Articles du Vendredi : Sélection du 3 novembre 2017

Le changement climatique a déjà un impact concret sur notre santé

AFP
www.lemonde.fr/climat/article/2017/10/31/le-changement-climatique-a-deja-un-impact-concret-sur-notre-sante

Le coût du changement climatique appelé à exploser aux États-Unis

Sciences et Avenir avec AFP
www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat/le-cout-du-changement-climatique-appele-a-exploser-aux-etats-unis

Réchauffement climatique : la bataille des 2 °C est presque perdue

Pierre Le Hir
www.lemonde.fr/climat/article/2017/10/31/rechauffement-climatique-la-bataille-des-2-c-est-presque-perdue

Urgence climatique: faut-il enterrer l’objectif des 2°C?

Maxime Combes
https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/031117/urgence-climatique-faut-il-enterrer-lobjectif-des-2-c

« Premiers de cordée » ? Les riches sont un fardeau pour la collectivité

Didier Harpagès
https://reporterre.net/Premiers-de-cordee-Les-riches-sont-un-fardeau-pour-la-collectivite#nb2

Maila historikoetara iritsi da CO2 kontzentrazioa atmosferan

Miren Osa Galdona
www.argia.eus/albistea/maila-historikoetara-iritsi-da-co2-kontzentrazioa-atmosferan

Le changement climatique a déjà un impact concret sur notre santé

AFP
www.lemonde.fr/climat/article/2017/10/31/le-changement-climatique-a-deja-un-impact-concret-sur-notre-sante

Coups de chaleur, pertes de productivité, expansion des maladies transmises par les moustiques… Le changement climatique a déjà un impact concret sur notre santé, avertit un rapport publié mardi 31 octobre, qui invite à « accélérer la transition vers une société bas carbone ».

Les « symptômes » provoqués par l’augmentation des températures moyennes et la multiplication des « événements climatiques extrêmes » sont « clairs depuis quelques années, et les impacts sur la santé sont bien pires qu’on ne le pensait auparavant », souligne le document, publié dans la revue médicale britannique The Lancet.

Par exemple, entre 2000 et 2016, le nombre de personnes affectées par les vagues de chaleur a augmenté d’environ 125 millions, atteignant un record de 175 millions de personnes exposées en 2015, les conséquences pour leur santé allant « du stress thermique ou coup de chaleur à l’aggravation d’une insuffisance cardiaque pré-existante ou à un risque accru d’insuffisance rénale liée à une déshydratation ». Sur la même période, la hausse des températures a par ailleurs réduit de 5,3 % la productivité des travailleurs dans les zones rurales, estime le rapport.

Le réchauffement du climat a par ailleurs élargi le champ d’action du moustique porteur de la dengue, augmentant son aptitude à transmettre la maladie de 9,4 % depuis 1950, tandis que le nombre de personnes infectées était presque multiplié par deux tous les dix ans.

Une multiplication des phénomènes climatiques extrêmes

Baptisé « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique », ce rapport entend mesurer tous les ans jusqu’en 2030 les progrès réalisés pour quarante indicateurs clés concernant ces deux sujets. Lancé en 2015, il est élaboré par vingt-quatre organismes de recherche et organisations internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Ses auteurs reconnaissent qu’il est difficile de démêler les impacts liés au changement climatique de ceux causés par la démographie, la pauvreté ou encore la pollution.

Entre 2000 et 2016, le nombre de catastrophes climatiques (ouragans, inondations, sécheresses…) a augmenté de 46 %, observent-ils. Si l’on ne peut pas encore attribuer de façon certaine ce phénomène au changement climatique, le lien est « plausible », et il y a peu de doute qu’il y aura, à l’avenir, une hausse de la « fréquence et de la gravité » de ces épisodes, ajoutent-ils.

Après quinze ans d’« inaction relative », les progrès vers une société bas-carbone et pour s’adapter au changement climatique se sont accélérés ces cinq dernières années, notamment à l’occasion de l’accord de Paris sur le climat, reconnaissent-ils.

Mais au vu de la multiplication prévisible des phénomènes climatiques extrêmes, de nombreuses « barrières technologiques, financières et politiques » restent à franchir, en particulier dans les pays à faible et moyen revenu, pour s’adapter et limiter l’impact sur la santé avertit le rapport.

Le coût du changement climatique appelé à exploser aux États-Unis

Sciences et Avenir avec AFP
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Un rapport du Congrès américain pointe les coûts démesurés entraînés par les catastrophes liées au réchauffement climatique aux États-Unis.

COÛTS. Alors que la légèreté du président américain Donald Trump sur la question climatique l’a conduit à quitter l’accord de Paris, à fortement réduire le budget de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) et à détricoter le plan climat conçu par son prédécesseur Barack Obama, les spécialistes américains s’inquiètent. En effet, le coût des catastrophes liées au changement climatique, comme les ouragans, les sécheresses et les incendies de forêt, pourrait atteindre 35 milliards de dollars par an d’ici 2050 aux Etats-Unis, selon le Government Accountability Office (GAO), équivalent américain de la Cour des comptes en France. Dans son dernier rapport, cet organisme du congrès indique que les Etats-Unis ont dépensé plus de 350 milliards de dollars de 2006 à 2016 en programmes d’aide aux victimes de désastres naturels ou pour couvrir des pertes (récoltes agricoles par exemple).

Les États-Unis ont besoin de se doter d’une stratégie des risques climatiques

Un montant record qui s’explique par l’annus horribilis subie en 2017 par les États-Unis côté ouragans et incendies ? Même pas : il ne comprend pas les dégâts énormes provoqués cette année par trois puissants ouragans ni ceux des récents gros incendies en Californie. A eux seuls, ces sinistres sont estimés à plus de 300 milliards de dollars. Une somme qui multiplie presque par 10 l’estimation de 35 milliards par an, sur la seule année 2017 !

STRATÉGIE. Selon cet organisme, chargé des audits et du contrôle du budget fédéral, l’impact financier du changement climatique ne peut qu’augmenter ce qui nécessite la mise en oeuvre d’une stratégie fédérale pour en minimiser les effets. “Le gouvernement fédéral n’a pas conçu de plan stratégique à l’échelle des ministères pour gérer les risques inhérents au changement climatique en exploitant les données sur les effets économiques potentiels du réchauffement afin d’identifier les risques les plus importants et d’élaborer des réponses adéquates”, relèvent les auteurs du rapport.

Coûts rédhibitoires

Le GAO a rédigé ce rapport fin 2015 à la demande  de la sénatrice républicaine du Maine Susan Collins et de sa collègue démocrate Maria Cantwell, de l’Etat de Washington.“Notre gouvernement n’a pas les moyens de dépenser plus de 300 milliards de dollars par an à cause d’événements météorologiques extrêmes liés au réchauffement des océans qui produit des ouragans plus puissants”, ont souligné mardi les deux sénatrices dans un communiqué commun. Mme Cantwell, numéro deux de la Commission du Sénat sur l’Energie, a pointé la mise en garde du GAO selon lequel le gouvernement devra payer des “milliards de dollars de plus à l’avenir, sans mesures pour minimiser les impacts” du changement climatique.

Réchauffement climatique : la bataille des 2 °C est presque perdue

Pierre Le Hir
www.lemonde.fr/climat/article/2017/10/31/rechauffement-climatique-la-bataille-des-2-c-est-presque-perdue

La bataille du climat n’est pas encore perdue, mais elle est très mal engagée. A ce stade, il existe un « écart catastrophique » entre les engagements pris par les Etats pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et les efforts nécessaires pour respecter l’accord de Paris adopté lors de la COP21, en décembre 2015 – à savoir contenir la hausse de la température planétaire « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels », en essayant de la limiter à 1,5 °C. C’est la mise en garde qu’adresse l’ONU Environnement (ex-Programme des Nations unies pour l’environnement), dans un rapport publié mardi 31 octobre. Après 2030 il sera trop tard.

Ce n’est pas la première alerte lancée par l’organisation, qui s’appuie sur un large réseau international de scientifiques. Mais elle prend un ton particulièrement pressant, à quelques jours de l’ouverture de la COP23 (du 6 au 17 novembre à Bonn, en Allemagne) et après un été cataclysmique, durant lequel une succession d’ouragans, d’inondations et d’incendies a montré la vulnérabilité des pays riches comme pauvres aux dérèglements climatiques.

Bilan mitigé

Certes, une bonne nouvelle semble se confirmer : les émissions mondiales annuelles de CO2 issues de la combustion de ressources fossiles (charbon, pétrole et gaz) et de l’industrie cimentière, qui représentent 70 % du total des rejets de gaz à effet de serre, se sont stabilisées depuis 2014, à un peu moins de 36 milliards de tonnes (gigatonnes ou Gt).

Cela s’explique par une moindre croissance du recours au charbon en Chine mais aussi aux Etats-Unis – les deux plus gros pollueurs de la planète – et par l’essor concomitant des filières renouvelables, à commencer par le solaire, particulièrement en Chine et en Inde.

Toutefois, note le rapport, cette stabilisation n’a été observée que sur une courte période et la tendance « pourrait s’inverser si la croissance de l’économie mondiale s’accélère ». En outre, le bilan est plus mitigé si l’on considère non seulement le CO2 mais aussi le méthane et l’ensemble des gaz à effet de serre, également produits par l’agriculture, les changements d’utilisation des terres et la déforestation. Le total des émissions, d’environ 52 Gt équivalent CO2 en 2016, marque ainsi une légère progression par rapport aux années antérieures.

On est donc très loin de la baisse drastique des émissions indispensable pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Afin de contenir le réchauffement sous 2 °C, il faudrait plafonner les rejets mondiaux à 42 Gt en 2030, calculent les experts. Et viser un maximum de 36 Gt pour conserver un espoir de rester sous la barre de 1,5 °C.

Des études scientifiques récentes – dont l’ONU Environnement indique qu’elle tiendra compte dans ses prochains rapports – concluent même qu’il faudrait en réalité parvenir à un niveau beaucoup plus bas, d’environ 24 Gt seulement en 2030, pour éviter l’emballement climatique.

Un tiers du chemin

Or, les engagements pris en 2015 par les 195 pays parties prenantes de l’accord de Paris, dont 169 l’ont à ce jour ratifié, ne permettront que d’accomplir « approximativement un tiers » du chemin, préviennent les rapporteurs. A supposer que tous les Etats respectent l’intégralité de leurs promesses, parfois conditionnées à l’obtention de financements internationaux et de surcroît non contraignantes, la Terre s’achemine aujourd’hui vers une hausse du thermomètre de 3 °C à 3,2 °C à la fin du siècle.

Sans effort supplémentaire, en 2030, l’humanité aura consommé 80 % de son « budget carbone », c’est-à-dire la quantité de CO2 qu’elle peut encore relâcher dans l’atmosphère sans dépasser 2 °C de réchauffement. Et elle aura épuisé la totalité du budget lui permettant de ne pas aller au-delà de 1,5 °C.

Autrement dit, « il est urgent d’accélérer l’action à court terme et de renforcer les ambitions nationales à long terme ». Le temps est compté : « Il est clair que si l’écart [entre les réductions d’émissions nécessaires et les engagements des pays] n’est pas comblé d’ici à 2030, il est extrêmement improbable que l’objectif de maintenir le réchauffement global bien en dessous de 2 °C puisse encore être atteint », insiste le rapport.

« La situation est très préoccupante, commente le climatologue Jean Jouzel, ex-vice-président du groupe de travail scientifique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les premiers bilans des politiques nationales montrent que globalement, on est plutôt en dessous des engagements pris à Paris. Et, sans les Etats-Unis, il sera très difficile de demander aux autres pays de rehausser leur ambition. » En tout état de cause, ajoute-t-il, « on reste très loin du compte : pour garder une chance de rester sous les 2 °C, il faudrait que le pic des émissions soit atteint en 2020 au plus tard. »

D’où l’appel de l’ONU à mettre à profit le « dialogue facilitateur » prévu par l’accord de Paris entre les parties signataires, en 2018, pour revoir à la hausse les contributions nationales, qui doivent être révisées tous les cinq ans. « La plupart des pays du G20, souligne le rapport, ont besoin de nouvelles politiques et actions pour remplir leurs engagements. » C’est aussi à l’automne 2018 que le GIEC doit publier un rapport spécial sur la possibilité ou non de ne pas franchir le niveau de 1,5 °C, ainsi que sur les conséquences d’un réchauffement de plus grande amplitude.

« Opportunités »

L’ONU Environnement veut pourtant rester optimiste. A ses yeux, il est encore « possible » d’éviter la surchauffe généralisée. « Une rupture dans les technologies et les investissements peut réduire les émissions, tout en créant d’immenses opportunités sociales, économiques et environnementales », assure son directeur, le Norvégien Erik Solheim.

La solution la plus radicale est connue : elle consiste à laisser sous terre entre 80 % et 90 % des réserves de charbon, la moitié de celles de gaz et environ un tiers de celles de pétrole. Ce qui suppose, en première priorité, de ne plus construire de nouvelles centrales à charbon et de programmer l’arrêt de près de 6 700 unités actuellement en service.

Mais, poursuivent les rapporteurs, d’autres leviers doivent aussi être actionnés. En agissant avec volontarisme dans tous les secteurs économiques, ce sont de 30 Gt à 40 Gt par an qui pourraient être soustraites à l’atmosphère.

A eux seuls, la promotion des filières solaire et éolienne, l’amélioration de l’efficacité énergétique, le développement de modes de transports alternatifs, l’arrêt de la déforestation et le reboisement pourraient faire chuter les émissions annuelles de 22 Gt. L’humanité n’a pas encore brûlé toutes ses cartouches. Mais elle est entrée dans la zone de tous les dangers.

Urgence climatique: faut-il enterrer l’objectif des 2°C?

Maxime Combes
https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/031117/urgence-climatique-faut-il-enterrer-lobjectif-des-2-c

A l’enthousiasme exagéré autour de l’Accord de Paris va-t-il se substituer un pessimisme généralisé sur l’impossibilité de maintenir le réchauffement climatique en deçà des 2°C ? Comme nous l’expliquons, ce n’est pourtant pas l’objectif des 2°C qu’il faut enterrer mais les nombreuses décisions politiques et économiques des Etats et des entreprises qui ne sont pas à la hauteur du défi climatique.

 

« La bataille des 2°C est presque perdue » titre Le Monde. « Limiter à 2°C le réchauffement climatique est extrêmement improbable » surenchérit France Info. Tandis qu’Europe 1 ou Libération reprennent l’adjectif de « catastrophique » utilisé par l’ONU pour caractériser l’écart entre les engagements que les Etats ont mis sur la table et ce qu’il faudrait faire pour rester en deçà des 2°C. Reconnaissons que le huitième Emission Gap Report du Programme des Nations-Unies pour l’environnement, présenté ce 31 octobre à Genève, n’est pas passé inaperçu, notamment en raison des termes alarmistes utilisés par son directeur Erik Solheim.


A juste titre…

Il suffit d’un graphique pour prendre conscience du problème : l’écart (gap) entre les engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) annoncés en 2015, en amont de la COP21, et le niveau qu’ils devraient atteindre pour maintenir le réchauffement climatique mondial en deçà des 2°C fixés par l’article 2 de l’Accord de Paris, est gigantesque. A supposer que les Etats fassent tout parfaitement, à compter de 2030, en matière de réduction d’émission, les calculs des scientifiques montrent en effet que les engagements des Etats pour la période 2020-2030 ne représentent qu’un tiers de ce qu’il faudrait faire.

C’est peu. Mathématiquement, c’est indiscutable : au rythme actuel, ce sont entre 11 et 13 gigatonnes de CO2 équivalent (GtCO2e) qui seront relâchés en trop dans l’atmosphère en 2030 pour rester en deçà des 2°C (sur un total d’environ 55 gigatonnes). Et bien plus pour rester en deçà des 1,5°C.

Rien de neuf pourtant : on connaît les données du problème depuis longtemps, dès avant la COP21.

Cet écart entre « le réel » et « le souhaitable » n’est pas nouveau. Pas plus que les études de l’ONU et du PNUE qui en font la démonstration. A J-30 de la COP21, l’ONU publiait déjà une étude – que nous commentions ici – montrant la gravité de cet écart.

Dès la PreCOP de novembre 2015, réunion de « haut niveau » en présence de Laurent Fabius et de ministres du monde entier, j’avais affirmé (texte disponible ici), au nom de la coalition d’ONG Climate Justice Now, que cet écart entre les 3°C ou plus, le réel, et les 2°C au moins, le souhaitable, n’était pas « un bon point de départ pour aller plus loin », comme l’affirmaient alors les architectes de l’accord de Paris, mais que c’était « le point de départ pour de nouveaux et plus nombreux crimes climatiques dans le futur, aux quatre coins de la planète ». Une gravité inlassablement martelée depuis, appelant les Etats à revoir leurs engagements à la hausse pour résorber cet écart injustifiable.

Que s’est-il passé lors de la COP21 ? Depuis ?

Logiquement, il était attendu de la COP21 qu’elle serve à résorber cet écart entre le réel et le souhaitable, c’est-à-dire que les Etats se partagent l’effort supplémentaire nécessaire pour satisfaire les objectifs globaux qu’ils allaient assigner à la communauté internationale. Il n’en a rien été. Cette tâche, importante s’il en est, a été reportée à plus tard. Un peu comme si vous décidiez de commencer par nettoyer les rebords de votre marmite quand celle-ci commence à déborder plutôt que réduire fortement la puissance du feu de la cuisinière, pour éviter la catastrophe.

Logiquement bis, ce qui n’avait pas été fait lors de la COP21 aurait du être fait depuis ou, a minima, être en cours de négociation. Il n’en a rien été non plus. Pas plus lors du processus de ratification de l’Accord de Paris, entré en vigueur il y a tout juste un an, que lors de la COP22 à Marrakech en 2016 ou lors des réunions préparatoires à la COP23 – qui se tient à Bonn du 6 au 17 novembre – il n’a été question de combler ce fossé. Plus catastrophiste qu’à l’accoutumée, la communication du PNUE va-t-elle contribuer à faire bouger les lignes lors de la COP23 ? Rien n’est moins sûr tant son ordre du jour est principalement technique, portant sur la mise en œuvre des différents dispositifs prévus dans le cadre de l’Accord de Paris.

Alors faut-il enterrer l’objectif des 2°C ?

Frappés par l’étude et le graphique publiés par le PNUE, certains commentateurs attentifs aux enjeux climatiques n’y vont pas par quatre chemins : « On ne va pas se mentir, c’est mort » affirme ainsi le chercheur François Gemenne. Ce n’est pourtant pas ce qu’affirme le PNUE qui trace une ligne de crête, exigeante mais praticable, pour combler l’écart d’ici à 2030 et faire en sorte que « les objectifs de l’Accord de Paris puissent encore être atteints ». Avec plus de 70% des émissions de GES liées à la combustion des énergies fossiles et à l’industrie du ciment, les premières cibles sont claires : sortir du charbon aussi vite que possible en arrêtant d’investir dans les énergies fossiles.

Sans rentrer dans le détail des politiques publiques internationales et nationales qui devraient être menées – nous les avons longuement développées dans le livre Sortons de l’âge des Fossiles et nous y reviendrons dans les jours prochains – il nous semble qu’il ne faut pas se tromper d’interprétation : le PNUE ne dit pas qu’il faut enterrer l’objectif des 2°C.

Que dit le PNUE alors ? Qu’il est « inacceptable », terme du communiqué du PNUE, de ne pas s’atteler dès aujourd’hui à tout faire pour « respecter la promesse que nous avons faite à nos enfants de protéger leur avenir ».

C’est le manque d’ambition climatique des Etats qu’il faut enterrer.

Disons-le autrement : ce n’est pas l’objectif des 2°C qu’il faut enterrer mais les décisions politiques et économiques qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Voici quelques exemples d’une liste non exhaustive de décisions récentes qui n’auraient jamais du être prises :

  • quand une commission d’experts conclut que le CETA n’est pas climato-compatible, il est « inacceptable » qu’Emmanuel Macron et le gouvernement entérinent sa mise en application provisoire ;
  • quand on annonce vouloir mettre fin à l’exploration et l’exploitation des énergies fossiles sur le territoire national comme le prétend Nicolas Hulot avec sa loi sur les hydrocarbures, il est « inacceptable » de multiplier les exemptions pour préserver les intérêts des industriels et de refuser de limiter les importations d’énergies fossiles ;
  • quand on affirme que les dérèglements climatiques sont une priorité gouvernementale, il est « inacceptable » de supprimer le Fonds Vert français qui doit soutenir les efforts de la Polynésie et de la Nouvelle Calédonie, à peine un mois après Irma et seulement quelques jours avant la COP23 ;
  • quand on prétend assumer un rôle moteur dans la lutte contre le réchauffement climatique, on ne revoit pas ses ambitions à la baisse comme vient de le faire l’Union européenne, avec la bénédiction du gouvernement français ;

Alors, oui, il est temps d’enterrer des politiques et des réflexes du siècle passé qui conduisent à un réchauffement climatique insupportable. Mais n’enterrons pas le seul article de l’Accord de Paris qui lui donnait un peu d’ambition : la barre des 2°C doit rester l’horizon indépassable des objectifs de politique climatique nationale et internationale. Demain, et c’est une bataille que nous devons mener aujourd’hui, les Etats, les multinationales et autres acteurs économiques qui contreviennent à cet objectif doivent même pouvoir être sanctionnés pour cela. L’Accord de Paris ne le permet pas. Trouvons d’autres moyens pour qu’il en soit ainsi. Ce devrait être un des enjeux de la COP23 : si les politiques menées par les Etats sont actuellement « inacceptables » comme l’affirme le PNUE, alors elles doivent pouvoir être sanctionnées.

« Premiers de cordée » ? Les riches sont un fardeau pour la collectivité

Didier Harpagès
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L’omniprésident Emmanuel Macron défend le principe selon lequel la richesse des « premiers de cordée » peut sortir la société de la crise. Mais pour l’auteur de cette tribune, la recherche de la richesse économique ne fait en rien le bien commun. Didier Harpagès est l’auteur de Mourir au travail ? Plutôt crever ! Ce qu’est le travail et ce qu’il pourrait être, qui vient de paraître aux éditions Le Passager clandestin. Il collabore régulièrement à Reporterre.

À l’heure où le gouvernement d’Édouard Philippe, aux ordres de l’omniprésident Macron, s’apprête, après avoir détricoté le Code du travail, à faire subir aux Français un choc fiscal lourd de conséquences, certains apôtres d’un vieux discours travestissent la classe dominante en nouveau concept économique de manière à prêter aux riches de louables intentions.

Il conviendrait donc de laisser faire ceux qui ont de l’argent car ils seraient les seuls capables de nous sortir de la crise sociale dont les plus vulnérables d’entre nous, qui ne sont rien, subissent les assauts répétés. La théorie du ruissellement (« trickle-down-theory »), qui conseille de laisser la bride sur le cou des riches afin de leur permettre de s’enrichir davantage, voudrait nous convaincre des bienfaits de cet enrichissement aveugle. Il conduirait ses bénéficiaires à augmenter leur production et à créer des emplois. Encourageons, en somme, les riches à s’enrichir, leur richesse ruissellera sur l’ensemble des classes inférieures. Cruelle fourberie ! Madame Bettencourt, première fortune de France, ne fut pas assujettie à l’impôt sur la fortune. L’argent de la vieille demeura précieusement entre ses mains. Au nom de quel principe vertueux ses héritiers seraient-ils disposés, à le faire ruisseler sur les plus nécessiteux ?

Les doux rêveurs qui croient encore en la magnanimité des puissants

Cynique, le président des riches soutient avec une autorité qui ne trompe que les naïfs et les doux rêveurs, lesquels croient encore en la magnanimité des puissants, que l’épargne conséquente d’aujourd’hui fera l’investissement glorieux de demain et les emplois nombreux d’après-demain. Il feint d’ignorer que dans un monde emporté par la dérive financière toujours plus folle, ce théorème d’inspiration libérale ne conduira, tout au plus, l’entreprise France, qu’il dirige tel le maître des Dieux, qu’à se faire du gras plutôt que du muscle, au bénéfice exclusif de goinfres dont l’avidité et la cupidité sont aujourd’hui sans limites.

À dire vrai, ces considérations visent encore à crédibiliser la définition conventionnelle de la richesse, inscrite immanquablement dans nos imaginaires. Le premier de cordée, ce riche dont la réussite jugée exemplaire confère notoriété et prestige, demeurerait positionné immuablement au sommet de la hiérarchie sociale. Il s’autoriserait même à nous ouvrir la voie.

Précisément, que faut-il entendre par richesse ? S’agit-il, ainsi que le suggérait en 1884 William Morris, socialiste révolutionnaire et compagnon de route d’un marxisme en gestation, de ce que des hommes parviennent à réaliser grâce aux dons prodigués par la nature afin de satisfaire le décent, le suffisant, le nécessaire ? Une production raisonnée, raisonnable à la disposition d’une communauté humaine ayant proscrit toute forme de gaspillage ? S’agit-il encore, sous la plume du même William Morris, « de la conservation de toutes les formes de savoirs et [de] la faculté de les diffuser, [des] instruments d’une communication libre entre êtres humains ; [des] œuvres d’art, [de] la beauté que l’homme crée quand il est véritablement homme, volontaire et réfléchi. Toutes choses qui participent au plaisir de gens libres, courageux et sains. » ? [1] Au contraire, s’agit-il d’une abondance de biens offerts à une société dont la situation économique est prospère ? Conception somme toute banale pour laquelle les économistes de toutes obédiences exprimeront néanmoins leur approbation.

La richesse, « une distinction provocante »

La richesse est une notion relative dont le contenu peut être d’une grande diversité et qui varie, en fonction des époques, selon la préférence exprimée par les groupes sociaux, par les nations, par les cultures. Une évidence, pourtant, s’impose : la richesse des sociétés est faite d’un ensemble de biens et de services sur lesquels se focalisent les désirs du groupe social dominant. Dans les sociétés modernes, traversées par l’idéologie libérale, la définition de la richesse et son appropriation sont assurées par ceux qui profitent du travail d’autrui. Véritable fardeau pour l’ensemble de la collectivité, les riches, condamnés (de manière consentante !) à la surconsommation, se font entretenir par les pauvres, lesquels végètent cruellement dans la frustration et parfois la misère. Loin de satisfaire authentiquement les besoins matériels et culturels, l’accumulation de richesses se déploie surtout autour du principe de l’ostentation, elle confère l’honneur, « c’est une distinction provocante », selon l’expression forgée par Thorstein Veblen dans Théorie de la classe de loisirs.

Le but économique de l’acquisition n’est pas la consommation triviale de biens accumulés, mais la rivalité. L’appropriation n’a rien à voir avec le minimum vital, mais avec ce qui provoque l’envie. Même dans les classes impécunieuses, observe-t-il, le besoin physique de consommer n’est pas ce qui apparaît comme prédominant. En milieu capitaliste, la consommation devient stratégique, elle permet d’afficher un niveau de vie supérieur à celui de son voisin. Son caractère ostentatoire, propice au mimétisme, est recherché par l’oligarchie, la classe dominante et parasitaire. Les riches tiennent autant à leur rang qu’à leur argent.

L’oligarchie prédatrice, autoexclue, détachée des préoccupations sociales communes, incapable de prendre en charge le monde de demain, si ce n’est sous l’angle de la profitabilité financière, impose ses normes de consommation et, ce faisant, devient l’acteur central des crises sociale et écologique.

 Orienter la production selon ses désirs, provoquer un gaspillage insouciant des ressources naturelles, amplifier la crise écologique

Les nantis, disposant de la prérogative de vivre du labeur des plus pauvres, se montrent inaptes à utiliser la force de travail qu’ils se sont appropriée, de manière à produire de vraies richesses au sens où l’entendait William Morris. Ils dispersent « cette force à tout vent dans la production de pacotilles » de sorte que, ajoutait-il, « l’existence d’une classe privilégiée n’est en rien nécessaire à la production de richesses, [elle] sert bien plutôt au “gouvernement” des producteurs de richesses, c’est-à-dire au maintien des privilèges. » [2]

Orienter la production selon ses désirs, provoquer un gaspillage insouciant des ressources naturelles, amplifier la crise écologique, qui n’a aucun précédent dans l’histoire de l’humanité, imposer une organisation délétère du travail, déposséder la classe laborieuse du produit de sa souffrance, l’amputer de ses facultés créatrices, c’est le projet insensé, irresponsable, dépourvu de toute légalité, lancé à la face du monde par la classe des possédants. Une exaltation de la production et de la consommation, une sanctification de l’économie et de la croissance, une vénération pour le progrès et l’innovation, une convoitise et une vénalité, tout cela entretenu par une minorité, exempte de vertus civiques, aux seules fins de préserver son rang social. Un cinquième de la population mondiale accapare quatre cinquièmes de la production mondiale. Fallait-il le rappeler ?

Ainsi, il apparaît salutaire de fustiger notre adversaire, le premier de cordée, et surtout de le détacher de la cordée tout entière afin que celle-ci récupère sa dignité. L’objection faite à cette intolérable verticalité, venue d’une époque lointaine, ouvrirait une autre voie, celle de l’émancipation et de l’autonomie.

[1] « Travail utile et vaine besogne » dans La Civilisation et le travail ; présentation d’Anselm Jappe ; Neuvy-en-Champagne, Le Passager clandestin, 2013, p 37.

[2] William Morris, op.cit., p 41, 42.

Maila historikoetara iritsi da CO2 kontzentrazioa atmosferan

Miren Osa Galdona
www.argia.eus/albistea/maila-historikoetara-iritsi-da-co2-kontzentrazioa-atmosferan

MME Munduko Meteorologia Erakundeak ohartarazi du lurraren tenperatura igo egin dela, berotegi efektua sortzen duen CO2aren pilaketaren ondorioz. Azken hamarkadetan kezka sortu du karbono dioxido kopuruak, baina iazko datuak marka guztiak hautsi ditu: 2016an milioiko 403,3 parte gainditu zituen CO2 kontzentrazioa. Kritikotzat jotzen da 400etik gorako kontzentrazioa. Ikerketak zehazten duenez, gas emisioak gelditu egin dira azken hiru urteotan. Hau da, gas isuria ez da handitu. Bai, ordea, kutsadura maila. Izan ere, gasen emisioa eta hark zor dezakeen kutsadura kopurua ez dira baliokideak; prozesua ez da lineala eta atmosferan dauden beste hainbat faktorek eragin zuzena dute. Egungo karbono dioxido mailak industrializazio aurrekoaren  %145  da. “Bi aldiz egon da Lurra antzeko egoeran, orain dela hiru eta bost milioi urte egon zen, hurrenez hurren”, diote ikerlariek. “Lehen aldian, tenperatura orokorra bi edo hiru gradu altuagoa zen, eta bigarrengoan, itsas maila hamar eta hogei metro bitartean altuagoa”. Iazko datuei El Niño izeneko fenomeno meteorologikoa gehitu behar zaie: bost urtean behin ematen den fenomenoa da eta Ozeano Bareko tenperaturaren gorakada dakar. Lehorte eta euri jasa gogorrak ere sortu ditzake.