Articles du Vendredi : Sélection du 03 mai 2024

TotalEnergies : interrogé au Sénat, Patrick Pouyanné défend ses investissements dans le fossile
Sascha Garcia
www.liberation.fr/environnement/climat/totalenergies-interroge-au-senat-patrick-pouyanne-defend-ses-investissements-dans-le-fossile-20240429_Z5PVIU62UZDR3N2IKVRVW3UXJA/

Lors de son audition devant la commission d’enquête sénatoriale sur les agissements de son entreprise, ce lundi 29 avril, le PDG a dû se justifier sur ses investissements dans l’hydrocarbure plutôt que dans les renouvelables.

A la question «Est-ce que vous croyez encore que l’on peut limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré ?», Patrick Pouyanné n’hésite pas une seconde : «Oui, on peut. A condition d’être réaliste, de sortir des dogmes et de regarder ensemble comment on peut avancer, concrètement». C’était là tout l’enjeu de son audition, ce lundi 29 avril, devant la commission d’enquête sénatoriale sur son entreprise, TotalEnergies. Souvent pointée du doigt pour sa responsabilité dans l’augmentation globale des températures, la major du pétrole assure investir massivement dans les énergies renouvelables. Mais les projets pétroliers de TotalEnergies, notamment en Ouganda et en Tanzanie, pourraient en réalité entrer en «contradiction» avec les engagements de la France en matière de politique climatique. Patrick Pouyanné s’en défend : «on continue à investir dans de nouveaux projets de pétrole et de gaz de façon à répondre à la demande et de contribuer à la transition énergétique».

Parmi les nombreuses questions sur les répercussions de tels projets sur les populations locales, et sur l’image que renvoie l’entreprise à l’international en passant des accords avec des pays autoritaires, la commission a d’abord voulu comprendre comment, concrètement, TotalEnergies prenait le chemin de l’énergie renouvelable. Lors de son propos introductif, Patrick Pouyanné, qui avait visiblement anticipé cette question, a longuement défendu la stratégie de son entreprise : produire du pétrole et du gaz «autrement, en émettant moins de CO ou de méthane», investir dans l’électricité renouvelable depuis 2020… «Là où on investissait 18 milliards d’euros dans l’hydrocarbure, on en investit plus que 12 milliards et on met 5 milliards dans l’électricité et un milliard dans les autres énergies bas carbone», se défend-t-il, rappelant être «parti de 0» il y a tout juste quatre ans. Selon lui, continuer à financer des projets pétroliers permet, en réalité, de financer d’autant plus une énergie propre.

«Vos investissements en pétrole et gaz font que vous allez augmenter votre production, rétorque le sénateur écologiste Yannick Jadot, rapporteur de cette commission d’enquête. On entend votre stratégie, mais elle ne correspond pas à ce que demandent et portent les grandes agences énergétiques internationales.» Les voix se font plus fortes dans la salle. «Quand la demande de pétrole déclinera, on déclinera avec elle», assure le PDG en se défaussant. «La réalité de ce que nous vivons aujourd’hui, c’est que la population mondiale croît, et que la demande en énergie croît au même rythme», assène-t-il. En 2023, malgré une production record, les énergies renouvelables «n’ont permis de couvrir que 40 % de l’accroissement de la demande mondiale», avance-t-il encore.

«Il faut nous mettre un cadre»

Pour autant, les sénateurs s’interrogent : une entreprise avec un tel rayonnement international ne pourrait-elle pas devenir pionnière en la matière ? «Imaginons que Total, suivi par les majors européennes, se mettait à faire massivement des énergies renouvelables, vous participeriez à une décarbonation de la demande, plutôt que de contribuer à son maintien en carbone», répond Yannick Jadot. Pas si facile, selon le PDG : sans son «portefeuille pétrolier et gazier», les actionnaires ne «laisseraient pas faire» un tel virage vers le renouvelable. Pourtant, Patrick Pouyanné l’assure lui-même, ce n’est pas la rentabilité qui pose problème. «Les renouvelables ont très mauvaise réputation. Quand on me dit “elles ne sont pas rentables”, je dis qu’elles le sont.»

Une rapporteuse s’interroge alors, sincèrement : «Qu’est-ce qui vous empêche d’aller plus vite sur le renouvelable en Europe ?» «Un manque d’espace, se justifie le chef d’entreprise. Je ne sais pas où trouver 500 km²» pour installer un parc solaire. D’autant plus que, selon lui, les lenteurs administratives du continent n’arrangent rien : «En France, un projet d’énergie renouvelable, c’est à peu près 5 ans. Au Texas, c’est 1 an. En Europe, tout est lent.

Je suis désolé de vous le dire, on n’a pas assez de fonctionnaires pour s’occuper de ces projets». Autant de bâtons dans les roues qui empêcheraient l’une des entreprises les plus rentables du monde à se conformer à ces nouvelles ambitions climatiques. «Il faut nous inciter à le faire, il faut nous mettre un cadre», finit-il par réclamer aux élus, se contredisant face à sa propre maxime, avancée quelques minutes plus tôt : «Vouloir, c’est pouvoir».

Demain est un autre rêve
Hervé Kempf
https://reporterre.net/Demain-est-un-autre-reve

Pour sortir nos imaginaires d’une spirale catastrophiste, il nous faut redessiner le futur, donner des couleurs au monde que nous esquissons par les luttes et les alternatives.

C’était en août dernier, sur le Larzac. Quelques mois après la violente meurtrissure de Sainte-Soline, qui avait traumatisé le mouvement écologiste, des milliers d’activistes s’étaient retrouvés sur le causse, pour plusieurs jours de discussions, de danses, de moments partagés. Un temps de joie sereine, comme pour reprendre souffle ensemble et repartir du bon pied.

Parmi les dizaines d’ateliers et de rencontres passionnantes, l’une avait marqué : « Mener la bataille des imaginaires ». L’enjeu était vital, et il le reste. Car la conscience commune est aujourd’hui dominée par la vision d’un futur catastrophiste, issue d’ailleurs de la culture écologiste, qui a imposé l’idée de la dégradation de la biosphère sous l’effet de l’action humaine dans une société profondément inégalitaire. Mais aucune vision émancipatrice et encourageante ne s’en dégage.

Paradoxalement, la catastrophe est assumée par ses responsables capitalistes, qui formulent un imaginaire prétendant s’accommoder de la crise écologique par l’accélération technologique sans rien changer à l’ordre social. De son côté, l’imaginaire d’extrême droite déplace le champ des menaces (le danger serait l’étranger), affirmant pouvoir protéger la société par l’exclusion et la frontière. Le camp de l’émancipation, lui, ne parvient pas à dessiner un avenir séduisant.

Concilier futur désirable et réduction de la consommation

Projeter le futur, décrire un horizon désirable, est cependant une nécessité politique, si l’on veut embarquer la société pour transformer le monde. À la fin du XIXᵉ siècle, le libéralisme bourgeois promettait la prospérité sur fond de progrès scientifique — avant de se fracasser sur la tuerie de la Première Guerre mondiale. Des décombres de celle-ci a surgi l’idéal communiste de la Révolution russe, d’un pouvoir populaire et égalitaire, rêve englouti par la dictature stalinienne. Au sortir du triomphe sur le nazisme, les États-Unis ont fait miroiter un monde enchanteur de confort pour tous, combiné avec la liberté. Promesse anéantie à partir des années 1990, avec la dévastation écologique et le retour d’une inégalité sidérante.

Face aux dominants, quelle est l’espérance qui anime le camp de l’émancipation ? Comme l’écrit l’inventeur de la permaculture, David Holmgren, dans Comment s’orienter ? (éd. Wildproject) « la crise énergétique et économique qui s’annonce imposera de toute façon la réduction de la consommation ». Il est aussi indispensable de réduire drastiquement les émissions mondiales de gaz à effet de serre afin d’éviter une aggravation insupportable du réchauffement planétaire. Mieux vaut le choisir que le subir.

Mais comment transformer cette perspective en horizon désirable ? Dans La chauve-souris et le capital (éd. La Fabrique), Andreas Malm estime qu’on ne pourra pas « éluder l’interdiction de la consommation d’animaux sauvages, l’arrêt de l’aviation de masse, l’abandon progressif de la viande et d’autres choses synonymes de belle vie. » Pour Malm, « ceux qui, dans le mouvement pour le climat et à gauche, prétendent que rien de tout cela n’est nécessaire et que le commun des mortels n’aura rien à sacrifier, ne sont pas honnêtes ».

Il reste à convaincre les gens du mieux que ce projet va apporter à tous. Et dire que cela évitera la catastrophe, le chaos, la guerre, n’est pas une incitation suffisamment entraînante. Il faut redonner de la puissance d’agir plutôt qu’agiter les périls.

Des rêves simples, mais forts

On peut multiplier les récits d’alternatives concrètes, promouvoir un nouveau rapport au vivant, appeler à de nouvelles formes de résistance au capitalisme, il n’en émerge pas encore un imaginaire capable de rassembler.

Pourtant, les puissants mouvements de lutte des dernières années portaient des rêves simples mais forts : la démocratie pour Nuit debout, la dignité pour les Gilets jaunes, la justice pour le mouvement des retraites, tandis qu’au cœur du Covid les espoirs du « Monde d’après » avaient fleuri dans des bouquets magnifiques. Mais les pétales de ces floraisons ont été emportés par la détermination rageuse des dominants à perpétuer leur système mortifère.

Raconter le monde que nous voulons

La piste est sans doute du côté des relations à retisser dans une société parcellisée par quarante ans d’individualisme néolibéral : dire qu’il y aura moins de biens, mais plus de liens. Être attentifs les uns aux autres, cultiver la solidarité, investir dans l’éducation, la santé, la culture, les biens communs ce qu’on aura retranché des investissements dans les projets productivistes, cela commence à esquisser un projet politique.

« Le monde a besoin de guérison, disait Juliette Rousseau sur le Larzac. Il nous faut repérer ce qui est blessé, voir comment cela se répare. Pour qu’on puisse transformer les choses, il faut qu’on ait besoin les uns des autres ». Guérir, pour repartir et faire grandir un autre monde.

Nous ne pouvons pas laisser l’avenir aux dominants, aux thuriféraires de la violence. « Le futur est aussi un champ de bataille », nous a dit récemment Alain Damasio. Il faut raconter le monde que nous voulons. Pour commencer, on en discutera le 2 mai avec François Ruffin et Camille Etienne, lors de l’enregistrement d’un Grand entretien de Reporterre. Demain est un autre rêve.

À qui profitent les milliards d’exonérations de cotisations sociales pour les entreprises ?
Mathias Thépot
www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/250424/qui-profitent-les-milliards-d-exonerations-de-cotisations-sociales-pour-les-entreprises

En France, les entreprises bénéficient de plus de 70 milliards d’euros d’exonérations de cotisations par an, dont 40 milliards sur les salaires proches du Smic. Une manne qui finance des effets pervers méconnus, que les économistes aimeraient interroger.

Les milliards d’euros perdus chaque année par l’État en exonérations de cotisations sociales au profit des entreprises sont-ils si efficaces que cela ? La question monte dans le débat économique. Ces allégements adossés de manière dégressive aux salaires situés entre 1 et 3,5 Smic – avec des seuils à 1,6 et 2,5 Smic – sont extrêmement coûteux pour la puissance publique : leur montant a dépassé 70 milliards d’euros en 2023. Et 40 milliards d’euros sont ciblés sur les seuls salaires allant de 1 à 1,6 Smic, soit l’équivalent du budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Les allégements de cotisations patronales sont ainsi devenus en France la première politique publique de l’emploi. Et les coûts ne cessent d’augmenter. Le gouvernement, qui affiche sa volonté de « désmicardiser » la France, bien que ses choix aient encouragé cette évolution, a missionné deux économistes pour suggérer des pistes : Antoine Bozio et Étienne Wasmer doivent présenter au mois de juin des pistes pour mieux articuler « les salaires, le coût du travail et la prime d’activité ».

Problème, on en sait en fait assez peu sur les effets concrets de ces milliards d’euros perdus. C’est ce qu’ont rappelé jeudi 25 avril devant des journalistes les deux économistes, lors d’un point d’étape sur leur travail, sous l’égide de France Stratégie.

Constat partagé par les chercheurs Jérôme Gautié (université Paris 1) et Frédéric Lerais (Institut de recherches économiques et sociales, Ires) qui ont, pour le compte de la CFDT, rendu récemment un rapport sur le sujet des exonérations sur les bas salaires. Il a été présenté le 23 avril à l’Institut d’études politiques de Paris.

 

 

Tous expliquent que depuis les premiers allégements décidés par le gouvernement d’Édouard Balladur en 1993, le discours économique considérait comme acquis que les allégements sur les bas salaires permettent de nourrir la croissance en emplois et de faire baisser le « coût » du travail des salarié·es peu qualifié·es. Certes, entre-temps, l’idée a fait son chemin que ces allégements incitent aussi les entreprises à moins bien payer leurs salarié·es, créant ainsi des « trappes à bas salaires ». Mais cette thèse n’a pas été clairement documentée. On est donc restés sur le constat que ces milliards étaient bons pour l’emploi, et donc bons pour l’économie.

Antoine Bozio et Étienne Wasmer ont un peu avancé. Ils constatent une nette concentration des salaires entre 1 et 1,6 Smic en France, qui date du début de la mise en place des politiques d’allégement de cotisations. « Cela ne constitue pas une preuve de l’existence d’une trappe à bas salaires, ont-ils dit prudemment. Mais c’est un élément qui serait cohérent avec de telles trappes. »

Le rapport de Jérôme Gautié et Frédéric Lerais permet aussi de déceler quelques pistes de réflexion sur la réalité de ces phénomènes. Dans leur enquête de terrain, ils ont auditionné des cabinets d’expertise comptable qui accompagnent les représentant·es du personnel dans les entreprises. Ils ont pu déterminer qu’il existait effectivement un « pilotage par les seuils » de la politique salariale, « plus ou moins explicité, au niveau des entreprises, mais aussi parfois au niveau de la branche [professionnelle – ndlr] ».

« Les experts des cabinets d’expertise comptable […] notent que les directions sont particulièrement attentives à ne pas dépasser les seuils d’exonération de cotisations sociales », résument les deux économistes. Qui constatent que « ce pilotage se traduit par un tassement général des grilles salariales ».

Optimisation socio-fiscale

Les exonérations de cotisations pourraient en outre avoir été un facteur de développement « de l’optimisation socio-fiscale des politiques salariales des entreprises au cours des dernières décennies, se traduisant notamment par un moindre développement du salaire de base au profit de primes et des autres compléments », pointent les chercheurs.

Concrètement, plutôt que d’augmenter les salaires, les entreprises ont pu leur « substituer des éléments de rémunération défiscalisés », comme l’intéressement, la participation, ou des primes exceptionnelles, dont, depuis 2022, la prime de partage de la valeur (ex-prime Macron). Autant d’outils permettant aux entreprises d’optimiser sur tous les plans : « D’une part, le montant de primes accordé est exonéré de cotisations sociales et d’autre part il est exclu de la base de calcul pour les exonérations sur les bas salaires. »

Mais au-delà des phénomènes de trappes à bas salaires et d’optimisation, l’appropriation par les entreprises de la manne financière des milliards d’exonérations de cotisations doit aussi se lire de manière plus large. Par exemple dans les entreprises qui employaient beaucoup de salarié·s payé·es juste au-dessus du Smic, chaque nouvelle louche d’allégements a offert une manne financière, qui n’a pas forcément été utilisée pour embaucher d’autres salarié·es au Smic, ni à les augmenter systématiquement.

Ces bouffées d’air financières ont plutôt servi à « accompagner les transformations structurelles ou financer la montée en qualité de certains emplois – pas nécessairement à bas salaires –, en termes de conditions de travail, formation et/ou salaire, pour faire face notamment à des problèmes d’attractivité ». On peut s’en féliciter, mais cet impact mérite d’être évalué au regard des montants d’argent public en jeu.

Autre effet, plus pervers, pointé par les deux économistes de Paris 1 et de l’Ires : l’appropriation de cette manne des allégements a certainement été plus marquée par les entreprises ayant un rapport de force favorable sur la « chaîne de valeur ». Autrement dit, par les grosses entreprises, qui multiplient les filiales ou travaillent avec pléthore de sous-traitants.

« Les entreprises prestataires ou sous-traitantes peuvent être amenées à “rétrocéder” une partie de leur “manne” à leurs clients et commanditaires par une baisse de leur prix, soulignent les auteurs. Dans les services aux entreprises, par exemple dans l’intérim, ce n’est pas forcément l’entreprise prestataire qui en profite, mais l’entreprise utilisatrice, qui voit alors son coût réduit. » Autre pratique : « Un siège de groupe peut vouloir récupérer » le gain financier « au détriment de ses filiales ».

Et puis, rappellent Jérôme Gautié et Frédéric Lerais, « les exonérations ont pu dans certains secteurs ou entreprises accroître l’incitation à externaliser l’emploi – en recourant à du travail intérimaire et/ou en externalisant certains services ou productions vers des sous-traitants et/ou prestataires qui peuvent bénéficier davantage des exonérations du fait de salaires plus faibles et la répercuter sur leurs prix de vente ».

Pour résumer, les entreprises qui connaissent une plus grande concentration des hauts salaires ont certainement bénéficié indirectement plus qu’on ne le croit des allégements sur les bas salaires. In fine, « il semblerait que les peu qualifiés, de par leur faible pouvoir de négociation, soient peu à même de capter une partie de la “manne financière” engendrée par les exonérations, au contraire des plus qualifiés ».

Quelques-uns des effets méconnus et délétères de ces niches socio-fiscales en faveur des entreprises commencent donc à être dévoilés. Pour autant, mettre à plat le système risquerait de précipiter dans le rouge des entreprises employant des travailleurs pauvres. C’est pourquoi « si inflexion de la politique il doit y avoir », il faudra la mener « avec prudence et progressivement », exhortent Antoine Bozio et Étienne Wasmer. Mais pour ce dernier, « il faudrait bouger, le statu quo n’est pas une bonne solution ».

Pour répondre aux demandes à court terme du gouvernement, les économistes réfléchissent à un lissage de la pente des exonérations de cotisations patronales, dégressives entre 1 et 1,6 Smic, et à une amélioration de la prime d’activité. Mais il faudra aller plus loin et « penser les évolutions à venir dans le sens d’une montée en gamme des emplois existants ».

Nostalgiarekin zer egin?
Nicolas Goñi
www.enbata.info/articles/nostalgiarekin-zer-egin

XXI. mendearen laurdenera heltzen ari gara, baina era berean ipar globalak historia hautemateari utzi dio, globalizazioaren ondorioz etengabeko balizko orainaldi hits bat nagusi delarik, askori nostalgia pizten dioguna. Nostalgia sentimendu indartsua izan daiteke, baldin eta gure bizi baldintzen jabetzaren alde bideratzen badugu.

Duela guti Pierre Charbonnier filosofoak zioen bezala, mende honen laurdenera iristen gara eta oraindik “XXI. mendea” aipatzea futurista iduritzen zaigu jende anitzi (mende honetan sortu diren gazteei izan ezik). Norbaitek erraten duelarik “hamaseian gertatu zen hori”, testuingurua entzun gabe ez gaude ziur ea 2016 ala 1916 aipatzen duen. 35-40 urtetik gorakoentzat, iduri du gure erreferentzia asko zintzilik gelditu direla denboran nonbait, 1990eko hamarkadan edo auskalo. Kolektiboki ez gara mundu mailan gertatzen diren aldaketa handiez jabetzeko gai, edo gai izanik ere, horrek ez gaitu animatzen. Izan daiteke mende hau ez delako joan den mendean irudikatzen genuena bezalakoa: teknika berriak denentzako eskuragarriak izanen zirela eta gure eguneroko zamez arduratuko, energia mugagabea eta garbia, eta halako.

Noiz heldu da etorkizuna?

Horren ordez, hondamendi edo krisi zerrenda luzea: 2001eko irailaren 11ko erasoa eta horren ondorengo zurruntze ideologikoa (“gaitzaren ardatza”, “gurekin ala gure aurka” etab.) eta Afghanistanen inbasioa, 2002ko apirilaren 21ean eskuin muturra Frantziako lehendakari hauteskundearen bigarren itzulian (oraindik normaltzat jotzen ez genuena), 2003an Iraken inbasioa Estatu Batuen esku, 2004ko martxoaren 11ko atentatuak eta haien inguruko gezurrak, 2005eko Europaren etorkizunari buruzko erreferendumaren emaitza bahitua, 2006an Txetxenian egindako sarraskiak aztertu zituen Anna Politkovskaiaren hilketa, 2007an hasi zen finantza krisia, 2008an krisi ekonomikoa bilakatu zena eta klimaren arazoa enegarren planoan utziko zuen 2009ko COP15aren porrota, 2010eko hamarkadan Fukushimako istripua, iraultza arabiarren zapalkuntza, Siriako gerla, errefuxiatuen krisia, zor publikoaren krisia, Estatu Batuetan trumpismoa eta Europan eskuin muturraren gorakada, gaur egun hainbat adituren arabera eskuin muturreko arrisku terrorista gainditu zaiolarik terrorismo islamistari. Gertakari guzi horiek itxaropena higatu dute eta haserrea edota mesfidantza zabaldu.

Testuinguru horretan ez da harritzekoa 2020an hasi zen pandemiaren ondorioz denen gogoetan zaintzaren gaia ez dela automatikoki erdian ezarri. Baina era berean, makina guziak gelditu ziren udaberri hartan biharko mundua eraikitzeko asmoak adierazi ziren han hemenka, globalizazioa gainditzeko, halakorik berriz gerta ez zedin, naturarekiko errespetuan hobeki bizitzeko. Lau urtetan giro globala are gehiago ilundu da eta asmo horiek, arras gizatiarrak izan arren, ahantziak dirudite. Alta, sekulan baino beharrezkoagoak dira, baina nola zabaltzen ahal diegu bidea, jende gehiago berriz ukitu ditzaten?  Iazko artikulu batek zion bezala, “klimaren aldeko militanteak ezin dira haiek bakarrik gizateriaren salbatzaileak izan”.

Narratiba eskasean, nostalgia

Etorkizuna irudikatzeko gaitasunak zerikusi handia du garaian garaiko narratibekin ere, eta 1990eko hamarkadatik goiti zabaldu da kapitalismoaren garaipen globalaren narratiba, globalizazioaren oinarri ideologikoa dena. Merkataritza eta kontsumoa biziaren ardatz gisa ezarriz gero, historia ahantzarazi digute, etengabeko orainaldian bagina bezala, iraganik gabe, eta beraz etorkizunik gabe, orainaren luzapen mugagabea izan ezik, erosteko ahalmen nahikoa dutenentzat bederen. Gauza bera baina 56 kb-ko modemetik zuntz optikora, CDetatik streamingera, GSMtik 5Gra, oporrak Mediterraneotik Karibera edo Tailandiara, atmosferaren CO2 edukia 360 ppm-tik 420ra, baina lasai, horren ondorioak ez ditugu (oraindik) ipar globaleko kontsumitzaileok pairatzen eta, etorkizunik izan ezean, inoiz pairatuko ez bagenitu bezala ihardukitzen jarraitzen dugu.

Etorkizuna irudikatzeko gaitasunak zerikusi handia du garaian garaiko narratibekin ere, eta 1990eko hamarkadatik goiti zabaldu da kapitalsmoaren garaipen globalaren narratiba.

Horren aurka, edo orainaldi kontsumista hori jasan ezinean, jende gero eta gehiagok iragan gisako zerbait berreskuratu nahi dute, iragan sentimental bat, gibelera nolabait itzultzea, gauzak naturalagoak eta oraindik kontsumoan itoak ez zireneko garai batera, arratsak pantailari baino zerumugari begira pasatzen genueneko iragan gisako zerbait. Oldar hori guziz ulergarria da, aldiz iritzitan egituratzen hasten delarik ikuspegi nahiko ezberdinak eman ditzake, eta ikuspegi horien artean norbere bidea zintzoki aurkitzea ez da hain begibistakoa. Iraganean non ezarri marra? Gaurkotik zer ukatu behar dugu aski “naturala” ez delako? Irizpidea “natura” izan behar ote da, edo ekosistemekin dugun harremana?

Naturaren instrumentalizatzea

Hor dago koska: munduaren industrializazioaren albo-kalteak kritikatzeko mila arrazoi badira, baina horiek kritikatzean naturari erreferentzia egiten badiogu, kontuz ibili behar gara. “Natura” gugandik aparteko gauza finko eta ukiezina baldin bada, horrek bidea ireki diezaieke konfiskatze atzerakoiei, eta oharkabean, gure nostalgiaz baliatuz, industria aitzineko ordena sozial hierarkizatu eta finkoak onartaraz diezazkigute, “naturak” justifikaturik, lehen zena naturala zelakoan. Emazteei eskubide gutiago eta presentzia publiko txikiagoa utzi, haien eginkizun “naturala” etxean eta zaintzan zentratuko omen litzatekeelako. Homogeneotasun etnikoa “naturala” litzateke, justifikazio sasi-ekosistemikoetan oinarrituz. Pertsonen arteko hierarkia — jabetzan eta indarrean oinarriturikoa — ere “naturala” litzateke, hainbat animalia espezietan hala ikusten delako (edo zehazkiago hala interpretatu ohi delako). Hori justifikatzen hasiz gero, ondorengoa ez da urrun: aginte arbitrarioari obeditzea, erlijio-erakundeak, sexuaren araberako lan banaketa eta gizarte-rolak, berdin-berdin errepikatzeko tradizio finkoak, haien erranahia ez badugu gehiago ulertzen ere. Funtsean, horrek ez digu burujabetzarik ematen, gizarte arau guziak gugandik kanpo zehaztuak baitira. Gaurko alienazioei erremedioa ez dugu atzoko alienazioetan atzemanen.

Merkataritza eta kontsumoa biziaren ardatz gisa ezarriz gero, historia ahantzarazi digute, etengabeko orainaldian bagina bezala, iraganik gabe, eta beraz etorkizunik gabe.

Naturaren” ikuspegi horren adibide esanguratsua: pertsona transgeneroen existentziari uko eginen zaio, “naturaren kontrakoak” direlako, eta pertsona trans batek kirurgia erabili nahiez gero “mutilazio” hitza laster ateratzen da. Baina bertzaldetik, jaioberri intersexualei — sexu finkorik gabe jaio diren haurrei — ar edo eme kategorian sartzeko zinezko mutilazioak jasaten dituzte, naturak hain zuzen horrela egin dituela ukatuz. Beraz, jokoan dena ez da natura, baizik eta aitzinetik zehazturiko koadroetan kokatzea, koadro horiei bakoitza bere sortzearen arabera egokitu behar zaiolarik, eta “naturak” horri justifikazioa ematen diolarik. Gure nostalgiak lapurreta hori baino hobe merezi du.

 

Nostalgia aurrerakoiak

Baliabideen erabilera jasanezinari, itotzen gaituzten gehiegizko industrializazio eta teknifikatzeari egiten diegun kritika ez diegu beraz iraganeko “natura” fantasmatu baten izenean egiten, horrek menpekotasun bat bertze batez ordezkatuko luke. Horren izenean baino, gaurko alienazioei egiten diegun kritika ondoko gaitasunen arabera da:

– oraingo eta geroko, hemengo eta kanpoko bizitzen baldintzak bermatzeko dugun gaitasuna; horretarako, ekosistema konplexu eta sendoak mantendu behar dira eta haiekin lotura aberatsak atxiki , eta klima aldaketaren erronkaren kontzientzia bizia behar da.

– bizi garen gizartea eraldatzeko dugun gaitasuna; horretarako, aitzinetik giltzatuak baino libre eta sortzetik finkatuak ez diren harreman sozialak behar dira, eta bertan funtsezkoa da interdependentzia aitortzea.

Gaur egun, zientzien aurrerapena gehiago sumatzen da makinen hedapenean sistema konplexuen ulermenean baino. Horren ondorioz, gaitasun horiek ez dira aski hedatuak gure ipar globalean, aspaldidanik ikuspegi “konpartimentatua” zabaldu zaigulako bizitzaren arlo guzietan. Halere, gaitasun horiek historiaren garai zehatz batean osorik kokatu ezin baditugu ere, horien aztarna asko aurki ditzakegu han hemenka, ekoizpen modu kapitalistak (eta horrek indarturiko heteroarauak) ukitu ez duen egunerokotasuneko eremu batzuetan, duela guti arte zirauen – baita hainbat arlotan berpiztu den – auzolanean eta baliabide komunen kudeaketa iraunkorrean, zaintzaren kontzientzia pizten duten praktika guzietan, hurbileko (bio)aniztasuna balioesten duten ekimenetan, bertzeak bertze. Horretarako baliagarriak dira Henri Lefebvre pentsalariaren ekarpenak.

Ia desagertu diren baina bizirauten duten praktika eta joera baliotsu guzi horien nostalgia sakonduz, orainaldi estandarizatu hitsetik kanpoko perspektiba berogarriagoa eraikitzen dugu, iragan normatiboan giltzaturik egon gabe, eta etorkizuna menperatzen ez dugun teknifikazioaren esku utzi baino, etorkizun desiragarri batean gure buruak eroso irudikatu, horrela behar dugun etorkizunaz jabetu.