Articles du Vendredi : Sélection du 1er avril 2016

Climat: l’Antarctique risque de faire monter la mer d’un mètre d’ici 2100

AFP – Paris
www.goodplanet.info/actualite/2016/03/31/climat-lantarctique-risque-de-faire-monter-mer-dun-metre-dici-2100/

La bataille est lancée contre les pétroliers, pour que le climat soit préservé

Baptiste Giraud
http://reporterre.net/La-bataille-est-lancee-contre-les-petroliers-pour-que-le-climat-soit-preserve

Des écologistes ont manifesté contre la loi sur le travail. Voilà pourquoi

Emilie Massemin
http://reporterre.net/Des-ecologistes-ont-manifeste-contre-la-loi-sur-le-travail-Voila-pourquoi

Dennis Meadows : « Nous n’avons pas mis fin à la croissance, la nature va s’en charger »

Karine Le Loët, Rédactrice en chef à « Terra eco ».
www.terraeco.net/spip.php?page=imprimer&id_article=44114 -29/05/2012

Climat: l’Antarctique risque de faire monter la mer d’un mètre d’ici 2100

AFP – Paris
www.goodplanet.info/actualite/2016/03/31/climat-lantarctique-risque-de-faire-monter-mer-dun-metre-dici-2100/

Si les émissions de gaz à effet de serre gardaient leur rythme actuel, le recul de la calotte Antarctique pourrait à lui seul faire monter les mers d’un mètre d’ici 2100, doublant quasiment les précédentes estimations globales d’élévation des eaux, pointe une étude parue dans Nature mercredi.

A plus long terme, cette montée liée à la seule Antarctique pourrait frôler les 15 m d’ici 2500.

« Ce pourrait être un désastre pour de nombreuses villes à basse altitude », souligne Robert DeConto, de l’Université du Massachusetts à Amherst, co-auteur de l’étude avec David Pollard de la Pennsylvania State University.

« Mais la bonne nouvelle est qu’une réduction drastique des émissions limitera ce risque de retrait majeur de la calotte Antartique », ajoute-t-il.

Jusqu’ici le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec) prévoyait une hausse globale du niveau des océans de 26 à 82 cm à l’horizon 2100 par rapport à la fin du XXe siècle, dont environ 12 cm seulement liés à l’Antarctique.

Cette nouvelle modélisation 3-D a la particularité d’intégrer réchauffement atmosphérique et dynamique des glaces (fractures produites par les eaux de pluie, effondrement des falaises de glace). Et elle confronte ces hypothèses à de précédents épisodes de chaleur, lors du dernier Interglaciaire (il y a quelque 125.000 ans) et du Pliocène (il y a 3 millions d’années).

« A une époque où les températures moyennes étaient à peine plus élevées qu’aujourd’hui, les niveaux des mers étaient bien plus hauts, » par exemple de 6 à 9 m au cours du dernier Interglaciaire, soulignent les auteurs.

Les chercheurs étudient trois scénarios de concentration de GES.

Si l’humanité continuait à émettre au rythme actuel, les mers monteraient d’un mètre d’ici 2100 en raison du retrait de la calotte de l’Antarctique et d’environ 13 m quatre siècles plus tard, faisant vite oublier le gain de glace initial dû à des précipitations accrues.

En revanche si les émissions sont réduites pour limiter le réchauffement à +2°C par rapport à la révolution industrielle – objectif que s’est fixé la communauté internationale dans l’accord de Paris fin 2015 – il n’y aura quasiment pas de changement pour 2100 et le niveau montera de seulement 20 cm d’ici 2500.

Selon une hypothèse intermédiaire, le niveau s’élèverait de 32 cm d’ici 2100 mais de 5 m d’ici 2500.

Selon cette étude, le réchauffement de l’air deviendrait la cause principale de la fonte. Jusqu’ici, les recherches s’intéressaient surtout à l’impact du réchauffement de l’océan sur les plateaux de glace protégeant les abords de la calotte.

« Aujourd’hui les températures estivales approchent ou excèdent 0°C sur de nombreux plateaux », relèvent les auteurs. « En raison de leur surface plane près du niveau de la mer, un léger réchauffement atmosphérique suffit à accroître nettement l’étendue de la fonte de surface et des précipitations de l’été ».

Dans le même temps, la hausse de température de l’océan retarderait pour des milliers d’années la reformation de glace, même si les émissions finissaient par être jugulées, pointe encore l’étude.

La bataille est lancée contre les pétroliers, pour que le climat soit préservé

Baptiste Giraud
http://reporterre.net/La-bataille-est-lancee-contre-les-petroliers-pour-que-le-climat-soit-preserve

Ce jeudi matin 31 mars, à Paris, des militants pour le climat ont agi pour dénoncer les compagnies pétrolières. Celles-ci veulent continuer à exploiter le pétrole en eaux profondes, malgré les engagements internationaux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

 

Une marée noire (fausse) à la fontaine du Trocadéro. Voilà l’action symbolique que les militants d’ANV-COP21 ont mise en scène ce jeudi matin 31 mars. Sous la pluie, dans un lieu déserté par les touristes, la trentaine d’activistes voulait rappeler la nécessité de faire appliquer l’accord de Paris et l’engagement à ne passer dépasser une augmentation de 2°C de la température du globe, alors que doit se tenir début avril à Pau un « sommet du pétrole offshore », selon l’expression d’une activiste.

« COP21 ou sommet de Pau, Climat ou pétrole offshore : il faut choisir » énonçait leur banderole, déployée sur fond de tour Eiffel. « La tour Eiffel est le symbole de la COP21, or le sommet de Pau est en contradiction avec l’accord de Paris » explique à Reporterre Pauline Boyer, d’ANV-COP21. Au milieu du bassin, une activiste joue la sirène souillée de pétrole. « C’est le symbole de la biodiversité marine menacée, ainsi qu’une sirène d’alarme car il faut maintenant passer aux actes », poursuit Pauline Boyer.

« Nous appelons citoyens et citoyennes à venir bloquer ou perturber le sommet de Pau afin que la COP21 ne reste pas lettre morte », a-t-elle expliqué au mégaphone, annonçant ainsi une semaine d’actions non-violentes à partir de mardi 5 avril.

Dans la matinée, les ONG mobilisées doivent rencontrer des membres de la direction de Total, organisatrice du sommet de Pau, pour leur expliquer leur démarche. « Soit ils annulent leur sommet ou le transforment en sommet de reconversion de l’industrie des énergies fossiles, soit ils maintiennent en l’état et nous maintenons notre appel au blocage » résume Txetx Etcheverry, d’ANV-COP21. Demain vendredi, à midi, c’est le Collectif Jeûne pour le climat qui s’installera sous les fenêtres de Total, à la Défense.

Car du 5 au 7 avril, sur invitation de Total, doit avoir lieu à Pau une conférence internationale sur l’extraction pétrolière et gazière. Intitulée Marine, Construction and Engineering Deepwater Development (MCE-DD), elle doit rassembler les professionnels du secteur. L’objectif ?« Réduire significativement les coûts de façon à maintenir l’extraction en eaux profondes compétitive » explique André Goffart, membre du comité directeur Exploration et production chez Total, dans la présentation de l’évènement (en anglais). Selon lui, l’industrie offshore traverse actuellement un « cycle bas » qui la contraint à évoluer.

Au programme, des discussions sur comment « standardiser et rendre plus efficace les installations pétrolières et gazières », comment réduire les coûts, etc. Parmi les participants, des géants du pétrole (Exxon Mobil, Shell) et des sous-traitants (OneSubsea, Teledyne, ABS, etc.). Ces derniers exposeront leurs techniques dernier cri dans un hall prévu à cet effet. « Nous espérons vous voir à Pau et discuter de comment adapter le marché du gaz et du pétrole offshore à la crise actuelle et le faire évoluer vers plus de sécurité, d’intelligence et de compétitivité », termine André Goffart.

« Le sommet de Pau va être la vraie conclusion de la COP21 »

« On a été scandalisés quand on a appris cette histoire », raconte Txetx Etcheverry, d’ANV-COP21. « C’est d’une indécence et d’un cynisme absolus pour ces grandes multinationales de se réunir en France moins de quatre mois après la COP21 pour chercher à développer l’exploration et l’extraction en eaux profondes et ultra-profondes. » Car pour que la température moyenne du globe reste sous la barre des 2°C, il est indispensable qu’une bonne partie des énergies fossiles restent enfouies dans le sous-sol. Leur combustion entraîne d’importantes émissions de gaz à effet de serre.

 

Mais les entreprises extractivistes continuent à vouloir exploiter des réserves toujours plus lointaines et difficiles d’accès. « On sait ce que ça veut dire : si on exploite toutes les réserves fossiles, on est à +9°C. Ce serait la fin de la possibilité de vivre sur terre pour l’humanité. Or c’est la trajectoire sur laquelle ils nous inscrivent, par avidité », poursuit Txetx Etcheverry.

L’accord de Paris ne servirait-il donc à rien ? « Dans leur feuille de route, ces entreprises ne disent pas un mot sur le climat et la COP21. Elles font comme si cela n’existait pas. C’est inacceptable, sur le plan climatique d’abord, mais aussi sur le plan démocratique. »

C’est là que la société civile doit entrer en jeu, selon les organisateurs de ces actions : « Le sommet de Pau va être la vraie conclusion de la COP21. Soit le sommet se tient, et ça signifiera que les industries pétrolières, automobiles, etc., pourront continuer la vie comme avant. Soit il ne peut avoir lieu, ou a lieu dans des conditions extrêmes et perturbées, auquel cas ce sera un signal fort envoyé : Nous citoyens sommes entrés en scène. Nous prenons au pied de la lettre les engagements de Paris et allons veiller à les faire appliquer » explique Txetx Etcheverry.

« Soit on bloque, soit ils devront nous arrêter »

Lancé par ANV-COP21, l’appel de Pau, Stop aux forages en eaux profondes rassemble aujourd’hui Alternatiba, les Amis de la Terre, Attac, 350.org, Surfrider Foundation, Bizi, The Ocean Nation, le Village Emmaüs Lescar Pau, et Chrétiens unis pour la terre. L’objectif est clair : empêcher que le sommet ait lieu.

« On va l’empêcher physiquement en s’interposant avec nos corps, empêcher les congressistes d’entrer, entrer nous-mêmes pour empêcher le bon déroulement. Soit on bloque, soit ils devront nous arrêter », explique Txetx Etcheverry. Un camp de base, le Camp Sirène a été établi au village Emmaüs de Lescar, où auront lieu du 2 au 4 avril des formations à l’action non-violente, ainsi que des débats. 400 militants se seraient déjà inscrits pour participer aux actions. « Il n’y aura pas que des actions pour les activistes prêts à aller en garde à vue, mais également des actions grand public. On veut une mobilisation maximale pendant les 3 jours » insiste-t-il. Une conférence « Stop crime climatique » aura lieu le mardi, jour de l’ouverture du colloque des pétroliers, puis des concerts et une chaîne humaine le mercredi, etc.

Cette mobilisation s’inscrit dans la logique du mouvement Break Free (« Libérons nous des énergies fossiles ». Du 4 au 15 mai, les organisateurs promettent « une vague mondiale d’actions de masse » ciblant les « projets fossiles les plus dangereux de la planète afin d’arrêter l’extraction du charbon, du pétrole et du gaz ».

Des écologistes ont manifesté contre la loi sur le travail. Voilà pourquoi

Emilie Massemin
http://reporterre.net/Des-ecologistes-ont-manifeste-contre-la-loi-sur-le-travail-Voila-pourquoi

Jeudi 31 mars, la mobilisation contre le projet de loi travail a rassemblé plus d’un million de manifestants dans toute la France. Les écologistes se sont joints aux cortèges pour défendre leurs solutions contre le chômage : réduction du temps de travail et transition écologique. Ils s’expliquent. 1,2 million de personnes selon les organisateurs (390 000 selon les autorités) sont descendues jeudi 31 mars dans les rues de 250 villes de France pour dénoncer le projet de réforme du code du travail, selon les syndicats . A Paris, bravant la pluie battante, un cortège est parti à 13 h 30 de la place d’Italie (XIIIe arrondissement) et s’est déployé tout au long de l’après-midi jusqu’à la place de la Nation (XIe-XIIe arrondissements). Au milieu du cortège en majorité composé de syndicats, se retrouvaient plusieurs organisations écologistes bien décidées à défendre leur vision du travail et de la société – réduction du temps de travail, création d’emplois liés à la transition écologique, temps libre et loisirs.

 

Pour Clémence Hutin, des Amis de la Terre, la « politique néolibérale axée sur la croissance et le productivisme » que mène François Hollande depuis le début de son mandat est « une impasse sociale, climatique et écologique. Aucun effort en faveur des énergies renouvelables et de l’isolation des bâtiments, le rail est démantelé, les transports publics aussi ». « Il existe d’autres voies, plaide la militante. Travailler moins pourrait dégager des millions d’emplois. Le chantier de la transition écologique n’est pas entamé, malgré les beaux discours de François Hollande et la COP21 ». Fidèle à l’esprit de la Coalition Climat 21, qui avait réuni en son sein des organisations très diverses – parmi lesquelles des syndicats – pour l’organisation des mobilisations liées à la COP21, elle ne répugne pas à battre le pavé à côté de collectifs pas forcément très écolos. « Nous pensons que les luttes peuvent converger, insiste-t-elle. Les syndicats sont dans l’impasse du productivisme. Il est normal que les gens veuillent défendre leurs emplois, même s’ils sont destructeurs du climat. La question est de savoir comment établir un constat commun et lutter ensemble. »

 

Plus loin, Danièle Lemarquis, membre du syndicat FSU et employée au ministère de l’Agriculture, hésite un peu sur le caractère écologiste de la mobilisation : « La question du partage du travail qui est écologique, hasarde-t-elle. Il faudrait travailler beaucoup moins pour être moins fatigués et avoir le temps d’être plus écologique : acheter moins de produits transformés, développer des filières locales, etc. » Brandissant des pancartes et des bannières vertes qui tranchent avec le rouge alentours, un petit groupe d’élus et de militants Europe Écologie Les Verts pose prend la pose.

 

Sylvie Lekin, adjointe (EELV) à la maire en charge de la voirie à la mairie du XIVe arrondissement de Paris, est très remontée contre le projet de loi : « Il est inhumain. Il n’y aura plus d’horaires, plus de conditions de repos, y compris pour les métiers liés à la sécurité. Imaginez un médecin qui travaille trois jours d’affilée, épuisé, poussé à l’erreur médicale ! J’exagère peut-être un peu, mais c’est vers cela qu’on se dirige : astreindre un maximum les humains. » Pour lutter contre le chômage, mieux vaut « revoir l’économie, donner de l’argent aux gens pour qu’ils puissent le dépenser » à rebours du projet de loi qui « permet une diminution des salaires et baisse le taux des heures supplémentaires », estime l’élue.

 

Isabelle Attard, députée (EELV) du Calvados, a assisté à la présentation du projet de loi par la ministre du Travail Myriam El Khomri, mardi 29 mars à l’Assemblée nationale. Elle n’en revient toujours pas. « Quand j’entends la ministre parler, j’ai l’impression d’entendre les débats des mineurs gallois il y a 150 ans, confie-t-elle, abasourdie.

 

Ainsi, on considère que dès lors que quelqu’un a 11 heures de repos, il est corvéable à merci le reste du temps ; qu’on peut le prévenir cinq jours avant de son emploi du temps du mois. Ce qui fait que les gens ne peuvent rien prévoir, pas de temps libre, pas d’organisation possible avec les enfants, pas de vie de famille. » La vision du travail d’EELV est aux antipodes de ce projet, assure Mme Attard. Première mesure envisagée pour lutter contre le chômage, partager les emplois en réduisant le temps de travail. « Les 32 heures faisaient partie du programme d’Eva Joly, rappelle-t-elle. Le rapport remis par Barbara Romagnan [députée (PS) du Doubs, NDLR] montre clairement que les 35 heures sont la seule mesure qui a permis de lutter efficacement contre le chômage ces vingt dernières années. » Autre gisement d’emplois, la transition écologique : « On a chiffré à des centaines de milliers, voire plus d’un million, le nombre d’emplois qui pourraient être créés pour les énergies renouvelables. »

 

Pour Julien Bayou, la question de l’emploi rejoint celle de la qualité de vie. « Travailler plus pour gagner autant est profondément anti-écolo, estime le porte-parole, conseiller régional (EELV) d’Île-de-France. C’est l’homme et la femme qui s’écrasent sous la masse de travail. A l’inverse, nous plaidons pour un autre rapport au temps, aux loisirs, pour s’épanouir et profiter de sa famille. » De nombreux manifestants, en particulier lycéens, sont en accord avec cette vision du monde sans même le savoir, affirme-t-il : « Quand je lis ’La nuit est faite pour baiser et pas pour travailler’ sur une pancarte, c’est totalement dans l’héritage de la pensée d’André Gorz [journaliste, philosophe et principal théoricien de l’écosocialisme, NDLR]  ! Le discours spontané du ’On vaut mieux que ça, on ne va pas se tuer à la tâche pour produire plus alors que cela ne sert à rien’ aussi. »

 

Christophe Desprez, employé à l’usine Spontex de Beauvais (Oise), membre de la CGT et adhérent EELV, est lui aussi révolté : « La loi travail suit toujours sur les mêmes schémas qui consistent à augmenter le temps de travail. C’est une opportunité donnée aux employeurs pour gratter des avantages sociaux acquis après la guerre. Pour autant qu’on puisse juger ce qui se passe dans les autres pays, Angleterre et Allemagne, cela ne fait qu’augmenter la précarité des gens et les inégalités », dénonce-t-il. Les écolos ne sont « absolument pas d’accord avec ça. A part les quelques-uns qui ont rejoint le gouvernement récemment, qui avaient peut-être d’autres opinions – ou d’autres objectifs », ironise-t-il.

 

Les Décroissants ont également fait le déplacement. Sous son logo escargot, Alain Véronèse, retraité, l’assure : « Il faut produire beaucoup moins, mieux, ce qui veut dire travailler moins. Il y a une cohérence entre la décroissance et une forte réduction du temps de travail, en critiquant la valeur travail. Nous lisons des auteurs comme Paul Lafargue [auteur du Droit à la paresse, en 1880, NDLR], André Gorz, etc., qui nous disent que le travail est une idéologie dont il faut sortir. »

 

Gérard Giblin, membre d’Attac et enseignant aux États-Unis est venu pendant ses vacances spécialement pour pouvoir manifester. Pour ce membre du parti vert américain, les écolos doivent se mobiliser car « la justice sociale et l’écologie vont de pair. Les endroits les plus pollués ne sont pas dans le XVIe arrondissement de Paris, où habitent les nantis ». Or, « ce projet de loi va entraîner une hausse de la précarité et des inégalités. On va se retrouver avec des gens qui n’ont pas de boulot et sont prêts à faire n’importe quoi, y compris polluer. Je ne voudrais pas que la France devienne comme les États-Unis, où l’on peut renvoyer quelqu’un comme on veut, sans couverture médicale, sans rien ».

 

Que pensent les syndicats classiques de cette mobilisation écolo ? Pour Didier Aubé, secrétaire national Solidaires et ancien postier, elle est logique car « dans certaines industries comme la pétrochimie et la pharmacie, il existe un lien entre les conditions de travail, la santé et l’environnement. Le projet de loi travail n’est pas à la hauteur sur cet aspect, ne donne aucune nouvelle garantie sur les conditions de travail, la santé au travail et la protection du climat et de l’environnement ». « Actuellement, les travailleurs sont victimes car ils subissent les conséquences de certaines productions polluantes, et acteurs parce qu’ils participent à cette production même si c’est contraint et forcé, poursuit-il.

Il faudrait réorienter les productions les plus polluantes et anticiper la transition écologique, qui sera de toute façon nécessaire. Il faudrait permettre aux travailleurs d’anticiper cela, envisager des formations et des reconversions, mais la loi de travail ne le permettra pas.  »

CONTINUATION DE LA LUTTE AVEC “LA NUIT DEBOUT”

Après le défilé du 31 mars contre le projet de loi sur le travail, et alors que la pluie avait cessé, des manifestants se sont rejoints place de la République, à Paris. A Paris comme ailleurs, un appel avait été lancé à passer la « nuit debout », avec pour objectif « d’inventer un truc, un point de fixation des espoirs et des luttes ». Les initiateurs, « femmes et hommes de toutes origines, simples citoyen.ne.s, militant.e.s associatifs ou politiques, spontanément réunis autour de la dynamique créée par le film de François Ruffin Merci patron ! » ont prévu d’occuper la place pendant trois jours minimum. Environ 200 bénévoles seraient déjà mobilisés.

En ouverture, Frédéric Lordon a donné sa lecture optimiste de la situation : « Mine de rien, il est possible qu’on soit en train de faire quelque chose ». Parmi le gros millier de militants présents, dont une forte proportion de jeunes, l’ambiance était festive : HK et les Saltimbanques, l’1consolable et La Rabia se sont succédés sur scène. Dans le même temps, des petits groupes discutaient de l’organisation et la construction de la lutte : comment se faire connaître, quelles actions mener, quelle attitude adopter si la police débarque, notamment. « C’est une création collective, la suite dépend de a bonne initiative des gens » expliquait une militante.

Dennis Meadows : « Nous n’avons pas mis fin à la croissance, la nature va s’en charger »

Karine Le Loët, Rédactrice en chef à « Terra eco ».
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La croissance perpétuelle est-elle possible dans un monde fini ? Il y a quarante ans déjà, Dennis Meadows et ses acolytes répondaient par la négative. Aujourd’hui, le chercheur lit dans la crise les premiers signes d’un effondrement du système. En 1972, dans un rapport commandé par le Club de Rome, des chercheurs de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) publient un rapport intitulé « Les limites de la croissance ». Leur idée est simple : la croissance infinie dans un monde aux ressources limitées est impossible. Aussi, si les hommes ne mettent pas fin à leur quête de croissance eux-mêmes, la nature le fera-t-elle pour eux, sans prendre de gants. En 2004, le texte est, pour la deuxième fois, remis à jour. Sa version française vient – enfin – d’être publiée aux éditions Rue de l’échiquier. En visite à Paris pour présenter l’ouvrage, Dennis Meadows, l’un des auteurs principaux, revient sur la pertinence de projections vieilles de quarante ans et commente la crise de la zone euro, la raréfaction des ressources et le changement climatique, premiers symptômes, selon lui, d’un effondrement du système.

Terra eco : Vous avez écrit votre premier livre en 1972. Aujourd’hui la troisième édition – parue en 2004 – vient d’être traduite en français. Pourquoi, selon vous, votre livre est encore d’actualité ?

Dennis Meadows : A l’époque, on disait qu’on avait encore devant nous quarante ans de croissance globale. C’est ce que montrait notre scénario. Nous disions aussi que si nous ne changions rien, le système allait s’effondrer. Pourtant, dans les années 1970, la plupart des gens estimait que la croissance ne s’arrêterait jamais.

C’est aujourd’hui que nous entrons dans cette période d’arrêt de la croissance. Tous les signes le montrent. Le changement climatique, la dislocation de la zone euro, la pénurie d’essence, les problèmes alimentaires sont les symptômes d’un système qui s’arrête. C’est crucial de comprendre qu’il ne s’agit pas de problèmes mais bien de symptômes. Si vous avez un cancer, vous pouvez avoir mal à la tête ou de la fièvre mais vous ne vous imaginez pas que si vous prenez de l’aspirine pour éliminer la fièvre, le cancer disparaîtra. Les gens traitent ces questions comme s’il s’agissait de problèmes qu’il suffit de résoudre pour que tout aille bien. Mais en réalité, si vous résolvez le problème à un endroit, la pression va se déplacer ailleurs. Et le changement ne passera pas par la technologie mais par des modifications sociales et culturelles.

Comment amorcer ce changement ?

Il faut changer notre manière de mesurer les valeurs. Il faut par exemple distinguer la croissance physique et de la croissance non physique, c’est-à-dire la croissance quantitative et la croissance qualitative. Quand vous avez un enfant, vous vous réjouissez, au départ, qu’il grandisse et se développe physiquement. Mais si à l’âge de 18 ou 20 ans il continuait à grandir, vous vous inquiéteriez et vous le cacheriez. Quand sa croissance physique est terminée, vous voulez en fait de la croissance qualitative. Vous voulez qu’il se développe intellectuellement, culturellement.

Malheureusement, les hommes politiques n’agissent pas comme s’ils comprenaient la différence entre croissance quantitative et qualitative, celle qui passerait par l’amélioration du système éducatif, la création de meilleurs médias, de clubs pour que les gens se rencontrent… Ils poussent automatiquement le bouton de la croissance quantitative. C’est pourtant un mythe de croire que celle-ci va résoudre le problème de la zone euro, de la pauvreté, de l’environnement… La croissance physique ne fait aucune de ces choses-là.

Pourquoi les hommes politiques s’entêtent-ils dans cette voie ?

Vous buvez du café ? Et pourtant vous savez que ce n’est pas bon pour vous. Mais vous persistez parce que vous avez une addiction au café. Les politiques sont accros à la croissance. L’addiction, c’est faire quelque chose de dommageable mais qui fait apparaître les choses sous un jour meilleur à courte échéance. La croissance, les pesticides, les énergies fossiles, l’énergie bon marché, nous sommes accros à tout cela. Pourtant, nous savons que c’est mauvais, et la plupart des hommes politiques aussi.

Ils continuent néanmoins à dire que la croissance va résoudre la crise. Vous pensez qu’ils ne croient pas en ce qu’ils disent ?

Prenons l’exemple des actions en Bourse. Auparavant, on achetait des parts dans une compagnie parce qu’on pensait que c’était une bonne entreprise, qu’elle allait grandir et faire du profit. Maintenant, on le fait parce qu’on pense que d’autres personnes vont le penser et qu’on pourra revendre plus tard ces actions et faire une plus-value. Je pense que les politiciens sont un peu comme ça. Ils ne pensent pas vraiment que cette chose appelée croissance va résoudre le problème mais ils croient que le reste des gens le pensent. Les Japonais ont un dicton qui dit : « Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou. » Si vous allez voir un chirurgien avec un problème, il va vous répondre « chirurgie », un psychiatre « psychanalyse », un économiste « croissance ». Ce sont les seuls outils dont ils disposent. Les gens veulent être utiles, ils ont un outil, ils imaginent donc que leur outil est utile.

Pensez-vous que pour changer ce genre de comportements, utiliser de nouveaux indicateurs de développement est une bonne manière de procéder ?

Oui, ça pourrait être utile. Mais est-ce ça qui résoudra le problème ? Non.

Mais qu’est-ce qui résoudra le problème alors ?

Rien. La plupart des problèmes, nous ne les résolvons pas. Nous n’avons pas résolu le problème des guerres, nous n’avons pas résolu le problème de la démographie. En revanche, le problème se résoudra de lui-même parce que vous ne pouvez pas avoir une croissance physique infinie sur une planète finie. Donc la croissance va s’arrêter. Les crises et les catastrophes sont des moyens pour la nature de stopper la croissance. Nous aurions pu l’arrêter avant, nous ne l’avons pas fait donc la nature va s’en charger. Le changement climatique est un bon moyen de stopper la croissance. La rareté des ressources est un autre bon moyen. La pénurie de nourriture aussi. Quand je dis « bon », je ne veux pas dire bon éthiquement ou moralement mais efficace. Ça marchera.

Mais y-a-t-il une place pour l’action ? La nature va-t-elle corriger les choses de toute façon ?

En 1972, nous étions en dessous de la capacité maximum de la Terre à supporter nos activités, à 85% environ. Aujourd’hui, nous sommes à 150%. Quand vous êtes en dessous du seuil critique, c’est une chose de stopper les choses. Quand vous êtes au-delà, c’en est une autre de revenir en arrière. Donc oui, la nature va corriger les choses. Malgré tout, à chaque moment, vous pouvez rendre les choses meilleures qu’elles n’auraient été autrement. Nous n’avons plus la possibilité d’éviter le changement climatique mais nous pouvons l’atténuer en agissant maintenant. En réduisant les émissions de CO2, l’utilisation d’énergie fossile dans le secteur agricole, en créant des voitures plus efficientes… Ces choses ne résoudront pas le problème mais il y a de gros et de petits effondrements. Je préfère les petits.

Vous parlez souvent de « résilience ». De quoi s’agit-il exactement ?

La résilience est un moyen de construire le système pour que, lorsque les chocs arrivent, vous puissiez continuer à fonctionner, vous ne vous effondriez pas complètement. J’ai déjà pensé à six manières d’améliorer la résilience. La première est de construire « des tampons ». Par exemple, vous faites un stock de nourriture dans votre cave : du riz, du lait en poudre, des bocaux de beurre de cacahuète… En cas de pénurie de nourriture, vous pouvez tenir plusieurs semaines. A l’échelle d’un pays, c’est par exemple l’Autriche qui construit de plus gros réservoirs au cas où la Russie fermerait l’approvisionnement en gaz. Deuxième chose : l’efficacité. Vous obtenez plus avec moins d’énergie, c’est ce qui se passe avec une voiture hybride par exemple… ou bien vous choisissez de discuter dans un café avec des amis plutôt que de faire une balade en voiture. En terme de quantité de bonheur par gallon d’essence dépensé, c’est plus efficace. Troisième chose : ériger des barrières pour protéger des chocs. Ce sont les digues à Fukushima par exemple. Quatrième outil : le « réseautage » qui vous rend moins dépendant des marchés. Au lieu d’employer une baby-sitter, vous demandez à votre voisin de garder vos enfants et en échange vous vous occupez de sa plomberie. Il y a aussi la surveillance qui permet d’avoir une meilleure information sur ce qu’il se passe. Enfin, la redondance qui consiste à élaborer deux systèmes pour remplir la même fonction, pour être prêt le jour où l’un des deux systèmes aura une faille. Ces six méthodes accroissent la résilience. Mais la résilience coûte de l’argent et ne donne pas de résultats immédiats. C’est pour cela que nous ne le faisons pas.

Si l’on en croit un schéma de votre livre, nous sommes presque arrivés au point d’effondrement. Et nous entrons aujourd’hui, selon vous, dans une période très périlleuse…

Je pense que nous allons voir plus de changement dans les vingt ans à venir que dans les cent dernières années. Il y aura des changements sociaux, économiques et politiques. Soyons clairs, la démocratie en Europe est menacée. Le chaos de la zone euro a le potentiel de mettre au pouvoir des régimes autoritaires.

Pourquoi ?

L’humanité obéit à une loi fondamentale : si les gens doivent choisir entre l’ordre et la liberté, ils choisissent l’ordre. C’est un fait qui n’arrête pas de se répéter dans l’histoire. L’Europe entre dans une période de désordre qui va mécontenter certaines personnes. Et vous allez avoir des gens qui vont vous dire : « Je peux garantir l’ordre, si vous me donnez le pouvoir. » L’extrémisme est une solution de court terme aux problèmes. Un des grands présidents des Etats-Unis a dit : « Le prix de la liberté est la vigilance éternelle. » Si on ne fait pas attention, si on prend la liberté pour acquise, on la perd.