Climat : quand notre civilisation se sera effondrée en 2093…
Sylvie Johnsson
www.franceinfo.fr/vie-quotidienne/environnement/article/climat-quand-notre-civilisation-se-sera-effondree-en-2093-457861
Transition énergétique: ce que veulent les députés
.Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/transition-energetique-ce-que-veulent-les-deputes,46158?xtor=EPR-9©AFP / 19 novembre 2012 01h54
Le protocole de Kyoto est enfin un succès
Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/le-protocole-de-kyoto-est-enfin-un-succes,46311?xtor=EPR-9
Une alimentation « accro » au pétrole
Esther Vivas
http://esthervivas.com/francais/une-alimentation-accro-au-petrole
Chicagoko jatetxe honek ez du zaborrik atera ia bi urtetan
Pello Zubiria Kamino
www.argia.com/blogak/zero-zabor/2014/05/19/jatetxe-honek-ez-du-zaborrik-atera-ia-bi-urtetan/
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Climat : quand notre civilisation se sera effondrée en 2093…
Sylvie Johnsson
www.franceinfo.fr/vie-quotidienne/environnement/article/climat-quand-notre-civilisation-se-sera-effondree-en-2093-457861
L’effondrement de la civilisation occidentale, c’est le nom d’un livre sorti fin avril 2014 dont les auteurs ont pris le prisme de l’histoire-fiction pour alerter sur les changements climatiques. Et leur idée est simple, faire analyser les évènements d’aujourd’hui par deux historiens… en 2093. Et leur question est : pourquoi n’ont-ils rien fait pour éviter cette catastrophe?
« Pendant l’été 2041 de l’hémisphère Nord, la planète fut écorchée vive par des vagues de chaleur sans précédent qui détruisirent des récoltes sur l’ensemble du globe » relatent en 2093 ces pseudos -historiens avant de revenir sur l’accumulation des catastrophes, année après année : émeutes de la faim, épidémies, seconde peste noire, hausse de deux mètres du niveau de la mer et la fin de l’espèce humaine qui a semblé toute proche.
Les peuples ont été incapables d’agir
Et ce qui les interpelle, eux qui se sont réfugiés en Chine pour échapper au désastre, c’est un constat qui semble en cette époque lointaine partagé par tous : « Les peuples de la civilisation occidentale savaient ce qui leur arrivait mais ils ont été incapables d’enrayer le processus. C’est l’aspect le plus ahurissant de cette histoire : à quel point ils en savaient long et combien ils étaient inaptes à agir en fonction de ce qu’ils savaient ».
Et c’est bien cette inaction que cherchent à comprendre les deux auteurs de ce petit livre, Naomi
Oreskes, une spécialiste de prospective de Harvard et Erik M. Conway, un historien de la Nasa.
L’influence des lobbies industriels
Le pourquoi de cette incapacité à agir, c’est ce qui fait l’intérêt de ce livre. Car la prise de
conscience date des années 80, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) par exemple est créé en 1988. Depuis les rapports et anomalies climatiques n’ont pas manqué pour alerter et l’opinion et les décideurs. Le plus souvent en vain. Et les auteurs d’expliquer notamment cette inaction par le déni du changement climatique promu par des lobbies industriels d’autant plus efficaces que « les institutions politiques, économiques et sociales avaient tout intérêt à maintenir l’usage des énergies fossiles ».
Face à eux des scientifiques engoncés dans des disciplines trop étroites et qui ont de fait du mal à
présenter une vision globale. Et des autorités politiques passives. Ou qui ont encore aggravé le phénomène. Ainsi, selon Naomi Oreskes et Erik M. Conway, la production de gaz de schiste a non
seulement provoqué « une hausse des émissions de CO2 dans l’atmosphère » mais a aussi en limité l’effort pour les énergies renouvelables.
Transition énergétique: ce que veulent les députés
.Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/transition-energetique-ce-que-veulent-les-deputes,46158?xtor=EPR-9©AFP / 19 novembre 2012 01h54
A quelques semaines de la présentation officielle du projet de loi sur la transition énergétique, l’Assemblée nationale publie un rapport sur l’évaluation du paquet Energie Climat en France. L’occasion de fixer les priorités des parlementaires en matière de transition énergétique.
On prend les mêmes et on recommence. Cinq mois après que la Cour des comptes a fustigé la mise en œuvre, en France, du paquet Energie Climat, l’Assemblée nationale produit sa propre évaluation.
Les polémistes en seront pour leurs frais: les deux documents ont sensiblement la même lecture du sujet. Et pour cause: «Nous avons souvent audité les mêmes personnes que la Cour des comptes», reconnaît François de Rugy (EELV), co-rapporteur, avec Jean-Jacques Guillet (UMP).
Comptons l’empreinte carbone
Dès lors, il n’est pas anormal d’y retrouver des propositions communes. Comme la comptabilisation de l’impact climatique des pays non plus en émissions nationales, mais en empreinte carbone. Ce qui permet de tenir compte des émissions imputables aux importations. Or celles-ci représentent, bon an mal an, un tiers des rejets tricolores de gaz à effet de serre.
Tout en se regrettant le caractère non contraignant des engagements européens en matière d’efficacité énergétique, les députés estiment qu’il est nécessaire, au travers d’un objectif européen, de fixer des objectifs nationaux, servis par des politiques nationales. Elégante façon de défendre le mix énergétique national qui n’a, de toutes façons, jamais été menacé par Bruxelles. Cela étant, les rapporteurs jugent indispensable de rationnaliser les démarches pour le développement des énergies renouvelables (généralisation du permis unique et du guichet unique). Ils souhaitent aussi que les acteurs locaux, comme les régions ou les syndicats de distribution d’électricité, puissent être des acteurs de la transition énergétique, et pourquoi pas en investissant dans des centrales photovoltaïques, des centrales à bois et des parcs éoliens.
Agriculture et transport
Les députés proposent aussi de faire des transports et de l’agriculture les «cibles prioritaires» de la politique climatique hexagonale. Les deux secteurs pèsent, il est vrai, quasiment la moitié du bilan carbone national. Interrogés par le JDLE, les rapporteurs soutiennent d’ailleurs les propositions du rapport Chanteguet sur l’éco-redevance poids lourds.
D’accord sur le fait que les actions sur la production et la consommation d’énergie ne sont pas suffisantes, François de Rugy et Jean-Jacques Guillet appellent à diversifier les approches pour inciter les Français à changer de comportements. Par exemple, en délivrant des messages simples et cohérents, en ne changeant pas fréquemment les dispositifs d’aides et en donnant aux citoyens les moyens d’agir sur leur mode de consommation.
Linky en prend pour son grade
A ce propos, le compteur communicant d’ERDF a été de nouveau critiqué. «Son installation va coûter entre 5 et 6 milliards et non 4,5. Compte tenu de ce prix et du peu d’informations qu’il va donner aux consommateurs, on peut s’interroger sur le fait de savoir si le jeu en vaut la chandelle», avance Jean-Jacques Guillet, par ailleurs président du syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Ile-de-France (Sigeif).
Lutte contre la précarité énergétique oblige, les députés veulent aussi «aider les ménages en difficulté», notamment en maximisant «l’effet de levier des investissements publics» et en mobilisant davantage les banques et les gestionnaires d’épargne pour concevoir notamment des financements innovants. Jean-Jacques Gaillet a d’ailleurs indiqué qu’il était favorable à ce que le législateur précise, s’il en était besoin, les critères de légalité du tiers investissement.
Les auteurs entendent aussi poursuivre l’effort de recherche bénéficiant aux acteurs tricolores. On pense notamment au véhicule électrique, au pneumatique à faible frottement, aux agrocaburants et aux systèmes de stockage de l’énergie.
A vocation nationale, ces propositions sont, pour certaines d’entre elles, destinées aussi aux partenaires de la France, notamment dans les négociations climatiques. La généralisation du concept de l’empreinte carbone (bien que non reconnu par l’ONU) «réduirait» mécaniquement le montant de la facture carbone de certains pays émergents. Or, sans le soutien de la Chine, il n’est point d’accord possible lors du sommet climatique de Paris en décembre 2015.
Le protocole de Kyoto est enfin un succès
Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/le-protocole-de-kyoto-est-enfin-un-succes,46311?xtor=EPR-9
Les 36 pays développés engagés dans le protocole de Kyoto ont largement dépassé l’objectif fixé pour la première période, soit 5% d’émissions de gaz à effet de serre (GES) en moins entre 1990 et 2008-2012, selon une étude présentée ce 21 mai par deux chercheurs de CDC Climat. Reste à trouver un accord plus ambitieux pour la période post-2020.
Signé fin 1997 et entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto a représenté une avancée majeure dans la lutte contre le réchauffement avec son objectif de réduire d’au moins 5% les émissions d’origine anthropique par rapport à 1990, au sein des 37 pays signataires (au final 36, après l’abandon du Canada). Alors que sa première période s’est terminée le 31 décembre 2012, une analyse a pu être menée par les chercheurs Romain Morel et Igor Shishlov, de CDC Climat, à partir de la publication des résultats, le mois dernier, par le secrétariat du protocole.
Résultat: les émissions de GES ont régressé en moyenne de 24% en 20 ans, les réductions les plus fortes ayant été observées dans l’Union européenne et en Russie. «Dans 8 pays sur 36, dont le Japon, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, les résultats n’ont pas été à la hauteur mais ils ont été compensés par leur recours aux mécanismes de flexibilité prévus par le protocole», explique Romain Morel. Au total, 300 milliards de dollars (220 Md€) d’investissements ont été réalisés entre 2003 et 2013 dans les pays du Sud pour compenser les émissions des pays développés soumis au protocole.
24% seulement des émissions mondiales
Un bémol de taille à ce bon résultat global: les émissions concernées par le protocole, excluant celles des Etats-Unis (qui l’a refusé) et du Canada (qui l’a quitté), ne représentent qu’à peine un quart des émissions mondiales. Deuxième bémol: la baisse générale a été alimentée par la chute des émissions de GES dans les pays de l’ancien bloc soviétique entre 1990 et 1997. «Mais même si l’on soustrait cet effet, l’objectif du protocole reste atteint sur la période», précise Romain Morel.
Autres constats de cette étude: les émissions de GES ont été découplées du PIB, en raison d’une décarbonisation de l’industrie (à unité de PIB constant), d’une baisse de la consommation énergétique et du recours à des énergies moins carbonées (avec le passage plus fréquent du pétrole au gaz). Le recours aux produits importés s’est en revanche accru. Par ailleurs, le suivi des émissions de GES s’est généralisé grâce à la publication d’inventaires précis par les Etats du protocole, mais aussi par les Etats-Unis et le Canada qui sont audités selon des méthodes comparables.
Dernière conclusion importante: il est impossible de mesurer pour l’instant l’impact du protocole de Kyoto sur la baisse des émissions. «On sait seulement que dans l’Union européenne, 50% de cette réduction est due au développement des énergies renouvelables et au système ETS d’échange de quotas de CO2, 40% à la crise économique, et environ 10% aux modifications du mix énergétique», résume Benoît Leguet, directeur de recherche de CDC Climat (lire son interview, le 30 avril, par le JDLE).
Quel scénario pour Kyoto II?
Depuis la conférence de Durban en 2011, l’urgence est de trouver un nouvel accord engageant les Etats à partir de 2020. «Il est possible que l’accord soit adopté en deux temps, d’abord lors de la COP21 à Paris et en 2015 puis lors d’un autre accord d’ici 2020», prédit Benoît Leguet.
Il n’empêche. L’avenir du protocole de Kyoto devra suivre 4 priorités, à commencer par l’extension des émissions couvertes. Aussi bien sur le plan géographique (augmenter le nombre de ratifications) que sur les secteurs touchés. Il serait notamment judicieux que le transport international (maritime et aviation) rejoigne son champ d’application, même s’il ne représente qu’environ 5% des émissions mondiales.
Deuxième objectif: trouver une forme de contrainte juridique, dont l’absence actuelle a été confirmée par la sortie unilatérale du Canada. Par ailleurs, les amendements liés aux sanctions prévues par le protocole n’ont pas été ratifiés.
Le troisième objectif consiste à étendre le système de MRV (mesure, reporting, et vérification), en le rendant contraignant.
Enfin, «une certaine flexibilité sur cet accord et sur son processus d’adoption devra être trouvée, sans quoi il court à l’échec», conclut Benoît Leguet.
Une alimentation « accro » au pétrole
Esther Vivas
http://esthervivas.com/francais/une-alimentation-accro-au-petrole
Même si nous ne nous en rendons pas compte, nous mangeons du pétrole. Le mode actuel de production, de distribution et de consommation d’aliments est « accro » à l’ « or noir ». Sans pétrole, nous ne pourrions pas manger comme nous le faisons. Néanmoins, dans un contexte où il sera de plus en plus difficile d’exploiter un pétrole de plus en plus cher, comment ferons-nous pour nous alimenter ?
L’agriculture industrielle nous a rendus dépendants du pétrole. Des semailles à la récolte et de la commercialisation jusqu’à la consommation elle-même, nous avons besoin de lui. La « révolution verte », les politiques qui nous disaient que la modernisation de l’agriculture allait mettre un terme à la faim, et qui fut imposée entre les années 1940 et 1970, nous a transformés en « junkies » de ce combustible fossile, en partie grâce à son prix relativement bon marché. La mécanisation des systèmes agricoles et l’utilisation intensive de fertilisants et de pesticides chimiques en sont les meilleurs exemples. Ces politiques ont signifié la privatisation de l’agriculture, en nous laissant, paysans et consommateurs, aux mains d’une poignée d’entreprises de l’agro-business.
En dépit des promesses de la révolution verte sur l’augmentation de la production de nourriture et, qu’en conséquence, elle mettrait fin à la famine, la réalité fut tout autre. D’une part, la production par hectare a bel et bien progressé. Selon les chiffres de la FAO, entre les années 1970 et 1990 le total des aliments par capita au niveau mondial a augmenté de 11%. Cependant, comme le souligne Jorge Riechmann dans son ouvrage « Cuidar la (T)tierra » (Soigner la Terre), cela n’a pas entraîné une diminution réelle de la faim, vu que le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation sur la planète a également augmenté de 11% au cours de cette même période – et cela sans même compter la Chine dont la politique agricole était régie par d’autres paramètres -, passant de 536 millions à 597.
La révolution verte a eu par contre des conséquences très négatives pour la petite et moyenne paysannerie et pour la sécurité alimentaire à long terme. Elle a concrètement augmenté la puissance des entreprises agro-industrielles sur toute la chaîne productive ; provoqué la perte de 90% de l’agro et biodiversité ; réduit massivement les nappes phréatiques ; augmenté la salinisation et l’érosion des sols ; déplacé des millions d’agriculteurs des campagnes vers la misère des villes ; démantelé les systèmes agricoles traditionnels et nous a rendus dépendants du pétrole.
Une agriculture « junkie »
L’introduction de mécanisation agricole à grande échelle fut l’un des premiers pas. En 1850 aux Etats-Unis, par exemple, comme l’évoque le rapport « Food, Energy and Society », la traction animale était la principale source d’énergie à la campagne, représentant 53% du total, suivie par la force humaine, avec 13%. Cent ans plus tard, en 1950, toutes deux ne représentaient qu’à peine 1% à la suite de l’introduction de machines à combustible fossile. La dépendance des machines agricoles (tracteurs, moissonneuses-batteuses, camions…), plus nécessaire encore dans les grandes exploitations et les monocultures, est énorme. C’est donc dès la production que l’agriculture est « accro » au pétrole.
Le système agricole actuel, avec les cultures d’aliments dans d’immenses serres indépendamment de la saison et du climat, a besoin des produits dérivés du pétrole et signifie une consommation d’énergie élevée. Des tuyaux aux emballages rembourrés, des bâches jusqu’aux toits, tout est en plastique.
Selon les chiffres du Ministère de l’Agriculture et de l’Environnement, l’Etat espagnol est en première place de la culture sous plastique dans l’Europe méditerranéenne avec 66.000 hectares cultivés, la majeure partie en Andalousie et, en particulier, à Almeria, suivie de plus loin par la Murcie et les Canaries. Et que faire avec une telle quantité de plastique dès que sa vie utile est terminée ?
L’utilisation intensive de fertilisants et de pesticides chimiques est une illustration de plus de l’addiction du modèle alimentaire actuel au pétrole. Selon le rapport « Eating Oil : food suply in a changing climate », la commercialisation de fertilisants et de pesticides a augmenté de 18% à 160% entre les années 1980 et 1998. Le système agricole dominant a besoin de fortes doses de fertilisants élaborés à base de pétrole et de gaz naturel, comme l’ammoniac, l’urée, etc. qui remplacent les nutriments du sol. Des multinationales pétrolières, comme Repsol, Exxon Mobile, Shell, Petrobras, investissent dans la production et la commercialisation de fertilisants agricoles.
Les pesticides chimiques de synthèse sont une autre source importante de dépendance à ce combustible fossile. La révolution verte, comme nous l’avons évoqué, a généralisé l’utilisation de pesticides et, en conséquence, le besoin de pétrole pour les élaborer. Et tout cela sans parler de l’impact écologique de l’utilisation de ces agents agro-toxiques, la contamination et l’épuisement des sols et des eaux, ainsi que l’impact sur la santé des paysans et des consommateurs.
Aliments voyageurs
On observe également la dépendance vis-à-vis du pétrole dans les longs trajets que réalisent les aliments de leur lieu de culture jusqu’à leur consommation. Selon un rapport des Amis de la Terre, on estime que la nourriture voyage en moyenne quelques 5.000 Km du champ à l’assiette, avec la consommation consécutive d’hydrocarbures et son impact environnemental. Ces « aliments voyageurs », selon le rapport cité, génèrent presque 5 millions de tonnes de CO2 par an, contribuant ainsi à l’aggravation du changement climatique.
Dans sa course au profit maximal, la mondialisation alimentaire délocalise la production d’aliments, comme elle l’a fait dans d’autres domaines de l’économie productive. Elle produit à grande échelle dans les pays du Sud, en profitant de conditions de travail précaires et d’une législation environnementale inexistante, pour revendre ensuite ses marchandises dans nos pays à un prix compétitif. A l’inverse, elle produit au Nord grâce aux subventions agricoles bénéficiant aux grandes entreprises, pour ensuite commercialiser ces marchandises subventionnées à l’autre bout de la planète, en vendant en dessous du prix de revient et en faisant une concurrence déloyale aux productions autochtones. C’est ici que réside l’explication des aliments kilométriques : le profit maximal pour quelques uns d’une part, et la précarité, la pauvreté et la contamination environnementale maximum pour la majorité de l’autre.
En 2007, on a importé dans l’Etat espagnol plus de 29 millions de tonnes d’aliments, soit 50% de plus qu’en 1995. Les trois quart de ces importations étaient constituées de céréales, de dérivés de céréales et d’aliments pour l’élevage industriel de bétail provenant majoritairement d’Europe et d’Amérique centrale et du sud, comme l’indique le rapport « Alimentos kilométricos ». Même des aliments typique du pays, comme les pois chiches et le vin, parcourent jusqu’à nous plusieurs milliers de Km de distance avant d’être consommés. 87% des pois chiches que nous mangeons proviennent du Mexique, tandis qu’en Espagne leur culture a connue une chute libre. Quel est l’intérêt de ce genre de chassé-croisé international d’aliments d’un point de vue social et écologique ? Aucun.
Un plat dominical typique en Grande-Bretagne est fait à base de pommes de terre d’Italie, de carottes d’Afrique du Sud, d’haricots de Thaïlande, de veau d’Australie, de brocolis du Guatemala et de fraises de Californie et d’airelles de Nouvelle Zélande comme dessert génère, selon le rapport « Eating Oil : food suply in a changing climate », 650 fois plus de gaz à effet de serre à cause du transport de ces ingrédients que s’ils avaient été cultivés et achetés localement. Le chiffre total de Km que l’ensemble de ces « aliments voyageurs » cumulent du champ à l’assiette est de 81.000, soit l’équivalent de deux tours du monde. Il s’agit là d’une chose irrationnelle si on tient compte du fait que bon nombre de ces produits sont cultivés dans le pays. La Grande-Bretagne importe de grandes quantités de lait, de porcs, d’agneaux et d’autres aliments de base en dépit du fait qu’elle exporte des quantités similaires de ceux-ci. Et c’est la même chose chez nous.
Manger du plastique
Et que se passe-t-il lorsque les aliments arrivent au supermarché ? Du plastique et encore plus de plastique, avec des dérivés du pétrole. On trouve ainsi un emballage primaire, qui contient l’aliment, avec un emballage secondaire qui permet une exhibition attractive sur l’étalage et, finalement, des sacs en plastique pour emporter les achats à la maison. En Catalogne, par exemple, sur les 4 millions de tonnes de déchets annuels, 25% correspondent à des emballages en plastique. Une étude commandée par l’Agència Catalana del Consum concluait que l’achat dans des magasins de proximité réduisait de 69% les déchets par rapport à un supermarché ou à une grande surface.
Une anecdote personnelle illustre bien cette tendance. Quand j’étais petite, à la maison on achetait l’eau embouteillée dans de grandes carafes de verre de huit litres. Aujourd’hui, presque toute l’eau est commercialisée dans des bouteilles en plastique. Et il est même devenu habituel de l’acheter en « packs » de six bouteilles d’un litre et demi. Comme l’indique la Fondation Terre, il ne faut donc pas s’étonner que sur les 260 millions de tonnes de déchets en plastique dans le monde, la majeure partie est constituée de bouteilles d’eau ou de lait. Selon cette même source, l’Etat espagnol est le principal producteur de sacs en plastique pour un seul usage en Europe et le troisième pays consommateur. On estime que la vie utile d’un sac en plastique est de 12 minutes en moyenne, mais qu’il faut 400 années pour qu’il se décompose. Tirez-en les conclusions.
Nous visons sur une planète de plastique, comme l’illustrait brillamment l’autrichien Werner Boote dans son film « Plastic Planet » (2009), où il affirmait : « La quantité de plastique nous avons produits depuis le début de l’âge du plastique est suffisante pour emballer jusqu’à six fois la planète avec des sacs ». Et quel est l’impact sur la santé de leur omniprésence dans notre vie quotidienne ? Un témoignage dans ce film disait : « Nous mangeons et nous buvons du plastique ». Et, comme le dénonce le documentaire, nous en paierons tôt ou tard la facture.
La grande distribution n’a pas seulement généralisé la consommation d’énormes quantités de plastique, elle a également contribué au développement de l’automobile pour aller faire les courses. La prolifération des hypermarchés, des grands magasins et des centres commerciaux à l’extérieur des villes a favorisé l’utilisation de la voiture privée pour se déplacer jusqu’à ces établissements. Comme l’indique le rapport « Eating oil: food suply in a changing climate », si on prend comme exemple la Grande Bretagne, entre les années 1985-1986 et 1996-1998, le nombre de voyages par semaine et par personne en voiture pour faire les courses est passé de 1,7 à 2,4. La distance parcourue totale a également augmenté, passant de 14 Km par personne et par semaine à 22 Km, soit une augmentation de 57%. Plus de Km, c’est plus de pétrole et plus de CO2 au détriment, en outre, du commerce de proximité. Si, en 1998, il existait dans l’Etat espagnol plus de 95.000 magasins, en 2004 ce chiffre s’était réduit à 25.000.
Que faire ?
Selon l’Agence Internationale de l’Energie, la production de pétrole conventionnel a atteint son sommet en 2006. Dans un monde où le pétrole se raréfie, comment et qu’allons-nous manger ? En premier lieu, il est nécessaire de prendre en compte le fait que plus d’agriculture industrielle, intensive, kilométrique et globalisée signifie plus de dépendance au pétrole. Par contre, un système paysan, agro-écologique, de proximité, de saison, est moins « accro » aux combustibles fossiles. La conclusion, je pense, est claire.
Il est urgent d’opter pour un modèle d’agriculture et d’alimentation antagoniste avec le modèle dominant, qui place au centre les besoins de la majorité et de l’écosystème. Il ne s’agit pas d’un retour romantique au passé, mais bien de l’impérieuse nécessité de soigner la terre et de garantir de la nourriture pour tout le monde. Ou bien nous faisons le choix du changement, ou bien, quand il n’y aura pas d’autre possibilité que de changer, d’autres, comme à maintes reprises, vont faire du profit avec notre misère. Ne laissons pas l’histoire se répéter.
*Article publié dans « Público.es », 04/05/2014. Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera.
Chicagoko jatetxe honek ez du zaborrik atera ia bi urtetan
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