Articles du Vendredi : Sélection du 9 novembre 2018


Le rapport glaçant du Giec
Aude Massiot
www.liberation.fr/planete/2018/10/07/le-rapport-glacant-du-giec_1683840

[Article du 7 octobre 2018] Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat rend publique ce lundi sa première étude sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C des températures mondiales. Cette limite que 197 Etats s’étaient engagés à respecter fin 2015, lors de la COP 21, aura tout de même de graves conséquences sur la planète.

A l’issue d’une semaine de négociations ardues à Incheon, en Corée du Sud, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publie ce lundi un rapport très attendu sur le réchauffement mondial de 1,5°C (par rapport à l’époque préindustrielle). Commandé au Giec lors de la conférence des Nations unies de décembre 2015 en France (COP 21), c’est le premier rapport spécial jamais produit. Il donne à voir l’état de notre planète si l’accord de Paris rédigé lors de cette conférence était respecté. Ce traité international, signé par 197 Etats et ratifié par 188, vise à faire le maximum pour limiter le réchauffement du climat provoqué par les activités humaines à 2°C, voire 1,5°C. La rédaction des 250 pages a nécessité la participation de 86 auteurs principaux de 39 pays (seulement 39 % de femmes) et de dizaines d’experts pour la relecture. Sa structure et son contenu sont validés par l’ensemble des gouvernements membres. Ce n’est donc pas uniquement un travail scientifique, mais aussi le résultat des orientations nationales de la plupart des Etats. Les conclusions du texte sont publiées ce lundi pour aider les Etats à augmenter leurs ambitions climatiques en vue de la COP 24, organisée en décembre en Pologne.

Que nous enseigne ce nouveau rapport ?

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) des activités humaines sont la principale cause du réchauffement climatique. Il n’y a plus de doute là-dessus. Ce dernier se produit à un taux de 0,17 °C par décennie depuis 1950. Ainsi, au rythme actuel, le monde connaîtrait une hausse de 1,5 °C de la moyenne des températures entre 2030 et 2052. En 2017-2018, nous avons déjà atteint 1 °C d’augmentation du mercure depuis l’époque préindustrielle. L’objectif de l’accord de Paris est donc de ne «gagner» que 0,5 °C maximum d’ici à 2100. Pourra-t-on y arriver ? «Notre mandat est d’être descriptif et non prescriptif», rappelle Jean-Charles Hourcade, économiste au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), et l’un des principaux auteurs du rapport. «Le rôle du Giec n’est pas de déterminer si 1,5 °C est faisable, ajoute Henri Waisman, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), corédacteur du rapport. Rien dans la littérature scientifique ne dit que c’est infaisable, alors nous présentons les conditions nécessaires pour y arriver. C’est ensuite aux décideurs de prendre leurs responsabilités.» Or la trajectoire est mal engagée pour limiter la hausse à 1,5 °C. Même si les Etats respectent leurs engagements pris à la COP 21, ce qui n’est pour l’instant pas le cas pour la majorité des pays, la planète se réchaufferait de 3 °C d’ici à la fin du siècle. Ce qui entraînerait des catastrophes irréversibles autant pour les humains que pour beaucoup d’autres espèces vivantes. Pour ne pas discréditer l’accord de Paris, le groupe intergouvernemental a envisagé des scénarios où l’on dépasserait les 1,5 °C, avant d’y revenir avant la fin du siècle. Cela nécessiterait le développement et l’utilisation à grande échelle de techniques de capture du CO2 pour produire ce qui est appelé «émissions négatives». Seulement, pour l’instant, les technologies sont embryonnaires. Reste les forêts et les sols, et leur capacité à capter et garder le carbone. «S’appuyer sur l’usage massif de la biomasse pour stocker le CO2 pourrait induire des tensions avec des objectifs de développement durable, notamment concernant la production agricole, dont les surfaces utilisables se verraient limitées, détaille Henri Waisman. Cela exacerberait la compétition pour les sols.»

Quelles sont les projections climatiques mises en avant ?

Un des principaux intérêts de ce rapport est qu’il compile les connaissances scientifiques sur les répercussions d’un réchauffement de 1,5 °C par rapport à 2 °C. Cela n’a jamais été fait auparavant. Même si on respecte l’accord de Paris, les territoires les plus vulnérables pourraient ne pas avoir le temps de s’adapter. C’est le cas des petites îles situées au niveau de la mer. Ce dernier devrait continuer à monter pendant plusieurs siècles. Et sous la surface, les océans subissent déjà des changements sans précédent.

Des basculements pour certains écosystèmes devraient être observés dès + 1,5 °C. Les espèces dépourvues de capacité à se déplacer assez vite souffriront d’une importante mortalité. De même, il faudrait des millénaires pour lutter contre les changements dans la chimie océanique produits par l’acidification.

Dans un monde à + 1,5 °C, le changement climatique affectera tous les territoires, peu importe leur niveau de développement, mais spécialement les plus pauvres. Par ailleurs, déjà plus d’un quart de la population mondiale vit dans des régions où le thermomètre dépasse de 1,5 °C la température moyenne au moins une saison par an. L’hémisphère Nord souffrira le plus de la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur. «Nous sommes face à un risque de voir le sud de l’Europe basculer dans une désertification d’ici à la fin du siècle, souligne Pierre Cannet, de l’ONG WWF. Le précédent rapport du Giec, publié en 2014, était déjà clair sur le fait qu’atteindre + 2 °C est un point de non-retour.» Les risques d’inondation et de sécheresse seraient aussi renforcés, touchant principalement l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. Les cyclones tropicaux deviendraient plus violents.

Le retard dans la transformation sociétale entraîne déjà des effets irréversibles pour certaines parties de la Terre. Et la situation sera bien pire si on atteint + 2 °C de hausse des températures. «Chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire porte en lui un risque mortel», interpelle Emilie Both, porte-parole d’Oxfam France.

Quelles solutions sont favorisées ?

Bien que ce ne soit pas son rôle initial, le Giec présente certaines solutions pour respecter le + 1,5 °C. Ce chapitre est l’objet des principales crispations des Etats. Comme le montre un document récupéré par le site Climate Home News, les Etats-Unis veulent mettre l’accent sur les techniques de capture de CO2, sur lesquelles ils sont à la pointe. Ils misent sur leur développement pour faire moins d’efforts de réduction des émissions de GES.

En outre, dans son rapport, le Giec souligne à plusieurs reprises la nécessité de réduire drastiquement la demande en énergie des bâtiments, de l’industrie et des transports. Les émissions de GES mondiales doivent quant à elles baisser de 45 % d’ici à 2030 (par rapport à 2010) et la part des énergies renouvelables pour l’électricité passer à 70 %-85 % en 2050. Le rapport met aussi en lumière que la réduction de la pollution de l’air permet de limiter le réchauffement et d’améliorer la santé humaine, tout comme la qualité de l’environnement.

Crucial, un paragraphe est consacré à l’indispensable implication du secteur financier dans la lutte contre le dérèglement climatique. «Ce rapport montre qu’un changement sociétal profond est nécessaire, insiste Pierre Cannet, de WWF. Pourtant, la transition écologique en France et en Europe reste à ses balbutiements. L’humanité est confrontée à une nouvelle guerre, cette fois contre elle-même. D’ici à 2040, nous aurons perdu la bataille si des mesures ne sont pas prises et intensifiées.»

Des stars de YouTube lancent une campagne pour sensibiliser au réchauffement climatique
Alexandre Berteau
www.lemonde.fr/pixels/article/2018/11/05/des-stars-de-youtube-lancent-une-campagne-pour-sensibiliser-au-rechauffement-climatique_5379074_4408996.html

Les stars de YouTube ont décidé d’endosser le costume « d’influenceurs » qu’on leur attribue souvent. Une soixantaine de youtubeurs ont annoncé, lundi 5 novembre, le lancement à venir d’une campagne destinée à encourager leur communauté à adopter des gestes écologiques. Parmi ces créateurs : Norman, EnjoyPhoenix, Jhon Rachid ou Natoo, qui comptent à eux seuls plus de vingt millions d’abonnés sur la plate-forme.

Pendant un mois, du 15 novembre au 15 décembre, ils se filmeront chaque jour en train de relever un défi pour réduire leur impact sur l’environnement. Ces soixante-deux vidéastes formeront trois équipes : il y aura ceux qui changeront leur alimentation, ceux qui cesseront d’utiliser du plastique et ceux qui ne se serviront plus de leur voiture.

« La parole des créateurs est écoutée »

Le but de ce projet, baptisé « On est prêt », est d’inciter les internautes à imiter les youtubeurs dont ils visionnent habituellement les sketches, courts-métrages ou vidéos de vulgarisation scientifique. Et à mettre ainsi à profit la force de frappe dont disposent ces célèbres vidéastes auprès des jeunes.

« Pour les moins de 25 ans, YouTube est devenu un média de référence. La parole des créateurs est écoutée et a une vraie influence chez ces jeunes », explique Elliot Lepers, un des organisateurs du mouvement « On est prêt » et directeur de l’ONG Le Mouvement.

L’humoriste Swann Périssé l’a bien compris. « C’est notre rôle de montrer l’exemple, soutient-elle, bien consciente que cet avis n’est pas partagé par tous les youtubeurs. On peut utiliser notre influence pour autre chose que faire rire, émouvoir ou raconter des histoires », poursuit la comédienne, qui réunit 300 000 abonnés sur sa chaîne.

 « On estime qu’après trente jours le pli est pris et que les bons gestes ont toutes les chances de rester », a indiqué au Parisien Magali Payen, coordinatrice de la campagne. Parmi ces bonnes habitudes : « aller dans une banque qui ne finance pas les projets fossiles, diminuer la viande, ou encore baisser le chauffage », détaille le comédien Baptiste Lorber dans la vidéo de lancement de l’opération.

Un « déclic » après la démission de Hulot

Face à cette liste de recommandations, le risque est grand pour ces vidéastes d’apparaître en donneurs de leçon auprès de leur communauté. Alors la youtubeuse Audrey Pirault tient à préciser : « Il ne s’agit pas du tout de culpabiliser, car nous sommes nous aussi responsables. L’idée est de prendre conscience que des solutions simples sont à notre portée pour faire bouger les choses. »

D’autant que les internautes ne seront pas les seuls à être placés devant leurs responsabilités. Une plate-forme leur permettra ainsi d’interpeller le maire de leur commune pour lui soumettre une mesure écologique. « Les actes individuels ne suffisent pas à régler un problème qui est systémique », souligne le militant Elliot Lepers.

Selon les organisateurs, l’idée de cette campagne aurait germé à la suite de la démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre de la transition écologique le 28 août. Ce départ « a été un choc », a confié au Parisien Lénie, membre de l’équipe du Professeur Feuillage, connu pour ses chroniques écologiques sur YouTube. « C’est un des déclics pour ne pas laisser la question essentielle du réchauffement climatique aux seules mains des politiques. »

Le 8 octobre, une initiative similaire avait vu le jour sur les réseaux sociaux, sous le slogan « Il est encore temps ». Dans une vidéo, dix-neuf youtubeurs appelaient les internautes à participer aux marches pour le climat organisées dans toute la France samedi 13 octobre, et à adopter des comportements plus vertueux pour lutter contre le dérèglement climatique.

 

L’autorisation accordée à Total de forer en Guyane ? Une décision administrative plutôt qu’une obligation légale
Guillaume Daudin
https://factuel.afp.com/lautorisation-accordee-total-de-forer-en-guyane-une-decision-administrative-plutot-quune-obligation

François de Rugy, nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, a justifié dans un tweet l’autorisation de forage accordée à Total en Guyane en assurant que l’Etat n’avait pas d’autre choix. Cette autorisation, largement critiquée par les associations pro-environnement, est toutefois une décision administrative et l’Etat avait la possibilité de s’y opposer, au risque d’un contentieux juridique.

Interpellé par un journaliste sur l' »autorisation de forage accordée à Total à proximité d’un écosystème unique » en Guyane, dont l’AFP a fait état dans cette dépêche, le ministre de l’Ecologie François de Rugy a répondu le 24 octobre dans un tweet : « Ce forage est le résultat d’un permis d’exploitation accordé en 2001 sur lequel il est légalement impossible de revenir. Mais soyons clairs : il devra être conduit dans le strict respect de l’environnement et de la loi qui le protège. J’y serai particulièrement vigilant ! (1/3). »

Cette potentielle exploitation d’hydrocarbures en Guyane par Total suscite depuis des années l’opposition d’acteurs de l’environnement, au nom de la fragilité environnementale supposée de la zone et des risques qui seraient inhérents à une exploitation pétrolière en pleine mer.

Le droit minier

Pour comprendre le processus ayant abouti à cette autorisation, il faut distinguer deux éléments:

1 – le permis de recherche exclusif, ou « permis d’exploration » : accordé en 2001, renouvelé en 2007, 2011 et plus récemment par Nicolas Hulot en septembre 2017, il est détenu par la société Total E&P Guyane française SAS et constitue un mandat d’exclusivité sur la zone pour ses détenteurs, une sorte de titre de propriété temporaire.

2 – l’autorisation d’ouverture de travaux miniers accordée à Total le 22 octobre dernier pour la réalisation d’une campagne de 1 à 5 forages d’exploration pétrolière, que l’on peut retrouver pages 53 à 65 de ce recueil des actes administratifs de la préfecture de Guyane. Cette autorisation permet de mettre à l’oeuvre en pratique le permis de recherche exclusif décrit précédemment en effectuant des forages d’exploration. L’autorisation est préfectorale.

Ces deux étapes sont celles qui précèdent l’obtention éventuelle d’un permis d’exploitation, une concession qui permettra si elle est accordée d’exploiter commercialement un gisement d’hydrocarbures.

La décision administrative

Pour justifier l’autorisation de forage, M. de Rugy explique donc que l’Etat n’avait pas d’autre choix: c’est « le résultat d’un permis d’exploration accordé en 2001 sur lequel il est légalement impossible de revenir« .  Une décision mécanique, en somme.

Le préfet de Guyane, qui a délivré l’autorisation administrative de forage demandée par Total, avait pourtant la possibilité technique de dire non.

Interrogé par l’AFP, le ministère de la Transition écologique confirme que cette décision préfectorale résulte d’une appréciation : « L’examen approfondi du dossier technique de Total a conclu à la conformité à la loi des moyens mobilisés pour mettre en œuvre le forage d’exploration, y compris s’agissant de ses obligations environnementales. Comme il y est par nature et légalement contraint, le préfet a donc, sur cette base, pris l’arrêté autorisant le lancement des travaux. »

Le préfet a donc fait un « examen approfondi » pour apprécier la situation et pris une décision administrative allant dans un sens, l’autorisation, plutôt que dans un autre, le refus d’autorisation.

Le risque judiciaire

Le débat est ensuite technique et juridique: en cas de refus de la part de l’Etat, Total peut engager un recours devant la justice administrative, ce qui peut entraîner des pénalités pour l’Etat en cas de condamnation.

C’est l’inquiétude que confirme le ministère dans sa réponse à l’AFP en évoquant à la fois le permis exclusif de recherche et l’autorisation d’ouverture de travaux miniers : « Revenir sur le permis d’exploration et d’exploitation accordé à Total n’aurait à ce jour aucun fondement légal. Une décision en ce sens conduirait à un contentieux entre Total et l’Etat, pouvant aboutir à une condamnation de l’Etat, pécuniaire et qui pourrait aussi enjoindre à l’Etat de délivrer les autorisations. »

Pour le ministère, le risque est qu’en refusant l’autorisation, l’Etat perde en justice, paie des pénalités mais soit aussi contraint in fine de délivrer une autorisation à Total.

Pour les opposants au projet, le risque éventuel aurait pu être pris : Marine Calmet, porte-parole en métropole du collectif « Stop pétrole offshore Guyane », rassemblant les opposants à ces forages, explique à l’AFP que « bien évidemment il était jouable juridiquement de décider de refuser l’autorisation: dans le dossier de Total il y a de nombreuses imprécisions« .

Le ministère aurait pu d’après elle s’appuyer sur l’avis de l’Autorité environnementale (AE), fourni dans le cadre de l’enquête publique. Dans cet avis, qui n’a pas vocation à être « favorable » ou « défavorable » cette commission indépendante estime que le dossier de demande d’autorisation de Total est « bien construit » mais remarque aussi ceci :

La faiblesse de certains volets importants pour appréhender les impacts du projet, selon le programme prévu ou en cas d’accident majeur, apparaît ainsi particulièrement préoccupante (toxicité des produits utilisés, impact sur la macrofaune marine notamment du bruit sous-marin, modélisation des conséquences d’une marée noire), l’analyse les concernant étant alors nettement incomplète.

Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur les travaux d’exploration pétrolière sur la zone de Nasua (973)

Mme Calmet rappelle qu’outre ces arguments environnementaux, l’enquête publique qui s’est déroulée pendant l’été, non contraignante, a été tout de même très défavorable au projet puisque 7.173 avis sur 7.183 s’y opposaient, soit 99,9%.

L’avis de Mme Calmet est partagé par un autre opposant au projet représentant Attac, Maxime Combes : « Nous avions prévenu CE @gouvernementFR qu’il fallait qu’il se donne de nouveaux outils d’intervention.  Aujourd’hui, il aurait encore pu ne pas autoriser les travaux de forage. Avec risque de contentieux juridique, mais possibilité de gagner, ou de pousser @total à abandonner.  »

Chargé de compagne « océans » pour Greenpeace France, François Chartier pense lui aussi qu' »au regard des menaces environnementales et au vu de la contradiction avec les objectifs de la Cop, il aurait pu y avoir une décision de pas accorder l’autorisation d’ouverture des travaux« . Cela aurait pu se faire « au nom d’arguments de fond comme au nom d’arguments juridiques sur le dossier« .

Total aurait ensuite « techniquement pu contester cette position » en justice. Mais ce « risque n’est pas forcément monstrueux » juridiquement ou financièrement, souligne M. Chartier car « personne n’a prouvé qu’il y avait du pétrole » pour l’instant dans cette zone au large de la Guyane, ce qui fait que Total n’aurait pu justifier d’un préjudice majeur.

L’avocat spécialiste du droit de l’environnement Arnaud Gossement juge lui aussi que ce « n’est pas vrai » de dire qu’il n’y avait d’autre solution que d’autoriser ce forage. « Il y a quand même une instruction » du dossier et d’ailleurs le ministre dans son second tweet « reconnaît qu’il y a une instruction et qu’il n’y a donc pas de caractère automatique à cette décision« .

« Dans le cadre d’une instruction, on peut dire +je place la barre à tel niveau en matière de protection de l’environnement et donc je refuse+. François de Rugy aurait dû tweeter +l’instruction du dossier n’a pas révélé de motif de refus+ » plutôt que laisser entendre qu’accorder cette autorisation de forage était mécanique, tranche l’avocat.

« Que se serait-il passé si l’Etat n’avait pas accordé cette autorisation de forage ? Probablement rien. Total aurait subi un préjudice. Si devant le juge, l’Etat peut démontrer que son refus est légal, que la demande de Total est contraire au droit de l’environnement, l’Etat ne commet pas de faute en refusant l’autorisation« , poursuit-il, alors que les associations estiment que cette autorisation de forage est en contradiction avec les objectifs que la France s’est fixés dans le cadre de l’accord de Paris.

Les précédents

Ces dernières années, il y a d’ailleurs eu au moins deux cas de forages reportés sine die ou abandonnés pour raisons environnementales.

1 – Interdiction judiciaire.

En mai 2016, comme le rapportait à l’époque l’AFP, le groupe pétrolier Vermilion a renoncé à son recours contre une interdiction de réaliser un forage d’exploration pétrolière à Nonville (Seine-et-Marne), la rendant ainsi définitive.

Le cas était légèrement différent, puisqu’il tournait autour de la fracturation hydraulique, seule technique disponible alors pour extraire du pétrole de schiste mais interdite en France depuis 2011.

L’entreprise Hess Oil, dont la licence avait été reprise par Vermilion, avait assuré à plusieurs reprises vouloir sonder par de simples forages conventionnels le sous-sol du bassin parisien pour rechercher des hydrocarbures non exploités, mais la commune de Seine-et-Marne qui s’opposait aux forages avait elle mis en avant que projet de forage portait « très clairement sur du pétrole de schiste ».

2 – L’option du non-renouvellement de permis a été utilisée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

En avril 2012, en pleine campagne présidentielle pour sa ré-élection, le président Nicolas Sarkozy avait annoncé son refus du renouvellement du permis exclusif de recherches « Rhône-Maritime », visant des recherches d’hydrocrarbure en Méditerranée et détenu par la société britannique Melrose Resources, un temps associée au groupe texan Noble Energy.

« Je n’accepterai pas de forages pétroliers en Méditerranée devant les Calanques. Je n’ai pas voulu d’éoliennes dans la baie du Mont-Saint-Michel, ni (d’exploitation) de gaz de schiste dans les Cévennes. Je veux protéger nos paysages, ils font partie de notre identité« , avait alors justifié Nicolas Sarkozy le 6 avril 2012 comme le rapportait l’AFP.

Le gouvernement n’avait pas répondu à la demande de renouvellement du permis et cette absence de réponse « valait rejet implicite« , avait alors détaillé le ministère de l’Energie. Une décision politique sur critères environnementaux, en somme, que les associations écologistes auraient aimé voir Nicolas Hulot utiliser en septembre 2017 pour ne pas renouveler le permis de recherche exclusif pour Total.

Depuis 2012, un contentieux juridique semble engagé, mais Melrose n’a pas pu forer en Méditerranée, une zone blanche de forages comme le montre la dernière carte en date publiée en mars 2018 par la Direction de l’Energie.

3 – Le moratoire

Visant une zone plus large que la seule aire concernée par ce permis Rhône-Maritime, Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, a annoncé en avril 2016 qu’elle appliquerait un moratoire « immédiat » sur les permis de recherches d’hydrocarbures en Méditerranée. Aucun forage n’a eu lieu dans la zone depuis comme le montre la carte précédemment citée.

Burujabetza prozesua indartzen: burujabetza feminista
Saioa Iraola, Bilgune Feminista (Ekonomia Sozial Eraldatzailea eta burujabetza(k) mintegian eman zuen hitzaldia)
www.mrafundazioa.eus/eu/artikuluak/burujabetza-prozesua-indartzeko-burujabetza-feminista

Ikuspegi feminista batetik proposatzen ari garen ikusteko erak jada aukerak eskaintzen dizkigu burujabetza bera indartzeko. Burujabetza prozesuez hitz egiteko orduan interesgarria da aztertzea zein zoruren baitan kokatuta egiten ditugun proposamenak. Gaur, orain eta hemen gure familia, etxe, lantokitan nola ari da eragiten kapitalismoa, neoliberalismoa edo patriarkatua?

Nola ari zaizkigu eragiten prekarietatea, gaixotasunak, etxe kaleratzeak, alokairuen igoerak, herrialdeen arteko mugak hilerri bilakatzeak edo justizia eza adierazten duten epaiek. Zein bizimodu ari da nagusitzen gure  jendartean? Eta beraz, zein bizitzatatik ari gara burujabetza prozesuak eraikitzen? Zein sentipen indibidual eta kolektibo dira nagusi gure jendartean? Asaldura edo indignazioa, etsipena, amorrua, tristura, ziurgabetasuna… Sentitzen ari garen guzti horrek indartzen ote du burujabetza beharrizan bat, edo ez? Zoru hori, abiapuntu hori, ez da ziurra, arrakalak ditu, eta hortik ari gara burujabetzak birpentsatzen.

Burujabetzaren indarrak metatzeko, ongi bizitzearekin eta justizia sozialarekin lotu beharra dago.
Burujabetza indartu behar da, baina burujabetzak eraiki behar ditugu: eraikitzen ari gara eta eraiki behar ditugu prozesu asko

Askotariko sektoreetan, eremuetan, burujabetzari esleitzen dizkiogun ezaugarri eta ikusmoldeak aintzat hartu eta sentitzea guzti horiekin bide komun bat egiten ari garela. Hauxe da burujabetza indartzen duen elementuetako bat.

XXI mendean, bai han eta bai hemen, aldaketa aroa bizi dugu. Alde batetik Euskal Herrian bizi dugun egoera politikoan, bakegintzan emandako urratsek indartu egiten dute burujabetza prozesua: ezberdinen artean adostasunak eraikitzeko ateak irekitzen ditu. Izan ere, desadostasunetan kontzientzia jarrita, adostasunak eraikitzeko etengabeko ariketa da burujabetza prozesua.

Beste alde batetik, ongizatearen promesa abailduz doa eta kapitalismoak gutxi batzuentzat lekua baino ez du eskaintzen gure jendartean. Gaur egun hainbat joera indartuz doaz: autoritarismoa, militarizazioa, arrazismoa, kontserbadurismoa… Guzti hauek burujabetzaren premia areagotu egiten dute, baldin eta burujabetzak lortzen baldin badu justiziarekin eta ongizatearekin bat egitea.

Ongizatea aintzat hartzen zuten instituzio horiek erortzen ari dira. Alde batetik murrizketen bitartez, herritarron oinarrizko eskubideetan atzera goaz. Bigarrenik, kapitalak bizitzaren geroz eta dimentsio gehiago merkantilizatu egiten ditu; gaur egun sabelei prezioa jartzen ari zaio. Prezioa jartzen ari gara zahartzaro duinei, prezioa gure ibai eta errekei. Gaur egun gero eta herritar gehiagok oinarrizko bizibideak eskuratzeko zailtasunak dituzte. Era berean, geroz eta eremu geografiko zabalenetara zabaltzen ari da kapitalismoa. Gaur egun Euskal Herrian zenbat erabaki baldintzatzen dira bertako politika edo instituzioetatik? Merkataritza eta inbertsio itun horiek, erabaki ahalmena espropiatzen ari zaigu herritar eta bertako instituzioei. Hirugarrenik, bizitzak sostengatzeko ardurak, beti feminizatuta egon dena, familiengan erortzen jarraitzen du, eta zehazki emakumeongan. Sektore hauek merkantilizatzen direnean, ez du jendartean dagokion aitortzarik ere. Erresidentzietako langileen baldintzak horren adibide garbia dira. Emakumeek eta kasu honetan ELAk sustatuta, eremu horiek politizatzeko pausuak eman dira, hortik ere burujabetza ariketa horiek egituratuz. Laugarrenik, orain gutxi arte prekarietatea enpleguari lotuta egon bada ere, bizitza prekarioez mintzo gara.

Gaur egun deman dagoena bizitza eta kapitalismoaren arteko gatazka. Hau horrela izanik, nondik eraikiko ditugu burujabetza prozesuak?

Lau elementu hauek, elkarren arteko talkan, herritarren bizitzak jo-puntuan daudela erakusten dute. Gaur egun deman dagoena bizitza eta kapitalismoaren arteko gatazka. Hau horrela izanik, nondik eraikiko ditugu burujabetza prozesuak?

Burujabetza feministaren lehen proposamena ildo horretatik doa. Enpleguarekin lotutako aferak beharrezkoak dira, baina ez nahikoa. Erresistentziak eta burujabetza prozesuak bizitzaren prozesu ezberdinetatik eraiki behar ditugu. Horren adibide da martxoaren 8ko greba: eremu produktiboa, erreproduktiboa eta kontsumo ohiturak aintzak hartu zirelako.

Burujabetza, berez, ez da egoera ideal bat. Euskal Herrian ezagun egin diren lemetako bat, izan zen “Euskal Herriak burujabetza behar du”.  Euskal Herria subjektu soil eta bakarra al da? Aitortza instituzional bat soilik da nahi duguna? Edo burujabetza ere lotzen dugu ongizatearekin? Bizitzatik eta bere dimentsio anitzetatik antolatu behar dugu erresistentzia.

Herritar guztiak izan gaitezke subjektu politikoak, eta eduki dezakegu eragiteko ahalmena burujabetza prozesuetan. Subjektu politikoak ez dira bakarrik instituzioetan parte hartzen dutenak, sindikatu edota talde feminista antolatuak. Neure ama, bere etxean, bere lantokian, bere auzo elkartean, herrian, subjektu edo agente bat izan daiteke.

Bizitzei eman behar diegu garrantzia eta hauek erdigunean jarri. Teorian eraikitakoa praktikan gorpuztu egin behar da, eta horixe da oro har, mugimenduok dugun erronka.

Bizitzaren espazio guztiak bilakatzen dira borroka edo erresistentziarako eremu: espazio kolektibo edo intimoak,  lantegi, etxe, gurasotasunak, maitasun harremanak… Bizitzei eman behar diegu garrantzia eta hauek erdigunean jarri. Teorian eraikitakoa praktikan gorpuztu egin behar da, eta horixe da oro har, mugimenduok dugun erronka.

Gure ustez ibilbide horretan, pausu garrantzitsu bat da bizitza aldarrikatzea baina bizitza ondo bizitzeko orduan, topatuko ditugun mugen inguruan posizio bat hartu beharra dugu. Bizitzak mugak baldin baditu, burujabetzak ere mugak izan behar ditu. Nik egunero Costa Ricatik etorritako piña bat kontsumitzen baldin badut, etxean hori telebista baditut, bi auto baldin baditugu etxean… denok ondo bizitzea posible al dugu? Mugen inguruan posizio bat hartzeak esan nahi du, erabakiak hartu behar direla. Honekin lotuta Amaia Pérez Orozcok planteatu izan du, unibertsaltasunaren ideia: denek auto bat izan dezakegu eta horrek aukera ematen du denok ondo bizitzeko?

Burujabetza indartzeko gaitasuna duen beste elementu bat, aliantzetarako ditugun espazioetan askotarikoen artean eztabaida soziala sustatzea da. Horren adibide izan da Ekainaren 2ko Iruñeko Alternatiben Herria.

Aintzat hartu behar dugu burujabetzaren ideia politikoaz gain, soziala ere badela. Horretarako, armiarma sare bat irudika dezakegu: sare horren txapela burujabetza prozesu kolektiboa da, baina sare horretan burujabetza prozesu guztiak gaude. Garrantzitsua da abian diren prozesu desberdinak ez mailakatzea. Norberak ez pentsatzea berea dela prozesu egoki bakarra. Bakoitzak bere espaziotik beste prozesuekiko begirunea landu behar da.

Burujabetzak ez dio soilik erreferentzia egiten lurraldeari edo egitura administratibo politiko subirau bat izateari. Gure gorputzetatik igarotzen da burujabetza ere. Gure gorputzetan bada urteetako memoria, eta gure gorputzak eguneroko praktika batzuk deseraiki behar ditugu. Gure gorputzen dekolonizazioa, burujabetza prozesuan egin beharreko ariketa indibidual eta kolektiboa ere bada.

Burujabetza ere bada gure harreman sexu-afektiboetan jabe izatea, gatazken konponbiderako ekinbideak martxan jartzea, elikadura burujabetza ere… burujabetza prozesuan kontuan hartu beharrekoak dira, nola ez. Horregatik esaten dugu paraleloki armiarma sare horretan joan behar dute prozesu sozialak, ekonomikoak eta politiko ugarik. Denek elkarrekin joan behar dute.

Erabakitzeko eskubidearen aldeko mugimendua martxan dago eta ezinbestekoa da. Baina neurri berean ezinbestekoa da proposamen ekonomikoak landuz joatea, eta hor fiskalitatearekin lotuta urratsak eman litezke. Eta prozesu politiko-instituzionalak ere behar ditugu.

Burujabetza horrela ulertzeak, indartu egiten du burujabetza prozesua bera: prozesu paraleloak direla, eta denak beharrezkoak direla.

Beste bi elementu garrantzitsu dira: zein herritartasun eredu sostengatu nahi dugu?  Enplegua oinarri duen sistema hau oso mugatua da gaur egun: atzerritarren legeak herritarrak mailakatu egiten ditugu, langabeziarako eskubidea mugatuta dago…. Asmatu behar dugu eskubideen titulartasun eredu berri bat. Gaur egun familia nuklearra eta norbanako autosufizientea ditugu. Bi aukera horien baitan izan zaitezke soilik eskubideen onuradun. Pixkanaka adiskidetasunaren aitorpen instituzional bat proposatu genezake.

Azkenik, burujabetza ere bada politikoaren mugak zabaldu behar dituen prozesua: herritarren boteretze prozesu bat baldin bada, boterea birpentsatzera garamatza derrigorrez. Batzuen boteretze prozesua den heinean, subjektu edo instituzio batzuren desboteretzea ere bada.  Boterea dago botere eremu publikoan dago, eremu pribatuan dago eta  eremu intimoan ere bai.

Burujabetzaren indarrak metatzeko, ongi bizitzearekin eta justizia sozialarekin lotu beharra dago.
Burujabetza indartu behar da, baina burujabetzak eraiki behar ditugu: eraikitzen ari gara eta eraiki behar ditugu prozesu asko.