Articles du Vendredi : Sélection du 7 avril 2017

80 milliards d’euros sont volés chaque année par l’évasion fiscale. La société civile lance la bataille

Baptiste Giraud
https://reporterre.net/80-milliards-d-euros-sont-voles-chaque-annee-par-l-evasion-fiscale-La-societe

Fraude fiscale: les banques à la porte du tribunal

Renaud Lecadre et Franck Bouaziz
www.liberation.fr/futurs/2017/04/06/fraude-fiscale-les-banques-a-la-porte-du-tribunal_1561029

Ces centaines de milliers d’emplois qui n’attendent qu’une véritable volonté politique pour être créés

Nolwenn Weile

www.bastamag.net/Ces-centaines-de-milliers-d-emplois-qui-n-attendent-qu-une-veritable-volonte

Mizel Dunate (BLE): “Harrapakari guziak hurbiltzen ari dira nekazaritza biologikora”

Laborari
www.argia.eus/albistea/mizel-dunate-ble-harrapakari-guziak-hurbiltzen-ari-dira-nekazaritza-biologikora

80 milliards d’euros sont volés chaque année par l’évasion fiscale. La société civile lance la bataille

Baptiste Giraud
https://reporterre.net/80-milliards-d-euros-sont-voles-chaque-annee-par-l-evasion-fiscale-La-societe

Un an après les Panama papers, la société civile du monde entier lance une semaine mondiale d’action contre l’évasion fiscale. Celle-ci coûte 80 milliards d’euros à la France. Mais les candidats à la présidentielle n’en parlent presque pas.

Le 3 avril 2016, des médias du monde entier publiaient les premières révélations dites des « Panama papers ». Grâce à une fuite sans précédent de documents concernant 214.000 sociétés offshore, un collectif international de journalistes d’investigation révélait des pratiques généralisées de blanchiment d’argent et de fraude fiscale.

C’est cette date qu’ont choisie Attac et l’Alliance globale pour la justice fiscale, coalition d’ONG luttant contre l’évasion et l’optimisation fiscales, pour mener une « semaine mondiale d’actions contre l’évasion fiscale ». Au-delà des fuites et révélations, il s’agit du «  reflet d’une demande citoyenne de transparence et de justice fiscale », dit Marie-Antonelle Joubert, chargée de communication pour l’Alliance.

Les Panama papers ont-ils marqué un tournant ? Oui selon Lucie Watrinet, spécialiste de ces questions au CCFD-Terre solidaire : « Ils ont marqué l’histoire de notre mobilisation en créant une onde de choc qui a traversé tous les continents et entraîné énormément de mobilisations de l’Islande au Pakistan, l’ouverture d’enquêtes avec plus de 150 instructions dans le monde, des contrôles fiscaux, la démission de dirigeants. »

« On peut dire merci aux Panama papers. Depuis un an, la demande est bien plus forte, les gens se rendent compte qu’il faut arrêter de croire que c’est une question technique : il y a des principes d’équité qu’il s’agit de mettre en place », confirme Marie-Antonelle Joubert.

Parmi les répercussions, on trouve aussi le lot de promesses des gouvernants constate Wilfried Maurin, d’Attac France. « C’était il y a un an, et aujourd’hui, où en est-on ? Certes il y a eu des avancées comme l’échange automatique d’informations. Mais si nous, société civile, ne passons pas à l’action, le problème ne sera pas résolu, car les dirigeants ne veulent pas le résoudre. »

L’indigence de la campagne présidentielle sur les questions fiscales

En France, ces questions brillent par leur faible présence dans la campagne présidentielle, puisqu’elles ne sont citées que par Jean-Luc Mélenchon et par Benoît Hamon. « Je trouve ça dingue qu’on en soit encore à parler coupe dans les budgets et peu des moyens de récupérer l’argent qui nous échappe ! » s’indigne Lucie Watrinet. Selon elle, le sujet est moins présent cette année qu’en 2012.

Une table-ronde avec les candidats à la présidentielle ou leurs représentants (organisée par ActionAid France, Attac, CCFD-Terre Solidaire, Oxfam, Solidaires Finances Publiques, Transparency International Plateforme Paradis fiscaux et Judiciaires) doit avoir lieu ce lundi après-midi 3 avril, dans le cadre de la semaine d’actions. Mais tous ne seront pas présents (François Fillon a décliné l’invitation, Marine Le Pen n’a pas été invitée). Les associations sont en train d’analyser dans le détail les programmes par rapport à leurs revendications : « C’est assez inégal, et pas très précis » déplore Lucie Watrinet.

Du côté d’Attac, le choix a été fait de ne pas interpeller les candidats. « C‘est un gros travail qui aboutit à des promesses que les candidats ne tiennent pas. Mais nous avons la volonté de perturber cette séquence, de ne pas rester à la place qu’on voudrait nous donner » explique Wilfried Maurin. Attac veut « contrer le discours dominant » avec un rapport Rendez l’argent, publié fin mars et qui liste des mesures permettant de récupérer l’argent de l’État. Mais Attac veut aussi poursuivre les actions de désobéissance civile : « Nos actions et celles menées au sein des Faucheurs de chaises sont perçues comme totalement légitimes par la population, les médias, et maintenant par la justice avec la relaxe de Jon Palais. »

Mc Donald’s, un champion de l’évasion fiscale vers le Luxembourg

La semaine d’action s’inscrit dans ce cadre. En France, elle est portée par de nombreuses organisations (Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, ActionAid France, Anticor, ANV COP 21, Attac, Bizi !, la CGT, la CGT Finances, le CCFD-Terre Solidaire, CEO, le Collectif Roosevelt, Les Amis de la Terre, OCTFI, Oxfam, Sherpa, Solidaires Finances Publiques, le collectif Tournons la Page, Transparency International France). « C’est en menant un front large qu’on aura des avancées, entre actions de terrain et plaidoyer » plaide Wilfried Maurin, même si tous les signataires de l’appel à mobilisation n’endossent pas l’ensemble des actions mises en place.

Lundi 3 avril, les Faucheurs de chaises doivent « mettre la BNP sur le banc des accusés ». Mardi, un « lobby tour spécial taxes » est organisé : une balade à la Défense et dans le 8e arrondissement parisien. Le but : « Mettre en lumière les entreprises qui pratiquent l’optimisation fiscale agressive. On a dit aux gens de venir avec leur perche à selfie, l’idée étant d’aborder cela de manière décalée tout en donnant des infos sur différents scandales » selon Lucie Watrinet.

Enfin mercredi, le collectif McDo passe à la caisse (CGT McDo Île de France, Sud Commerces, React, MNCP, Unef et Attac) organiseront des « happy hours fiscales », inspirées de la campagne « Fight for fifteen » aux États-Unis. « Les McDo franchisés versent jusqu’à 24 % de leur chiffre d’affaire en redevance au groupe, montants qui sont transférés au Luxembourg et donc non imposés. Cela signifie qu’à partir de 18 h chaque jour, les McDo travaillent pour l’évasion fiscale et pas pour la France. D’où l’idée de faire des « happy hours fiscales » à partir de 18 h », explique Wilfried Maurin.

Un front large, en France comme dans le monde

« Il y a des modes d’actions différents, chaque organisation s’empare du sujet comme elle le souhaite » se réjouit Lucie Watrinet. A Attac, on voit cela comme « le début d’une mobilisation. Jusqu’à l’été on va continuer, en fonction du bilan de la semaine. Il y aura une nouvelle journée d’action avant fin mai. »

Mais il ne faut pas oublier le reste du monde. « On ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant d’évènements », dit Marie-Antonelle Joubert de l’Alliance globale pour la justice fiscale. « Dans chaque pays, les enjeux et le type de mobilisation sont différents, mais on se rassemble autour des mots d’ordre de justice fiscale, transparence et fin des paradis fiscaux. » « Justice fiscale » n’est pas un terme très commun en France : « C’est l’idée que chacun doit payer sa part juste d’impôt, et qu’une entreprise doit payer des impôts à chaque endroit où elle crée de la richesse », précise-t-elle.

Né il y a deux ans seulement, l’Alliance s’organise en réseaux sur chaque continent. Et trouve partout des partenaires. « Le réseau africain par exemple s’est révélé, la société civile s’est vraiment emparée du sujet. Notamment parce que suite aux Panama papers, la communauté scientifique a fait circuler les recherches sur le sujet qui montrent combien l’évasion fiscale mine la capacité des États à se développer. »

Idem en Équateur, où un référendum vient d’avoir lieu sur le sujet : « La population s’est prononcée pour que des personnes ayant des actifs dans les paradis fiscaux ne puissent pas être élus. L’Équateur, dont le ministre de Affaires étrangères est un Français, Guillaume Le Long, préside actuellement le G77 et pousse à la création d’un organisme international sur les questions fiscales à l’ONU », dit Mme Joubert.

« Il faut que la société civile s’organise au niveau global parce que le problème est global. Mettre les gens en réseau et traduire les recherches qui sont faites, cela permet que chacun ne réinvente pas la poudre de son côté. Cela permet également de travailler ensemble : on sait à qui demander pour savoir si telle entreprise paie des impôts dans tel pays. » Face à l’organisation mondialisée des multinationales, le mouvement pour la justice fiscale veut rattraper le retard prix par les Etats.

Fraude fiscale: les banques à la porte du tribunal

Renaud Lecadre et Franck Bouaziz
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UBS va bientôt devoir s’expliquer devant la justice française sur la manière dont elle a proposé des montages financiers illicites à ses clients. HSBC pourrait suivre. Une première.

L’étau se resserre. Deux des principales banques mondiales spécialisées dans la gestion de fortune, la britannique Hongkong and Shanghai Bank Corporation (HSBC) et l’Union des banques suisses (UBS), sont en passe de comparaître devant la justice française «pour démarchage illicite et blanchiment de fraude fiscale». Il faut remonter à 2003 pour retrouver un établissement financier ayant pignon sur rue au prétoire. Il s’agissait alors du Crédit lyonnais (devenu depuis LCL) poursuivi pour la présentation tronquée de ses comptes et 15 milliards d’euros perdus dans des investissements hasardeux. En 1993, la banque alors publique avait frôlé la faillite.

UBS va être la première à devoir s’expliquer dans une audience publique. Les juges d’instruction du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris Guillaume Daïeff et Serge Tournaire ont rendu leur copie au mois de mars. Il ne reste plus qu’à trouver une date pour un procès qui devrait durer cinq à six semaines. HSBC doit en revanche encore ronger son frein. Le Parquet national financier (PNF) a demandé le renvoi de la banque devant le tribunal correctionnel. Ne manque plus que l’imprimatur des magistrats instructeurs, ce qui semble n’être qu’une simple question de semaines. Les deux procès ne mettront pas un terme à l’évasion fiscale, mais ils pourraient bien faire jurisprudence. Revue des sujets sur la table.

La Fraude à l’impôt dans le collimateur

Les deux banques sont poursuivies pour avoir fourni à leurs clients les moyens de dissimuler des sommes d’argent et donc d’échapper au paiement de l’impôt en France. Les établissements incriminés préconisent pourtant, dans leurs manuels internes à destination des commerciaux chargés de draguer les fortunes baladeuses, de «s’abstenir de l’assistance active à la fuite des capitaux»et de «ne prêter aucune assistance à la soustraction fiscale».

Double discours ? La question se pose à lire ce courrier de HSBC à ses principaux clients : «Alors qu’un projet de fiscalité de l’épargne a été publié, nous espérons vous avoir rendu attentif au fait que, bien que la date butoir soit proche, de nombreux instruments et structures existent qui vous permettent d’améliorer vos rendements dans ce nouvel environnement.» Traduction de cette novlangue bancaire : on vous propose de sécuriser vos avoirs au sein d’une coquille offshore, au Panama ou aux îles Vierges. Là où le climat fiscal est particulièrement doux.

Nous sommes en 2005, et la directive européenne sur la taxation des capitaux (ESD, selon son acronyme anglais) est sur le point de s’élargir à la Suisse et aux avoirs détenus outre-Léman. Les commerciaux de HSBC se mettent illico en ordre de bataille, démarchent la clientèle et rendent compte à leur direction : «Discussion sur ESD, client pense à faire une société offshore», rapporte prudemment l’un d’entre eux. «Proposition d’une structure offshore (ESD), le client n’a pas encore pris de décision», risque un autre.

La banque ne se serait donc pas contentée de conseiller, mais aurait également proposé un montage clés en mains. L’opération est rentable : une coquille offshore achetée 600 dollars au Panama, via le célèbre cabinet Fonseca, est refacturée 5 000 francs suisses au client.

Du blanchiment, donc, au sens de «porter aide et assistance à la dissimulation d’un délit» (la fraude fiscale, en l’espèce), selon la définition du code pénal. Dans le réquisitoire définitif, un dirigeant de banque se défend : «Nous disons la vérité à nos clients dans une optique d’optimisation fiscale.» Reste que cette opportunité d’échapper à l’impôt semble avoir été vendue de manière particulièrement active et organisée à des contribuables français «à fort potentiel».

Des commerciaux salariés en Suisse venaient draguer directement la clientèle hexagonale sur le sol français. Les fameux «carnets du lait» d’UBS en ont apporté la preuve. Il s’agit de notes manuscrites, saisies par les juges, dans lesquelles sont détaillés les clients et le montant des avoirs confiés à la banque.

A l’origine, ce terme était employé par les éleveurs helvètes pour noter la production laitière de leur cheptel… UBS comme HSBC plaident pour leur défense n’avoir organisé que de simples opérations de relations publiques, destinées à cultiver leur image. Un de «ces chargés de clientèle», cité dans le réquisitoire, résume : «Sur le moment, on ne fait évidemment rien signer, mais il ne faut pas se le cacher : les gens aiment bien être invités dans des loges VIP, cela aide pour le démarchage de nouveaux clients.»

Des poursuites en haut lieu

Bien que les opérations visées concernent des clients résidant dans l’Hexagone, les magistrats ne se sont pas contentés de poursuivre les filiales françaises des deux banques.«UBS AG a persisté dans ses pratiques illégales et lucratives, malgré les différentes alertes, avertissements des différentes autorités, françaises ou étrangères», ont écrit les magistrats français. UBS AG, la maison mère suisse, est mise en examen en tant que personne morale. Elle s’est vu infliger une caution judiciaire de 1,1 milliard d’euros. Un record. La banque a d’ailleurs cherché, par tous les moyens, à la réduire, allant même jusqu’à plaider devant la Cour européenne des droits de l’homme. Rien n’y a fait. Le niveau de la caution a été établi par la justice en proportion du montant de la fraude fiscale estimée à 10 milliards d’euros. Concrètement, UBS a dû signer un chèque de 1,1 milliard qui a été encaissé. Toutefois, cette somme est séquestrée, ce qui signifie qu’elle ne produit pas d’intérêts pour le budget de la maison France.

HSBC s’en tire bien mieux que sa consœur. Initialement fixée à 1 milliard, sa caution a été ramenée à 100 millions d’euros. Le blanchiment de fraude fiscale pour lequel elle est poursuivie ne porterait que sur 1,6 milliard. Ce qui n’empêche pas le Parquet financier d’être raide à son endroit : une «politique commerciale dédiée au blanchiment», un «démarchage systématique des résidents fiscaux français en vue», destiné à leur «offrir une domiciliation offshore». Cela vise HSBC Private Banking, spécialisée dans la gestion de fortune et basée en Suisse. Mais aussi HSBC Holding, maison mère basée à Londres.

Le message est clair : les mécanismes d’évasion fiscale n’ont pas été mis en œuvre par des filiales hors de contrôle. Ils étaient connus en haut lieu. Philippe Wick, Dieter Kiefer et Raoul Weil, trois dirigeants du siège d’UBS à Zurich, sont parmi les six personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel. Les deux premiers n’ont pas répondu aux convocations des juges et font l’objet d’un mandat d’arrêt international. «Je ne connais pas encore la décision de mon client, mais s’il devait se rendre au procès, nous demanderions la levée du mandat d’arrêt», précise Kiril Bougartchev, l’avocat de Philippe Wick, ex-responsable de l’Europe de l’Ouest au siège d’UBS.

Pas de transaction avec la justice française

Aux Etats-Unis, où les deux banques ont été poursuivies pour les mêmes faits, le choix a été celui de la négociation avec le ministère de la Justice. UBS a versé au total 780 millions de dollars en 2009 et HSBC 1,6 milliard en 2012. Les deux établissements avaient tout intérêt à négocier. Outre les désagréments d’un procès médiatisé, ils risquaient de se retrouver vitrifiés par l’arme atomique du droit américain : le retrait de la licence permettant à une banque d’exercer sur le territoire des Etats-Unis. Une décision qui équivaut à un arrêt de mort, compte tenu de l’importance de la place financière de New York et du poids du dollar dans les échanges internationaux.

En France, en revanche, les discussions en ce sens ont tourné court à deux reprises. «Nous ne sommes pas dans les prix de marché», a fait savoir UBS à Libération, pour expliquer la rupture des négociations. Un protagoniste du dossier avance une explication chiffrée. «Il était hors de question que l’Etat français accepte un montant inférieur à 1,1 milliard d’euros, soit le prix de la caution. Vous imaginez le gouvernement accepter de signer un chèque pour rembourser une partie de cette somme à la banque…» Enfin, d’un strict point de vue stratégique, un accord avec la justice française risquait également de passer pour une reconnaissance des faits. Or, de nouvelles accusations de blanchiment de fraude fiscale pourraient encore jaillir dans d’autres Etats européens. La position d’UBS n’en serait que plus fragile. HSBC, elle, peut encore passer un deal avec la justice française, mais les délais se réduisent : «Pas de commentaires», répond Jean-Yves Garaud, l’avocat de la banque interrogé à ce sujet par Libération.

Une défense risquée

UBS, confrontée à un tribunal, et HSBC qui pourrait l’être, prennent le risque d’une sanction financière à la hauteur de ce qui est prévu par le code pénal français. En clair, 50 % des sommes qui ont pris la poudre d’escampette. La banque suisse pourrait donc se voir infliger une amende de 5 milliards d’euros et les ex-dirigeants une peine de prison ferme.

Habituellement, dans ce genre de dossier, les avocats indiquent à leurs clients qu’aucun tribunal ne prend des décisions aussi lourdes. Mais depuis la création du Parquet financier, une chambre spéciale a été créée au tribunal de grande instance de Paris. La «32e», présidée par Bénédicte de Perthuis, n’examine que de grosses affaires financières. De plus, l’accusation s’est fixé pour ligne de requérir des sanctions financières élevées et presque systématiquement de la prison pour les personnes physiques impliquées. En février 2015, la 32e chambre, dans un de ses tout premiers jugements, a condamné Arlette Ricci, petite-fille de la créatrice de haute couture Nina Ricci, à trois ans de prison, dont un ferme. S’y ajoute 1 million d’euros d’amende, le tout pour fraude fiscale. Et, chose rare, l’avocat qui la conseillait dans ses montages a écopé d’un an avec sursis et de 10 000 euros de pénalité.

On peut voir dans ces niveaux de condamnation inédits une manière, peut-être, d’avertir les prévenus que, dorénavant, cette juridiction ne se contentera plus de simplement les admonester.

Ces centaines de milliers d’emplois qui n’attendent qu’une véritable volonté politique pour être créés

Nolwenn Weile

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Les candidats à l’élection présidentielle débattront ce 4 avril de la manière de lutter contre le chômage. Ils feraient bien d’écouter la société civile, syndicats et associations écologistes, qui sont d’accord sur le fond : la transition énergétique au profit d’une société plus sobre et plus durable pourrait créer 100 000 emplois en quelques années et près d’un million d’ici trente ans. Les transports sans pétrole, les bâtiments écolos ou la production d’énergies renouvelables incarnent l’avenir du travail. Les économies d’énergie libèreront du pouvoir d’achat. Mais ces scénarios optimistes ne se concrétiseront que si le futur gouvernement investit massivement dans la formation et la reconversion, et qu’il cesse de maltraiter le monde du travail.

Et si la France décidait enfin de prendre résolument le virage de la transition énergétique, abaissant réellement ses émissions de gaz à effet de serre, que se passerait-il pour l’emploi ? Si l’on en croit les scénarios très précis modélisés par les experts en énergie de l’association négaWatt, ou par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), des centaines de milliers d’emplois pourraient être créés [1].

La rénovation des bâtiments, le développement des modes de transports peu gourmands en énergie et l’accroissement des énergies renouvelables constituent, selon ces scénarios, les principaux pourvoyeurs de nouveaux emplois. Leurs besoins permettraient d’absorber la disparition de centaines de milliers de postes dans le transport par route (industrie automobile, infrastructures routières, fret routier), le transport aérien, le bâtiment neuf et la production d’énergie. Dès 2020, 100 000 emplois supplémentaires pourraient être générés. La progression serait ensuite continue : l’économie compterait 400 000 emplois supplémentaires en 2030, puis 500 000, voire 850 000 en 2050.

Un potentiel de création d’emploi considérable

Une analyse réalisée en 2007 pour l’Institut syndical européen (Etui) concluait elle aussi à un gain net d’emplois en cas de réduction des émissions de CO2 de l’Union européenne. L’institut de recherche lié à la Confédération européenne des syndicats a examiné les conséquences de cette réduction sur les secteurs de la production d’énergie, de la sidérurgie et de la cimenterie, des transports et du bâtiment-construction.

 

« Les activités économiques qu’il faudrait développer (isolation, énergies renouvelables, transports en commun…) ont un contenu en emploi beaucoup plus fort que celles dont il faudrait réduire le volume, c’est-à-dire avant tout la production d’énergies non renouvelables et les transports individuels. De tels emplois, en outre, sont difficilement délocalisables et sont créés surtout dans des petites entreprises de dimension locale », précise l’étude.

« La sobriété détruit des emplois dans les branches qui fournissent l’énergie, mais réduit la facture énergétique, libérant du pouvoir d’achat qui sera dépensé dans d’autres branches, où des emplois supplémentaires pourront être créés », ajoute Philippe Quirion, directeur de recherche au CNRS et auteur de l’analyse « emploi » du scénario négawatts. Selon la plate-forme française Un million d’emplois pour le climat, qui réunit des syndicats et des associations environnementales, sociales et d’éducation populaire, au moins 50 000 emplois pourraient également être créés dans l’agriculture, compensant largement les 30 000 pertes dans le secteur agro-industriel. D’autres secteurs bénéficieraient également d’une dynamique positive : l’éducation à l’environnement, la formation, et l’accompagnement des foyers en difficulté. Les auteurs d’« Un million d’emplois pour le climat » prévoient plus de 200 000 postes dans le domaine de l’action sociale.

La lutte contre la fraude fiscale, levier de financement décisif

Pour autant, ces rêves décarbonés sont-ils viables financièrement ? « En agrégeant les principaux secteurs concernés par la transition – soit l’énergie, le bâtiment et les transports – on peut mesurer l’impact économique du scénario, annoncent les experts de négaWatt. Les premières années, les investissements seraient compensés par les économies d’énergie. Puis, en 2030, le bilan deviendrait excédentaire, avec une économie annuelle de 26 milliards d’euros dès 2040. Mais ces calculs n’intègrent pas d’éventuelles hausses du prix des énergies classiques, qui augmenteraient encore les bénéfices de la transition. Le rapport de la société civile imagine encore d’autres pistes : « La longue liste des niches fiscales défavorables à la transition écologique et la perte de recettes due à la fraude et à l’évasion fiscale sont les gisements qu’il faut exploiter pour financer la transition énergétique en complément de la nécessaire reprise en main du crédit ».

Parmi ces niches fiscales : l’exemption totale de taxe sur le carburant accordée au transport aérien (2,8 milliards d’euros en 2015), l’écart de taxation entre l’essence et le diesel (3,6 milliards d’euros en 2017), le taux réduit de la taxe intérieure de consommation sur le gazole – notamment pour les agriculteurs et le BTP (1,8 milliards d’euros en 2016). « Une stricte application des règles de fiscalité permettrait de lever chaque année de 30 à 160 milliards d’euros supplémentaires pour le budget de l’État selon les catégories de fraude qui sont prises en compte », ajoutent les auteurs du rapport. De quoi couvrir les dépenses et investissements publics et privés nécessaires à la transition que la plate-forme chiffre à 105 milliards d’euros par an.

Des scénarios « trop éloignés de la réalité » ?

Comment les salariés des secteurs condamnés à disparaître considèrent-ils ces scénarios ? « Ils sont intéressants, parce qu’ils nous obligent à avoir une démarche vertueuse, juge Gwénaël Plagne, délégué syndical CGT de la centrale électrique thermique de Cordemais, à proximité de Saint-Nazaire. Mais ils sont trop éloignés de la réalité. Nous ne pouvons pas entendre parler de la fermeture d’une centrale comme la nôtre, qui mettrait le pays en situation de précarité électrique, et qui mettrait en péril la qualité du service public. À moins que les gens ne soient prêts à consommer beaucoup moins d’électricité qu’ils ne le font actuellement. » Diminuer drastiquement les consommations d’énergie, en la divisant par deux d’ici 2050, est l’un des points clés du scénario négaWatt, dont le triptyque est « sobriété, efficacité, renouvelables ». Du côté des salariés, l’enthousiasme des écologistes est nuancé. Selon Marie-Claire Cailletaud, en charge de l’énergie et de l’industrie à la Commission exécutive confédérale de la CGT, ce scénario « fait des paris technologiques trop risqués, sur la méthanisation, ou l’éolien off-shore par exemple ».

« La priorité est de limiter le réchauffement climatique, qui touche essentiellement les plus pauvres, ajoute-elle. C’est pourquoi il ne nous semble pas pertinent, dans l’immédiat, de nous concentrer sur la production d’énergie, ni de nous passer du nucléaire. Ce qu’il faut, c’est isoler les bâtiments et changer nos modes de transports, qui sont les principaux émetteurs des gaz à effet de serre en France.

Il faut travailler très sérieusement sur ces deux secteurs. Mais heureusement, les salariés n’attendent pas les décisions gouvernementales pour se préoccuper de ces questions fondamentales. »

Certaines entreprises de transports réfléchissent au déplacement de marchandises par bateau plutôt que par camion, en mettant en place des formations pour que les chauffeurs routiers apprennent à conduire des péniches. À Chalon-sur-Saône par exemple, des dizaines de camions transportent chaque jour du calcin – du verre cassé – alors que la zone industrielle dispose d’infrastructures fluviales, en la Saône qui mène au Rhône et le canal du Centre qui la relie à la Loire. Les 1 200 camions qui circulent chaque mois pourraient ainsi être remplacés par 120 péniches. La pollution serait moindre, les routes moins abîmées. Ailleurs, des travailleurs du bâtiment se forment pour apprendre les techniques ardues de l’isolation par l’extérieur. « Tout se fait en lien avec des élus locaux, qui ont tout intérêt à ce qu’un maximum d’emplois demeure sur leur territoire », précise Marie-Claire Cailletaud.

« Une crise n’est pas le bon moment pour repenser l’activité »

La reconversion de centaines de milliers de travailleurs reste un défi de taille. « On parle en général de reconversion aux salariés quand il y a une crise, constate Didier Aubé, membre du syndicat Solidaires et de la plate-forme Un million d’emplois pour le climat. Mais ce n’est pas le bon moment pour repenser l’activité. Il faut réfléchir avant la crise. Comment prendre en compte les conditions de travail des salariés de la chimie, du nucléaire, ou d’autres secteurs, et se projeter dans une perspective de transformation ? Tout reste à faire. Un engagement fort des régions, dont la formation est l’une des compétences principales, pourrait faire la différence. »

Pour les auteurs d’Un million d’emplois, l’enjeu est de faire la jonction entre les ONG écologistes et les syndicats de salariés. Pour le moment, les seules organisations syndicales impliquées dans la plate-forme sont Solidaires, la Fédération syndicale unitaire (FSU), et la Confédération paysanne. « L’intersyndicale a bien fonctionné pendant la lutte contre la loi travail, tempère Didier Aubé. Cela crée des liens, établit une relation de confiance. On pourrait s’en servir comme point de départ pour évoquer d’autres sujets. »

« Le problème, c’est qu’il n’y a aucune volonté des industriels d’investir vers des innovations permettant de limiter le réchauffement climatique, regrette de son côté Gwénaël Plagne, le délégué syndical de la centrale de Cordemais. Côté salariés, ça bouge. À Cordemais, nous travaillons à des scénarios alternatifs, avec par exemple la diversification des combustibles, et l’introduction de biomasse, qui pourrait se faire sans changer nos installations. Mais la direction d’EDF reste sourde à nos propositions. » Plusieurs études et experts confirment que les industriels n’intègrent que trop rarement les problèmes liés au changement climatique et les enjeux de la transition écologique dans leurs plans stratégiques. C’est cette absence d’anticipation, et d’investissement dans la recherche, qui met en péril l’emploi.

« Le seul espoir d’avenir dans une fonction publique menacée »

« Le calendrier industriel n’est pas le même que celui des politiques, reprend Gwénaël Plagne. Pour nous, cinq ans, c’est demain. Si on reste sur ces très courts termes, la seule solution qui se dessine, c’est la fermeture de nos industries et la délocalisation de la pollution. C’est pour ça que la transition nous inquiète. Telle qu’elle est envisagée, elle amène vers la casse de l’emploi. »

Pourtant, les représentants des personnels de l’industrie assurent qu’ils sont prêts à s’engager pour la transition, conscients que le réchauffement climatique est une question « sérieuse et inquiétante ». « Nous avons démontré que le personnel technique est en capacité d’acquérir les savoirs, complète Jean Hedou, secrétaire général de la fédération de l’environnement et des transports du syndicat Force ouvrière (FEETS-FO), et représentant des salariés du ministère de l’Environnement (environ 80 000 personnes) [2]. Ils ont un bon niveau de connaissance. Ils sont prêts à s’engager. La transition reste même leur seul espoir d’avoir un avenir dans une fonction publique menacée de toutes parts. »

Des salariés sous pression imagineront difficilement d’autres façons de produire

« Pour s’engager sur cette voie, il faut une vision industrielle sur plusieurs décennies, reprend Marie-Claire Cailletaud. La planification ne doit pas être un gros mot. Elle doit être faite en lien étroit avec les organisations syndicales. C’est la seule façon de définir clairement des objectifs réalistes et d’ajuster les besoins de formation très importants qu’implique une transformation profonde de l’outil de production. Les salariés doivent être au cœur de la transition ; il faut partir de leur expertise.

Qui mieux que ceux qui le font peuvent questionner le travail ? » Les syndicats et organisations de la société civile engagées pour la transition énergétique demandent aussi une diminution du temps de travail, et un nouveau statut du travail salarié avec une sécurité sociale professionnelle permettant d’alterner les périodes de formation et d’emploi.

La revalorisation des salaires dans les secteurs « gagnants » – bâtiment, énergies renouvelables, logistique, transport inter-modal… – semble également nécessaire. Las, le dernier quinquennat, qui devait pourtant de faire de la France « le pays de l’excellence environnementale », n’a pas pris le chemin de ces diverses révolutions. Avec la loi travail, qui poursuit dans une logique considérant le travail trop cher, elle a même plutôt pris le chemin inverse. Or, des salariés sous pression et privés de leurs droits fondamentaux pourront difficilement se projeter sur le long terme, pour imaginer d’autres façons de travailler et de produire.

Mizel Dunate (BLE): “Harrapakari guziak hurbiltzen ari dira nekazaritza biologikora”

Laborari
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Mizel Dunate, ardi hazlea eta gazta ekoizlea Aiherran (Nafarroa Beherea), BLE Biharko Lurraren Elkartearen lehendakari ere bada. BLEk nekazaritza biologiko edo ekologikoa sustatzen du Ipar Euskal Herrian. Bere elkartearen kezka azaldu du orain jende asko ari delako biologikora hurbiltzen interes komertzial hutsez, biologikoaren jatorrizko izpiritua arriskuan jarriz.


Biolojikoaren garapenaz arranguratu zirezte BLEren biltzar nagusia kari…

2016an garapen izigarria ezagutu du laborantxa biologikoak, sekula ezagutua ez zuena. Orai arte urtero %5-6ko emendazioa bazen laborarien kopuruan, 2016an %15ekoa izan da, Frantzia eta Europa mailan ere. Mundu mailan ere hein hortakoa da.

Denetarik hurbiltzen dira biologikorat, sektore hortarik hurbil direnak bai eta ere arrunt berriak, saltegi haundiak bezala adibidez. Badira ere biologikoan sartu nahi duten laborariak bainan zuzenki saltzeko prest ez direnak. Hemen ez dugu sobera ezagutzen laborantxa mota hori bainan beste lekuetan garatzen ari da.

Biologikoa hedatzen ari dela berri ona da?

Bai berri ona da bainan batzuk sos iturri bat baizik ez dute ikusten hor. Eta duten ideolgiarekin hurbiltzen badira biologikora, biziki lanjerosa da. Kanpotik sarrarazten dituzte produktuak eta konkurrentzia muntatzen dute, araudien apaltzeko irriskua ekartzen dute ere. Ez gira oraino hortan bainan buruan hartu behar dugu irrisku hori badela.

Orai arte laborantxa biologikoak etxalde ttipiak zaintzen zituela eta bihar irriskuan emaiten ahal dituela diozu?

Orai arte biologikorat pasatu direnak, izpiritu batean egin dute urrats hori: lurrarekilako lotura aldatu nahi zuten, esplotazioarekin gelditu eta lurrarekin bizi, eta hori pasarazi kontsumitzaileeri. Gaur ikusten dugu biologikoa merkatu bat bilakatzen ari dela. Harrapakari guziak heldu dira, laster mugak ere apaldu nahiko dituzte.

Bihar bi laborantxa mota baldin badira bainan biak biologikoan, ez ote da urrats bat aintzina, produktu kimiko guziak baztertuko direlako?

Ingurumenarentzat aintzinatze bat izaiten ahal da (ez badira arauak ahultzen!) gero sozialki besterik da. Kriterio soziala inportanta izan da betidanik guretako.

Euskal Herrian, fenómeno hori ez da sobera agerian?

Ez da ikusten oraindik. Zirkuito luzeetan ari dira laborari batzu ardi esnean, bainan lekuko leteria batzuekin, oraindik hein batetakoak edo ttipiak gelditzen direnak. Ossau Irati sor markarekin ere berez muga batzu badira. Bainan Amikuzeko lur haundietan sortzen ahal da fenomenoa  adibidez. Krisiak ere biologikorat ekartzen ahal ditu laborariak, batzu hortarat pusatuak dira egoeragatik. Behi esnearen krisiagatik, arroltze egiteko tailer haundiak muntatzen ahal dira esnearen ordez edo dibersifikazio gisa, “hors-sol”-ean [granja ereduan] kasik, biologikoko araudiak permititzen dutena. Modela industrialean eta esklabotasun forma batean, beti besteen meneko, bainan biologikoak…

Ipar Euskal Herrian ere laborari bioloigikoen kopurua goiti doa?

Bai emendazio azkarra bada bainan izpiritu onean. Hemen ez dugu senditzen bio oportunistik. Berri ona da. Ardi esnean bada bio esne galde azkarra ere.