Articles du Vendredi : Sélection du 24 février 2017

L’agrandissement de l’aéroport de Vienne interdit au nom du climat

Violette Bonnebas
https://reporterre.net/L-agrandissement-de-l-aeroport-de-Vienne-interdit-au-nom-du-climat

Les chiffres affolants de l’évasion fiscale dans le monde

Marine Rabreau
www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2016/04/04/29006-20160404ARTFIG00270-les-chiffres-affolants-de-l-evasion-fiscale-dans-le-monde.php

Un quinquennat décevant sur le plan de l’environnement

Antoine de Ravignan
www.alternatives-economiques.fr/un-quinquennat-decevant-plan-de-lenvironnement/00077324

Présidentielle: la société civile veut (vraiment) lutter contre la précarité énergétique

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/presidentielle-la-societe-civile-veut-vraiment-lutter-contre-la-precarite-energetique,79719

C’est clair, le CETA n’est pas climato-compatible

Maxime Combes
www.latribune.fr/opinions/tribunes/c-est-clair-le-le-ceta-n-est-pas-climato-compatible-642468.html

Un million d’emplois pour le climat

Antoine de Ravignan
www.alternatives-economiques.fr/un-million-demplois-climat/00077487

L’agrandissement de l’aéroport de Vienne interdit au nom du climat

Violette Bonnebas
https://reporterre.net/L-agrandissement-de-l-aeroport-de-Vienne-interdit-au-nom-du-climat

C’est une première mondiale ! En Autriche, la justice interdit la création d’une troisième piste à l’aéroport de Vienne. La raison ? L’impact sur le climat et la destruction de terres agricoles.

 

La nouvelle a de quoi ravir tous les opposants aux grands projets inutiles – et les gens préoccupés de l’avenir de la planète. En Autriche, la justice a interdit l’agrandissement de l’aéroport de Vienne au nom de la protection du climat. Dans une décision rendue publique le 9 février, le tribunal administratif fédéral de la capitale autrichienne a estimé que « l’intérêt public lié à la protection contre les effets négatifs du changement climatique, dû en particulier aux émissions de CO2, est supérieur aux intérêts publics positifs attendus de la réalisation du projet » (texte de la décision, en allemand). En clair, la réduction des émissions de gaz à effet de serre prime sur les retombées économiques supposées du projet.

Les juges font valoir que les objectifs autrichiens de lutte contre le réchauffement climatique sont incompatibles avec la réalisation d’une troisième piste à l’aéroport de Vienne-Schwechat. Les expertises qu’ils ont commandées ont évalué à 2 % la hausse des émissions de gaz à effet de serre imputables aux transports en Autriche si le projet sortait de terre.

La troisième motivation avancée par les magistrats viennois concerne l’avenir des terres cultivables, dans un pays très attaché à l’agriculture traditionnelle. “La préservation de riches terres arables pour l’alimentation des générations futures est également une urgence qui s’impose”, écrivent-ils. Le projet menaçait de détruire 760 hectares de terres, selon le journal viennois Augustin.

Partisans et opposants s’entendent pour dire que cette décision est une première mondiale. La presse germanophone rappelle que les précédentes plaintes de ce genre dans le monde ont été systématiquement rejetées.

Les membres du collectif citoyen à l’origine de la plainte ont salué la décision du tribunal, qui “a trouvé le courage d’arrêter le projet malgré l’énorme pression politique”. Herbert Janschka, le maire (ÖVP, conservateur) de Wiener Neudorf, une commune à proximité de l’aéroport, s’est lui aussi réjoui d’une “décision d’avenir qui va dans le sens de notre environnement et de notre santé”.

Un projet aéroportuaire contesté, susceptible de nuire à l’environnement ? En France, le dossier fait bien entendu écho à celui du projet d’aéroport à Notre-DamArticles du Vendredi : Sélection du 17 février 2017e-de-Landes. Sur place, les opposants au projet saluent d’ailleurs la décision des juges autrichiens. “C’est formidable, dit à Reporterre Françoise Verchère, co-présidente du Cédpa, un collectif d’élus locaux. Pour nous, c’est le signe que des juges peuvent prendre en compte une évolution de la conception de l’utilité publique, qui intègre désormais les problématiques environnementales. Cela montre aussi que certains pays sont beaucoup plus en avance que la France sur les questions climatiques.”

Cependant, la décision des juges viennois crée des turbulences. Programmé depuis dix ans, l’agrandissement de Vienne-Schwechat était censé éviter l’engorgement annoncé des structures actuelles. Plaque tournante du trafic aérien en Europe centrale et du sud, l’aéroport a accueilli 23,4 millions de voyageurs l’an dernier et table sur une hausse de 87 % du nombre de passagers d’ici 2025, selon le journal Der Standard.

Sur l’aéroport de Vienne

Soutenus par le gouvernement, les défenseurs du projet considèrent que le jugement met à mal la croissance de l’économie autrichienne, notamment celle du secteur touristique, au profit des pays voisins, Allemagne et Slovaquie en tête. « Les avions ne voleront pas moins, ils atterriront juste ailleurs », a déclaré l’avocat de l’aéroport Christian Schmelz au journal Die Presse. “Nous ne laisserons pas nos emplois partir à Bratislava ou Munich”, a assuré le représentant du personnel, Thomas Faulhuber, dans un communiqué.

Pour le directeur de l’aéroport, Günther Ofner, cette interdiction de construire est même un non-sens. Il considère que “plus aucune maison, aucune rue et surtout aucune usine ne pourront alors être construites, parce que tous les projets de ce type provoquent une augmentation des rejets de CO2 et une détérioration des sols”.

L’entreprise a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait déposer un recours auprès de la plus haute juridiction administrative, voire, si nécessaire, devant la Cour constitutionnelle autrichienne.

Les chiffres affolants de l’évasion fiscale dans le monde

Marine Rabreau
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L’affaire «Panama Papers» redonne un coup de projecteur sur les paradis fiscaux dans le monde. Le point sur ce que représentent les avoirs cachés à travers la planète, et les milliards qui ne rentrent pas dans les caisses des États.

Après Wikileaks, OffshoreLeaks, SwissLeaks et LuxLeaks, voici «Panama Papers». Une enquête réalisée par 107 journaux de 76 pays du monde dévoile les avoirs dans les paradis fiscaux de quelque 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan, parmi lesquels le cercle rapproché du président russe Vladimir Poutine, ou les footballeurs Michel Platini et Lionel Messi. Toute la semaine, de nouvelles révélations seront publiées. Cette vaste enquête ne concerne qu’une seule entreprise de domiciliation de sociétés offshore, Mossack Fonseca, la quatrième plus grosse du secteur dans le monde. Il s’agit donc de l’arbre qui cache la fôret. Le Figaro fait le point sur ce que représente l’évasion fiscale dans le monde et le manque à gagner phénoménal que la pratique implique pour les États.

  • Que représente l’évasion fiscale dans le monde?

Par définition, il ne peut y avoir de statistiques officielles sur les paradis fiscaux. Les «Panama Papers» le prouvent bien: les connivences entre les mondes politique et financier obscurs sont flagrantes et les montages financiers pour cacher des avoirs toujours plus complexes, au fur et à mesure que la réglementation financière se durcit. Pour autant, plusieurs études permettent de s’en faire une idée.

En 2012, le FMI avait chiffré les transactions mondiales qui transitent par les paradis fiscaux à 5500 milliards d’euros, via 4000 banques et 2 millions de sociétés écrans. Mais un peu plus tard, la même année, le Tax Justice Network -qui a compilé les données de la Banque mondiale, du FMI, des Nations unies et des banques centrales-, évaluait le «secteur» entre 16.000 et 26.000 milliards d’euros. C’est-à-dire 10 fois le PIB annuel de la France. De tels montants représenteraient entre 150 et 225 milliards d’euros de recettes fiscales qui ne rentrent pas dans les caisses des États du monde, selon cette étude.

Des chiffres a minima, contestait un peu plus tard un économiste de McKinsey, .James Henry. Dans une de ses études, relayée par Le Guardian, il a calculé que l’évasion fiscale atteignait entre 21.000 et 32.000 milliards de dollars, avec un chiffrage central à 26.000 dollars. Même si ces avoirs n’étaient taxés qu’à 10%, ils rapporteraient… 2600 milliards. A 20%? Plus de 5000 milliards. À 50%: 13.000 milliards.

James Henry précisait dans son étude qu’environ la moitié des avoirs dans les paradis fiscaux était détenue par une poignée d’hyper-riches. 92.000 précisément, soit 0,001% de la population mondiale. L’autre moitié serait détenue, selon lui, par 8,4 millions d’autres individus.

Il n’y a pas eu d’évaluations plus récentes que celles présentées ci-dessus. Mais il est évident que ces activités ont évolué à la hausse, alors que la «technologisation» de la finance a continué de se développer, que les actifs gérés par les plus grosses banques de gestion du patrimoine privé grossissent chaque année, et que la réglementation des institutions financières se durcit, les poussant à contourner les règles vers des financements toujours plus opaques.

  • Et en Europe?

Le Parlement européen a estimé en 2013 le coût de l’évasion fiscale en Europe à plus de 1000 milliards d’euros par an. Cela représentait 20% du PIB de l’Union européenne, ou 2000 euros par citoyen européen. Pour rappel, le déficit du Vieux continent atteignait alors 514 milliards d’euros, et le budget, moins de 150 milliards d’euros.

  • En France, entre 60 et 80 milliards de manque à gagner… par an

Dans un livre publié en 2012, le journaliste Antoine Peillon chiffrait à 600 milliards le montant des avoirs français dissimulés à l’étranger, dont environ 250 milliards détenus par des particuliers et le reste par des entreprises.

La même année, la Commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale estimait entre 30 et 60 milliards d’euros son coût annuel pour les finances publiques, tout en avouant qu’il s’agissait d’une «fourchette basse». Début 2013, le syndicat Solidaire-Finances Publiques, en extrapolant les résultats du contrôle fiscal et en consolidant les travaux existants, a calculé que le montant total «des différentes formes d’évitements illégaux de l’impôt est compris entre 60 à 80 milliards d’euros» chaque année, soit 20% des recettes fiscales brutes de l’Hexagone.

Un quinquennat décevant sur le plan de l’environnement

Antoine de Ravignan
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En lançant en septembre 2012 la conférence environnementale, François Hollande a perfectionné ce que Nicolas Sarkozy avait créé en juillet 2007 avec le Grenelle de l’environnement. Cette large consultation publique, qui avait permis l’adoption d’objectifs ambitieux, a été transformée en un rendez-vous annuel, avec l’idée d’institutionnaliser le dialogue écologique comme l’est le dialogue social.

Le principal aboutissement de ce processus a été la loi sur la transition énergétique et la croissance verte. Un débat citoyen fut lancé sur ce thème en novembre 2012, mais il aura fallu ensuite plus de deux années de marchandages du côté de l’exécutif et du Parlement pour parvenir à la loi publiée en août 2015. Son objectif général (une baisse de 75 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990) ne fait cependant que reprendre celui de la loi Pope adoptée… en 2005, dix ans plus tôt, alors qu’entre-temps la révolution des énergies renouvelables a bouleversé le paysage.

Son vrai apport a été de préciser la marche à suivre. Cette loi a acté en particulier que pour atteindre l’objectif au meilleur coût, les gains d’efficacité énergétique étaient une priorité et qu’il fallait diviser par deux les besoins d’énergie d’ici à 2050. Face aux pressions du milieu patronal, cela n’a pas été un mince acquis. Reste que, pour l’instant, la mise en oeuvre ne suit pas. Dans le logement, l’objectif des 500 000 rénovations thermiques par an à partir de 2017 est encore loin d’être atteint : en 2014, on n’en était qu’à 360 000, selon les données de l’Ademe, et encore la réalité des économies permises par ces travaux reste à vérifier.

Le sujet clé des économies d’énergie a été d’autant plus négligé que la question conflictuelle du nucléaire a dominé les débats. Dans un contexte où la consommation électrique devrait rester stable (si la loi est appliquée, les besoins des futures autos électriques devraient en effet être compensés par les économies d’énergie), développer massivement les renouvelables implique de réduire la production nucléaire. La loi sur la transition énergétique avait abouti à un compromis : à l’horizon 2030, 40 % de renouvelables dans la production électrique et 50 % de nucléaire dès 2025 (il y en a respectivement 17 % et 76 % en 2015). Cela implique l’arrêt de près de 20 réacteurs, au fur et à mesure qu’ils atteindront les quarante ans de service pour lesquels ils sont autorisés pour l’instant à produire. Or EDF, lourdement endettée et qui fait face à un mur d’investissements colossaux, veut à tout prix prolonger jusqu’à soixante ans la durée de vie de ses centrales, avant de les remplacer par des réacteurs de type EPR. Une option technologique dans laquelle l’électricien a déjà beaucoup investi, mais qui paraît de moins en moins défendable. En effet, les coûts des renouvelables ont tellement baissé qu’aller vers un système électrique 100 % renouvelable ne coûterait pas plus cher aux Français que de maintenir la part du nucléaire à son niveau actuel, comme l’a montré l’Ademe.

Renoncement et demi-mesures

L’exécutif a refusé de tirer cette conclusion logique de la loi qu’il a lui-même fait voter en programmant des premières fermetures de réacteurs. 7

Au terme d’une longue valse-hésitation, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – principal décret d’application de la loi de transition énergétique fixant des objectifs pour les années 2018-2023 – fait l’impasse sur la baisse du nucléaire. Ce qui fragilise d’autant les objectifs fixés pour 2030 en matière de renouvelables, alors que la France est déjà sur de mauvais rails pour respecter ses engagements européens pour 2020.

De même, au chapitre de la fiscalité verte, outil indispensable pour accélérer la transition écologique, ce quinquennat aura, comme le précédent, été une suite de déceptions. Il y a d’abord eu, suite à la fronde des « bonnets rouges » et la colère des transporteurs, l’abandon de l’écotaxe poids lourds en octobre 2014 (une facture de plus d’un milliard d’euros pour le contribuable). Certes, l’introduction d’une taxe carbone en 2015 a été une bonne nouvelle. Mais l’exécutif a refusé d’en augmenter le taux pour tenir compte de la division par deux du prix du pétrole depuis l’été 2014, ce qui a favorisé une hausse des émissions des automobiles. Cerise sur le gâteau, à la veille de la COP22 de Marrakech en novembre dernier, François Hollande a renoncé à imposer un prix plancher pour le CO2 émis par les cinq dernières centrales à charbon, contrairement à ce qui avait été annoncé à la conférence environnementale du printemps 2016.

Le succès de l’accord international sur la lutte contre le changement climatique conclu à la COP21, la conférence de Paris, en 2015 ne saurait masquer un bien piètre bilan domestique en la matière. Il en va de même dans d’autres domaines, à commencer par la biodiversité : la loi de juillet 2016 n’a guère fourni des moyens à la hauteur des ambitions. Et, hormis l’interdiction à partir de 2018 des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, les progrès ont été très timides pour s’attaquer au principal agent de dévastation de la biodiversité en France : son modèle agricole. Témoin, le report de 2018 à 2025 de l’objectif d’une division par deux des pesticides. Quant aux grands projets à fort impact sur l’environnement dont l’intérêt est contestable, comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi (et encore plus) le tunnel Lyon-Turin ou encore le projet Cigéo pour l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, ils n’ont jamais été sérieusement réexaminés.

Présidentielle: la société civile veut (vraiment) lutter contre la précarité énergétique

Valéry Laramée de Tannenberg
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Un collectif d’associations et d’entreprises propose de relancer la lutte contre la précarité énergétique, en la ciblant prioritairement sur les logements occupés par les foyers les plus modestes. Un programme aux bénéfices sociaux, économiques et environnementaux, estime-t-il.

A chaque jour, son interpellation des candidats à la présidentielle. Ce mardi 21 février, ce sont leurs (supposées) fibres environnementales, sociales et économiques que des représentants de la société civile ont tenté de faire vibrer.

A l’initiative de la fondation Abbé Pierre, une demi-douzaine d’ONG, d’entreprises et de bailleurs ont présenté leur scénario ‘Rénovons’[1]. Le sujet n’a rien de neuf, malheureusement. Il s’agit du énième plan depuis des lustres visant à lutter (on n’ose parler d’éradication) efficacement contre la précarité énergétique.

7,4 millions de passoires énergétiques

Les chiffres sont connus. La France compte environ 7,4 millions de ‘passoires énergétiques’. C’est-à-dire des logements dont la consommation énergétique est supérieure à 331 kilowattheures par mètre carré et par an (classes F et G du diagnostic de performance énergétique). Parmi les occupants de ces appartements et maisons individuelles: 2,6 millions de ménages modestes, qui représentent près de la moitié des 5,8 millions de ménages en situation de précarité énergétique, rappelle l’Observatoire de la précarité énergétique.

 

 

Urgent d’attendre

Pour réduire la précarité énergétique (qui touche un ménage sur 10), réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel, il est donc urgent d’engager une politique efficace de rénovation desdites passoires énergétiques. Consensuel, cet objectif était déjà au cœur de la loi Pope de 2005, de la loi Grenelle I et, bien sûr, de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 (LTECV).

Années-lumière

Ce dernier texte impose la rénovation des logements les plus énergivores à l’horizon 2025, notamment par la rénovation «performante» de 500.000 logements par an, dès 2017. Nous en sommes à des années-lumière. En 2014, souligne l’étude Open, 288.000 rénovations «performantes ou très performantes» ont été réalisées, dont 19% sur des passoires. A ce rythme, 500.000 de ces logements engendrant la pauvreté énergétique auront été traités en 2025: 7% de l’objectif fixé par la LTECV.

Détecter les précaires

Comment expliquer pareil échec? Par une accumulation de difficultés et de barrières que les pouvoirs publics n’ont pas pu éviter. «Il reste très difficile de détecter les personnes en situation de précarité énergétique», reconnaît Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique. De plus, les solutions à apporter varient selon que l’on souhaite donner un coup de pouce à des propriétaires occupants sans difficultés, des propriétaires modestes ou des locataires.

Sécuriser les investissements

Autre problème: le manque de ressources. Le produit de la mise aux enchères des quotas français d’émission de gaz à effet de serre finance, en principe, 40% (pour 2017) du budget d’intervention de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Or ce revenu est, par définition, fluctuant. Et voilà de nombreuses années que les cours du carbone européen se traîne à des niveaux très inférieurs à ceux escomptés par les promoteurs de l’ETS.

Les rédacteurs du scénario Rénovons fustigent aussi l’inadaptation de l’Etat («dont les services fonctionnent en silo»), et le désintérêt total des banques («qui ne promeuvent par l’éco-prêt à taux zéro»).

Réduire à néant le nombre de passoires énergétiques permettrait de réduire de 41 térawattheures la consommation énergétique nationale et de diminuer de 6 millions de tonnes par an les émissions de gaz à effet de serre.

 

Sortir de l’impasse

Comment faire pour sortir de l’impasse? Le collectif propose une dizaine de mesures visant, d’une part, à améliorer la gouvernance de la politique étatique, d’autre part à améliorer l’efficacité des aides aux travaux (quitte à mettre un peu plus au pot), et à faire monter en gamme la qualité des travaux réalisés. Il s’agit enfin d’impliquer les occupants dans la rénovation de leur logement, notamment en facilitant leur détection et en améliorant leur accompagnement.

La mise en œuvre de ces mesures permettrait, estiment les rapporteurs, de mobiliser 80 milliards d’euros en 8 ans, dont 44 milliards financés par le secteur privé (les propriétaires, notamment). A charge pour l’Etat d’injecter 36 milliards. Ce qui ne représente qu’un milliard de plus par an par rapport à ses engagements actuels.

En rénovant effectivement 500.000 passoires énergétiques par an, le programme permettrait d’alléger (de 512 €/an, en moyenne) le montant de la facture des plus modestes, d’éviter 666 M€ de dépenses annuelles à la sécurité sociale, de créer 126.000 emplois non délocalisables. Les investissements étant «intégralement récupérés [par l’Etat] dès 2043», grâce aux recettes fiscales et économies générées par l’activité et l’amélioration du niveau de vie des ménages.

 

[1] Les premiers signataires du scénario sont la fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, le comité de liaison Energies renouvelables (CLER), le réseau Action Climat, Soliha, et la société Effy de conseil en efficacité énergétique.

C’est clair, le CETA n’est pas climato-compatible

Maxime Combes
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Un rapport du ministère de l’Environnement, commandé par Ségolène Royal et publié le 10 février, indique très clairement que la mise en œuvre du CETA n’est pas compatible avec l’Accord de Paris sur le climat, qui est lui désormais entré en vigueur. Au nom de l’urgence climatique, et d’un minimum de cohérence en la matière, les députés européens auraient dû s’opposer à l’Accord UE-Canada.

Le constat établi dans ce nouveau rapport rédigé par le Commissariat général au développement durable (CGDD) et le Conseil économique pour le développement durable (CEDD) est clair : 1) le CETA va engendrer une hausse des émissions de gaz à effet de serre ; 2) le CETA fait peser de lourdes menaces sur les réglementations environnementales actuelles ainsi que sur la capacité des Etats à prendre de nouvelles mesures plus strictes à l’avenir ; 3) le mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et Etats ne garantit pas la sanctuarisation des politiques climatiques des Etats, notamment les engagements pris dans le cadre de l’ONU.

Les règlementions climatiques, perçues comme des contraintes au commerce

De ce bilan sans appel, les auteurs du rapport auraient du tirer la seule conclusion qui s’impose : stopper le processus de ratification de l’accord et rouvrir les négociations avec le Canada. Quand un accord n’offre pas les garanties nécessaires pour contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C, et idéalement à 1,5°C comme le préconise l’article 2 de l’Accord de Paris, il est raisonnable de prendre le temps de revoir son contenu. En effet, s’il est possible de renégocier un accord entre des Etats, il est impossible de négocier avec le réchauffement climatique qui, au contraire, nécessite une action résolue, déterminée et immédiate.

Malheureusement, les auteurs du rapport se refusent à cette éventualité. Pas plus que Ségolène Royal, qui déclare pourtant que « l’Accord de Paris devrait primer sur le CETA ». La réalité est tout autre : l’analyse attentive et sérieuse du contenu du CETA montre que les réglementations climatiques et environnementales sont perçues comme des restrictions au commerce et que la protection des investisseurs intervient au détriment de la capacité des États et collectivités à opérer la transition énergétique.

Accepter la ratification du CETA et appeler à ce que sa mise en œuvre « se fasse de la manière la plus respectueuse possible pour l’environnement », comme le font ce rapport et la ministre de l’Environnement, est un vœu pieu. Promouvoir une forme de « neutralité carbone » du CETA revient même à accepter l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre liée à l’accroissement du commerce transatlantique sous couvert de mécanismes de compensation carbone qui ne permettent pas de réduire les émissions et dont on connait leur inefficacité.

Au nom de l’urgence climatique et de la lutte contre les différentes facettes de la grave crise écologique auxquelles nous faisons face, une seule option aurait été acceptable : s’opposer à la ratification du CETA et rouvrir des négociations sur des bases profondément renouvelées.

Compléments :

Un million d’emplois pour le climat

Antoine de Ravignan
www.alternatives-economiques.fr/un-million-demplois-climat/00077487

100 milliards d’euros pour créer un million d’emplois supplémentaires en cinq ans. Non, ce n’est pas un nouveau coup du Medef à la veille de la présidentielle, mais un plan en faveur d’une transition écologique conjuguant efficacité et justice sociale, présenté le 12 janvier dernier aux candidats par un collectif de syndicats et d’associations de défense de l’environnement et des droits humains1.

« La réflexion sur le travail et l’emploi est cruciale pour accélérer la lutte contre les changements climatiques »

La proposition s’inscrit dans la campagne «One Million Climate Jobs », lancée en 2014 au Royaume-Uni et qui s’est depuis étendue au Canada, à l’Afrique du Sud, à la Norvège, au Portugal et à l’Etat de New York. Elle part d’un constat simple : la transition énergétique a beau être globalement bénéfique pour l’économie et pour l’emploi, elle détruit aussi des postes dans un certain nombre de secteurs. Ce qui est un frein à sa mise en oeuvre. Ainsi, écrivent associations et syndicats dans leur argumentaire, « la réflexion sur le travail et l’emploi est cruciale pour accélérer la lutte contre les changements climatiques ». On ne pourra plus reprocher aux organisations écologistes de ne pas faire assez cas de la question sociale.

Reculades

En revanche, c’est bien le manque de réflexion sur l’articulation entre environnement et emploi qui a conduit le gouvernement sortant à faire machine arrière sur nombre de dossiers : écotaxe poids lourds, fermeture de Fessenheim ou abandon de l’exonération fiscale dont jouissent les dernières centrales à charbon françaises sous la pression tant de la CGT que des exploitants.

Ces reculades accréditent l’idée fausse que l’écologie s’oppose à l’emploi. Oui, des secteurs seront perdants, comme les énergies conventionnelles ou l’automobile. L’enjeu sera alors d’accompagner la reconversion des salariés et des outils industriels. Et d’autres seront très gagnants, à commencer par le bâtiment avec la nécessaire rénovation thermique des logements. Au final, le solde est positif. Modélisant les impacts macroéconomiques de la loi de transition énergétique, l’Ademe et l’OFCE estiment à 180 000 les créations nettes d’emplois à l’horizon 2022 et à 700 000 en 2050. Dans le cas d’un scénario où 100 % de l’électricité produite serait d’origine renouvelable, le bilan serait plus favorable encore : + 270 000 en 2022 et + 900 000 en 2050. Plus ambitieux dans ses objectifs climatiques, le scénario négaWatt conclut de son côté à + 500 000 emplois d’ici à 2035.

Associations et syndicats ont raison de souligner que beaucoup de recettes publiques pourraient être levées et fléchées vers l’investissement vert

A côté de ces estimations, le million de créations d’emplois nettes envisagé par les ONG dès 2022 semble bien optimiste, même s’il s’appuie sur la création de 100 000 postes de fonctionnaires et 250 000 emplois aidés additionnels labellisés « transition écologique », en plus de 650 000 emplois nets créés dans le secteur marchand. Ce scénario repose sur une forte mobilisation de l’argent public, tant pour financer directement des emplois utiles à la transition que pour orienter l’investissement privé.

Associations et syndicats ont toutefois raison de souligner que beaucoup de recettes publiques pourraient être levées et fléchées vers l’investissement vert. En luttant vraiment contre l’évasion fiscale et les exonérations dont bénéficient les énergies fossiles (la sous-taxation du diesel par rapport à l’essence par exemple) ou encore en renforçant la fiscalité écologique et en appliquant une taxe sur les transactions financières. Il faudrait aussi conditionner les aides aux entreprises – contrairement au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) et au pacte de responsabilité – et lancer au niveau européen un « quantitative easing vert ». Autrement dit, permettre aux Etats de s’endetter pour financer l’investissement bas carbone. Il y a du pain sur la planche.

  • 1. Dont Attac, FSU, Greenpeace, Ligue des droits de l’homme, Réseau action climat, Solidaires… Voir leur rapport : « Un million d’emplois pour le climat », janvier 2017, sur www.rac-f.org