Artificialisation des barthes de Mouguerre : le permis est illégal

Le dossier du permis d’aménager qui vient d’être accordé par le Maire de Mouguerre pour installer l’entreprise Enovis sur les barthes de Mouguerre a omis de porter à la connaissance du public un élément fondamental. L’implantation est prévue sur une zone humide classée « prioritaire » par le règlement du SAGE Adour Aval (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux), ce qui rend sa destruction absolument interdite.

Conférence de presse à Mouguerre, devant la zone humide prioritaire, ce vendredi 1er mars 2024 à l’invitation des associations Mouguerre Cadre de Vie, CADE et Bizi!

Le Maire de Mouguerre a signé le 30 janvier 2024 un permis d’aménager sur les 12 derniers hectares de barthes de Mouguerre qui sont incluses dans la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) du Centre européen de fret (CEF), comprenant la prolongation de lignes ferrovières et l’installation de l’entreprise Enovis qui vend du matériel médical et dont l’activité n’a rien à voir avec le transport de marchandises sur des trains.

Le dépôt du permis d’aménager a enclenché une procédure de « participation du public par voie électronique » (PPVE) qui s’est tenue au mois de décembre. Nous nous sommes rendus compte après coup qu’une information fondamentale n’avait pas été mise à la disposition du public : le site comporte sur 1,3 hectares une zone humide classée « prioritaire »1 dans le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux ) Adour aval. Or la destruction de ces zones humides prioritaires est totalement interdite2. Il n’y pas de notion de compensation possible hors cas très particuliers qui ne concernent pas Enovis. L’installation d’Enovis à cet endroit est donc tout simplement impossible.

L’association Mouguerre Cadre de Vie a écrit au Maire de Mouguerre dans le cadre d’un recours gracieux pour qu’il retire son autorisation sur ce permis d’aménager, ce qu’il peut faire jusqu’au 30 avril 2024. Le CADE s’apprête à déposer un recours contentieux qui permettra de faire stopper les travaux s’ils démarraient. Ce recours relève bien sûr l’impossibilité de toucher à la zone humide prioritaire et d’autres points qui concernent également Enovis, notamment le fait que le préfet a limité la dérogation de destruction des habitats des espèces protégées aux seuls projets ferroviaires.

Le recours insiste également sur l’aggravation avérée du risque d’inondation pour les habitations riveraines et en aval liée à la disparition de cette zone tampon en cas de crue de l’Adour.

Par ailleurs, la SEPA (aménageur du site) se prévaut d’un arrêté « Loi sur l’eau » accordé le 18 septembre 2000 pour considérer que les travaux seraient déjà autorisés. Mais une simple relecture du texte laisse voir que les conditions d’octroi de l’aménagement sont conditionnées au maintien en l’état de 10 à 20 hectares sur les 100 hectares du CEF pour conserver une zone non imperméabilisée (article 8 de l’arrêté). Le texte précise également que « Le permissionnaire est ou sera tenu de se conformer à tous règlements existants ou à intervenir au titre de la police de l’eau », raison de plus pour respecter le règlement du SAGE actuellement en vigueur qui interdit l’artificialisation des zones humides prioritaires.

Rappelons que des solutions alternatives existent pour l’implantation d’Enovis : sur le site des Salines qui jouxte le CEF (10 hectares de friches industrielles, propriété de l’Agglomération Pays Basque, que l’aménagement permettrait de dépolluer) ou à Saint Martin de Seignanx sur une parcelle viabilisée déjà proposée à l’entreprise. Cette dernière solution, si elle déplace Enovis de l’autre côté de l’Adour, produira néanmoins un impact positif dans le cadre de la loi Zéro Artificialisation Nette qui s’applique à l’échelle du SCoT (Schéma de Cohérence Territorial) du Pays Basque et du Seignanx.

Enfin, s’agissant de la zone dédiée au ferroviaire dans le projet d’artificialisation, il n’y a pas de préjudice immédiat à retirer le permis d’aménager pour les opérateurs (installation de Brittany ferries et extension de Novatrans) puisque le remblaiement des barthes ne concerne pour eux qu’une deuxième étape de travaux, prévue au plus tôt en 2025 selon les plannings produits, et conditionnée à la réussite de la première phase.

1. Les zones humides remplissent des fonctions majeures vis-à-vis de la gestion de l’eau permettant la régulation des crues, le soutien des étiages, l’épuration de l’eau. Elles sont le support d’une biodiversité animale ou végétale très riches. Ces fonctionnalités contribuent à améliorer la résilience des milieux et des territoires face aux impacts du changement climatique. Parmi les zones humides, celles classées prioritaires présentent des enjeux particulièrement forts de gestion de l’eau ou de biodiversité. Ce sont 58 espèces protégées qui vivent sur les barthes de Mouguerre.

2. Règle 4 : préserver les zones humides prioritaires de toute dégradation (lire page 25 du règlement du SAGE Adour aval) : www.pyrenees-atlantiques.gouv.fr/contenu/telechargement/42305/268743/file/SAGEAdouraval_REGLEMENT_rapport.pdf
« Dans les zones humides prioritaires identifiées par la CLE du SAGE Adour aval dans la disposition C2 D2 et dont la carte est reportée dans le présent règlement, les ICPE et les IOTA entrainant l’assèchement, la mise en eau, l’imperméabilisation ou le remblai de zones humides, y compris de manière indirecte en cas d’aménagement situé sur le bassin d’alimentation de la zone humide, sont interdits . »