Articles du Vendredi : Sélection du 31 mars 2017

Le nouveau coup porté par Donald Trump au climat

Marine Lamoureux
www.la-croix.com/Economie/Monde/Le-nouveau-coup-porte-par-Donald-Trump-au-climat-2017-03-28-1200835479

La France est en transition!


https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/280317/la-france-est-en-transition?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-67

 

 

Comment récupérer 200 milliards d’euros sans imposer aux Français une cure d’austérité

Ivan du Roy
www.bastamag.net/Comment-recuperer-200-milliards-d-euros-sans-imposer-aux-Francais-une-cure-d

Le piège de la croissance zombie

Eloi Laurent, Economiste
www.liberation.fr/debats/2017/03/24/le-piege-de-la-croissance-zombie_1558105

 

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Ane Eslava Serrano
www.argia.eus/albistea/europako-banku-nagusien-irabazien-26-paradisu-fiskaletatik-dator

Le nouveau coup porté par Donald Trump au climat

Marine Lamoureux
www.la-croix.com/Economie/Monde/Le-nouveau-coup-porte-par-Donald-Trump-au-climat-2017-03-28-1200835479

Le président américain devait signer mardi 28 mars un décret remettant en cause le Clean Power Plan qui concerne la baisse des émissions de CO2. Il est pourtant peu probable qu’un tel décret favorise la création d’emplois dans le charbon, filière en perte de vitesse.

À l’annonce du décret dit d’« indépendance énergétique », les réactions se sont multipliées partout dans le monde. Promis par Donald Trump, ce texte – qui devait être signé le 28 mars –, remet en cause le Clean Power Plan, plan pour une énergie propre (1), adopté sous l’administration Obama pour favoriser la réduction des gaz à effet de serre et encourager la transition énergétique aux États-Unis.

Ce plan imposait notamment aux centrales thermiques une réduction de leurs émissions de CO2 de 32 % d’ici à 2030, avec pour conséquence attendue la fermeture d’un certain nombre de centrales au charbon.

En levant ces régulations – « obstacles inutiles » –, l’objectif de la Maison-Blanche est de « favoriser la croissance économique et les créations d’emplois » et d’assurer la production d’une énergie « abordable et propre ».

Le décret s’inscrit ainsi dans une politique de détricotage des mesures de lutte contre le réchauffement climatique, au mépris des engagements pris par les États-Unis à la COP21 (réduire de 26 % à 28 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025). Dans sa proposition de budget, mi-mars, Donald Trump avait déjà suggéré des coupes claires dans les fonds de l’Agence de protection de l’environnement.

L’idée d’une relance du charbon aux États-Unis est illusoire

« Quel est l’intérêt de la prospérité économique quand on ne peut pas respirer ? », a lancé hier Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU. De son côté, Michael Bloomberg, l’ex-maire de New York, a estimé qu’« abroger les réglementations en faveur du climat (…) ne fera pas revivre l’industrie du charbon et ne remettra pas des milliers de mineurs au travail ».

C’est aussi la conviction de Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat, convaincue que l’initiative va même porter préjudice « à une large part des Américains en propulsant l’économie en arrière ».

De fait, pour nombre d’experts, l’idée d’une relance du charbon aux États-Unis est illusoire. Entre 2010 et 2015, sa part dans le mix électrique américain est passée de près de 46 % à moins de 34 %, selon l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

Hausse des coûts d’exploitation, concurrence des hydrocarbures non conventionnels, essor des énergies renouvelables… « La dynamique de marché est ailleurs désormais », souligne David Levaï, directeur du programme climat à l’Iddri, en rappelant que « le charbon s’écroule un peu partout dans le monde ».

Le solaire et l’éolien emploient 360 000 personnes contre 50 000 pour le charbon

Quant aux perspectives d’emploi, « elles se situent avant tout dans les énergies renouvelables, avec de fortes baisses de coût », rappelle de son côté Célia Gautier, responsable des politiques internationales au Réseau action climat. Aux États-Unis, la filière solaire emploie ainsi 260 000 personnes (+ 25 % en 2016) et l’éolien plus de 100 000 (+ 14 % en 2016) contre 50 000 personnes pour le charbon.

« Le décret aura seulement pour effet de ralentir les suppressions d’emploi en retardant la fermeture de certaines centrales, note encore David Levaï. Mais en attendant, les États-Unis vont perdre d’importantes opportunités sur les autres marchés que des pays comme la Chine ne vont pas laisser passer. »

Toutefois, pour le chercheur de l’Iddri, ce mauvais coup porté au climat et à l’économie doit être relativisé au regard des engagements pris par nombre de villes et d’États américains en faveur de la transition – y compris républicains (ainsi du Texas et de l’Iowa où l’éolien prospère, rappelle-t-il).

Michael Bloomberg ne dit pas autre chose : « Même sans le Clean Power Plan, nous sommes en mesure d’atteindre nos objectifs d’émissions car les consommateurs, les villes et les entreprises vont continuer à être moteurs (…), même si Washington ne l’est pas. »

Total parie sur le schiste américain

Total a annoncé lundi la construction, au Texas, d’un vapocraqueur et d’une usine de polyéthylène (pour fabriquer des sacs en plastique), qui fonctionneront à l’éthane, obtenu à partir de gaz de schiste. Un investissement de 1,6 milliard d’euros, qui sera partagé avec l’autrichien Borealis et le canadien Nova.

Ce nouveau vapocraqueur, « l’un des plus compétitifs des États-Unis », sera installé sur le site de Port Arthur, où Total possède déjà une raffinerie et un vapocraqueur (en partenariat avec l’allemand BASF). Ces deux unités ont été modifiées il y a quatre ans pour utiliser l’éthane. L’usine sera, elle, créée à Bayport, où Total dispose déjà d’un site de production de polyéthylène.

Avec cette opération, le pétrolier veut tirer parti de l’extraordinaire développement des hydrocarbures non conventionnels (gaz et pétrole de schiste) aux États-Unis. Le groupe affirme aussi vouloir se renforcer dans le pays, où il emploie 6 000 personnes. Selon Patrick Pouyanné, le PDG, Total veut « tirer parti de l’environnement américain favorable au business pour contribuer à l’essor de la pétrochimie américaine ».

La France est en transition!


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Les acteurs de la transition énergétique – rassemblant entreprises et groupements professionnels, collectivités et associations de collectivités, syndicats, ONG et associations – sont inquiets : «La France change, les Français ont changé, et pourtant cette question centrale pour notre avenir est presque absente des débats.»

La France change, les Français ont changé, et pourtant cette question centrale pour notre avenir est presque absente des débats. Nous, Acteurs de la transition énergétique, savons que cette transformation est déjà bien amorcée mais qu’elle a encore beaucoup à nous apporter. A l’avenir la transition énergétique doit nous permettre de :

  • Pouvoir nous déplacer sans polluer, habiter un logement sain et correctement isolé, maîtriser les coûts de l’énergie.
  • Créer de l’activité, des revenus et des centaines de milliers d’emplois durables au cœur des territoires, par exemple dans la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables, les transports collectifs, ou les réseaux intelligents.
  • Engager nos entreprises, petites et grandes, dans des activités d’avenir, et être pionnier dans de nouvelles technologies.
  • Réduire nos consommations de pétrole, charbon et gaz qui, en plus de leur impact sur les changements climatiques, creusent le déficit commercial, et nous rendent dépendants de conflits géopolitiques.
  • Limiter les risques de catastrophes climatiques et technologiques, et de leurs effets potentiellement irréversibles pour l’environnement et les populations.

Aujourd’hui, pour continuer cette mue déjà amorcée dans les territoires, la France, et ceux qui se déclarent prêts à la diriger, doivent pouvoir tracer une voie. Pour apporter confiance et garanties à ceux qui rendent possible cette transition, la France a besoin d’une trajectoire pour ces secteurs où se créent les nouveaux emplois, les innovations et la valeur. Nous savons tous que l’avenir passe par une énergie, une économie et une consommation renouvelables et soutenables. C’est pourquoi nous avons besoin d’une stratégie concrète et pragmatique tendue vers des objectifs clairs et ambitieux.

Sobriété et efficacité énergétique, développement accéléré des énergies renouvelables, changement des modes de productions, évolution de notre alimentation, rénovations énergétiques des logements, réorientation des investissements et de la fiscalité, outils de financement innovants, adaptation de la formation professionnelle aux besoins de cette économie… C’est sur tous ces leviers que doit s’appuyer cette trajectoire.

Elle sera créatrice d’emplois pérennes et non délocalisables. Elle permettra de prévenir et de réduire les risques qui pèsent aujourd’hui sur la santé de millions de Français. Elle permettra à la France, après la COP21, de rester le fer de lance d’un monde qui ne veut pas sacrifier sa survie sur l’autel de l’inertie. Et nos entreprises auront une opportunité de se positionner en leaders mondiaux de ces secteurs d’activité en développement.

Nous avons la responsabilité collective d’accélérer cette transition et le temps des actes est venu.

 

Signataires :

Marylise Léon, secrétaire nationale à la CFDT; Olivier Perot, président de France Energie Eolienne; Hugues Vérité, adjoint au Délégué général du Gimelec; Anne Bringault, coordinatrice pour le CLER Réseau pour la transition énergétique et le Réseau Action climat; Emmanuel Soulias, directeur général d’Enercoop; Claire Fehrenbach,directrice générale d’Oxfam; Denez L’hostis, président de France Nature Environnement; Christine Lecerf, présidente de l’ICEB, Institut pour la Conception Environnementale du Bâti; Gilles David, Enertime; Thierry Rieser, gérant de la Scop Enertech; Nicolas Imbert, directeur de Green Cross; Virginie Bichon, cogérante de Corieaulys; Marie-Laure Lamy, directrice d’ALOEN; Gilles Lara, alter Alsace Energies; Edith Akiki, Scop TRIBU; Benoit Praderie, Fédération des énergies du vent Planete Eolienne; Alain Uguen, Cyber @cteurs; Marc Jedliczka, directeur général d’Hespul; Anne Rialhe, directrice d’AERE; Patricia Savin, présidente d’OREE; Lionel Jacotot et Jean-Loup Biard, consultants cabinet ASTRE Transition Energ’éthique; Bertil de Fos, directeur général d’Auxilia; Madeleine Charru, directrice de Solagro; Florence Rouch, co-dirigeante de Rouch Energies; Julie Stoll, déléguée générale de la Plate-Forme pour le commerce équitable; Aurélie Gaudillère, directeur associé d’Enerlis; Sandrine Buresi, directrice de Gefosat; Eric Grudet, EGC-ENERGIE; Vaia Tuuhia, déléguée générale de 4D; Gilliane Le Gallic, présidente d’Alofa Tuvalu; Noé François, REFEDD; Benjamin Dessus, président d’honneur de Global Chance; Véronique Moreira, présidente de WECF-France; Nathalie Duviella, directrice du CREAQ;  Bruno Rebelle, Transitions; Hélène Connor, présidente d’Honneur d’HELIO International.

 

Comment récupérer 200 milliards d’euros sans imposer aux Français une cure d’austérité

Ivan du Roy
www.bastamag.net/Comment-recuperer-200-milliards-d-euros-sans-imposer-aux-Francais-une-cure-d

Exonérer ici, supprimer des postes là, taxer davantage le plus grand nombre… Les candidats de droite et du centre ne font guère preuve d’inventivité en matière de politique fiscale. Pourtant, des recettes existent pour financer des politiques volontaristes au service de l’intérêt général, sans obliger chacun, en premier lieu les non riches, à « se serrer la ceinture », ni mettre au chômage des dizaines de milliers de fonctionnaires. Entre 130 et 200 milliards d’euros pourraient être facilement récupérés, estime « Rendez l’argent ! », un rapport publié par Attac et un collectif d’organisations et de syndicats. Mais cela signifie s’attaquer vraiment aux délinquants en col blanc.

Les candidats à l’élection sont régulièrement sommés de chiffrer leurs programmes. Entre promesses de réductions d’impôts ou de revenu universel, de nouvelles exonérations de cotisations pour les employeurs ou de hausse de la TVA pour l’ensemble des consommateurs, de sécurité sociale intégrale ou de suppression massive de postes de fonctionnaires, chaque proposition passe désormais sous les fourches caudines des gardiens de la rigueur budgétaire et de la réduction de la dette. Le bien-être des générations futures dépendrait davantage de lignes comptables bien équilibrées plutôt que du contenu des politiques menées.

 

 

L’association altermondialiste Attac et le collectif « Nos droits contre leurs privilèges », qui rassemble plusieurs organisations de la société civile et des syndicats de l’administration fiscale, se sont livrés à un petit exercice de chiffrage un peu différent. Leur rapport, rendu public ce 28 mars et intitulé « Rendez l’argent ! », chiffre à 200 milliards d’euros la somme qui peut être récupérée en menant des politiques fiscales plus justes. De quoi, selon ces organisations, financer des centaines de milliers de créations d’emplois utiles à la transition écologique, relancer la recherche publique, favoriser l’accès à l’éducation et à la santé, ou ressusciter l’aide publique au développement.

Renforcer la lutte contre la fraude fiscale : 60 à 80 milliards

La fraude fiscale représente un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros par an, soit l’équivalent du déficit public annuel (75,9 milliards en 2016). Cette fraude prend plusieurs formes : le travail dissimulé, la fraude à la TVA, la sous-estimation de la valeur du patrimoine, le paiement de sommes en liquide non déclarées constituent les principales pratiques frauduleuses quand l’argent en question ne sort pas du pays. À l’échelle internationale, c’est encore plus complexe : l’administration fiscale doit au quotidien identifier les sociétés écrans, comprendre des montages sophistiqués, repérer des manipulations de prix. Qui sont ces fraudeurs ? Les deux tiers de ces délinquants en col blanc sont des entreprises, l’autre tiers sont des particuliers.

« La liberté de circulation des biens et des capitaux, les « paradis fiscaux et judiciaires », le numérique, l’ingénierie financière et fiscale ou le manque de coopération constituent des facteurs qui favorisent [cette fraude] », estime le syndicat Solidaires finances publiques, qui a participé à l’élaboration du rapport et publié en parallèle son « bilan fiscal du Quinquennat ». Un contournement de l’impôt parfois réalisé avec la complicité des autorités : l’UEFA, qui a organisé le championnat d’Europe des nations en 2016, n’a payé aucun impôt en France. « C’est en quelque sorte une double peine en termes de finances publiques : les investissements réalisés par les pouvoirs publics français pour l’organisation du tournoi auraient coûté 2 milliards d’euros (1,4 pour les stades et 600 millions pour les transports). Mais les bénéfices réalisés, estimés à 900 millions d’euros, sont exonérés », pointe le syndicat des personnels de Bercy.

Pour récupérer ces milliards « qui échappent à l’impôt », le collectif propose une série de mesures : obliger les multinationales à rendre des comptes sur leurs activités et filiales dans chaque pays pour sanctionner celles qui pratiquent un « shopping fiscal », en premier lieu les banques françaises et européennes. Un calcul de l’organisation Oxfam révèle que les vingt premières banques européennes réalisent en moyenne un quart de leur bénéfice de 2016 au sein de paradis fiscaux. Sur le podium des banques qui contournent le plus les impôts de leurs pays respectifs : la britannique HSBC (57 % des bénéfices au sein des paradis fiscaux), l’italienne Unicredit (36%) et la néerlandaise ING (34%). BNP Paribas arrive en 4ème position (32%), la Société générale est 6ème (22%), loin devant les autres banques hexagonales (voir le rapport d’Oxfam).

Les auteurs de « Rendez l’argent ! » proposent aussi de créer un statut de lanceur d’alerte, avec « aide financière et protection contre les représailles et intimidations ». Aujourd’hui ces lanceurs d’alerte sont, au mieux, harcelés et bannis de leur métier, telle Stéphanie Gibaud, ancienne comptable d’UBS France ; au pire condamnés à des peines de prison ou des amendes par leur employeur, comme Antoine Deltour et Raphaël Halet, les anciens employés du cabinet de conseil luxembourgeois PricewaterhouseCoopers, à la source du scandale Luxleaks (lire ici).

Indispensable à cette lutte contre la fraude fiscale, le renforcement « des effectifs et des moyens des administrations impliquées dans la traque des délinquants financiers ». Des efforts ont certes été accomplis sous ce quinquennat. Les redressements et régularisations fiscales ont ainsi rapporté 2,7 milliards d’euros en 2015. Le syndicat des finances publiques tire pourtant la sonnette d’alarme : 3100 emplois ont été supprimés en six ans, une baisse d’effectifs qui frappe également l’ensemble des pays de l’Union européenne.

« Au nom de la rigueur budgétaire, on a créé ainsi les conditions d’un maintien à haut niveau de la fraude fiscale : un choix économiquement, socialement et budgétairement totalement contre-productif », écrit Solidaires finances publiques. Pour l’instant, seuls deux des principaux candidats abordent le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale dans leur programme : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon.

Marine Le Pen l’évoque sans en détailler les aspects concrets. Et parmi les dizaines de milliers de postes de fonctionnaires que promettent de supprimer Emmanuel Macron (120 000 postes) et François Fillon (500 000), nul ne sait combien concernent Bercy et ses services anti-fraudes.

Taxer les transactions financières : entre 10 et 36 milliards

Une taxe sur les transactions financières (TTF) existe déjà en France. Adoptée en 2012, elle rapporte un peu moins d’un milliard d’euros par an. S’appliquant principalement aux échanges d’actions des sociétés cotées en bourse, elle a été renforcée fin 2017, avec un taux passant de 0,2 % à 0,3 %. Cette taxe réajustée prend davantage en compte les échanges spéculatifs, quand les achats et les ventes d’actions se déroulent sur une même journée. La mise en œuvre de cette TTF renforcée, prévue en 2018, dépendra de la nouvelle majorité. Un projet de taxe similaire est également en discussion entre dix pays européens, mais les négociations sont sans cesse repoussées.

Les propositions de « Rendez l’argent ! » souhaitent aller plus loin, en promouvant une taxe de 0,1 % sur toutes les transactions financières, et de 0,01 % sur certains produits dérivés, qui servent à spéculer sur la valeur d’une matière première ou d’un bien immobilier. Les recettes d’une telle taxe « sont estimées à 36 milliards d’euros à l’échelle européenne et 10,8 milliards d’euros par an pour la France », dit Attac. Si cette taxe était étendue à l’ensemble des produits dérivés – plusieurs centaines de milliards d’euros échangés chaque année –, elle pourrait rapporter « jusqu’à 36 milliards d’euros par an rien qu’en France ». Quid de la mise en œuvre technique d’une telle taxation ? « On peut tout d’abord prélever la taxe sur le lieu de négociation, c’est-à-dire dans les salles de marché des banques. On peut aussi décider de la prélever dans les chambres de compensation et les centrales de règlement-livraison nationales et internationales (comme Clearstream ou Euroclear, ndlr) qu’utilisent les banques pour effectuer les règlements d’espèces et les livraisons de titres. »

Qu’en disent les candidats à l’élection présidentielle ? Jean-Luc Mélenchon propose, dans son programme, d’« instaurer une taxe réelle sur les transactions financières ». Benoît Hamon l’étend à l’Europe « afin de doter la zone euro d’un budget et d’une Assemblée propres ». Emmanuel Macron demeure flou sur ses intentions : « La TTF est un totem pour les uns, un tabou pour les autres. Pour moi, ce n’est ni l’un ni l’autre. Il faut d’abord savoir comment on gère la sortie du Royaume-Uni, première place financière du continent », explique-t-il. En clair : le candidat d’En marche ! se garde la possibilité d’attirer banques et fonds d’investissement en France, quitte à ne pas réguler la finance spéculative, alors que Londres a instauré une taxe similaire à la TTF française, mais légèrement plus élevée (0,5%). De leur côté, ni François Fillon, ni le programme du FN ne l’évoquent. Fillon s’était, en tant que député, prononcé contre le renforcement de la TTF. L’ensemble des parlementaires LR et UDI avaient voté contre.

Réformer les niches fiscales : 10 à 15 milliards

La France compte… 451 niches fiscales ! Elles constituent un manque à gagner total de 89,9 milliards d’euros pour les finances publiques. Certaines d’entre-elles coûtent très cher : celles qui permettent des réductions d’impôt, sous certaines conditions, en cas d’achat d’un bien immobilier pèsent 1,5 milliard d’euros (lire : Logement : ces niches fiscales coûteuses, inutiles et contre-productives) ; le crédit impôt recherche accordé aux entreprises dépasse 5 milliards d’euros, « alors que son efficacité n’a pas été démontrée et qu’il sacrifie la recherche publique ».

Le rapport propose de revoir l’ensemble de ces niches afin d’étudier leur efficacité au regard de leur coût. « Une telle revue permettrait de définir celles qui doivent être supprimées ou réformées, de dégager des ressources et également de procéder à une réforme fiscale de fond. » Renforcer la progressivité de l’impôt pour que les ménages très aisés y contribuent davantage permettrait de dégager entre 5 et 10 milliards. Ré-équilibrer l’imposition entre PME, qui paient pleinement l’impôt sur les sociétés, et les grands groupes qui délocalisent leurs bénéfices grâce à leurs filiales, permettrait de dégager un montant similaire, soit 10 à 20 milliards pour ces deux mesures.

Conditionner les exonérations du CICE : 40 milliards pour l’emploi

Pour compléter ces recettes, les associations altermondialistes suggèrent d’octroyer sous conditions une nouvelle forme de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Celui-ci coûte actuellement 40 milliards d’euros par an et n’a contribué à créer ou sauvegarder – au mieux – que 100 000 emplois. Soit une subvention indirecte de… 400 000 euros par emploi ! Pourtant, 40 milliards, c’est l’équivalent de 600 000 emplois au salaire moyen (un salarié payé 2200 euros nets), cotisations salariales et patronales comprises. À la place du CICE, les entreprises pourraient bénéficier d’aides directes et de crédits fléchés en échange de « la création d’emplois utiles, en particulier dans le secteur de la transition écologique ». Si François Fillon et Emmanuel Macron annoncent d’importantes baisses de cotisations et de prélèvements en faveur des entreprises au nom de leur « compétitivité », aucun n’a fixé de contreparties à ces cadeaux.

Supprimer les aides aux énergies fossiles : 10 milliards

Là encore, il s’agit de s’attaquer à un étrange paradoxe fiscal : alors que la lutte contre les dérèglements climatiques et la mise en œuvre d’une transition écologique semblent faire consensus, les énergies fossiles, issues du pétrole et les plus polluantes, demeurent allègrement subventionnées. « Exemption de TVA pour le pétrole en Outre-mer, TVA réduite sur l’essence en Corse, défiscalisation du kérosène, taux réduit pour le fioul utilisé comme carburant, défiscalisation des carburants pour les chauffeurs de taxis et les agriculteurs »… La liste de ces exemptions laissent perplexe au regard de la multiplication des pics de pollution.

Ces subventions à la consommation d’hydrocarbures coûtent 3,4 milliards d’euros par an. Attac y ajoute l’abattement fiscal sur le prix du diesel à la pompe, soit 5 à 6 milliards supplémentaires. Un avantage fiscal que Ségolène Royal a décidé d’étendre progressivement à l’essence. « Rendez l’argent ! » souhaite au contraire leur suppression progressive. Une question demeure : comment remplacer ces aides indirectes à des professions sinistrées ou en difficulté, comme les agriculteurs et les taxis, ou à des populations défavorisées, telles celles d’Outre-Mer.

Au total, ce sont donc entre 130 et 200 milliards de recettes fiscales qui sont potentiellement récupérables, au service d’une fiscalité plus juste et d’une meilleure répartition des richesses, sans alourdir les impôts et taxes acquittés par les classes populaires et moyennes, ni mettre au chômage des dizaines de milliers de fonctionnaires. Reste à observer quels seront les candidats les plus favorables à cette justice fiscale. Nul besoin d’être devin pour cela.

Le piège de la croissance zombie

Eloi Laurent, Economiste
www.liberation.fr/debats/2017/03/24/le-piege-de-la-croissance-zombie_1558105

L’économiste Eloi Laurent, enseignant à Sciences-Po et à Stanford, estime qu’il est nécessaire de dépasser la croissance comme projet social, et de favoriser le bien-être, la résilience et la soutenabilité.

De tous les débats de fond dont les inépuisables turpitudes du candidat de Les Républicains nous auront privés dans cette campagne, l’abandon de la croissance économique comme horizon collectif est un des plus urgents. Autant la fin du travail paraît à la fois peu vraisemblable et peu désirable, autant le dépassement de la croissance, déjà engagé (notamment en Chine), doit être mené à son terme. Mais il importe à cet égard de lever une ambiguïté majeure. La question n’est pas de savoir si la croissance économique est temporairement épuisée et l’enjeu n’est pas d’explorer les voies de son souhaitable retour. Il convient de reconnaître que, même si la croissance économique revenait, elle ne se traduirait ni par le bien-être des personnes ni par la soutenabilité des économies et des sociétés humaines. Autrement dit, quel que soit son niveau au cours des prochaines années, la croissance est bel et bien épuisée en tant que projet social.

Deux lignes d’analyse se dessinent donc dans le débat public : la première reconnaît l’épuisement de substance actuel de la croissance économique mais réfute son épuisement de sens et propose en conséquence de la stimuler pour la restaurer ; la seconde souligne à la fois l’épuisement de substance et de sens de la croissance économique, et propose en conséquence de l’abandonner pour lui substituer de nouveaux horizons communs.

La première position doit être prise d’autant plus au sérieux qu’elle est encore largement majoritaire parmi les économistes et les décideurs politiques. On peut distinguer cinq stratégies de «retour à la croissance», de la plus conjoncturelle à la plus structurelle, de la moins nocive à la plus toxique.

Court-termisme

La première, la croissance keynésienne, consiste à utiliser les outils de stimulation macroéconomique monétaires mais surtout budgétaires pour relancer la demande au mépris des enjeux environnementaux. On bute ici sur la contradiction fondamentale du keynésianisme au XXIe siècle entre court et long termes. Keynes écrivait en 1936 : «Le long terme est un mauvais guide pour les affaires courantes. A long terme, nous sommes tous morts.» Mais à l’âge des crises écologiques dont Keynes n’avait aucune conscience ni intuition, c’est le court terme qui est devenu, en vérité, une mauvaise boussole des affaires courantes.

La deuxième stratégie consiste à miser sur une nouvelle vague technologique censée revitaliser la productivité des facteurs. La robotique, entre autres, joue aujourd’hui le même rôle que les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les années 90 : beaucoup pensent qu’une fois cette nouvelle vague d’innovation diffusée dans les appareils de production, elle engendrera un nouveau cycle de croissance économique. Mais les perspectives radieuses de cette croissance mécanique sont assombries par ses effets potentiellement destructeurs sur l’emploi.

La troisième stratégie, la croissance par les inégalités, insiste sur la nécessité d’engager de profondes «réformes structurelles» du modèle social (flexibilité du marché du travail, baisse des impôts des entreprises, recul de l’Etat-providence, abaissement des droits sociaux, etc., mais aussi libéralisation financière au nom de «l’économie du ruissellement»). Les gouvernements européens imposent brutalement ces mesures pourtant massivement rejetées par les populations, comme on l’a vu en France avec la loi travail, au nom de leurs bienfaits parfaitement douteux. L’aggravation des injustices sociales qui en résulte est en revanche parfaitement claire.

Quatrième stratégie, il est proposé de modifier le périmètre, non pas seulement de la sphère de l’intervention publique, mais de la sphère économique elle-même en exploitant l’activité sociale non marchande. Ce qui est parfois désigné sous le nom «d’ubérisation» de l’économie consiste ainsi en une croissance par la monétarisation des activités gratuites, la mobilisation du capital non marchand et, de manière générale, l’extension de la sphère marchande mercantile sur la sphère privée (temps de loisirs remplacé par du temps de travail, véhicule privé transformé en véhicule professionnel, logement privé transformé en résidence commerciale, conseils d’ami mués en recommandations d’achat, etc.). L’économie numérique est aujourd’hui ainsi présentée comme une source d’innovation, censée relancer la productivité, et donc la croissance. En réalité, les entreprises du secteur «tech» ne reposent que marginalement sur des innovations technologiques et n’en génèrent que peu ou pas du tout : elles s’appuient surtout sur des innovations financières et fiscales qui leur permettent notamment d’échapper largement à l’impôt qu’elles doivent. Il s’agit donc d’un nouveau régime économique, que l’on peut nommer «capitalisme du passager clandestin», dont l’utilité proprement économique sociale apparaît faible, voire négative, la croissance espérée résidant en une extension de la sphère marchande sur le domaine public et la vie privée, et non pas en une intensification de l’innovation. C’est la croissance cannibale.

Enfin, cinquième et dernière stratégie, ce que l’on désigne sous le nom de croissance verte, qui consiste à rentabiliser la contrainte écologique pour en tirer un profit maximal et instrumentaliser les écosystèmes en les marchandisant et en les monétarisant. Il s’agit d’une croissance extractive à courte vue, bien illustrée par la problématique d’exploitation du gaz et des huiles de schiste dont les maigres bénéfices s’estompent aussi vite qu’émergent leurs dommages collatéraux durables (pollution de l’eau, défiguration des paysages, tremblements de terre, etc.).

Culte aveugle de la discipline

Les Etats-Unis d’aujourd’hui constituent sans doute l’illustration la plus parlante de l’échec patent et nuisible de ces cinq stratégies de relance de la croissance. Le pays les a en effet toutes pratiquées à des degrés divers au cours des quinze dernières années. Le résultat est sans appel : le pays connaît depuis quinze ans le plus faible taux de croissance cumulé de son histoire, tandis que se dégradent inexorablement les inégalités, la santé, l’éducation, la démocratie et les écosystèmes. La croissance ressuscitée est en réalité une croissance zombie qui dévore la prospérité au lieu de la revitaliser. La ravageuse élection de Donald Trump peut être comprise comme le symptôme de ce grand malaise américain que la nouvelle administration va, pour un temps et non sans résistance, encore aggraver dans une fuite en avant. Mais l’Union européenne n’est pas en reste, elle qui enferme ses Etats membres dans des critères budgétaires de convergence qui sont en réalité des critères de croissance, puisque tous définis en pourcentage du PIB. Résultat : ni croissance ni convergence, mais un piège politique redoutable pour les responsables politiques du continent, condamnés à décevoir perpétuellement leurs électeurs en promettant une croissance qui se refuse obstinément à eux tandis que disparaît progressivement l’esprit de coopération, victime du culte aveugle de la discipline.

La source de la prospérité humaine sur la planète n’est pas et n’a jamais été la croissance économique. La source de la prospérité humaine est la coopération sociale. Il est grand temps de la valoriser en favorisant ce qui compte vraiment : le bien-être, la résilience et la soutenabilité.

Eloi Laurent vient de faire paraître Notre Bonne Fortune : repenser la prospérité, PUF, 96 pp, 12 €.

 

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Ane Eslava Serrano
www.argia.eus/albistea/europako-banku-nagusien-irabazien-26-paradisu-fiskaletatik-dator

Oxfam Intermon eta Fair Finance Guide Internationalek kaleratutako txosten baten arabera, Europako hogei banku nagusiek 25.000 milioi euro irabazten dituzte urtero paradisu fiskaletan.

Txostenaren arabera, bankuek irabazi bikoitzak dituzte paradisu fiskaletan dauden enpresekin, beste tokietan daudenekin baino. Beste herrialdeetan galerak dituzten entitate batzuek irabaziak lortzen dituzte paradisu fiskaletan. Helmuga nagusiak Luxenburgo eta Irlanda dira.

Zerga-ihesak herrialdeen arteko desberdintasunak areagotzen dituela ohartarazi du Oxfam Intermonek, herrialde behartsuenei zergen bidez 100.000 milioi dolar baino gehiago irabazteko aukera kentzen dielako. Diru horrekin 124 milioi haurren hezkuntza ordain litekeela ziurtatu du.

Europar Batasunak ezarri duen gardentasun araudi berriari esker bankuen mugimendu fiskalen berri izatea errazagoa da, Miguel Alba Oxfam Intermoneko kideak azaldu duenez. Haren ustez, ordea, araudia eskasa da, 750 milioi eurotik gorako irabaziak dituzten enpresetara mugatzen delako eta enpresei ez dielako eskatzen herrialde bakoitzean egiten dituzten jardueren inguruko informazioa.