Articles du Vendredi : Sélection du 14 juin

Quel Pays Basque demain ?
Léa Dallemane
www.enbata.info/articles/quel-pays-basque-demain

Quel Pays Basque demain ? C’est la question de fond qui est posée dans le débat sur l’encadrement du marché immobilier et locatif en Pays Basque.

La crise du logement frappe très durement les milieux populaires au Pays Basque. Se loger à prix raisonnable dans la commune de son enfance, dans les quartiers qu’on aime, près de son travail ou de l’école de ses enfants est devenu mission impossible pour les revenus les plus modestes. Ce sont les jeunes, les femmes seules avec leurs enfants, les personnes âgées à petite retraite, les personnes invalides, les travailleurs précaires, les familles avec de petits salaires, qui sont obligés d’accepter des conditions de logement indécentes, des prix fous ou des baux précaires… sans compter ceux qui doivent s’exiler, toujours plus loin, pour pouvoir se loger, s’éloignant de leurs amis, de leur famille, de leur travail, et ajoutant à leurs difficultés de nouvelles galères de transport.

Il faut choisir

Derrière la question du logement, c’est toute la question du territoire dans lequel nous voulons vivre qui se révèle : un territoire où celles et ceux qui habitent ici, qui travaillent ici, quelques soient leurs origines, peuvent vivre dans des conditions décentes pour eux et pour leurs enfants, s’investir pleinement pour donner de la vie à leurs quartiers, y créer des espaces de convivialité, d’entraide, de solidarité… bien loin d’un terrain de jeu pour multi-propriétaires fortunés où les prix seraient inabordables et les volets fermés une bonne partie de l’année. Bref, Pays Basque vivant et authentique ou cité balnéaire artificielle, il faut choisir. Et le choix se fait maintenant, car la spéculation immobilière à l’œuvre s’empare chaque année et transforme en profondeur de manière irréversible de nos terres, de nos logements, de nos quartiers, de nos communes.

Premières victoires

La mobilisation déterminée qui s’est renforcée ces trois dernières années en Iparralde a permis de faire bouger certaines lignes dans le bon sens et d’arracher de premières victoires significatives sur ce terrain. Unissant société civile et les élus du territoire conscients que le droit même de la population locale de continuer à y vivre était menacé, cette mobilisation a par exemple permis l’instauration de la compensation qui a stoppé la transformation par milliers de nos logements en airbnb permanents. Elle va également permettre d’expérimenter l’encadrement renforcé des loyers dès l’année 2025. Les nouveaux loyers de la zone tendue du Pays Basque, où vit les trois quarts de sa population, ne seront désormais plus fixés par la loi du marché toute puissante, mais par des prix fixes au mètre carré de surface habitable. Cela mettra fin à l’augmentation actuelle et incontrôlée de ces loyers.

Spirale mortifère

Mais on ne peut en rester là. L’encadrement des loyers, c’est (très) bien, mais les prix de vente du foncier et du bâti restent dépourvus de toute limite, dépendant de la seule loi de l’offre et de la demande. L’explosion de ces prix qui découle de l’absence de tout encadrement du marché immobilier et foncier empêche la population locale d’accéder à la propriété, fige les parcours résidentiels, rend difficile voire impossible la production de logements sociaux. Elle attise les convoitises, provoque une prolifération de congés pour vente et des délogements qui vont avec. Et là, contrairement à d’autres problèmes pour lesquels les solutions possibles existaient en l’état actuel du droit, les élus et collectivités locales peinent à trouver les outils et stratégies permettant de combattre cette spirale mortifère.

Que faire ?

Alors que faire ? Ne pas se résigner, réfléchir et travailler collectivement pour imaginer pratiques et dispositifs innovants, se mobiliser pour exiger des évolutions législatives et de nouveaux outils légaux, et mettre en place des stratégies efficaces et gagnantes. C’est tout l’objectif de la journée Auzolan pour le droit au logement qui se tiendra à Bayonne le samedi 15 juin à partir de 15H00. (1). Participons y nombreuses et nombreux, motivés et déterminés.

  • au programme, conférence et tables-rondes à 15H00 à l’IUT place Paul-Bert, village associatif, stands, expositions, prises de parole et animations diverses à la place Patxa à partir de 18H00 suivi de concerts sous chapiteau.

Comment rassembler les classes sociales autour de l’écologie
Nicolas Celnik
https://reporterre.net/Pourquoi-reunir-les-classes-sociales-autour-de-l-ecologie-est-si-difficile

Si l’écologie est encore peu politique et radicale, c’est que les individus ont des intérêts trop divergents. De nouvelles alliances sociales pourraient être la solution, explique dans un livre le sociologue Jean-Baptiste Comby.

« L’écologie sépare, voire oppose, celles et ceux qu’elle devrait réunir. Comment sortir de cette ornière qui l’empêche de jouer le rôle d’un mouvement politique fédérateur, émancipateur et transformateur ? » C’est la question que tout le monde se pose, en particulier en observant la déroute des listes écologistes aux élections européennes.

Les tentatives de diagnostic ne manquent pas, plus ou moins formulées au doigt mouillé. Dans Écolos, mais pas trop… Les classes sociales face à l’enjeu environnemental (Raisons d’agir), le sociologue Jean-Baptiste Comby, maître de conférences à l’université Paris II, essaie de formaliser une réponse en s’appuyant sur une approche sociologique qui s’intéresse avant tout aux classes sociales et à la manière dont elles interagissent. Avec un enseignement principal : dans une société capitaliste, les individus sont mis en concurrence les uns par rapport aux autres et se valorisent par leur salaire, leur métier et leurs relations ; tant que nous vivons dans ce type de rapports sociaux, la transformation massive vers une société écologique sera à peu près impossible.

Pour Jean-Baptiste Comby, il en va de la « responsabilité environnementale des sciences sociales » de rappeler que « le rapport des individus aux politiques réformatrices ou non capitalistes de l’écologie est tributaire des modalités par lesquelles chacun trouve sa place dans la société ». En somme, chacun aspire à améliorer sa condition et, dans beaucoup de cas, adopter une existence radicalement écologique risquerait de provoquer un déclassement des individus.

Quatre cas se dégagent, décrit l’auteur. D’abord, « les voies conformistes de réussite sociale », marquées par un très bon parcours scolaire et un métier valorisé, « engendrent généralement une adhésion à l’écologie réformatrice » ; « les chemins non conventionnels », ceux des bifurcations ou des reconversions, « peuvent conduire vers l’écologie non capitaliste » ; ensuite, « les déclassements », vécus par des ouvriers qui perdent leur emploi par exemple, « génèrent souvent un rejet de “l’écologie” » ; enfin, « les intégrations instables et précaires » vécues par celles et ceux qui ne parviennent pas à boucler les fins de mois « ne permettent pas tellement de prendre part à l’une ou l’autre des écologies », anticapitaliste ou réformatrice.

Perdre son capital social

Pour comprendre comment Jean-Baptiste Comby en arrive à ce constat, et les solutions qu’il en tire, il faut entrer un moment dans son laboratoire. Première étape : découper l’ensemble de la société française en différentes classes sociales, à la manière de la classification opérée par Pierre Bourdieu dans La Distinction (1979). On trouve alors trois groupes principaux, la bourgeoisie (composée des cadres et professions intellectuelles supérieures, qui représente 19 % de la population française d’après l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques), la petite bourgeoisie (qui regroupe les professions intermédiaires, artisans et commerçants, 33 % de la population) et les classes populaires (femmes et hommes employés et ouvriers, 47 %).

Deuxième étape : le sociologue adapte cette méthodologie à l’aune de l’enjeu écologique pour proposer sept « fragments » de classe sociale, constatant que la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et les classes populaires ont un rapport très différent à l’écologie selon qu’elles font partie du pôle « culturel » (avec un fort capital culturel, des ressources culturelles valorisées en société) ou du pôle « économique » (ce qui leur permet d’être valorisées dans la société est leur capital financier).

Ce tri permet, pour commencer, de comprendre pourquoi « l’écologie dominante » est réformatrice, et pas radicale ou anticapitaliste. Jean-Baptiste Comby postule que l’écologie est définie, dans l’espace public, par un ensemble de discours (politiques ou militants) et de biens culturels (livres, films, articles de journaux), portés par des membres de la bourgeoisie culturelle — il cite par exemple Cyril Dion, le réalisateur du documentaire Demain (2015), nommé garant de la Convention citoyenne pour le climat et figure d’une écologie assez consensuelle. Ces « courtiers de l’écologie dominante », comme les appelle le sociologue, ont la particularité d’avoir « un pied auprès des militants, l’autre auprès des entreprises ».

 

 

Ils connaissent donc les idées radicales de l’écologie politique, mais ne peuvent pas les approprier telles quelles : en effet, ils occupent une « position périphérique — et donc fragile — […] au sein des classes dominantes ». En clair, leur statut social n’est pas assuré par un portefeuille qui déborde, mais par une certaine notoriété ; ils risqueraient de perdre ce capital social en ayant l’air trop radical, ce qui les incite à promouvoir une écologie entendable par leurs pairs des classes dominantes.

Jean-Baptiste Comby observe en effet que les membres de la bourgeoisie ont une valeur chevillée au corps : la modération. Il croise beaucoup de discours du type « je ne suis pas absolutiste », « il faut savoir faire des exceptions » ou agir « de manière raisonnable ». Puisque les discours sur l’écologie sont principalement portés par ces membres de la bourgeoisie culturelle, qui doivent s’aligner sur les codes sociaux de la bourgeoisie économique qui valorisent la mesure, on comprend que l’écologie dominante ne pourra pas devenir radicale tant que les manières de faire société de la bourgeoisie n’auront pas évolué.

En clair : militer en semaine et aller à une soirée mondaine le week-end ne font pas bon ménage. Par ailleurs, tant que les individus sont mis en concurrence les uns les autres, ils doivent accumuler du capital (financier ou culturel) pour se faire une place dans la société — en somme, tant que les valeurs propres au capitalisme continuent de nous organiser —, il y a peu d’espoir de voir advenir une réelle écologisation de la société.

Alliance de classes

Le sociologue propose un programme d’action pour défaire ces verrous : centrer les politiques de l’écologie sur le « démantèlement des logiques concurrentielles, des instances d’évaluation et des épreuves de sélection que les néolibéraux de droite comme de gauche ne cessent de développer ». Ce démantèlement commence par l’action de « décrire » comment et pourquoi ces pratiques bourgeoises sont insoutenables écologiquement — comme le font par exemple les militants qui dégonflent les pneus des SUV ou rebouchent les trous des golfs.

Mais Jean-Baptiste Comby met en garde : cette critique ne doit pas être d’ordre moral, mais bien politique, car « c’est sur le terrain du pouvoir qu’il faut combattre et battre la bourgeoisie ». Pour ce faire, il cherche les mécanismes qui pourront nourrir une « alliance de classes ». Il observe que « les mondes populaires imputent déjà, à bas bruit, la responsabilité du désastre aux classes dominantes » : c’est donc sur cette dénonciation des injustices environnementales que devrait, selon Jean-Baptiste Comby, se construire une ligne de front contre les modes d’existence de la bourgeoisie.

Ici, l’auteur met en avant les alliances entre associations de quartiers, syndicats et écologistes, encense les unions dans le monde du travail pour contester des projets écocidaires, ou loue, au niveau local, les collectifs qui s’opposent à la métropolisation ou à la gentrification. Il propose ainsi « d’exiger un retour au principe de l’allocation pluriannuelle de moyens » pour contribuer à une repolitisation des associations.

Il pointe du doigt également l’enjeu du foncier, pour que les groupes précarisés puissent « exister fièrement » dans un territoire ; appelle à différencier une école avec un poulailler d’une école vraiment écologique, qui explorerait une pédagogie plus horizontale ; ou à réformer le travail pour « redéfinir démocratiquement la hiérarchie des métiers, les modes de rémunération » plutôt qu’à transformer les sphères productives en « métiers verts ».

Écolos, mais pas trop effectue un travail salutaire : décrire comment les différents groupes sociaux de la société se positionnent vis-à-vis de l’écologie politique, et donc pourquoi beaucoup sont rétifs à ces discours. On peut regretter que les propositions qui en découlent soient assez peu novatrices — elles se résument à un « fin du monde, fin du mois, même combat » déjà entendu et qui peut presque sembler déjà dépassé. Jean-Baptiste Comby laisse aussi de côté la fracture urbains/ruraux, emblématique, entre autres, de la différence de visions entre Jean-Luc Mélenchon (qui veut parler écologie aux banlieues) et François Ruffin (qui vise les milieux populaires ruraux).

Enfin, le panel d’enquêtés assez réduit et daté (le gros des enquêtes a été réalisé avant la montée en puissance de l’écologie observée depuis 2019) donne envie de savoir comment des mouvements récents comme les bifurqueurs ont pu rebattre les cartes dans certains groupes sociaux. Mais le sociologue a le mérite de proposer un cadre de réflexion bien fondé méthodologiquement, et qui ouvre la voie à de nouveaux travaux : c’est donc un livre précieux qui pose une première pierre pour penser comment fonder de nouvelles alliances autour de l’écologie politique.

Écolos, mais pas trop… Les classes sociales face à l’enjeu environnemental, de Jean-Baptiste Comby, aux éditions Raisons d’Agir, avril 2024, 192 p., 14 euros.

 

Législatives 2024 : les défenseurs du climat alarmés par la possible arrivée du RN au pouvoir
Audrey Garric, Matthieu Goar et Perrine Mouterde
www.lemonde.fr/planete/article/2024/06/13/legislatives-2024-les-defenseurs-de-l-environnement-alarmes-par-la-possible-arrivee-du-rn-au-pouvoir_6239237_3244.html

Militants du climat, acteurs des énergies renouvelables et scientifiques ont accueilli avec stupéfaction la convocation d’élections anticipées. Ils s’inquiètent du « vide » des idées du Rassemblement national en matière de lutte contre le réchauffement.

Dimanche 9 juin, après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, une boucle WhatsApp de coordination réunissant des dizaines d’activistes venus de différentes organisations, telles que Les Amis de la Terre, #NousToutes et d’autres collectifs, a soudain changé de nom : « Pas de RN aux européennes » est devenu « Pas de RN à Matignon »… Un signe que le danger venait de changer de nature.

Dès le début de cette période à l’issue aléatoire, les militants du climat, les acteurs des énergies renouvelables, les scientifiques ont vu un scénario noir se dessiner : et si l’extrême droite, en campagne depuis des mois contre une prétendue « écologie punitive » imposée par Bruxelles, arrivait au pouvoir en France ? « Quand on a suivi les résultats des élections, nous n’étions pas heureux, mais pas non plus étonnés. Puis, quand on a entendu l’annonce de la dissolution, nous avons été stupéfaits », relate Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace, rejoint par le paléoclimatologue Jean Jouzel : « Je suis secoué, effrayé, abattu. »

Habituées à subir les soubresauts de l’exécutif, les différentes sphères de la cause environnementale ont d’abord recensé toutes les mesures mises à l’arrêt par cette crise politique. Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, décalé depuis des semaines, ne sera pas révélé tout de suite puisqu’une nouvelle période de réserve s’est ouverte, lundi, avec le début de la campagne des élections législatives.

Temps suspendu

La stratégie nationale bas carbone, qui devait être dévoilée jeudi 13 juin, attendra. Et une énième concertation sur le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne peut plus être lancée. Pendant plusieurs semaines encore, la France devra donc se passer de feuilles de route énergétique et climatique. « Techniquement, on peut essayer de tout faire en juillet, mais bon il faut déjà voir où on en sera tous à ce moment-là », glisse un conseiller de l’exécutif.

Ce temps suspendu provoque de multiples conséquences. « Cette situation est grave, car elle crée de l’incertitude, analyse Jules Nyssen, le président du syndicat des énergies renouvelables. Le gouvernement a pris, par exemple, des engagements oraux sur le développement de l’éolien en mer, mais il n’est pas possible de lancer un appel d’offres de 10 gigawatts [l’équivalent de la puissance de dix réacteurs nucléaires] d’ici à la fin de l’année sans PPE. » Fin avril, la Commission européenne a pourtant enjoint la France de « clarifier » les mesures qu’elle entendait prendre pour respecter ses engagements en termes de déploiement des énergies renouvelables d’ici à 2030.

La parenthèse pourrait se refermer avec un Rassemblement national (RN) encore plus puissant. Une éventualité redoutée par les défenseurs de l’environnement. Dans son programme des élections européennes, le parti de Marine Le Pen veut abroger des pans entiers du pacte vert pour l’Europe, notamment l’interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035, et il y réaffirme sa volonté de mettre en place un moratoire sur l’éolien et le solaire. Aucun scénario de transition ne prévoit pourtant l’atteinte des objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre du pays sans une progression forte des renouvelables. « Le RN n’a aucune ambition en termes de lutte contre le changement climatique. C’est le vide. Soit les membres du parti sont climatosceptiques et nient le problème, soit ils l’ignorent », poursuit M. Jouzel.

« Extrêmement simpliste et populiste »

De nombreux scientifiques n’ont pas oublié les déclarations de Thomas Ménagé, à l’époque député RN du Loiret, estimant, le 21 août 2023, sur France Inter, que le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait « parfois tendance à exagérer », reprenant des propos de Marine Le Pen. « Il y a un vrai risque de ne pas se préparer au changement climatique qui frappe la France et qui ne va pas disparaître parce qu’on l’ignore, et de ne pas poursuivre la réduction des émissions », alerte la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, ancienne coprésidente du groupe 1 du GIEC.

En défendant uniquement le nucléaire, le RN propose une réponse « extrêmement simpliste et populiste, qui caresse les électeurs dans le sens du poil en leur faisant croire que l’on peut enlever toutes les contraintes », juge le documentariste et militant écologiste Cyril Dion. « Le RN n’a pas de compréhension globale des enjeux environnementaux, ils n’ont pas de cohérence ni de crédibilité sur ces questions », affirme Arnaud Schwartz, vice-président de France Nature Environnement.

En cas de nomination de Jordan Bardella à Matignon, les collectifs et associations de défense de l’environnement redoutent également d’être dans le viseur. Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) à l’automne 2023, des députés RN avaient déposé un amendement proposant de couper les subventions publiques à différents collectifs, notamment le Réseau Action Climat (RAC), Les Amis de la Terre et France Nature Environnement.

Dans ce PLF, mais aussi lors du récent examen du projet de loi d’orientation agricole, ils avaient aussi essayé de mettre fin aux reçus fiscaux, le moyen de financement principal de plusieurs collectifs, pour les associations dont certains membres sont reconnus coupables « d’actes d’intrusion ou de dégradations ». Une initiative qui avait été vue comme une première tentative de restreindre la désobéissance civile revendiquée par certains activistes. « Il y aurait sans doute une diminution drastique des autorisations de manifestations, une augmentation de la surveillance et une répression plus forte contre la désobéissance civile. Oui, notre vie pourrait devenir encore plus compliquée », pense M. Julliard.

Appeler à faire barrage ?

Restent plusieurs questions essentielles toujours en réflexion. Comment s’engager dans cette campagne ? Faut-il appeler à faire barrage à l’extrême droite ? Comment contribuer à remettre les enjeux environnementaux, déjà éclipsés lors de la campagne des européennes, au cœur du débat ? Entre tous ces collectifs qui ont des rapports au monde politique très différents, chacun cherche sa ligne tout en réactivant des lieux d’échanges. « Chaque organisation a ses propres discussions en interne, et nous essaierons de définir une position commune de façon consensuelle », résume Anne Bringault, directrice des programmes du RAC.

La plate-forme du Pacte pour le pouvoir de vivre, créée après la crise des « gilets jaunes » en 2019, qui comptait beaucoup d’acteurs de la cause climatique comme la Fondation européenne pour le climat, devrait faire des propositions. Mardi soir, la Ligue des droits de l’homme (LDH) a réuni de nombreuses structures – Oxfam, Greenpeace, Amnesty International, etc. – pour discuter de la meilleure façon de s’impliquer. Plusieurs textes sont en préparation, notamment un porté par la LDH pour appeler à faire barrage et un autre par Greenpeace sur les questions climatiques.

Dans le milieu des activistes, la question de l’engagement contre la montée en puissance du RN se pose depuis des mois. Au sein du mouvement Alternatiba, les sections Paris, Lyon et Montpellier ont fait scission pour fonder Action Justice Climat, notamment parce qu’ils considéraient qu’il fallait dénoncer plus frontalement les dangers de l’extrême droite.

À propos des ‘ électeurs ordinaires ‘ du RN
Fabien Escalona
https://blogs.mediapart.fr/fabien-escalona/blog/040524/propos-des-electeurs-ordinaires-du-rn

Les responsables de gauche gagneraient à lire l’enquête sociologique de Félicien Faury, pour éviter trop de raccourcis sur le vote en faveur du Rassemblement national.

La circulation du témoignage télévisé de Colombe, électrice au RSA exprimant son espoir envers le parti de Marine Le Pen, a été l’occasion d’une confrontation entre ceux qui estiment que la gauche doit lui parler pour lui prouver qu’elle se trompe d’issue politique, et ceux qui la renvoient à son choix conscient de voter pour une organisation raciste. 

Le livre de Félicien Faury, Des électeurs ordinaires (Seuil, 2024), arrive à point nommé dans les librairies pour proposer une analyse fine du phénomène électoral lepéniste. Je renvoie à son entretien dans les colonnes de Mediapart, qui donne – je l’espère – une bonne vision des résultats de son travail. Dans cet espace, j’aimerais souligner que certains d’entre eux, et la façon dont ils résonnent avec d’autres approches, peuvent aider les gauches à ne pas se tromper de réponse stratégique. 

D’une part, Félicien Faury appelle à ne pas s’enferrer dans de faux débats qui opposeraient de manière manichéenne le « social » et le « culturel », sans fermer les yeux sur la logique raciale du vote RN. Cela ne veut pas dire que l’électorat concerné y soit définitivement enfermé, mais comprendre la puissance et l’autonomie de cette logique est essentiel. 

À l’aide de méthodes qualitatives, le sociologue conteste que le ressort identitaire du vote RN ait cédé la place à des « raisons socio-économiques », comme l’ont notamment suggéré les économistes Thomas Piketty et Julia Cagé à plusieurs reprises. Dans « tous les entretiens » qu’il a menés avec des individus issus de classes populaires stables et de petites classes moyennes, « ont en effet émergé, de façon plus ou moins régulière et affirmée, des propos à teneur raciste ». Bizarrement (non), en parlant de manière intensive avec des électrices et des électeurs, il n’a jamais rencontré d’enthousiasme délirant pour la proposition lepéniste de prêt immobilier à taux zéro, censée avoir parlé aux milieux populaires ruraux. 

Il retrouve là les conclusions de nombreuses enquêtes postélectorales faites en France comme en Europe occidentale pour d’autres forces d’extrême droite. Surtout, il les dégage de toute connotation méprisante en soulignant que la complaisance, l’accommodement voire l’attachement à « l’ordre racial » inégalitaire, hérité de siècles de domination impériale et (post)coloniale, n’est pas propre à l’électorat du RN mais imprègne de différentes manières l’ensemble de notre formation sociale. La spécificité de l’électorat RN est d’en faire une motivation de vote, dans laquelle sont enchâssées ses préoccupations matérielles, c’est-à-dire économiques et sociales, lesquelles existent bel et bien. 

La matrice raciale de l’offre d’extrême droite : une puissance qui vient de loin 

En fait, plusieurs choses sont vraies en même temps. D’un côté, des enquêtes nous renseignent sur le fait que les attitudes xénophobes ont tendance à reculer sur le long terme, sous l’effet du renouvellement générationnel et de la hausse du niveau d’instruction. D’un autre côté, les dispositions à l’essentialisation et au rejet des groupes minoritaires restent assez répandues pour avoir des effets électoraux de grande ampleur lorsqu’elles sont activées. La différence avec le passé n’est pas le surgissement de ces dispositions, mais leur politisation et leur traduction finale en comportement électoral – à la fois parce que des entrepreneurs politiques ont osé le faire, et parce qu’ils ont saisi un contexte qui leur offrait des prises (développement du chômage, affaire de Creil, plus tard attentats islamistes…). 

Le succès de ces entrepreneurs d’extrême droite ne peut se résumer à une mystification susceptible de disparaître une fois prodiguée la « bonne » explication, ou offert le « bon » programme politique. « La racialisation […] structure et suscite ses intérêts propres, affecte durablement les représentations communes du monde », écrit Félicien Faury. L’offre politique de l’extrême droite a d’autant plus de potentiel qu’elle joue sur des ressorts multiples et anciens. Elle revêt certes une dimension sulfureuse, notamment par rapport à des élites politiques ayant joué le jeu de la mondialisation, mais aussi une dimension très « traditionnelle », en réactivant des standards culturels des anciennes élites bâtisseuses de l’État-nation. 

 

Comme l’a noté le politiste Cas Mudde dans un article sur la « normalité pathologique » de l’extrême droite contemporaine, les caractéristiques de son idéologie peuvent être analysées comme une radicalisation, dans un sens excluant et autoritaire, des valeurs mainstream des démocraties libérales-représentatives (l’affirmation d’une identité nationale, l’attachement à l’ordre, l’idée que la volonté du peuple doit s’imposer). Tout cela est assez cohérent avec caractère simultanément « protestataire » et « conservateur » que Félicien Faury détecte dans le vote RN.

S’il se réfère à de nombreux travaux de sociologie du racisme pour insister sur « la puissante efficacité normative et politique [du] fait social raciste », on peut monter en généralité d’un cran en se référant à l’approche théorique du philosophe Jacques Bidet, selon qui « tout État-nation moderne, fondé sur l’appropriation d’un territoire par une communauté, est guetté par quelque chose comme une paranoïa nationale, qui concerne immédiatement, non pas l’accumulation du profit sans laquelle on disparaît du marché, mais l’autre défi : celui de se constituer, de perdurer et de grandir comme puissance singulière dans le Système-monde ». 

« Par le racisme, poursuit-il plus loin, on défend agressivement, à l’encontre de l’étranger (ou celui qu’on pose comme tel), sa propre place dans la structure de classe – qu’elle soit modeste ou élevée – en tant que l’on est héritier d’une position nationale plus favorable au sein du Système-monde. Il s’agit donc d’un phénomène général dans la modernité, qui subsiste même lorsque l’idée de “race” se trouve proscrite, remplacée par celle de culture ». 

Pas beaucoup de « raccourcis » pour la gauche

Outre son apport sur les ressorts du vote RN, Félicien Faury aligne d’autre part des constats qui indiquent le chemin à parcourir pour politiser vers la gauche un électorat populaire tenté par l’extrême droite. En particulier, il pointe les spécificités de la « conscience sociale triangulaire » pouvant conduire au vote RN.

La formule, proposée par Olivier Schwartz il y a plusieurs années, pointait le fait que certaines couches sociales ont l’impression de subir des pressions de la part du « haut » de la société qu’elles ne peuvent pas rejoindre (les classes dominantes) mais aussi de la part du « bas » de la société où elles redoutent d’être reléguées (les « plus subalternes », envers qui la solidarité est volontiers contestée). 

Or, ce que retient Félicien Faury de ses entretiens et qui saute aux yeux en le lisant, c’est à quel point, dans le cas de l’électorat RN qu’il a rencontré, « la conscience sociale triangulaire […] n’est pas symétrique dans ses effets moraux et politiques ». En clair, et il faut y voir un échec ou du moins un défi pour la gauche, cet électorat est bien conscient des privilèges des ménages les plus riches, et peut éventuellement en tirer une perception négative, mais n’entrevoit aucun moyen crédible d’y mettre fin. Leur domination paraît hors de portée politique. 

« Cette résignation, commente le sociologue, contraste avec la manière dont les présences non blanches, associées à l’immigration, sont appréhendées. Celles-ci sont au contraire conçues comme évitables. » Plus loin, il remarque d’ailleurs que si certains de ses enquêtés anticipent un exercice déceptif du pouvoir par le RN, ils s’attendent au moins à ce que « celui-ci ne soutiendra pas ces groupes repoussoirs que sont les “immigrés” ou les “musulmans” et n’ira pas dans le sens d’une “préférence étrangère” – comme le font, [à leurs] yeux, toutes les autres formations politiques »

On mesure ici la faible probabilité de « raccourcis » possibles pour (re)faire pencher à gauche l’électorat populaire ou « petit-moyen » du RN. A minima, il est clair que toute concession à la matrice raciale du vote RN ne pourra que le renforcer. Au-delà, l’impératif est bien sûr de s’efforcer de déplacer l’affrontement politique sur des terrains où la gauche peut mieux faire valoir sa spécificité. À cet égard, on ne peut que regretter qu’au lendemain du mouvement contre les retraites, les gauches aient mené des universités d’été chacune dans leur coin, croyant bon d’assurer un tour de piste médiatique à Ségolène Royal ou de s’écharper sur l’invitation du rappeur Médine, là où des campagnes sur la réindexation des salaires ou la VIe République auraient pu être tentées. 

Il reste que c’est surtout un coûteux travail « en présentiel » qui semble nécessaire pour perturber ou désactiver les dispositions à l’essentialisation et au rejet des groupes minoritaires. Il n’est pas nouveau que des allégeances primaires empêchent les solidarités « objectives » de classe de se matérialiser. Mais pour permettre à celles-ci de se nouer, des rencontres et des sociabilités concrètes sont indispensables – d’autant plus pour des partis engagés contre l’inertie des structures sociales. 

« Le maillage militant du territoire et son ancrage social constitue une ressource indispensable pour filtrer et retraduire les messages politiques afin d’en faire des outils de mobilisation de ceux et celles qui sont tenus à distance du champ politique », écrivait en 2022 le sociologue Étienne Pénissat dans Contretemps. Cela nécessite du temps, du savoir-faire et des procédures, et renvoie la gauche à une « question organisationnelle » qu’aucune formation existante n’a résolue. 

Urdaibaiko Guggenheimek eta Donostiako Santa Klara uharteak bandera beltza jaso dute, iaz bezala
Julen Ugartemendia Carcedo
www.argia.eus/albistea/urdaibaiko-guggenheimek-eta-donostiako-santa-klara-uharteak-bandera-beltza-jaso-dute-iaz-bezala

Ekologistak Martxan elkarteak bandera beltzak banatzen ditu urtero, kutsaduragatik eta kudeaketa txarragatik. Getariako makrogranjak eta Leioako Lamiakoko padurak jaso dituzte beste bi banderak.

2024ko Bandera Beltzak txostena argitaratu dute asteazkenean, ekainaren 12an. Ekologistak Martxan elkarteak Gipuzkoan eta Bizkaian bandera beltza bana ematen ditu urtero kutsaduragatik eta kudeaketa txarragatik. Urdaibaiko Biosfera Erreserbaren eta Donostiako Santa Klara uhartearen kasuetan, bigarren urtez jarraian jaso dute.

Urdaibaiko Biosfera Erreserban Bizkaiko Foru Aldundia eta bertako udalak egiten ari diren Guggenheim proiektuak bandera beltza jaso du, zehazki Gernikan eta Muruetan eragiten duen kutsaduragatik. Bandera Beltzak txostenaren arabera, hiru dira arrazoi nagusiak: proiektuaren informazioaren inguruan gardentasunik eza, tokiko biztanleen gaitzespena eta ordaindu beharreko kostu handia. Gernika eta Muruetako bizilagunek eta talde ekologistek askotan eskatu diete proiektuari buruzko informazioa Aldundiari eta tokiko udalei, baina jaso duten informazio guztia komunikabideei esker jaso dute. Herritarrek eta talde ekologistek manifestazio ugari egin dituzte eta Biosfera Erreserbaren defentsaren alde auzitegietara jo dute. Proiektuaren kostu totala argi ez badago ere, New Yorkeko Cooper Roberston arkitektura estudioak 127 milioi inguruan kokatu du kostua, lurren deskontaminazioa kontuan hartu gabe. Aldundiak dio diru publikoarekin finantzatu nahi dituela proiektua egiteko beharrezkoak diren lurren erosketa eta deskontaminazioa, baina txostenak adierazi duenez, lur horiek jada publikoak izan beharko lukete, ontziolei emandako kontzesioa amaituta legokeelako.

Getariako portutik 3,6 milia ipar-ekialdera jarri den makrogranjak eragiten duen kutsadura ere azpimarratu du Ekologistak Martxan elkarteak. Atungorri eta zimarroia gizentzeko makrogranja da gaur egungoa, baina elkarteak adierazi duenez, “oso litekeena da instalazio gehiago egitea datozen urteetan”. Makrogranjak “guztionak diren baliabide naturalen pribatizazioa dakar eta itsas baliabideak interes pribatuen esku uztea”, ingurumenaren kontserbazioa alde batera utzita.

Leioako Lamiako padura Nerbioi itsasadarrean geratzen den padura-eremu bakarra da. 2020ko ekainaren 26an, Leioako Udalak eremu hori berreraikitzeko proiektua onartu zuen. Txostenak adierazi duenez, akordio horren bitartez, udalak hainbat helburu lortu nahi zituen: metro-lineak lurperatzea Leioatik Lamiakora, itsasadarraren ondoan berdegune handi bat sortzea eta Gobela ibaiaren bokalea birmoldatzea diseinu berri batekin. Txostenak dioenez, udalak eta bizilagunek adostu zuten padurakoa izan behar zuen eremua “erdira baino gutxiagora murriztu da, Leioak dituen parke ugarietako bat eraikitzeko”, horrela akordioa eta legea urratu dituzte.

Donostiako Santa Klara uharteak bigarren urtez jarraian bandera beltza jaso du, geroz eta handiagoa den turistifikazioak, Ekologistak Martxan elkartearen arabera, “enklabeari eta bertako fauna eta florari kalte egiten diolako”. Txostenean gogorarazi da uhartean Hondalea eskultura-obra eraikitzeak faroko etxearen barrualdea eta flysch-a apurtzea eragin zituela, eta ondoko belardian lur tona ugari isuri zituztela: “Hegazti enblematikoen espezie batzuen habitatari eta uharteko endemismo batzuei kalte egin zien”. 2022ra arte uhartea udan baino ezin zen bisitatu, baina 2023tik aurrera uhartean turistak jasotzen hasi ziren udaberrian ere, nazioarteko turismorako ustiatzeko asmoarekin.

Proposatutako konponbideak

Arazo horien aurrean, kasu bakoitzerako konponbideak proposatu dituzte. Urdaibaiko Biosfera Erreserbaren kasuan, proiektua bertan behera uztea proposatu dute, eta “eskualdeak zer behar duen hausnartzeko prozesua irekitzea eta plan sozioekonomiko serio bat egitea”, herritarren interesak eta ingurumenaren defentsa kontuan hartzeko.

Getariako makrogranjaren kasuan, Itsasoko Gune Babestuak sortzea proposatu dute, epe labur eta ertainera, “kostaldeko herrien garapen sozial, kultural eta ekonomiko iraunkorra” lagun dezakeena, eta tokiko arrantza-kofradiak berriz bultzatzea.

Leioako Lamiakoko paduren kasuan, legea ez urratzea eskatu dute eta urpean gera daitekeen eremu osoa edo marearteko eremua “padura berreskuratzeko erabiltzea”.

Donostiako Santa Klara uharteari dagokionez, konponbideak hiru puntutan banatu dituzte: Donostiako Udalak eta Hondalea sustatzen duen enpresak egutegiari, edukierari, ordutegiei eta mugei buruz hitzemandako irizpideak betetzea, uharteko natura babestea eta berreskuratzea, eta itsas hegaztiek habiak egiten dituzten garaian uhartera egiten diren bisita gidatuak bertan behera uztea.