Articles du Vendredi : Sélection du 16 juillet 2010

«Travailler une heure par jour» Réduire la production (extrait a)


«Travailler une heure par jour» Réduire la production (extrait b)


La démocratie est-elle en danger ?

Al Gore – 12 juillet 2010
Un entretien réalisé fin 2006 avec Al Gore. Surprise : il parlait plus de démocratie que de changement climatique. Toujours intéressant… Source : http://www.reporterre.net/entretiens/entretien-gore.php

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«Travailler une heure par jour»

Mot de présentation :
Ci-dessous un extrait du livret « Travailler une heure par jour » édité par Bizi!
Ce livret est disponible (à 1€) au local de Bizi!
Son objectif est de montrer «Comment une société moderne pourrait fonctionner, et vivre mieux qu’aujourd’hui, en réduisant radicalement le temps de travail ?».
Il se veut être un exercice pédagogique démontant point par point la perversité des règles fondant l’économie capitaliste. Un exercice très concret, compréhensible par le plus grand nombre.
De format A5, comptant une soixantaine de pages, n’hésitez pas à vous le procurer le plus vite possible : une bonne idée de lecture pour cet été, sur votre hamac….

1er extrait :

2ème extrait :

«Travailler une heure par jour» Réduire la production (extrait a)


(…)

Augmenter la durabilité des objets produits

Les dépenses de consommation des ménages (des foyers) représentent plus de la moitié du PIB français (55 % en 2006). C’est-à-dire que cette partie de production sert aux divers achats de la population. Achats de biens alimentaires, de loisirs, de produits d’hygiène, ainsi que de biens dits « durables ». Ceux-ci sont définis ainsi s’ils sont acquis pour une durée de plus d’un an. On pense donc ici aux appareils électro-ménagers, aux meubles, aux divers véhicules, etc… Or, la plupart de ces objets, s’ils correspondent à la définition officielle de la durabilité, ne sont pas vraiment faits pour… durer. Une petite explication s’impose.

Selon l’Insee, en 2006, 99,6 % des foyers possédaient un réfrigérateur (ou encore 97 % une télévision couleur). La part des foyers non équipés est extrêmement minime. Sans poser la question du bienfait de tels objets, nous pouvons penser qu’il s’agit là d’un progrès. Imaginez maintenant que vous êtes fabriquant de réfrigérateurs ou de téléviseurs, et que, consciencieux, vous avez équipé tous ces foyers de telles machines réellement solides et construites pour durer non pas 5 ou 10 ans, mais plusieurs dizaines d’années (ce qui créerait un bien-être supérieur pour la société, et serait parfaitement réalisable ; pensez aux ustensiles des plus âgés d’entre nous qui se transmettent de génération en génération). Le marché français serait alors saturé, et il vous faudrait mettre la clé sous la porte du fait de la diminution des ventes, puis attendre quelques paires d’années avant que les biens vendus non seulement tombent en panne, mais en plus soient irréparables et inutilisables. Le turn-over serait si faible que vos clients se feraient de plus en plus rares. Ainsi, plus la durée de vie des objets produits augmente, plus leurs ventes diminuent. Et donc la proposition que nous faisons ici d’augmenter cette durée de vie présente aujourd’hui un énorme contre-sens économique.
Dans un système capitaliste, on ne produit pas pour l’utilité d’un objet, mais pour le profit réalisé lors de sa vente. Un entrepreneur qui n’a pas cette logique en tête ne peut faire vivre longtemps son entreprise
Dans un système capitaliste, la finalité de la production est la recherche du profit. Pour en revenir à nos réfrigérateurs et téléviseurs, puisqu’il est dans la logique même de notre système économique de vendre toujours plus, il est nécessaire de faire en sorte que les consommateurs achètent toujours plus. C’est une logique sans fin et qui doit être entretenue. On peut citer deux manières de pousser à l’acte d’achat :

jouer sur la durée de vie des matériaux
jouer avec les désirs des consommateurs

Diminuer le niveau de production, c’est aussi se donner les moyens d’enrayer ce cercle vicieux. Encore une fois, cela ne veut pas dire se serrer la ceinture ou revenir au temps des longues heures passées par les femmes au lavoir du village. Prenons par exemple une famille (ou les familles d’un immeuble) dont le revenu lui permet d’acheter un lave-linge tous les 25 ans. Si son lave-linge tombe en panne au bout de 10 ans, elle se trouverait plus pauvre que dans une société qui lui permettrait de n’acheter un lave-linge que tous les 25 ans, mais qui durerait effectivement 25 ans.

(….)

Diminuer la production, mais de combien ?

Si tous les habitants de la planète consommaient comme un français moyen, c’est trois planètes qu’il faudrait. Cette situation est insupportable et il nous faut revenir à un niveau de consommation de biens matériels plus léger, et tout simplement soutenable. La France a, selon des économistes, passé « le cap » d’une planète dans les années 1960. Ansi, c’est à un niveau de production de cette période qu’il semble falloir revenir. Or, on sait que le PIB de la France était en 1965 trois fois inférieur à celui de 2006. Si l’on prend en compte l’évolution de l’intensité énergétique du PIB que la France a connue depuis 1965, et pour nous laisser une marge de manoeuvre, nous proposons de diviser le niveau de production par deux. En effet, comme il faut dorénavant moins d’énergie pour produire une unité de PIB (du fait notamment du progrès technique), on peut imaginer qu’il est possible de produire un peu plus qu’en 1965 tout en respectant les limites de la planète. Ainsi, il serait possible de diviser le temps de travail global par deux. Le temps de travail passerait alors à 19,5 milliards d’heures.

3ème extrait :

«Travailler une heure par jour» Réduire la production (extrait b)


(…)
Augmenter la durée de vie des matériaux

Dans une société dans laquelle on produirait seulement pour l’utilité que procure un objet (et non pour le profit que l’on retire par sa vente), on pourrait se concentrer sur la durée de vie des matériaux. Produire des objets plus solides permettrait de produire moins. Prenons un autre exemple : les ordinateurs. L’organisation à but non lucratif One Laptop Per Child (OLPC) a créé un ordinateur à très bas coût destiné à être vendu aux gouvernements de Pays pauvres et distribué aux enfants les plus défavorisés. Conçu afin de réduire la fracture numérique dans le monde, cette machine est à la fois simple, robuste et permet une grande souplesse d’utilisation. Elle est notamment faite pour résister au soleil, au sable, ou à de longs transports tout en nécessitant un minimum de réparations (voir pas de réparation du tout). En cas d’autonomie prolongée, une manivelle permet même de produire l’énergie nécessaire à 10 minutes d’utilisation. Selon OLPC, malgré son faible prix (aujourd’hui 140 $ US) et sa simplicité, l’ordinateur a peu à envier à ses homologues à 800 $. Ainsi, on pourrait très bien imaginer que tous nos ordinateurs soient fabriqués selon ce même modèle, dont les principales caractéristiques sont la simplicité d’utilisation et la solidité, donc une plus grande durée de vie . Caractéristiques dont on pourrait faire des normes de fabrication et qui pourraient permettre à chacun de modifier les performances de sa machine en fonction de ses besoins et du progrès technique en ne changeant par exemple que les pièces obsolètes, ou en adaptant les logiciels en fonction des avancées de la communauté des logiciels libres.

Pourtant, aujourd’hui, la logique dominante en la matière est bien loin de cette idée de durabilité : batteries qui s’épuisent au bout de quelques années, écrans extrêmement fragiles, impossibilité d’effectuer de réparations soi-même sur son portable, ou encore incompatibilité volontaire entre les marques ou modèles différents qui entraîne d’énormes gaspillages dès que l’on égare l’une ou l’autre des pièces d’un ordinateur. De la même manière (nous entrons pourtant ici dans le monde de l’immatériel), la logique capitaliste des grands fournisseurs de logiciels informatiques entraîne d’immenses gaspillages. En effet, en bloquant l’accès aux codes sources de leurs produits, ils empêchent toute amélioration de ces outils par les utilisateurs, et les incitent à acheter toujours plus de nouveaux logiciels au prix fort s’ils veulent améliorer les performances des machines. Au contraire, en permettant un accès libre aux codes sources de leurs produits, les créateurs de logiciels libres (type Linux) permettent à chacun de « bricoler » sa machine et de l’adapter au mieux à ses besoins, sans forcément être obligé de toujours acheter plus. La logique est toujours la même chez les fabricants de biens électro-ménagers ou de tout autre bien « durable » : pensez à la cafetière que vous avez dû jeter car la petite pièce qui a cassé ne se vend pas séparément ; pensez au téléphone portable que vous avez dû racheter car le chargeur que vous avez perdu ne se vend plus ; à la voiture qui a fini à la casse parce que « ça coûte plus cher de réparer » ; ou à la paire de chaussures dont la semelle se décolle au bout d’un an… Les exemples de ce type sont nombreux et touchent en fait tous les domaines.

La démocratie est-elle en danger ?

Al Gore – 12 juillet 2010
Un entretien réalisé fin 2006 avec Al Gore. Surprise : il parlait plus de démocratie que de changement climatique. Toujours intéressant… Source : http://www.reporterre.net/entretiens/entretien-gore.php

Hervé Kempf – Quel est le message que vous voulez transmettre à travers votre film, Une vérité qui dérange ?
Al Gore – Nous sommes confrontés à une crise climatique qui a le caractère d’une urgence planétaire. Même si ces mots semblent terrifiants, ils sont malheureusement pertinents pour décrire la relation radicalement nouvelle qui s’est établie entre l’espèce humaine et l’écologie terrestre. Rien, dans notre expérience passée, ne nous prépare au défi auquel nous sommes maintenant confrontés, mais c’est un défi que nous devons surmonter.
La bonne nouvelle est que nous avons tout ce qui est nécessaire pour résoudre la crise, si nous agissons rapidement. Ce qui manque peut-être, c’est la volonté politique. Mais en démocratie, la volonté politique est une ressource renouvelable, et le moyen de la renouveler est de diffuser la connaissance de cette situation auprès d’autant de personnes que possible.

Vous estimez qu’il y a une crise dans la démocratie. Quel est le lien entre le fait que la démocratie soit en mauvaise forme et la difficulté à faire avancer les solutions à la crise climatique ?
L’information dans une société circule selon un mode de fonctionnement écologique. J’utilise le mot « écologie » comme une métaphore, mais il est incontestable que l’écologie de l’information après la révolution de l’imprimerie a créé les bases des Lumières, au XVIIIe siècle. Les individus ont pu participer à la discussion publique et, bientôt, une méritocratie des idées a émergé. Le succès des idées individuelles a commencé à dépendre de leur intérêt public. Cette écologie de l’information a formé la base de la démocratie représentative, dans la république française et aux Etats-Unis.
Mais il y a cinquante ans, la télévision est devenue la source dominante d’information. Et dans mon pays, beaucoup plus qu’en France, sa domination est maintenant si écrasante que les journaux perdent des abonnés. En dépit d’Internet, qui est une source d’espoir pour rouvrir le forum public aux individus, la télévision accroît son importance année après année. Chaque Américain regarde en moyenne la télévision quatre heures et demie.

Donc, la crise de la démocratie provient de la domination de la télévision ?
La télévision est un medium à sens unique, à la différence de la presse écrite. Elle est pilotée par les annonceurs, qui l’utilisent pour vendre des produits, et pour capter l’audience la plus large avec le dénominateur commun le plus bas. Dans mon pays, le dialogue politique est maintenant conduit pour l’essentiel au moyen d’annonces télévisées de trente secondes. L’influence malsaine de l’argent en politique est largement due à la nécessité pour les hommes politiques de rassembler suffisamment d’argent pour se payer ces annonces. Nous avons des élections dans une trentaine de jours. 80 % du budget des candidats est employé à acheter des spots télévisés de trente secondes. Et ces spots ne ressemblent pas aux textes de Voltaire ou de Thomas Paine ! [rire].

Ils sont plutôt sur le mode « Achetez Coca-Cola ! »
Oui, ou des images de Ben Laden, ou de Saddam Hussein, ou ce genre de choses. L’espace nécessaire en démocratie pour échanger des idées complexes et des informations abondantes a été réduit à une aire très petite. La veille du jour où le Sénat a voté la guerre en Irak, un sondage a été réalisé, montrant que 77 % des Américains croyaient que Saddam Hussein était à l’origine de l’attaque du 11-Septembre. Le sénateur de Virginie de l’Ouest, Robert Byrde, a pris la parole au Sénat : « Pourquoi cette salle est-elle vide ?, a-t-il demandé, pourquoi cette maison est-elle silencieuse ? » La chambre était vide parce que les sénateurs étaient dans des petites réunions destinées à lever des fonds pour se payer des annonces à la télévision.
Et la maison était vide parce que ce qui se dit au Sénat est maintenant largement hors de propos : les élus pensent que ce qui compte est ce qui est dit dans les spots de trente secondes. Alors, sur des questions aussi complexes que la crise climatique, qu’il est si difficile d’appréhender… c’est pourquoi j’ai décidé d’aller vers les gens, au moyen de ce film, afin de changer l’état d’esprit de la masse, afin que la crise climatique devienne un sujet d’intérêt public et que les citoyens fassent pression sur leurs représentants politiques.

Mais quel est le lien entre Internet et l’écologie ? Internet permettrait un vrai débat entre les gens ?
Oui, bien sûr. De la même manière que la presse a cassé le monopole d’information de l’Eglise, de même que la télévision est devenue dominante au milieu de XXe siècle, Internet sera finalement le médium dominant. Auprès des jeunes, il est déjà le médium dominant. Mais les trois quarts des gens qui se connectent à Internet regardent en même temps la télévision, qui a une qualité qu’Internet n’a pas. L’image animée en direct a un effet quasi hypnotique sur les gens. Les spécialistes en neurosciences appellent cet effet le « réflexe établi », qui se déclenche quand un mouvement se produit dans notre champ de vision. Nos prédécesseurs dans la savane africaine, il y a des centaines de milliers ou des millions d’années, étaient assis, et ceux qui ne regardaient pas les feuilles bouger ne sont pas nos ancêtres [rire]. La télévision active ce réflexe que nous avons tous, en moyenne toutes les deux secondes. Les gens qui regardent la télévision ne participent pas à la démocratie s’ils la regardent quatre à cinq heures par jour.
La première version d’Internet a été créée au début des années 1960, afin de garantir la pérennité des communications en cas de guerre nucléaire. Cela fonctionne selon le principe de la commutation de paquets : tout message est cassé en petits morceaux qui voyagent selon des chemins différents et se combinent à l’arrivée. Cela fait qu’il est impossible d’utiliser Internet pour une diffusion de masse en direct. On ne peut envoyer les informations qu’à une personne ou à un groupe.
En ce moment, la télévision et Internet commencent à s’imbriquer, se mêler, on peut charger une émission et la regarder plus tard – il n’empêche que la télévision reste le média dominant. Le résultat en est que le dynamisme de l’échange intellectuel, qui est fantastique sur Internet, n’influence pas encore la politique, le résultat des élections ou le vote du Congrès sur des questions importantes. Cela arrivera. Mais nous sommes dans une période de vulnérabilité, où la démocratie est fragile. Pas seulement aux Etats-Unis : la Russie contrôle complètement la télévision et maintenant intimide les reporters de la presse écrite. Quelques démocraties naissantes, comme en Afrique du Sud, contrôlent la télévision. En Italie…

Avec Berlusconi.
C’est l’exemple parfait de la façon dont les choses peuvent se passer. De plus, la propriété des chaînes de télévision a été concentrée entre les mains de quelques conglomérats. Dans mon pays, ils ont beaucoup d’activités qui ont à voir avec le gouvernement. Tout cela est complexe, mais la télévision a eu un effet de suppression sur le débat démocratique. C’est Internet qui le fera revenir au premier plan.
Et poser le changement climatique sur la scène publique.
Oui, regardez ce qui s’est passé au moment des Lumières : les individus pouvaient enfin utiliser la connaissance pour participer à la décision. Si quelqu’un savait lire et écrire et avait un talent de communication, l’instinct de la vérité, et pouvait persuader les autres de ses idées, cela devenait une source de pouvoir, et cela rendait possible la démocratie. Cela a conduit à prendre les décisions collectives sur la base de la raison. Nous avons remplacé les souverains par le règne de la raison, qui était soutenu par l’écologie de l’information dont je vous parlais.
Maintenant, la raison a un rôle moindre. Quand la raison se retire, un vide se crée dans lequel s’engouffrent le fondamentalisme religieux, l’idéologie, et la manipulation de l’opinion par la peur. En Allemagne, quand il devint clair que la radio et la propagande étaient les outils principaux de Hitler, un philosophe allemand a écrit que « toutes les questions de faits sont devenues des questions de pouvoir ». Ce n’était pas la première fois : les faits établis par Galilée étaient devenus une question de pouvoir. Mais quand l’espace public a été ouvert aux individus pour qu’ils s’expriment clairement, alors les faits ont gagné leur importance intrinsèque. Ils en ont moins aujourd’hui. A la fin, ils retrouveront leur place, parce qu’il y a quelque chose qui est la réalité, et les politiques basées sur l’illusion entreront en collision avec la réalité.


Le président Bush a focalisé l’attention sur le terrorisme. Quel est le problème principal : le terrorisme ou le changement climatique ?

C’est une erreur de forcer le choix entre les deux. C’est comme de comparer les pommes et les oranges : elles sont différentes. En pointant le caractère unique du danger, l’urgence de la crise climatique, je ne veux pas qu’on pense que je minore l’importance du terrorisme. Je ne contredis pas que nous devons combattre et vaincre le terrorisme. Mais ayant dit cela, il est indiscutable que la crise la plus sérieuse que nous avons jamais affrontée est la crise climatique. Elle met en danger l’avenir même de la civilisation humaine.
Vous dites qu’il y a des solutions. Sera-t-il possible de combattre le changement climatique sans diminuer la consommation dans les pays riches ?
Combattre avec succès impliquera de diminuer les habitudes de gaspillage. Cependant, la qualité de vie pourra continuer à augmenter. Par définition, la pollution est un gaspillage. Au fur et à mesure que nous irons vers une société de l’information, dont les valeurs dominantes seront les idées, l’innovation, l’ingéniosité, on utilisera moins le bois, le plastique, l’acier, le caoutchouc. Cela fait partie du chemin que nous devons suivre.
Nous avons besoin de meilleures architectures, de meilleurs designs, de meilleurs systèmes, de sources d’énergie renouvelable, et, surtout, nous avons besoin de contrôler les rejets des technologies datant d’une centaine d’années. Par exemple, le moteur à explosion. Si vous analysez combien d’énergie est utilisé dans un litre de pétrole pour déplacer une personne en voiture d’un point A à un point B, vous découvrez que c’est 1 %. 90 % sont gâchés, 9 % servent à déplacer la voiture elle-même. On peut faire mieux que ça. Nous devons reconcevoir tous les systèmes qui gaspillent l’énergie. C’est possible, c’est à notre portée. On doit le faire, on n’a pas le choix.

La France et la Grande-Bretagne ont adopté l’objectif de diviser par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre en 2050. Est-ce possible pour les Etats-Unis ?
Oui.


Le protocole de Kyoto est-il toujours un bon outil ?

Cela reste un bon point de départ. Il a besoin d’être beaucoup renforcé, de voir ses exigences augmentées, les réductions doivent être plus sévères, et le processus de négociation en cours vise à le renforcer. Les Etats-Unis se joindront au processus aussitôt que Bush aura quitté la place, et peut-être même avant le départ de Bush. Parce que beaucoup de ses supporteurs ont changé d’opinion et le pressent de changer lui-même d’opinion. La Californie, le plus grand Etat, vient juste de passer une loi restreignant les émissions de CO2. Le gouverneur, Schwarzenegger, a vu mon film en juin, il m’a dit, « Je vais vendre mon Hummer ».

L’a-t-il fait ?
Il l’a fait. Trois cents villes ont adopté l’objectif de réduction fixé par Kyoto. Beaucoup d’hommes d’affaires sont dans la même optique. Le changement est définitivement en marche. Le processus de Kyoto reste le moyen principal par lequel le monde se rassemblera pour réduire les émissions de CO2.
La Chine et l’Inde suivront-elles ?
Oui. Le moyen de les faire rejoindre le processus est que les pays les plus riches bougent d’abord. Depuis la seconde guerre mondiale, tous les traités ont suivi la même architecture : les pays riches les appliquent d’abord, et ensuite les pays avec un revenu par tête plus bas suivent. Il n’y a pas moyen de faire marcher autrement un traité dans le monde divisé où nous sommes.
Est-il exact que vous avez présenté votre film au président Chirac il y a quelques semaines ?
Je lui en ai donné une copie personnellement, oui. Je lui avais présenté ma conférence il y a quatre ans. Il a été un des héros de la question du changement climatique, souvent de manière discrète, derrière la scène, mais chaque fois qu’il y a eu besoin d’influencer la négociation climatique dans le bon sens, le président Chirac a toujours eu la volonté d’aller de l’avant. Une grande partie de ce qu’il a fait pour faire avancer le monde dans la bonne direction n’est pas connue ou appréciée, parce que cela s’est passé derrière la scène.


Il vous a peut-être dit qu’il avait été candidat plusieurs fois avant d’être président.

Il ne me l’a pas dit, mais je le sais. Où voulez-vous en venir avec ça ? [rire]


Voulez-vous être le premier président écologiste des Etats-Unis ?

Je ne prévois pas d’être candidat à nouveau. Je n’ai pas totalement exclu cette possibilité, mais je ne pense pas le faire. En partie parce que je pense que le système politique est devenu toxique pour le genre de propositions que je ressens si passionnément, et que je pense que le moyen de les réaliser est de changer l’esprit des gens à la base. Je me concentre sur ce travail de changer l’opinion des gens aux Etats-Unis et ailleurs, de façon que les candidats soient confrontés à une très forte demande de mener les actions nécessaires.