Articles du Vendredi : Sélection du 16 septembre 2016

Politicien, climato-sceptique, irresponsable

Hervé Kempf
https://reporterre.net/Politicien-climato-sceptique-irresponsable

Réchauffement climatique: le virage de Nicolas sarkozy

Thomas Legrand
www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-16-septembre-2016

La pollution de l’air coûte 225 milliards de dollars à l’économie mondiale

Laetitia Van Eeckhout
www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/08/la-pollution-de-l-air-coute-225-milliards-de-dollars-a-l-economie-mondiale_4994720_3244.html

Stratégie non-violente et action de masse

Jon Palais
http://alternatives-non-violentes.org/Revue/Numeros/180_Diversite_des_tactiques_dans_les_luttes/Strategie_non-Violente_action_de_masse

Tokiko elikagaiak: kontzientzia bai, kontsumoa ez hainbeste

Ekhi Erremundegi Beloki
www.berria.eus/paperekoa/1812/014/001/2016-09-09/tokiko_elikagaiak_kontzientzia_bai_kontsumoa_ez_hainbeste.htm

Politicien, climato-sceptique, irresponsable

Hervé Kempf
https://reporterre.net/Politicien-climato-sceptique-irresponsable

Il y a quelques années, M. Sarkozy proclamait l’écologie comme « conviction ». Il alimente aujourd’hui le climato-scepticisme. Empêchant ainsi le pays de faire face à la réalité.

Jusqu’où le cynisme peut-il aller ? En 2008 et 2009, lorsque l’inquiétude écologiste culminait, le président de la République d’alors se proclamait champion de l’environnement, posait à côté d’Al Gore, lançait le « Grenelle de l’environnement », déclarait que l’écologie « n’est pas un positionnement. C’est une conviction ». Huit ans plus tard, le vent ayant tourné, M. Sarkozy se déclare climato-sceptique : « On a fait une conférence sur le climat. On parle beaucoup de dérèglement climatique, c’est très intéressant, mais ça fait 4,5 milliards d’années que le climat change. L’homme n’est pas le seul responsable de ce changement », a-t-il déclaré le 14 septembre.

Sur une question qui engage l’avenir de l’humanité, l’inconstance et la démagogie sont criminelles. Car entraîner l’opinion à refuser la responsabilité humaine dans le changement climatique, donc la dissuader d’agir, revient à accélérer le phénomène. Si les positions des démagogues varient, la réalité, elle, existe. Et refuser d’en tenir compte et de s’y adapter ne conduit qu’à une chose : on en subira encore plus douloureusement les conséquences inévitables.

Je ne démonterai pas, ici, la bêtise et l’ignorance qu’en trois phrases, M. Sarkozy exhibe. Mais constaterai deux faits inquiétants.

Que ce personnage vide de convictions, mais très sensible aux humeurs de son époque, enfourche le climato-scepticisme, signifie qu’il sait entrer en résonance avec un sentiment répandu. Et donc que nombreux sont nos concitoyens à ne pas comprendre et à ne pas accepter la gravité du changement climatique. Ce déni, cette incompréhension attestent que, collectivement, nous ne sommes pas préparés aux temps qui viennent.

Par ailleurs, la saillie du candidat à la présidentielle n’est pas isolée : elle vient après le mot d’un Luc Chatel – le parti Les Républicains « doit être le parti du gaz de schiste et des OGM » – ou les décisions d’un Laurent Wauquiez soutenant Center Parcs et l’autoroute A 45 tout en jouant des chasseurs contre les associations naturalistes. Ces messieurs fait le choix de mener une politique destructrice de l’environnement. Le mot de leur chef de bande vient aussi après l’attaque lancée par deux économistes orthodoxes, accusant de « négationnisme économique » ceux qui n’acceptent pas que seule la politique néo-libérale soit possible.

La violence des propos et des positions – car le programme économique de M. Sarkozy s’inscrit dans le dogme néo-libéral – atteste qu’une partie de l’oligarchie a choisi la guerre sociale : liberté toujours plus grande du capital financier, baisse continue des impôts sur les riches et les grandes entreprises, démantèlement du droit du travail et de la Sécurité sociale, recherche éperdue de la croissance quel qu’en soit l’impact sur l’environnement, refus du changement climatique… Ils s’apprêtent ainsi à jeter de l’huile sur le feu de situations nationales et internationales de plus en plus tendues, parce que l’inégalité devient insupportable à mesure que les tensions économiques et écologiques s’accroissent.

Au moment où M. Sarkozy affichait son climato-scepticisme, deux groupes de responsables produisaient des analyses mieux fondées. Aux Etats-Unis, un conseil de décideurs militaires a publié une déclaration sur la « sécurité climatique », soulignant son importance pour la stabilité géopolitique :

« Les tensions résultant du changement climatique peuvent augmenter la probabilité de conflits nationaux ou internationaux, la faillite des Etats, les migrations de masse, et la création de nouvelles régions incontrôlées. (…) Une chose est claire : la trajectoire actuelle du changement climatique présente un risque stratégique significatif pour la sécurité nationale des Etats-Unis, et l’inaction n’est pas une option raisonnable. ». Quelques jours auparavant, à Bratislava, en Slovaquie, une conférence sur « l’économie verte » avait réuni fonds d’investissement et industriels.

« Le changement climatique pose-t-il un risque systémique ? Je pense que la réponse est oui », déclarait la responsable d’une fonds de pension norvégien, tandis que, pour un de ses collègues néerlandais, « Il y aura une transition. Si celle-ci est incontrôlée, elle sera très, très chère. »

Les politiciens démagogues risquent de nous coûter très, très cher.

Réchauffement climatique: le virage de Nicolas sarkozy

Thomas Legrand
www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-16-septembre-2016

Oui, les revirements de Nicolas Sarkozy, plus ou moins assumés, c’est, finalement, le thème qui s’est dégagé de la soirée d’hier… de sa conception de la laïcité à la nécessaire stabilité institutionnelle, en passant par l’exigence de limiter le déficit à 3%, entre autres… le plus surprenant des changements de pied de la part du signataire de la charte de Nicolas Hulot, de l’initiateur du Grenelle de l’environnement, c’est, bien sûr, sur le climat et l’implication de l’homme dans ses dérèglements. Comme, quasiment toute la droite (et même récemment l’extrême droite) Nicolas Sarkozy, sur les traces de Jacques Chirac, avait convenu, en 2007 –et devant la quasi-unanimité des scientifiques- que notre mode de vie, notre façon de produire pesaient dangereusement sur les équilibres de la planète et appelait à en tirer toutes les conséquences : soit à changer notre façon de vivre, soit à orienter au plus vite la recherche sur les énergies renouvelables, et de préférence, les deux. D’accord, pour beaucoup de dirigeants des pays industrialisés, ce discours avait du mal à se transformer en actes, mais au moins avait-il les accents de la sincérité et s’inscrivait-il dans une prise de conscience généralisée qui paraissait inéluctable. Et, alors que même Vladimir Poutine, même la Chine et les Etats-Unis, les plus gros pollueurs, conviennent que l’homme est responsable du dérèglement climatique et envisagent des solutions, voilà que Nicolas Sarkozy relativise ce constat en parlant même –dans un surprenant exercice d’astronome- de la responsabilité d’un changement d’inclinaison de la planète pour expliquer le réchauffement !

Il dit que le principal problème de la planète n’est plus le climat mais la surpopulation.

Et c’est là que l’on a vraiment du mal à suivre… parce que justement la surpopulation que redoute Nicolas Sarkozy n’est un problème que si ces populations à venir, à travers la planète, devaient vivre, produire et consommer comme nous, selon nos standards et avec les mêmes sources d’énergie. Le grand démographe Alfred Sauvy répondait déjà, dans les années 70, à l’argument d’un trop-plein de population, en expliquant que l’agression de l’environnement est moins une question de  » surnombre  » qu’une question de mode de vie : l’argument de la surpopulation est un faux prétexte destiné à dissimuler le véritable problème du gaspillage dans nos habitudes de consommation, expliquait-il en visionnaire. Nicolas Sarkozy, finalement, en pointant le danger de la surpopulation est le monsieur Jourdain de l’écologie. Il fait de l’écologie sans le savoir puisqu’on n’imagine pas bien sûr qu’il prône la limitation forcée des naissances, à la chinoise. La conséquence logique de sa nouvelle position serait d’appeler à un changement radical de notre mode vie, d’appeler à produire localement et à décarboner complètement l’économie. Ce qu’il se garde bien de faire, bien sûr. C’est le moment –devant cette incohérence- où l’on se demande si ce revirement est stratégique, dans le cadre d’une campagne des primaires qui ne s’adresse qu’au cœur électoral de la droite (partie de l’opinion la plus rétive aux thèses écologistes), ou si c’est une nouvelle opinion sincère… Et là, j’avoue, mes capacités d’analyse politique atteignent leurs limites.

La pollution de l’air coûte 225 milliards de dollars à l’économie mondiale

Laetitia Van Eeckhout
www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/08/la-pollution-de-l-air-coute-225-milliards-de-dollars-a-l-economie-mondiale_4994720_3244.html

La pollution atmosphérique est responsable d’un décès sur dix dans le monde, six fois plus que le paludisme. Un fléau sanitaire qui entraîne un colossal manque à gagner pour l’économie mondiale : 225 milliards de dollars (199 milliards d’euros) de pertes de revenus par an. En publiant, jeudi 8 septembre, une évaluation du fardeau financier que fait peser la mauvaise qualité de l’air, la Banque mondiale cherche à susciter un sursaut.

 

La pollution de l’air extérieur, notamment due aux particules fines, a tué 2,9 millions de personnes en 2013, selon les derniers chiffres publiés, jeudi, par l’institution internationale, en collaboration avec l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME). Si l’on y ajoute les effets de la pollution dans les foyers – notamment ceux de l’utilisation de combustibles solides pour se chauffer et cuisiner –, le nombre de morts s’élève à 5,5 millions. Au final, la pollution est le quatrième facteur de décès prématuré dans le monde, et 87 % de la population sur la planète est plus ou moins exposée aux pathologies qu’elle entraîne (maladies cardiovasculaires, cancers des poumons, maladies pulmonaires chroniques, infections respiratoires).

 « Le coût économique de la mortalité prématurée lié à ce fléau appelle à agir vite », martèle la Banque mondiale dans son rapport. D’autant que depuis 1990, ce coût n’a cessé de croître, en dépit du développement économique des pays et des progrès réalisés en matière de santé. Si les jeunes enfants et les personnes âgées en sont les premières victimes, les effets délétères de la pollution n’épargnent aujourd’hui pas la population en âge de travailler et ont dès lors aussi de lourdes retombées en termes de pertes de revenus du travail, qui se sont accrues de 40 % entre 1990 et 2013.

Un coût plus lourd pour les pays jeunes

Ce coût est d’ailleurs plus élevé dans les pays ayant une population jeune, les conséquences de la pollution venant diminuer la capacité de gains de celle-ci. Ainsi en Afrique subsaharienne, les pertes de revenus du travail représentent chaque année l’équivalent de 0,61 % du produit intérieur brut (PIB), et en Asie du Sud-Est, 0,83 %. Tandis qu’en Europe ou en Amérique du Nord, régions confrontées au vieillissement de leur population, ces pertes représentent respectivement 0,13 % et 0,11 % du PIB.

Pour marquer encore davantage les esprits, la Banque mondiale a aussi cherché à mesurer le coût des impacts de la pollution en termes de bien-être. Elle a pour cela évalué le coût des compromis que les individus sont prêts à réaliser pour réduire le risque de mourir prématurément. Comme, par exemple, la réduction des activités sportives ou de la consommation, qui se traduit par autant de recettes en moins pour l’économie des pays. Au final, ce coût de la pollution de l’air s’élèverait à 5 110 milliards de dollars (4 543 milliards d’euros) par an.

 

Efforts insuffisants

En Asie orientale-Pacifique et en Asie du Sud, ces pertes en termes de bien-être se sont fortement accrues (de près de 80 %) depuis 1990 et atteignent aujourd’hui respectivement l’équivalent de 7,5 % et 7,4 % du PIB. En Europe-Asie centrale et en Amérique du Nord, bien que légèrement en recul, elles représentent encore l’équivalent de 5 % et 3 % du PIB. C’est en Amérique latine et en Afrique du Nord qu’elles se révèlent en fait les moins lourdes, s’élevant respectivement à 2,4 % et 2,5 % du PIB.

« Il est difficile de dire précisément pourquoi ces coûts sont plus bas dans telle ou telle région. Mais une chose est sûre, relève Urvashi Narain, économiste de l’environnement au sein de la Banque qui a coordonné l’étude. En Amérique latine comme dans la région Afrique du Nord – Moyen-Orient, on a constaté de grands progrès dans la lutte contre la pollution intérieure, avec notamment des efforts pour favoriser l’accès à des combustibles plus propres pour cuisiner. »

A ce coût, déjà colossal, s’ajoutent encore les coûts de la maladie (1 400 milliards d’euros en Europe chaque année), les pertes de compétitivité, la baisse de la productivité agricole… « Ces coûts additionnels, non pris en compte dans cette étude, rendent d’autant plus urgente la nécessité d’agir pour réduire la pollution », relève la Banque mondiale. Et d’insister : « La persistance des effets délétères de la pollution montre que les efforts pour améliorer la qualité de l’air n’ont pas été suffisants et que réduire les coûts de ce fléau exige une action plus ambitieuse. »

Stratégie non-violente et action de masse

Jon Palais
http://alternatives-non-violentes.org/Revue/Numeros/180_Diversite_des_tactiques_dans_les_luttes/Strategie_non-Violente_action_de_masse

Les mobilisations de ces dernières années ont fait resurgir un débat sur le rapport entre l’action violente et l’action non-violente, de la lutte contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes à celle contre le barrage de Sivens, des mobilisations autour de la Cop21 aux mobilisations contre la loi El-Khomri.

Dans ce débat, l’expression « diversité des tactiques » est souvent employée pour désigner une manière d’articuler dans une même lutte à la fois des actions non-violentes et des actions violentes. Pour certains militants, cette diversité des tactiques permettrait d’intégrer davantage de tendances militantes, et de poser un cadre large propice à la construction d’un mouvement de masse. Pour d’autres, l’action violente empêche le bon déroulement de certaines actions non-violentes, réduisant ainsi la diversité des formes d’actions possibles, excluant des personnes qui ne veulent pas assumer les conséquences d’actions violentes, et ne permet donc pas de créer les conditions d’intégration large pour la construction d’un mouvement de masse. C’est sur cette seconde analyse que s’est créé le processus Action Non-Violente Cop21 (ANV-Cop21), lancé en septembre 2015 dans la perspective de la Cop21, afin d’expérimenter l’organisation d’actions non-violentes de masse pour contribuer à relever le défi climatique.

INCOMPATIBILITÉ DE NATURE ENTRE ACTION VIOLENTE ET NON-VIOLENTE

Dans les mois et années précédant la Cop21, plusieurs manifestations écologistes en France ont été perturbées par des actions violentes et des affrontements avec les forces de l’ordre. Ce fut le cas, le 22 février 2014 à Nantes, lors de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il s’agissait d’une manifestation familiale, grand public, qui a rassemblé 40 000 personnes, mais qui a également donné lieu à des affrontements violents entre les forces de l’ordre et une partie des manifestants, dont certains étaient masqués et équipés pour l’affrontement physique. La manifestation a ainsi donné lieu à des images d’émeutes, de casse, d’incendies, etc. Les manifestants venus affronter les forces de l’ordre étaient très minoritaires par rapport aux dizaines de milliers de personnes qui manifestaient de manière pacifique, c’est pourtant leur mode d’action violent qui a imposé sa logique à l’ensemble de la manifestation. L’action violente, même minoritaire, conditionne en effet tous les aspects de la mobilisation : le type d’intervention des forces de l’ordre qui peut être plus répressif, le traitement médiatique de l’événement qui se focalise sur la violence, la perception par l’opinion publique qui distingue moins bien la dimension populaire et familiale de l’événement, les adversaires et le pouvoir en place qui pointent du doigt les casseurs et les manifestants violents, et qui utilisent ces actions minoritaires pour criminaliser et pour justifier une répression plus brutale et plus violente de l’ensemble du mouvement.

DÉTOURNEMENT DE LA STRATÉGIE ET QUESTION DE DÉMOCRATIE

On peut comparer ce phénomène à celui de la grenadine : il suffit d’une petite quantité de sirop de grenadine dans un grand verre d’eau pour qu’il devienne entièrement rouge. De la même manière, il suffit d’une petite part d’action violente dans une grande manifestation pacifique ou dans une action non-violente de masse, pour que l’ensemble de l’action apparaisse comme violente, et que la logique de la violence s’impose à l’ensemble des participants. Par sa nature même, en utilisant la force physique et brutale, l’action violente s’impose aux autres formes d’action, et impose sa propre stratégie. Dès lors qu’il y a une part d’action violente, il ne s’agit alors plus d’une stratégie non-violente, mais d’une stratégie violente, qui comprend éventuellement une part d’action non-violente ou pacifique.

Ce jour-là à Nantes, la stratégie initialement prévue, et communiquée publiquement à l’avance, d’une manifestation festive, familiale, a ainsi été détournée par une minorité de personnes et ré-orientée vers une stratégie d’action violente.

 

Cela pose un problème démocratique et éthique, dès lors qu’une minorité de personnes imposent leur choix tactique et leur stratégie à une majorité de personnes, sans discussion préalable, sans communication publique, sans décision collective, sans respect des cadres décidés en amont. D’autres mobilisations écologistes ont été émaillées d’actions violentes dans les mois qui ont suivi cet événement, notamment dans la lutte contre le barrage de Sivens, et dans différentes manifestations en France suite à la mort de Rémi Fraisse. Le processus ANV-Cop21 a été lancé précisément pour anticiper ce type de scénario. Son approche s’appuie sur trois éléments pour éviter qu’une stratégie d’action non-violente de masse ne soit détournée en stratégie violente : — une affirmation sans ambiguïté du principe de non-violence, communiquée publiquement à l’avance ; — des critères de non-violence clairement définis ; — des moyens de faire appliquer ces critères : des modes opératoires pour empêcher ou pour se dissocier des actions violentes qui pourraient interférer avec les actions non-violentes.

L’AFFICHAGE DU PRINCIPE DE NON-VIOLENCE

Le premier élément concerne l’affirmation, l’affichage et la communication du principe de non-violence. Pour mener une action avec quelques dizaines de personnes, il est possible de la préparer de manière confidentielle et d’avoir l’assurance que tous les participants partagent la même vision et la même pratique de l’action non-violente. Mais pour réunir des centaines ou des dizaines de milliers de personnes, il est nécessaire de lancer un appel public à l’avance. Il n’est alors pas possible de savoir qui viendra participer à l’action. Il s’agit donc de préciser dès l’appel que l’action s’inscrit dans une démarche non-violente. Les militants qui préfèrent l’action violente savent alors que ce mode opératoire n’est pas choisi pour cette action. Si des personnes viennent malgré tout dans l’intention d’utiliser d’autres modes d’action, le principe de non-violence communiqué clairement et publiquement à l’avance est la première chose utile pour tenter de les dissuader d’intervenir. Il permet d’engager le dialogue sans ouvrir un débat général sur la violence et la non-violence, et sans remettre en cause leur choix d’action dans l’absolu, mais en faisant valoir que leur mode d’action dans ce cas particulier vient en contradiction avec les principes de non-violence décidés et acceptés collectivement par les autres participants. Le terme « non-violent » apparaît ainsi systématiquement dans les appels de toutes les actions organisées par ANVCop21, et il apparaît dans le nom lui-même du processus : Action non-violente Cop21.

PERTURBATIONS PAR DES ACTIONS VIOLENTES

Si des personnes viennent avec l’intention de mener des actions violentes ou ne respectent pas les critères prévus pour l’action, la première consigne est de tenter de dialoguer avec eux. Si cela échoue, il s’agit alors de se dissocier d’eux, par exemple en s’écartant, en s’asseyant, ou encore en levant les mains en l’air en signe de non-violence. À partir du moment où des actions violentes viendraient perturber une action de masse, l’objectif de maîtrise collective de l’attitude et de la stratégie non-violente est déjà partiellement compromis. Un mouvement non-violent a énormément à perdre au niveau de sa légitimité s’il est assimilé à un mouvement qui utilise la violence ou qui l’accepte : vis-à-vis de l’opinion publique, de ses adversaires, du pouvoir en place, des forces de l’ordre, mais aussi vis-à-vis de ses propres sympathisants et de ses membres actifs. Les images de l’action ne doivent donc pas pouvoir laisser croire que les actions violentes ont été menées ou tolérées par le mouvement. C’est le but de ces gestes de dissociation.

CRITÈRES DE NON-VIOLENCE

Les critères de non-violence d’ANV-Cop21 sont également communiqués publiquement :

  • pas d’agression physique de la part des participants : ne pas porter atteinte à l’intégrité physique des personnes, ne pas répondre à la violence par la violence
  • pas de violence psychologique : pas d’agression verbale, d’agression non-verbale, de regard provocateur, de geste insultant, ni d’incitation à la violence
  • pas de dégradation matérielle qui ne soit décidée collectivement à l’avance et assumée publiquement ;
  • participation aux actions à visage découvert.

 

Ces critères sont publiés sur le site internet d’ANV-Cop21, accessibles depuis les textes d’appel aux actions, expliqués lors des formations, et rappelés lors des briefings avant les actions.

COEXISTENCE DES STRATÉGIES

La stratégie non-violente délicate à maîtriser dans les conditions de mobilisations de masse, est également difficile à faire accepter par une partie du milieu militant. Le lancement du processus ANV-Cop21 a ainsi suscité des tensions parfois très vives dans certains milieux activistes. Deux points ont particulièrement focalisé l’attention : l’affichage de la non-violence comme un principe fondamental, et le fait de poser comme critère la participation à visage découvert. Ces deux critères ont été interprétés par certains comme des règles d’exclusion d’une partie des militants, faisant apparaître le processus ANV-Cop21 comme une démarche de division du « mouvement ». Penser qu’un processus non-violent divise le « mouvement » tient à l’idée qu’il existerait déjà de manière unifiée, et que son unité reposerait sur la diversité des tactiques violence/ non-violence, qui engloberait toutes les formes d’actions possibles, et permettrait ainsi de réunir « tout le monde ». Mais cette diversité des tactiques n’est qu’une seule des stratégies possibles et ne permet pas à tout le monde de participer, à commencer par les partisans de stratégies non-violentes. La diversité des tactiques, ce n’est pas la totalité des stratégies. La stratégie de la diversité des tactiques violentes/ non-violentes, et la stratégie entièrement non-violente, sont deux stratégies incompatibles et la seule manière de les faire coexister est de les développer de manière dissociée.

STRATÉGIE ADAPTÉE AU MOUVEMENT DE MASSE

La différence entre ces deux stratégies relève aussi d’une approche différente de la construction d’un mouvement de masse. La diversité des tactiques violence/non-violence travaille d’abord à fédérer différentes tendances activistes : c’est faire le pari qu’une addition de groupes activistes peut amorcer un élargissement qui pourrait s’étendre jusqu’à atteindre une échelle de masse.
Mais on peut penser qu’au contraire, réunir les tendances activistes les plus radicales, les plus engagées, y compris celles utilisant la violence et agissant à visage masqué, ne favorise pas l’intégration des publics les moins militants, qui constituent pourtant la grande masse des gens. ANV-Cop21 fait ainsi un pari différent : lancer un processus exclusivement non-violent, qui fédère moins de tendances activistes au départ, mais qui pose un cadre permettant d’intégrer des publics beaucoup plus larges et moins radicaux, qui sont susceptibles d’augmenter leur niveau d’engagement avec le temps. Martin Luther King nous disait qu’il nous fallait apprendre à vivre ensemble comme des frères, pour ne pas tous mourir comme des idiots. Il en va de même pour le changement climatique : c’est une bataille vitale qu’il nous faut mener tous ensemble. Les groupes d’activistes écologistes ne peuvent pas relever ce défi à eux seuls. Car c’est l’ensemble de la société qu’il s’agit de transformer, à l’échelle mondiale, en profondeur, de manière radicale, en quelques années seulement. C’est donc d’un mouvement social dont nous avons besoin pour relever le défi environnemental : un mouvement de masse, à la fois radical et populaire, non-violent et déterminé, un mouvement « à la Martin Luther King » pour le climat. La non-violence est une condition indispensable pour faire émerger un tel mouvement, car c’est elle qui permet de mener des actions qui soient à la fois radicales et populaires.

Tokiko elikagaiak: kontzientzia bai, kontsumoa ez hainbeste

Ekhi Erremundegi Beloki
www.berria.eus/paperekoa/1812/014/001/2016-09-09/tokiko_elikagaiak_kontzientzia_bai_kontsumoa_ez_hainbeste.htm

Uztartu klusterraren azterketa batek dio tokiko produktuak erosteko joera hedatzen ari dela Ipar Euskal Herrian, baina gehiengo batek saltoki handien ereduari jarraitzen dio. Tokian tokiko produktuen kontsumoa Ipar Euskal Herriko biztanleen kontzientzian sartu da, baina ez hainbeste beren saskietan. Uztartu klusterraren azterketa baten arabera, gora egiten ari da «tokiko produktuak» erosten dituztenen kopurua, baina oraindik oso nagusi da saltoki handien elikagai eredua: lautik hiruk diote astero jotzen dutela supermerkatuetara, eta %1,7k soilik erosten diote zuzenean ekoizleari.
Ipar Euskal Herriko agroelikadura saileko kideak biltzen dituen klusterrak, Uztartuk, joan den maiatz eta ekain artean egin zuen elikagai kontsumoari buruzko azterketa, galdetegi bidez.«Beren etxeko elikagai erosketak egiten dituzten» 448 pertsona elkarrizketatu zituzten, Ipar Euskal Herriko biztanleriaren adierazgarri.
Azterketaren metodoak zalantza sor dezake, galdetegia izanik, zenbakietan baino gehiago, kontsumitzailearen hautematean oinarritzen delako. Hala, kontsumitzaileen %61ek diote azken bi urteetan tokiko produktuen kontsumoa emendatu dutela. %70ek, berriz, aldarrikatu dute duela bi urte baino gehiago begiratzen dutela erosten dituzten produktuen jatorria. Uztartu klusterrekoen arabera, tokiko produktuen kontsumoa Ipar Euskal Herriko etxeetako ohituretan «errotua» dela erakusten du horrek. Alta, galdeketan parte hartu duten %39k baizik ez dituzte tokiko produktuak astero kontsumitzen. Ondorioz, pentsatzekoa da, tokiko produktuen kontsumoaren garrantzia kontzientzietan sartzen ari bada ere, momentuko ez duela kontsumo praktiketan eragin handirik.

Tokiko produktuaren definizioa ere gatazkatsua gerta liteke. Uztartu klusterraren galdetegiaren arabera, «tokiko produktua da Ipar Euskal Herrian edo inguruko elkargoetan ekoitzia edo eraldatua izan dena». Definizio horren arabera, atzerriko txerriak erosten dituen tokiko enpresa baten urdaiazpikoa «tokiko produktua» litzateke. Definizioak sor dezakeen arazoa ulertzen badute ere, Uztartu klusterrekoen hitzetan, galdeketan parte hartzen duen kontsumitzaileari argibideak emateko balio duen «definizio zabala da».

Gehiengoa supermerkatura

Baionako Merkataritza eta Industria Ganberaren arabera, Ipar Euskal Herriko familiek urtero 811 milioi euro gastatzen dituzte elikadura produktuak erosteko: urtean 5.798 euro batez beste familia bakoitzeko. Erosketa horiek supermerkatuetan egiten dira nagusiki (%62); ekoizlearen eta kontsumitzailearen arteko salmenta zuzena %1,7 da.

Uztartu klusterraren galdeketan parte hartu duten %75,4k diote elikadura produktuak erosteko supermerkatura doazela gutxienez astean behin. Komertzio txikietara astean behin joaten direnak %30,1 dira; astean behin merkatura doazenak, %25. Araberan, erdiak baino gehiagok diote ez direla sekula saltegi biologiko batera sartu edo ez diotela ekoizle bati zuzenean erosi.

Tokiko produktuak erosteko bi traba nagusi erakusten ditu azterketak: prezioa eta iristeko zailtasuna. Laginaren %20k diote prezio apalagoak bultza lezakeela tokiko produktuak erostera; %16 salmenta gune gehiago egoteak bultzatu luke.

Uztartu klusterrekoen arabera, ekoizleekin lan egin behar da; ez prezioak apal ditzaten, baizik eta kontsumitzailearen aurrean saltzen duten ekoizpenaren balioa hobeki azaltzeko. Era berean, tokiko produktuei supermerkatuetan leku handiagoa eman diezaioten lan egin behar dela diote.