à Cannes jeudi 3 et vendredi 4 novembre, et alors que la zone euro connaît une crise sans précédent, les organisations altermondialistes Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) et les Amis de la Terre ont publié un rapport dit de « notation citoyenne » sur dix banques opérant en France : BNP Paribas, Banques Populaires-Caisses d’épargne (BPCE), Crédit agricole, Crédit coopératif, Crédit mutuel-CIC, Dexia, HSBC, La Banque postale, La Nef et la Société générale.

« Ça n’est pas vraiment un hasard de calendrier, même si le document était annoncé pour le mois de septembre, a confié au Monde.fr Juliette Renaud, chargée de campagne sur la responsabilité des acteurs financiers pour les Amis de la Terre et corédactrice du rapport. Depuis plusieurs années, on nous promet une régulation de la finance. Les banques sont au cœur de la crise. Or depuis 2008, rien n’a été fait ! » Une inertie des pouvoirs publics qu’elle explique par deux facteurs : « le manque de volonté et de courage politique des députés français et européens » et « le lobbying intense des marchés financiers et des institutions bancaires ».

« RENDRE DES COMPTES À LA SOCIÉTÉ »

Leur document se base sur les résultats d’un questionnaire envoyé mi-avril, dans la foulée du G20 finance à Washington, aux sièges nationaux des établissements bancaires dans le cadre d’une campagne commune aux deux organismes. Baptisée « A nous les banques ! », elle a pour objectif de mieux cerner l’impact économique, social et environnemental de leurs activités. D’après les Amis de la Terre, cette initiative a mobilisé de nombreux citoyens, certains particuliers n’ayant pas hésité à se rendre dans leur agence pour déposer les questionnaires et s’assurer de la participation de leur banque au projet.

Fin juin, lors de la publication du premier rapport d’étape dédié à la question de la transparence, les deux organismes se sont félicités que huit des dix établissements sollicités aient répondu favorablement à leur initiative. « Ce fort taux de réponse indique que les banques (…) – sauf exceptions regrettables – ont compris qu’elles doivent commencer à rendre des comptes à la société. Elles devront en rendre sans cesse davantage », estimait alors Attac sur son site Internet.

Les groupes BPCE et Crédit mutuel-CIC n’ont pas voulu y participer en dépit des relances de certains de leurs clients et des syndicats, précisent les associations. Selon les Amis de la Terre, un service du groupe BPCE aurait toutefois préparé les réponses au questionnaire, mais ce dernier n’a jamais été validé par la direction. François Pérol, à la tête du groupe bancaire, a néanmoins exprimé en septembre le souhait de rencontrer des représentants des deux organismes. Contacté par le Monde.fr, le groupe Crédit mutuel-CIC affirme n’avoir reçu « aucune question » des associations. « Le fonctionnement de notre groupe est un peu particulier, il est tout à fait possible qu’ils se soient adressés au mauvais service », nous a-t-on expliqué.

LES ÉTABLISSEMENTS COOPÉRATIFS : LES BONS ÉLÈVES

Le rapport rendu public mercredi dans le cadre du Forum des peuples, organisé à Nice en marge du sommet du G20, porte sur les pratiques des banques et de leur comportement. « Sont-elles responsables, remplissent-elles leurs missions en faveur de l’intérêt général et des parties prenantes concernées par leur activité ? », s’interrogent les deux organismes dans leur synthèse. Et leur conclusion est accablante : « pour la plupart des banques françaises, la réponse est clairement négative ». De nombreux établissements obtiennent en effet de mauvais résultats dans les cinq grands axes examinés : la spéculation et la prise de risques, la politique à l’égard des clients, les relations avec les salariés, les impacts sociaux et environnementaux et la démocratie au sein de l’entreprise.

La Nef, établissement coopératif – qui ne dispose pas encore du statut de banque à part entière, précisent les associations –, apparaît comme le plus « vertueux », grâce à un sans faute sur les questions de stabilité financière, des politiques commerciales et de l’impact sur l’environnement et sur les populations locales. Attac et les Amis de la Terre soulignent également les bons résultats du Crédit coopératif qui, bien que membre du groupe BPCE et objet de controverses, reste fidèle aux « idéaux coopératifs et solidaires ».

Sur l’ensemble des deux rapports, ces structures cumulent ainsi les meilleures évaluations. Les plus grands établissements (Crédit agricole, Société générale, HSBC et BNP Paribas) se classent loin derrière. Un représentant de la Banque postale s’est réjouit de la troisième position de l’établissement : « ça correspond à notre politique ». Une source proche du secteur bancaire, qui souhaite rester anonyme, émet toutefois quelques réserves : « certains points de méthodologie pourraient être discutés. Il faudrait voir clairement leur grille d’analyse et leurs procédés de pondération. »

« Sur le fond, on n’est pas très étonnés du niveau de certaines banques, mais on est très contents de la réactivité des établissements et du taux de réponses », explique Juliette Renaud. Les données relatives à certaines questions – notamment environnementales – n’étaient pas toujours disponibles dans les banques sollicitées, « ce qui montre bien le degré d’intérêt qu’elles portent à ces thématiques », déplore-t-elle.

QUEL IMPACT POUR CES TEXTES ?

« A l’heure actuelle, nous sommes interrogés en permanence, par des gens qui ne comprennent pas toujours le secteur bancaire et qui nous posent des questions que l’on ne comprend pas nécessairement. Ça n’est pas très productif », a-t-on estimé au Crédit mutuel-CIC. Et de préciser toutefois : « nous ne pouvons et ne sommes pas en train de nous exprimer directement sur cette étude, dans la mesure où nous ignorons la tenue du questionnaire ».

Consécutivement à la publication du premier rapport d’étape, « Les banques sont-elles transparentes ? », la quasi-totalité des établissements évalués ont fait parvenir des compléments d’information pour répondre plus spécifiquement aux questions posées, rapportent les deux organismes. « Plusieurs banques sont montées dans le classement, et donc ont augmenté en transparence suite à la publication du premier rapport, précisent-ils. Preuve s’il en est que la pression citoyenne est non seulement utile mais nécessaire. »

Pour la Société générale, il était important de participer à cette initiative. « Nous avons conscience d’être au cœur de l’économie. On essaie d’exercer notre métier de façon responsable. C’est un travail de longue haleine et nous avons une réelle volonté d’amélioration », explique une représentante du groupe. Même son de cloche du côté de La Nef, arrivée en tête du classement. « On ne peut être que content que l’action que l’on mène soit reconnue, mais on ne fait pas ça pour la gloire, considère Jean-Marc de Boni, président du directoire de l’établissement. C’est intéressant d’avoir un regard extérieur qui pointe du doigt les secteurs qui nécessitent des améliorations. C’est le cas pour nous en termes de démocratie et dans une certaine mesure de politique salariale. Nous nous attelons d’ores et déjà à progresser sur ces sujets. »

Les deux associations parlent d’un « premier succès ». « On a été surpris par l’impact du premier rapport, même si je pense que les banques ont été plus motivées par le besoin de préserver leur réputation que par l’amour de la transparence, s’amuse la chargée de campagne des Amis de la Terre. On s’attend à pas mal de retours sur le second texte. Le thème – les pratiques – est essentiel et le devient plus encore dans ce contexte de crise économique mondiale. »

Mais Juliette Renaud prévient, « c’est un premier pas » : pas question de s’en contenter. « Ça n’est pas : ‘on publie un rapport, les banques participent et tout s’arrête là’. Il est urgent de réintroduire un contrôle citoyen sur les acteurs économiques, poursuit-elle. Pour qu’enfin chacune des parties concernées par ce secteur puisse faire entendre sa voix. »