Articles du Vendredi : Sélection du 24 juin 2016

Climat : températures et CO2 grimpent

Sylvestre Huet
http://huet.blog.lemonde.fr/2016/06/16/climat-temperatures-et-co2-grimpent/

L’antithèse des centres commerciaux : un supermarché bio à basse consommation d’énergie soutenu par la finance solidaire

Nolwenn Weiler
www.bastamag.net/L-antithese-des-centres-commerciaux-un-supermarche-bio-a-basse-consommation-d

A l’école de la non-violence, on joue et on exprime ses émotions pour retrouver la paix

Yvette Bailly (Silence)
https://reporterre.net/A-l-ecole-de-la-non-violence-on-joue-et-on-exprime-ses-emotions-pour-retrouver

Après le Brexit, un monde d’incertitude où il va falloir apprendre à naviguer juste

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France
https://reporterre.net/A-l-ecole-de-la-non-violence-on-joue-et-on-exprime-ses-emotions-pour-retrouver

Climat : températures et CO2 grimpent

Sylvestre Huet
http://huet.blog.lemonde.fr/2016/06/16/climat-temperatures-et-co2-grimpent/

En mai 2016, l’indicateur de température planétaire dépasse de 0,93°C la moyenne 1951/1980. C’est ce qui ressort de l’analyse publiée par l’équipe Nasa/Université Columbia de New York. La température calculée sur la période de janvier à mai 2016 dépasse cette moyenne de 1,15°C, un niveau très élevé, montrant que l’objectif fixé à la COP-21 de viser une hausse maximale de 1,5°C relativement à la période pré-industrielle (1750) est hors de portée.

Impossible de ne pas rapprocher cette analyse de la publication, par une équipe du CNRS du chiffre de la teneur de l’atmosphère en CO2 avec un résultat à caractère symbolique. La station de mesure de l’île d’Amsterdam, au sud de l’Océan Indien a en effet affiché pour la première fois en mai la valeur de 400 ppm (partie par million) pour le dioxyde de carbone.

Un chiffre symbolique, tout rond, qu’il faut comparer à celui de l’ère pré-industrielle, avant que les hommes ne brûlent massivement charbon, pétrole et gaz, de 280 ppm environ.

L’île d’Amsterdam, très éloignée des sources anthropiques de CO2, mais également des variations saisonnières provoquées par le cycle végétal dans l’hémisphère nord où les continents dominent, fournit aux scientifiques une mesure très proche de la moyenne planétaire. Cette station de mesure  fonctionne en continu depuis 35 ans. En 1981, à son début, elle enregistrait une valeur de 339 ppm.

La publication de l’équipe du service national d’observation ICOS-France du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE, CNRS / CEA / UVSQ), avec le soutien de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (Ipev), permet également d’observer une accélération de l’intensification de l’effet de serre par les émissions anthropiques.  Sur 35 ans, l’augmentation est de 18% (de 339 à 400 ppm). Toutefois, le taux de croissance a varié. Il n’était que de 1,30 ppm par an dans les années 1980, il dépasse les 2 ppm par an depuis 2012.

Pourtant, les «puits» de carbone océaniques (physiques et biologiques) et continentaux (stockage dans les sols et les arbres) fonctionnent à plein captant près de la moitié des émissions anthropiques et atténuant ainsi la transformation de la composition chimique de l’atmosphère. Qu’ils se mettent à faiblir – par exemple avec la stratification des océans sous l’effet de leur réchauffement – et le rythme de l’intensification de l’effet de serre pourrait accélérer encore.

Le lien est désormais bien établi entre la concentration de l’atmosphère en gaz à effet de serre et les évolutions climatiques générales, dont la température moyenne planétaire (calculée à un mètre des sol et à la surface des océans).

Aussi, la courbe de cet indicateur depuis 50 ans est indubitablement la conséquence de l’intensification de l’effet de serre sur cette période.

Toutefois, des variations interannuelles dues à la variabilité interne du climat terrestre se superposent à cette tendance et peuvent la masquer durant 15 ans, soit en l’amplifiant soit en l’atténuant, voire en provoquant des diminutions de l’indicateur d’une année sur l’autre. Ainsi, depuis deux ans, l’indicateur bat records mensuels sur records mensuels et a placé l’année 2015 au top du palmarès en raison d’un fort El Niño, ce phénomène océano-atmosphérique qui concerne l’Océan Pacifique tropical. Principale cause de variation interne du climat planétaire, il pousse l’indicateur à la hausse en phase Niño, puis à la baisse en phase Niña, son inverse. Ce phénomène, dont le nom scientifique est El Niño southern oscillation, est actuellement en phase neutre et devrait basculer en phase Niña, ce qui devrait faire baisser l’indicateur de température moyenne d’ici la fin de l’année. Baissera t-il suffisamment pour que 2016 ne chipe pas à 2015 le record annuel ? Réponse dans quelques mois.

L’antithèse des centres commerciaux : un supermarché bio à basse consommation d’énergie soutenu par la finance solidaire

Nolwenn Weiler
www.bastamag.net/L-antithese-des-centres-commerciaux-un-supermarche-bio-a-basse-consommation-d

Située à 50 kilomètres à l’ouest de Paris, entre Epône et Mantes-la-ville, la biocoop du Mantois est l’un des premiers bâtiments commerciaux vraiment écolos d’île-de-France. Solidement isolée, la construction récupère l’eau de pluie, et produit de l’électricité via des panneaux solaires posés sur une toiture joliment végétalisée. Pour réunir la somme nécessaire à la mise en place de cet ambitieux projet, les consommateurs ont été sollicités pour participer au financement. Une quinzaine de salariés ont également pris des parts dans la société !

Sortie de terre en 2011, la biocoop du Mantois, à Épône, dans les Yvelines est l’un des premiers bâtiments commerciaux basse consommation (BBC) de la région Ile-de-France [1]. Installé au milieu d’une petite zone commerciale, à dix minutes à pied de la gare, il détonne un brin dans le paysage urbain. Entièrement recouvert de lattes de mélèze (un bois que l’on peut mettre en extérieur sans traitement chimique), il est coiffé d’une somptueuse toiture végétalisée, et de 420 m2 de panneaux solaires photovoltaïques. De ce toit jardin, on aperçoit les bois privés situés sur les coteaux alentours de la ville, et… une ruche. « C’est l’un de nos clients qui l’a mise là, dit Adeline Slomiany en charge de la communication du magasin. Nous sommes allés l’ouvrir hier, elle se porte à merveille, les abeilles sont nombreuses, et elles s’activent ! » Nous sommes bien loin des mégas centres commerciaux qui se multiplient en Île-de-France, à l’exemple d’Europa City.

La jeune femme est aussi en charge de l’animation de « bio-copains », la très dynamique association de consommateurs du magasin. « Nous avons 3000 adhérents, dont les achats représentent 80 % du chiffre d’affaire du magasin », détaille Benoît Delmotte, le gérant et président de la société biocoop-Épône (la biocoop d’Épône est une société par actions simplifiées-SAS). « Le fait de se regrouper et de faire des choses ensemble, ça crée du lien, reprend Adeline Slomiany. Dernièrement, les “biocoopains” ont bâti un petit hôtel à insectes, monté des carrés de terre pour faire des plantations et, construit une boîte à dons, dans laquelle chacun peut déposer les objets dont il ne se sert plus, pour que d’autres viennent se servir. » En plus d’aménager les alentours du magasin, les bio-copains répondent toujours présents aux levées de fonds… C’est, entre autres, grâce à eux que leur magasin 100 % éco-construit a pu voir le jour il y a cinq ans.

25% du projet financé par les citoyens

« Nous étions trop à l’étroit dans les locaux précédents, que nous avions achetés en société civile immobilière avec une libraire, décrit Benoît Delmotte. Nous nous sommes dit que c’était le moment d’avoir un magasin à l’image des produits que l’on vend. » Entièrement isolé en fibres de bois, le bâtiment a été monté avec une charpente en douglas – une essence d’arbre résineux qui n’a pas besoin de traitement –, et ses murs intérieurs sont tous recouverts de peintures écologiques, pauvres en solvants.

« La toiture végétalisée permet d’avoir une très bonne isolation thermique, détaille Benoît Delmotte. L’été, cela préserve très bien de la chaleur. Les températures ne montent pas trop. Cela évite de dépenser de l’énergie pour rafraîchir les rayons : nous n’avons pas de climatisation dans le magasin. Cela limite aussi la consommation des frigos. » La toiture a en plus été aménagée pour récupérer l’eau de pluie, qui sert à alimenter les toilettes. Par ailleurs, un système de récupération de la chaleur que dégagent les moteurs des frigos a été installé. Il permet de chauffer une partie de l’eau utilisée par le restaurant bio installé dans le même bâtiment.

Le magasin s’étend sur 560 m2, mais le bâtiment, qui compte aussi une boulangerie, un restaurant-traiteur bio et des bureaux, mesure près de 2000 m2. Le projet a coûté un million d’euros, dont le quart a été auto-financé via les associés de la SAS « Avec 320 associés, nous avons réussi à lever 250 000 euros, explique Benoît Delmotte. C’est vraiment un mode de financement efficace. Nous avons procédé de la même façon pour l’ouverture, en cours, de notre second magasin. Et nous avons réussi à lever 112 000 euros ! [2] Douze des trente-deux salariés sont associés. Le conseil d’administration compte quatre salariés, qui sont élus par leurs pairs, huit représentants des associés, quatre représentants de l’association des « bio-copains ». Le conseil se réunit au minimum cinq fois par an, plus en cas de projets à monter.

Placer son argent pour faire vivre des idées

Un second appel à financement solidaire a été lancé lors de la construction, pour financer la toiture solaire. « Le projet principal, c’est d’encourager la consommation de produits bios, rapporte Sylvain, membre de bio-copains. Avec les panneaux photovoltaïques, le projet de biocoop s’est enrichi d’une ambition énergétique. C’est encore plus satisfaisant. » Le tiers de la surface totale de la toiture (420 m2), accueille des panneaux photovoltaïques, qui permettent la production d’un peu plus de 55 Mwh/an, soit la consommation de 17 foyers. Mais ce n’est pas encore suffisant pour couvrir la totalité des besoins énergétiques de la Biocoop, qui réussit cependant à auto-produire un tiers de son électricité. « Entre les frigos et les éclairages, nous sommes de gros consommateurs d’électricité, remarque Benoît Delmotte. Cela nous semblait important de produire au moins en partie l’équivalent de ce que nous consommons. » La récente pose de portes sur tous les meubles refroidissants du magasin devrait faire chuter la consommation.

La toiture solaire de la biocoop d’Épône est l’un des premiers projets d’Énergie partagée investissement (EPI), outil participatif qui permet de financer divers outils de production d’énergie renouvelable partout en France. « À l’époque, la structure s’appelle Solira, explique Erwan Boumard, actuel directeur de EPI. Fondé par l’association Hespul, spécialiste du photovoltaïque, et par Indiggo, cabinet de conseil et d’ingénierie en développement durable, le fonds a collecté un million d’euros qui ont été ventilés sur trois centrales solaires. » Pour l’équipe d’Épône, Solira tombe à pic. « Nous avions l’idée, et l’envie d’avoir cette production d’énergie mais nous ne disposions pas de la technicité pour monter nous-mêmes ce projet », détaille Benoît Delmotte.

311 000 €, soit un peu moins de la moitié du coût total ont été attribués à la centrale de la biocoop. « Le reste a été emprunté à la banque populaire, à la NEF, et à la CEFA (banque coopérative italienne) », explique Erwan Boumard. Solira d’abord, puis EPI désormais, ont signé un bail emphytéotique avec Biocoop, qui leur met à disposition la toiture du bâtiment pour 100 ans. « On attend aucun retour sur investissement, précise Sylvain. Il s’agit plutôt d’essayer de changer les choses avec son argent, de faire vivre des idées. Si ça dort à la banque, on ne sait pas à qui ça sert ni à quoi ça sert ! »

A l’école de la non-violence, on joue et on exprime ses émotions pour retrouver la paix

Yvette Bailly (Silence)
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La violence témoigne souvent d’une impossibilité à gérer la frustration. Avec des jeux, le Mouvement pour une alternative non-violente intervient dans les écoles. Une de ses membres lyonnaise raconte les méthodes d’apprentissage qu’elle utilise.

Violence, agressivité, conflit, non-violence, paix… : avant de réfléchir et de définir d’une façon intellectuelle ces différents concepts, nous laissons chacun parler avec ses « tripes » son imaginaire, voire son inconscient. Ainsi, le photo-langage permet d’entrer en matière, comme lors de cet atelier dans une classe de 2nde. Une quarantaine de photos en couleur et en noir et blanc sélectionnées à l’avance sur des scènes de vie de tous les jours sont installées par terre. Chacun va prendre le temps de les regarder et de choisir celle qui, pour elle ou lui, représente le mieux « la violence » ; ensuite chacun va dire à tour de rôle pourquoi il a choisi cette image, et en quoi celle-ci (la scène décrite, les couleurs, les attitudes, la symbolique, l’esthétique…) est pour lui associée à la violence.

Ce jour là, une élève a choisi une scène de violence conjugale en présence d’un enfant, un autre élève a choisi une photo où deux chiens noirs identiques sont enchaînés à côté de deux chiens blancs en liberté. Cet outil du photo-langage est une bonne entrée en matière pour les ateliers.

Lors des interventions du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) sur la prévention de la violence auprès des élèves de classes de 5e, l’objectif est de travailler sur la différence, la tolérance, le respect des autres et notamment la prise de conscience de la portée des mots et des paroles. Il y a en effet une banalisation des moqueries, insultes, agressions verbales, qui ne sont plus perçues comme une violence à autrui. Il y a besoin de lutter contre toutes les formes de harcèlement afin d’améliorer le climat scolaire. La violence physique, même si elle est relativement rare, est parfois présente et semble être le seul moyen de répondre aux agressions verbales accumulées pour un certain nombre d’élèves.

Le baromètre de la violence

Nous intervenons pendant deux heures par demi-classe de 15 élèves, afin que chacun puisse avoir le temps de s’exprimer. Après avoir créé un climat de confiance, à partir de petits exercices et de mises en situation, nous essayons de mettre des mots sur les émotions, les nôtres et celles des autres, sur les mots qui font mal et ceux qui font du bien, qui apaisent les tensions.

Avec le baromètre de la violence, chacun se positionne sur ce qui est violent pour lui, ou non, en fonction de phrases bien précises. Nous expérimentons par des exercices de confiance que le regard peut être bienveillant. Très souvent en effet les tensions commencent par un regard vécu comme une agression, comme menaçant.

Le photo-langage permet aux adolescents de parler autrement de leurs émotions.

Les exercices de confiance et de mise en situation permettent d’expérimenter d’autres attitudes que celles dont on a l’habitude. Ecouter les avis des autres notamment dans l’exercice sur le baromètre de la violence permet concrètement de voir que tout le monde ne vit pas de façon identique une même situation. Petit à petit cela apprend la tolérance et le respect des autres. La plupart des élèves participent bien. Ils apprécient l’aspect interactif et ludique qui permet ensuite des échanges très sérieux entre eux, souvent en lien avec ce qu’ils vivent au quotidien. Pour l’exercice avec les étiquettes sur les émotions, certains possèdent très peu de mots pour exprimer ce qu’ils ressentent. D’autres sont plus à l’aise pour le verbaliser. Un exercice sur les dessins dont l’objectif est de décrire la situation et de faire des hypothèses sur le ressenti de chaque personnage, permet pour certains élèves une mise à distance, et ensuite une identification au vécu des différents protagonistes. Les élèves prennent facilement la parole. Cet outil permet de distinguer les faits, les opinions, les sentiments. L’exercice précédent sur les émotions est utile pour enrichir le vocabulaire lors de l’échange sur les situations.

La difficulté à être authentique

Le baromètre de la violence est toujours un exercice qui permet des positionnements personnels assez différenciés les uns des autres, avec une phase d’explication plus ou moins rationnelle sur sa position. Le temps d’échange permet d’expérimenter ses propres capacités d’écoute, de respect de l’avis des uns et des autres. Cet exercice souligne aussi la difficulté à être authentique, à créer de la confiance, parce qu’il est plus habituel de se moquer, ou de ricaner. Certains ont pu dire leur souffrance d’être la risée de leurs camarades, certains ont confié des difficultés plus personnelles ou familiales.

Le MAN réalise également des ateliers auprès d’élèves de 2nde, sur l’initiation à la régulation non-violente des conflits. Avec plusieurs objectifs : clarifier les concepts et différencier la violence, le conflit et l’agressivité ; réfléchir aux différentes attitudes face à un conflit et à leurs conséquences ; prendre conscience de l’importance de la communication ; prendre conscience de sa part de responsabilité dans l’évolution des situations de conflits. Il s’agit de faire face au conflit, de se faire respecter, de respecter l’autre, d’inventer des solutions gagnant/gagnant. La communication non-violente essaie d’éclaircir les incompréhensions en se centrant sur les émotions et les besoins : une situation nous fait vivre une émotion qui nous renseigne sur nos besoins. Lorsque nous pouvons identifier cela, nous sommes en mesure de formuler une demande. Il en est de même pour l’autre protagoniste du conflit.

Les élèves réduisent souvent la violence seulement aux coups, à la violence physique, nous échangeons avec eux sur toutes les formes de violence : physique, psychologique, structurelle, culturelle.

Des exercices sur la bonne distance

Dans la configuration des jeux de rôle, deux élèves face à face incarnent chacun un personnage.

Première séquence : un élève s’adresse à un professeur, en disant la phrase suivante : Je ne peux pas rendre mon devoir aujourd’hui, j’ai eu des problèmes de famille ce week-end. Il expérimente plusieurs façons de dire la phrase : avec colère, avec tristesse, avec énervement, avec calme. Le personnage professeur ne répond rien, il est à l’écoute de ce que ces différentes façons de s’adresser à lui, lui font vivre.

Deuxième séquence : un élève s’adresse à un autre élève : même consigne avec la phrase : maintenant tu me rends mon téléphone portable.

Troisième séquence : un parent s’adresse à son enfant : tu arrêtes cet ordinateur et tu viens à table.

Dans le débriefing, l’élève qui jouait le parent a expérimenté comme la position de parent est difficile à incarner. Un autre élève, qui est souvent agité, a expérimenté que dire une phrase avec calme et détermination peut être plus efficace que l’énervement. Dans le cadre du soutien à la parentalité, le MAN propose des exercices sur la bonne distance. Nous rencontrons des mères qui entretiennent une relation de fusion avec leurs enfants, notamment leur fils, il n’y pas eu de travail de différenciation. Elles ont tendance à toujours défendre leur enfant, même lorsque celui-ci commet une bêtise, ou a tort. Cela renforce la toute puissance de l’enfant, qui n’est pas en mesure de supporter le cadre, la contrainte et la frustration. Là aussi, nous travaillons à partir de saynètes de la vie quotidienne, comme demander à un jeune de rentrer avant 22h, dire à un enfant d’arrêter de jouer à la console de jeux pour venir manger. L’objectif est d’inciter à expérimenter des nouvelles façons de faire. Dans l’éducation, il est aussi important d’être en empathie avec son enfant, écouter ses besoins, d’accueillir ses émotions, que de poser un cadre, des limites qui rassurent et structurent la construction de sa personnalité. Ces deux éléments sont déterminants dans la prévention de la violence.

DES INTERVENTIONS INTERACTIVES

Les interventions du MAN se font sous forme interactive, à partir de différents jeux, exercices, saynètes et mises en situations. Sont évoquées des situations de conflit en classe, au lycée, et aussi à l’extérieur, notamment dans l’espace public. Le respect et la confidentialité sont proposés comme règles de fonctionnement pour poser le cadre de l’animation. Les exercices de confiance et de mise en situation permettent d’expérimenter d’autres attitudes que celles dont on a l’habitude.

MAN-Lyon, Mouvement pour une Alternative Non-violente, 187, montée de Choulans, 69005 Lyon, tél : 04 78 67 46 10, www.nonviolence.fr

Après le Brexit, un monde d’incertitude où il va falloir apprendre à naviguer juste

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France
https://reporterre.net/A-l-ecole-de-la-non-violence-on-joue-et-on-exprime-ses-emotions-pour-retrouver

Quoiqu’on en pense, le Brexit va générer un séisme politique, institutionnel et économique. Un séisme qui ne vient pas de nulle part. Un séisme sur lequel surfent des forces réactionnaires. Un séisme auquel les élites vont vouloir répondre avec des recettes éculées. Un séisme qui doit conduire les forces progressistes à naviguer juste dans un monde d’incertitude. Immense défi.

Avant toute chose, deux précisions :

  • ce post n’a aucune prétention à une analyse détaillée, exhaustive et dûment sourcée du Brexit ; il est donc parcellaire, incomplet, imprécis… et donc très fortement discutable ;
  • vous trouverez ci-dessous une traduction très rapide (et donc améliorable) de la réaction de Global Justice Now, organisation britannique qui fait partie du réseau des Attac d’Europe ;

 

 

Prudence, avec quelques constats

C’est avec grande prudence que je me permets ce post, en essayant de me démarquer de deux positions qui me paraissent pour le moins discutables : le Brexit est une victoire contre les élites et les politiques néolibérales de l’UE qui sont devenues des forces de coercition des peuples européens au profit des oligarchies nationales (=> il faut donc s’en féliciter) ; le Brexit est une défaite de l’intégration européenne et un coup dur pour la coopération et la solidarité en Europe (=> il faut donc s’en désoler). Les deux me semblent bien discutables, bien que s’appuyant manifestement sur des éléments significatifs de la réalité dans laquelle nous vivons : les élites (notamment européennes) gouvernent contre l’intérêt des populations, notamment les plus démunies et/ou insécurisées ; ce sont les forces d’extrême-droite, réactionnaires et nationalistes qui vont se trouver renforcées par le Brexit, au détriment des forces politiques proposant plus de solidarité, de justice et de régulations sociales et écologiques.

Ces deux prises de position sont les plus fréquentes et les plus rapides à faire. Nombreux sont déjà les commentateurs (qu’ils soient journalistes, politistes, militant.e.s et/ou adeptes de Twitter) à opposer irrémédiablement ces deux positions. Mais en rester là, et attiser cette division, n’est-ce pas être finalement assez désarmés face à la situation ? Sans plan de navigation et sans boussole ? Et dans l’incapacité de reprendre la main sur une situation politique qui manifestement échappe (pour partie du moins) aux forces progressistes anti-libérales et écologistes en Europe. Je ne prétends pas détenir de recette magique ni d’analyse en mesure de nous faire sortir de cette impasse. Je me limiterais donc à quelques constats et remarques, que je complèterais ou corrigerais sans doute au fil des heures. Le tout est très discutable et incomplet.

  1. Une carte et un graphique

Une polarisation extrêmement forte s’observe entre :

  • les tranches d’âge les plus jeunes qui ont voté majoritairement pour rester dans l’UE et les babyboomers et populations les plus âgées qui ont voté majoritairement pour en sortir ; (mon ami Nick Dearden de Global Justice Now disant ce vendredi matin en s’adressant aux baby-boomers : Merci les gars pour tout ce que vous avez fait pour le monde :  #Thatcher #ChaosClimatique #FinEtatProvidence #Brexit)
  • une polarisation géographique entre Londres / Ecosse et Irlande du Nord d’un côté, et les campagnes (mais aussi de nombreuses villes fortement touchées par la désindustrialisation) de l’autre : le Royaume-Uni est fracturé sur le plan géographique et sur le plan social ;
  • quand on croise les deux, et qu’on y ajoute quelques précisions (quartiers ouvriers, régions industrielles, régions d’exportation, etc), on constate une franche polarisation entre une élite et les populations qui pensent pouvoir tirer profit de la situation économique (jeunesse éduquée des villes et population insérée dans la compétition économique) d’un côté, et les populations qui en sont le plus éloignées, qu’elles vivent dans des villes frappées de plein fouet par la mondialisation ou des campagnes qui se pensent sans avenir) ;
  1. Des élites sans boussole

Ce vote ouvre de nombreuses zones d’incertitude, de déséquilibres et de déstabilisations politiques, économiques et institutionnelles (dans un monde et une UE qui en comptaient déjà beaucoup trop). A commencer par le Royaume-Uni où Cameron est obligé de démissionner. C’est inquiétant, non parce que ces incertitudes, crises et déstabilisations sont un mal en soit, mais parce que les élites en place qui vont prétendre avoir les recettes pour y répondre sont celles-là mêmes qui ont contribué, à travers leurs politiques, à générer cette situation. Prenons quelques exemples :

  • Au Royaume-Uni, les forces les plus réactionnaires (du Parti conservateur, de l’UKIP etc) vont avoir le vent en poupe pour préparer les prochaines élections générales et il n’est pas certain que le Labour et Jérémy Corbin soient armés pour construire une réponse de gauche et écologiste au Brexit ; l’avenir nous le dira ; il est de la responsabilité des forces progressistes en Europe d’oeuvrer à ce que les forces politiques, syndicales et associatives britanniques qui sont en faveur d’une transition écologique, sociale et démocratique ne sortent pas laminées du post-Brexit ; (entendons-nous bien : tous ceux qui ont voté en faveur du Brexit ne sont pas racistes ou xénophobes. Loin de là. Par contre, tous les racistes et xénophobes du Royaume-Uni ont voté en faveur du Brexit et sont les plus bruyants ce vendredi matin pour célébrer “leur” victoire)
  • Au sein de l’Union européenne : les dirigeants de l’UE, celles et ceux qui mènent des politiques néo-libérales depuis de très nombreuses années qui ont conduit les populations durement touchées par la mondialisation à se détourner du “projet européen”, et qui portent donc une lourde responsabilité dans ce Brexit, ne vont pas démissionner ; ni-même aucune auto-critique n’est à attendre de leur part ; au contraire, ils vont se présenter comme les sauveurs du “projet européen” en affirmant avoir “compris le message”, vouloir des négociations rapides avec Londres pour “mener une bonne séparation”, sans pour autant changer de politique ; d’une manière générale, la social-démocratie européenne va parler d’Europe sociale et écologique sans changer de logiciel européen, tandis que la droite va proposer une “UE plus réduite”, mais sans qu’aucune de ces deux forces proposent une démocratisation des institutions européennes et une transformation profondes des politiques menées au nom de la compétititivité européenne ; d’autre part, ni François Hollande – des plus illégitimes désormais pour prendre quelque initiative que ce soit au niveau européen après ses renoncements de 2012 sur le traité budgétaire européen – ni Angela Merkel – dans un pays où les élites se vivent comme en charge d’imposer l’hégémonie allemande au reste de l’UE, ne sont en mesure de changer le cours des choses ;
  • Une crise financière sans organe de régulation en mesure d’y faire face : le décrochage de la livre sterling – qui restait une monnaie de référence internationale – face au dollar et l’euro, qui peut s’accompagner d’une très importante déstabilisation des places boursières dans le monde, est de nature à ouvrir une crise financière d’ampleur ; que la City et les traders basés à Londres perdent beaucoup dans le Brexit – le principal sujet traité dans les medias – importe peu ; qu’il en découle un violent réajustement des taux de change internationaux aux répercussions majeures sur l’ensemble des monnaies et des économies de la planète est bien plus décisif : sans opérateur international de régulation des taux de changes, sans monnaie de réserve internationale, fort est à parier que seuls les spéculateurs les plus avisés et les places boursières les plus puissantes sortiront gagnants de la période, au détriment des autres, et notamment au détriment des populations qui devront en supporter les conséquences ; au Royaume-Uni comme ailleurs, d’importants transferts de “richesses” et de “dettes” sont à prévoir ;
  1. L’urgence d’un cap (et d’une boussole) pour les forces en faveur d’une transition écologique et sociale en Europe
  • Reconnaissons d’abord qu’il est difficile de construire des perspectives progressistes à partir d’une bataille qui s’est déroulée sur un terrain et selon un scénario (teneur des discussions, arguments échangés) qui ne sont pas les nôtres ; la campagne menée par Corbyn et le parti travailleur illustrent parfaitement ce point : très gênés, ils ont cherché à maintenir audibles (à juste titre) leurs critiques envers les politiques néolibérales de l’UE, pour finir par appeler à rester dans l’UE, faisant disparaître toute possibilité d’un “Lexit”, c’est-à-dire d’un discours et d’un plan pour une “sortie de gauche” ; quand on regarde le vote par quartiers, les arguments « Remain to change » (« rester pour changer ») et « Remain to preserve » (« rester pour préserver » les droits des travailleurs) ont fait flop.
  • Reconnaissons d’ailleurs que très nombreuses forces écologistes du Royaume-Uni (ONG, personnalités, commentateurs, etc) déplorent le Brexit, qu’elles analysent comme le plus sûr moyen de voir les régulations environnementales et climatiques européennes de ces 15 dernières années démantelées à l’avenir au Royaume-Uni ; à juste titre : le Royaume-Uni est sans doute l’un des pays les plus récalcitrants en Europe vis-à-vis des régulations environnementales (et de la transition énergétique en particulier) comme on a pu l’observer encore récemment sur la question de l’exploitation des hydrocarbures de schiste ;
  • Reconnaissons enfin l’existence d’une ligne de fracture qui ne peut que s’aggraver après le Brexit, si nous ne trouvons les moyens de la résorber (sauf à vouloir cultiver des postures clivantes dans une stratégie de long terme ; ce qui est une option parmi d’autres), entre ceux qui estiment qu’il faut sortir de l’UE pour en changer la nature, et ceux qui pensent qu’il est encore possible d’en changer les contours et les politiques à travers des mobilisations au niveau européen ; pas le temps de détailler ce point ici, mais c’est un point central sur lequel il est nécessaire d’avancer;
  • Les populations ne veulent majoritairment plus de cette Europe-là : les sanctions envers les politiques de Bruxelles, lorsqu’il est demandé l’avis du plus grand nombre, s’empilent au détour des référendums (du moins dans un nombre significatif de pays) : France et Pays-Bas (2005), Irlande (2008), Grèce (2015), Pays-Bas et Royaume-Uni (2016) (et j’en oublie sans doute) ; la réponse des institutions européennes (faire revoter quand le résultat n’est pas conforme ou répondre qu’il n’est “pas question de changer les traités européens après chaque élection”) n’est pas tenable et n’est pas acceptable ; les élites européennes, enfermées et hors-sol qu’elles sont, tuent à petit feu le “projet européen” et le Brexit ne peut en être qu’un accélérateur de ce délitement en cours ;
  • Ce délitement est peut-être inéluctable. Ou pas : il ne faut jamais sous-estimer la capacité des pouvoirs et des structures qu’ils ont confectionnées à se maintenir au prix de politiques toujours plus agressives. Il est en tout cas possible d’en être le simple spectateur et laisser les forces conservatrices et réactionnaires surfer sur la vague, ou d’en être des acteurs majeurs pour changer le terreau du débat public en Europe, dans la perspective d’une transition écologique, sociale et démocratique.
  • En ce sens, le message de l’organisation Global Justice Now de ce matin (cf. ci-dessous) donne des pistes (sans doute loin d’être exhaustives) : 1) stopper les négociations du Tafta (et autres accords commerciaux en cours de négociation) comme un moment fondateur pour dire “Stop aux politiques néolibérales et anti-sociales en Europe – Oui à de nouvelles régulations financières en faveur de politiques sociales” ; 2) défendre le droit à migrer et la dignité des migrants comme réponse orthogonale à celle mise en oeuvre par les instances européennes et ses Etats-membres ; 3) batailler pour des politiques de lutte contre les dérèglements climatiques qui soient à la hauteur du défi climatique, comme un moyen d’obtenir des politiques de solidarité internationale face aux enjeux globaux.

Le Brexit est d’abord le résultat de l’Union européenne telle qu’elle est, telle qu’elle existe à travers ses politiques néolibérales depuis de trop longues décennies. Il est aussi le fruit de décisions d’une classe politique prête à tout pour se maintenir au pouvoir. Il est enfin la traduction paroxystique du divorce désormais assumé entre une grande partie de la population et les élites qui ont, de fait, fait sécession pour défendre leurs seuls intérêts dans la mondialisation du capitalisme. L’avenir, qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices, n’est pourtant pas écrit. D’autres séisimes peuvent inverser la tendance et changer la donne. A commencer par les élections en Espagne dès dimanche ?

 

Réaction au référendum de Global Justice Now (l’équivalent de Attac France au Royaume-Uni)

(original : Referendum response: “A world of uncertainty in which we must now navigate”)

«Un monde d’incertitude dans lequel nous devons maintenant naviguer”
Jeudi, 23 Juin, 2016
En réaction aux informations selon lesquelles une majorité d’électeurs du Royaume-Uni ont voté pour quitter l’Union européenne, Nick Deardenn, le directeur de Global Justice Now a déclaré:
«La décision britannique de quitter l’Union européenne ouvre un monde d’incertitude dans laquelle nous devons maintenant naviguer dans une direction positive.
«Il n’est guère surprenant que la population ait exprimé une telle méfiance à l’égard de l’UE lorsqu’elle négocie des accords commerciaux comme le Tafta, contribue à la destruction économique de ses propres Etats membres, et traite les réfugiés comme s’ils étaient des criminels. Mais les artisans de la campagne en faveur du Brexit ont fait beaucoup de dégâts en flattant le nationalisme, en construisant une vague de sentiment anti-immigrés, tout en promouvant l’idée fausse selon laquelle se retrouver à l’extérieur de l’UE permettrait de revenir à une époque où la Grande-Bretagne était la «grande puissance» la plus avancée de la planète.
“Le gouvernement britannique a fait tout ce qu’il pouvait pour pousser la version la plus extrême du Tafta, tout en bataillant contre à peu près toute nouvelle régulation financière dans l’UE, des bonus des traders à la taxe sur les transactions financières. Les principaux partisans de la campagne Brexit ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils pensent que le Royaume-Uni sera en mesure d’obtenir un plus «ambitieux» et plus rapide accord commercial Tafta si nous sommes seuls.
“Dans ces conditions, il est encore plus important que les organisations et les militants redoublent d’efforts pour s’opposer aux accords commerciaux toxiques, à la mainmise du business et, surtout, d’efforts pour défendre les droits et la dignité des migrants.”