Articles du Vendredi : Sélection du 8 septembre 2023

« D’ici 2100, l’été pourrait durer près de six mois »

Emmanuel Clévenot
https://reporterre.net/D-ici-2100-l-ete-pourrait-durer-pres-de-six-mois

La France est touchée par une canicule tardive. Petit à petit, l’été gagne de la place sur les autres saisons. L’hiver, lui, disparaît. De quoi constituer notre futur climatique, explique le climatologue Davide Faranda.

Le début d’année s’annonce suffocant sur les bancs d’école. Depuis le 4 septembre, une vague de chaleur tardive a balayé l’Hexagone. Vingt-et-un départements ont été placés en vigilance jaune canicule par Météo-France. Des pointes à 38 °C pourraient être observées en Nouvelle-Aquitaine.

Alors que l’été 2023 a été le quatrième le plus chaud jamais enregistré en France, les saisons sont-elles sur le point de disparaître ? À quoi pourrait ressembler l’automne d’ici quelques décennies ? Réponses de Davide Faranda, chercheur au CNRS à l’institut Pierre-Simon Laplace et spécialiste du lien entre les événements extrêmes et le changement climatique.

Reporterre — Une nouvelle canicule touche la France, en ce début septembre. Est-ce un phénomène inédit ?

Davide Faranda — Il est difficile de tirer le moindre bilan avant la fin de l’événement. Toutefois, on s’attend à des températures exceptionnelles et à une masse d’air 5 à 15 °C supérieure aux normales de saison. Si les projections se confirment, on se dirige vers une canicule d’une intensité remarquable, voire inédite pour un mois de septembre.

Deux facteurs contribuent à faire grimper le thermomètre. Une dépression sur l’Atlantique joue le rôle de tapis roulant pour l’air chaud en provenance d’Afrique. Celui-ci remonte ainsi vers l’Hexagone via la péninsule ibérique. De là, une autre dépression, située au sud de l’Italie, empêche cette masse chaude de s’échapper vers l’Europe de l’Est. Résultat : la chaleur stationne au-dessus de nos têtes.

D’un point de vue atmosphérique, ce phénomène est similaire à la canicule ayant touché la France fin août. La différence ? L’ensemble des modèles de prévision météorologique à notre disposition semble indiquer que l’épisode pourrait persister toute la semaine. Une durée là encore au caractère extraordinaire.

Le changement climatique pourrait-il dérégler le cycle des saisons, jusqu’à leur disparition ?

De nombreux travaux scientifiques ont déjà été menés dans ce sens. En 2021, dans la revue Geophysical Research Letters, l’océanographe Yuping Guan et ses collègues ont étudié l’évolution de la durée des saisons de l’hémisphère nord. Résultat : si rien n’est fait pour enrayer les émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2100, l’été pourrait s’étendre sur près de six mois, de mai à octobre.

La saison estivale est bien la seule à grignoter des jours, petit à petit. L’hiver, lui, tend à disparaître et, d’ici quatre-vingts ans, il pourrait ne durer qu’un mois. L’automne et le printemps aussi diminuent doucement.

Comment ces évolutions vont-elles se manifester en France ?

Si la Corse, comme les autres îles méditerranéennes que sont la Sardaigne ou la Sicile, pourrait un jour hériter d’un climat tropical avec une saison des pluies et une saison sèche, la France métropolitaine aura toujours l’influence du jet-stream [courant atmosphérique d’altitude]. Ce courant, dont jouissent les latitudes moyennes, transporte les perturbations de l’Atlantique vers l’Hexagone.

Toutefois, d’après les projections du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], la quantité d’émissions de gaz à effet de serre pourrait faire basculer une portion plus ou moins importante du territoire dans un climat méditerranéen. Autrement dit, celui que l’Espagne, l’Italie et même le sud de la France commencent à entrevoir.

Les transitions entre l’été et l’automne, ou encore le printemps et l’été, pourraient-elles être plus violentes, à l’avenir ?

Oui. Les saisons sont régies par la révolution de la Terre autour du Soleil, et son axe d’inclinaison. Et cela ne changera pas. Autrement dit, au sens astronomique, il y aura toujours un hiver, au cours duquel le pôle Nord sera plongé dans le noir. Grâce à cela, la planète pourra fabriquer de l’air froid chaque année.

Seulement, en descendant vers le sud, celui-ci interagira avec l’air des tropiques, de plus en plus chaud à cause du changement climatique. Les contrastes seront alors beaucoup plus marqués et produiront de l’énergie qui s’évacuera sous forme d’orages, de grêle et de pluies intenses à l’interface entre les deux courants. Un peu partout en Europe, les passages d’une saison à l’autre seront marqués par des épisodes météorologiques de plus en plus extrêmes.

Cet été rallongé, qui pourrait s’installer d’ici quelques décennies, sera-t-il aussi synonyme d’absence de précipitations ?

Cette question est complexe. Dans les projections, la France est encore une fois divisée en deux. Au sud, avec le climat méditerranéen, la quantité de précipitations ne devrait pas réellement changer. En revanche, le nombre de jours de pluie diminuera nettement, et dès qu’il pleuvra… ce sera intense.

Le nord de la France devrait, quant à lui, être davantage pluvieux qu’aujourd’hui. Sous influence de l’Atlantique, son climat pourrait devenir similaire à celui des îles britanniques. Du moins, s’il ne bascule pas dans un climat méditerranéen. Cela dépendra notamment des émissions de gaz à effet de serre. Si celles-ci se poursuivent à un rythme effréné, le centre et le nord du pays pourraient connaître le même sort que le sud.

Vous parlez toujours au conditionnel. À cause du niveau d’incertitude ?

Oui. Au-delà du facteur humain avec le réchauffement de la Terre, les modèles climatiques ne sont pas au point pour prévoir précisément les oscillations des courants-jets. Celles-ci dépendant aussi de multiples facteurs, comme l’état des océans, de la banquise arctique et de l’humidité des sols du continent.

Ici résulte tout l’intérêt de la recherche scientifique. Il faut tenter de trouver où se situera la frontière entre les deux climats… pour savoir dans lequel nous basculerons. Pourquoi ? Parce que ces nouveaux cycles saisonniers apporteront leur lot de difficultés.

S’il ne fait plus froid suffisamment longtemps en hiver, certains moustiques pourraient y échapper. Même chose pour les virus et bactéries, dont les cycles sont bien définis par les saisons. Ces perturbations pourraient ensuite se répercuter sur les humains. Sans parler de la végétation et des cultures, si les floraisons précoces sont balayées par des gels tardifs. Les pertes seraient colossales et les problèmes d’approvisionnement importants. Il faut commencer à s’adapter.

Climat : avec son « bilan mondial », l’ONU envoie un coup de semonce avant la COP28

Matthieu Goar
www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/08/climat-avec-son-bilan-mondial-l-onu-envoie-un-coup-de-semonce-avant-la-cop28_6188513_3244.html

 

Dans ce document dressant l’inventaire des mesures prises par les Etats depuis l’accord de Paris scellé en 2015, les experts internationaux estiment que « le monde n’est pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs à long terme ».

Le rapport était attendu. Son atterrissage, juste avant le début d’un automne ponctué de rendez-vous importants pour la diplomatie climatique, est millimétré. Vendredi 8 septembre, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a rendu public son Global Stocktake, ou « bilan mondial », un document important qui dresse l’inventaire des mesures prises par les Etats depuis l’accord de Paris sur le climat scellé en 2015. Et les premières lignes sont sans appel.

« Les émissions mondiales ne sont pas conformes aux trajectoires d’atténuation cohérentes avec l’objectif de température de l’accord de Paris, peut-on lire dans le rapport. Il existe une fenêtre de plus en plus étroite pour relever les ambitions et mettre en œuvre les engagements existants afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. »

Un coup de semonce de la part des Nations unies, alors que le réchauffement climatique d’origine humaine atteint déjà 1,2 °C. Et une pression politique sur les dirigeants à la veille du G20 organisé à New Delhi, en Inde, à douze jours du sommet sur l’ambition climatique organisé par l’ONU à New York, et à moins de trois mois de la 28e Conférence mondiale sur le climat (COP28). Négocié lors de la COP21, en 2015, le texte de l’accord de Paris, qui ambitionne de limiter la hausse moyenne des températures au-dessous de 2 °C, et si possible sous 1,5 °C, prévoyait ce bilan.

Depuis deux ans, les experts de la CCNUCC ont demandé aux parties signataires d’envoyer des documents précis sur les mesures mises en place. Ils ont aussi auditionné des scientifiques, des acteurs de la société civile, et se sont appuyés sur le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Leur verdict est sans appel. L’accord conclu à l’issue de la COP21 a fait bouger les lignes, mais les actions mises en place ne sont pas suffisantes. « Le monde n’est pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs à long terme », poursuit l’ONU.

Emissions de gaz à effet de serre en progression

Le cœur du rapport concerne les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la question des énergies fossiles. Selon les auteurs, qui s’appuient sur les conclusions du GIEC, les émissions devraient atteindre leur point culminant « entre 2020 et 2025 ». Sauf qu’elles sont toujours en progression : « Elles ont atteint un sommet dans les pays développés et dans certains pays en développement, mais les émissions mondiales n’ont pas encore atteint leur maximum. Toutes les parties doivent entreprendre des réductions rapides et profondes de leurs émissions de GES dans les décennies qui suivront le pic. » Le document appelle les Etats à « réduire les émissions mondiales de GES de 43 %, d’ici à 2030, et de 60 %, d’ici à 2035, par rapport aux niveaux de 2019 », seul chemin pour rester dans les clous de l’accord de Paris et atteindre la neutralité carbone en 2050.

Dans les conditions actuelles, les rédacteurs prédisent que le surplus d’émissions sera de 23,9 milliards de tonnes en 2030. Si l’on se rapporte aux émissions actuelles (40,6 milliards de tonnes de CO2 en 2022, en hausse de près de 1 % par rapport à 2021), le delta à combler est immense. Alors que la prochaine COP se tiendra à Dubaï, aux Emirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre, l’ONU remet au cœur de l’agenda la question de la sortie des énergies fossiles. Un point déterminant réclamé par une grande partie des ONG.

« Pour atteindre zéro émission nette de GES, il faut transformer les systèmes dans tous les secteurs et dans tous les contextes, notamment en augmentant les énergies renouvelables tout en éliminant progressivement tous les combustibles fossiles sans système de captage de carbone », peut-on lire dans le rapport.

Chacun des mots a été soigneusement pesé. La phrase satisfait les acteurs de la société civile qui souhaitent profiter de la localisation de la COP dans un pays du Golfe pour mettre la question du pétrole, du gaz et du charbon au centre des négociations sur le climat. Mais les termes employés sont importants.

Rédigé en anglais, le rapport évoque la fin des « unabated fossil fuels ». Le terme « unabated » peut se traduire par « sans captage de carbone ». Cela laisse donc la porte ouverte à l’usage d’énergies fossiles qui bénéficient de solutions techniques de captage. Une façon de ne pas froisser les pays producteurs.

Lors du sommet du G7 en avril, les dirigeants avaient utilisé ce mot plusieurs fois dans leur déclaration finale. « Il est très important qu’un rapport onusien évoque la sortie des énergies fossiles, même si la tournure de phrase est ambiguë, estime Marine Pouget, spécialiste des négociations internationales au sein de l’association Réseau Action Climat. Et il est fondamental que ce document soutienne clairement le développement massif des énergies renouvelables, dommage qu’il ne donne pas des objectifs chiffrés. »

Entre les lignes, ce « bilan mondial » esquisse ainsi les futurs débats de la COP28. Notamment celui sur le montant de l’aide financière accordée aux pays les plus pauvres par les pays riches. « Il est nécessaire d’intensifier rapidement la mobilisation du soutien à l’action climatique dans les pays en développement pour répondre aux besoins urgents, estiment les experts de l’ONU. Une approche systématique de réorientation des flux financiers est nécessaire pour soutenir une action climatique efficace à l’échelle et à la vitesse requises. »

« Transformer le système financier »

En juin à Paris, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial s’était clôturé avec l’annonce d’un engagement pour le climat de la part des Etats les plus riches, à hauteur de 100 milliards de dollars (93,3 milliards d’euros). En novembre 2022, lors de la COP27, les 196 pays réunis à Charm El-Cheikh (Egypte) avaient aussi décidé de créer un fonds pour les « pertes et dommages », afin d’aider financièrement les pays touchés par les dégâts irréversibles dus au dérèglement climatique.

Des chantiers sur lesquels la plupart des pays en voie de développement craignent l’enlisement. « L’ampleur des investissements requis pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris met en évidence la nécessité de transformer le système financier, ses structures et ses processus, ainsi que de maximiser l’efficacité des initiatives de coopération internationale en matière de financement climatique », souligne le « bilan mondial ». Réduction des émissions d’un côté et revendications financières de l’autre… Le grand défi de la prochaine COP sera de mener ces deux dossiers de front, alors que les pays n’ont pas les mêmes priorités.

Autre point souligné par l’ONU : la nécessité de déployer des stratégies d’adaptation aux bouleversements climatiques, alors que l’année 2023 pourrait être la plus chaude de l’histoire et qu’une série d’événements extrêmes a marqué l’été de l’hémisphère Nord. « Les impacts augmenteront pour chaque fraction de degré de réchauffement climatique. Les impacts projetés dépasseront les limites strictes de l’adaptation, principalement dans les systèmes naturels. Certains impacts seront irréversibles à mesure que les températures augmenteront au-delà de 1,5 °C », concluent les experts.

Si l’ONU donne le ton des semaines à venir, il est difficile de savoir à quel point ce rapport pèsera dans les négociations climatiques. « C’est un moment crucial où tous les pays devront montrer ce qu’ils ont déjà accompli et le “bilan mondial” est important. Il montre la bonne direction avant d’aborder un nouveau cycle », analyse Laurence Tubiana, à la tête de la Fondation européenne pour le climat et ancienne ambassadrice lors de la COP21.

De son côté, le président de la COP28 et de la compagnie pétrolière nationale émiratie, Sultan Al-Jaber, a réagi en appelant à « tripler les énergies renouvelables d’ici à 2030, à commercialiser d’autres solutions sans carbone, comme l’hydrogène, et à développer un système énergétique exempt de tout combustible fossile ». « Unabated », a-t-il pris soin, lui aussi, de préciser.

Climat : le confusionnisme d’Emmanuel Macron
Jade Lindgaard
www.mediapart.fr/journal/ecologie/050923/climat-le-confusionnisme-d-emmanuel-macron

En prétendant que « la France, c’est 1 % des émissions mondiales », Emmanuel Macron reprend un classique de la droitosphère, qui ignore que la France est le 12e plus gros pollueur historique du climat. Cette forme de révisionnisme discrédite la parole présidentielle.

C’était lundi 4 septembre, lors de son interview face au youtubeur Hugo Travers pour sa chaîne « Hugo décrypte ». En pleine plaidoirie en faveur de l’industrie aéronautique, Emmanuel Macron affirme soudain que « la France, c’est 1 % des émissions mondiales ». Il parle des rejets de CO2, le principal gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique. Et pour être sûr de bien se faire comprendre, il répète quelques minutes plus tard que « la France, c’est à peu près 1 % des émissions ».

S’il vous semble avoir déjà entendu cette phrase, vous avez bonne mémoire. Elle a été prononcée par Éric Zemmour lors de sa campagne présidentielle (« Je dis simplement que les Français… La France représente 1 % des émissions de CO»), et reprise par des chroniqueurs aimant ridiculiser les écologistes (Gaspard Proust dans le JDD, Olivier Babeau sur France 5).

Elle est un argument familier des climatosceptiques depuis le best-seller de l’ancien ministre de l’éducation Claude Allègre sur ce qu’il appelait en 2010 « l’imposture climatique ». Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, l’a reformulée légèrement (sur France Inter) : « La France est le deuxième pays le plus propre au monde et l’un de ceux qui émettent le moins de CO2. » 

Si cette affirmation est devenue un classique de la droitosphère, c’est qu’elle flatte son carbopatriotisme : la France serait parmi les meilleurs sur le climat grâce à son industrie nucléaire, qui lui permet de produire une électricité largement décarbonée.

Elle ressemble à une version environnementale de la célèbre phrase de Michel Rocard affirmant en 1989 que « nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde », actant alors la fermeture des frontières à la migration extra-européenne. Et si elle pose problème d’un point de vue climatique, c’est qu’elle est historiquement erronée et clairement confusionniste.

L’année dernière, le monde a émis 36,8 milliards de tonnes de CO2, selon l’Agence internationale de l’énergie, tandis que la France en a émis 403,8 millions, soit une baisse de 2,3 % par rapport à 2021, selon le Haut Conseil pour le climat. Cela représente un peu plus de 1 % du carbone rejeté dans le monde. Mais uniquement pour cette année-là.

Or, le CO2 reste des centaines d’années dans l’atmosphère (entre 300 et 1 000 ans, selon la Nasa). Une partie du gaz carbonique rejeté pendant la Révolution industrielle flotte toujours au-dessus de nos têtes et continue de dérégler le climat.

Ignorer cette responsabilité historique permet de gommer la notion de « dette climatique » des pays riches vis-à-vis des pays pauvres. Cela sape les bases d’une justice climatique par laquelle les sociétés qui ont le plus profité du développement et de ses effets écocidaires pourraient vouloir réparer leurs impacts.

Donc, pour évaluer la part d’un pays dans le chaos climatique, il est intellectuellement malhonnête de ne considérer que ses émissions annuelles. Si l’on regarde les émissions de CO2 cumulées entre 1850 et 2021, la France est le 12e plus gros pollueur mondial, a calculé le média spécialisé Carbon Brief. Elle se situe après l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais avant l’Australie, l’Afrique du Sud ou son voisin italien.
Elle n’est donc pas le pire pollueur historique – les États-Unis occupent cette place, loin devant la Chine puis la Russie. Mais elle n’est certainement pas la meilleure élève ni la championne du climat. Affirmer le contraire est une grave distorsion des faits. C’est une forme de révisionnisme qui discrédite la parole présidentielle. Elle l’enferme dans un techno-solutionnisme (voitures électriques, avions à hydrogène, pompes à chaleur, etc.) qui promet de vider de sa substance la planification écologique tant annoncée.

Burujabetza(k): zer lehenetsi nahi dugu?

Bizi Mugimendua
www.argia.eus/albistea/burujabetzak-zer-lehenetsi-nahi-dugu

Herribiltzak ARGIA eta Mediabask-en argitaratu berri du “Euskal Herri Burujabe: gure bizi baldintzak berreskuratuz” dokumentuari ematen dion erantzuna, Bizik dokumentu hori… 2018an argitaratu zuelarik. Herribiltzaren arabera, “Bizi mugimenduak zentzu faltsua ematen dio burujabe hitzari”. Elhuyarren euskara-frantsesa itzulpenean eta Petit Robert hiztegiaren frantsesezko definizioan oinarrituta, Herribiltzak uste du “Euskal Herria Burujaberen benetako zentzua dela Euskal Herria independente, euskal populua subirano”.

Logika hori jarraituz, 1993tik goiti Via Campesinak ezagutarazi duen “elikadura-burujabetza” kontzeptua “elikadura-independentziara” murriztuko litzateke? Zentzugabekeria aski larria izanen litzateke: populazio, Estatu edo Estatu-talde bakoitzarentzat beren elikadura ekoizteko baliabideak autonomia osoz plantan ezartzeko eskubidearen onarpenean oinarritzen da “elikadura-burujabetza”, eta hori egokienak iruditzen zaizkien laborantza-politiken bidez, eta gainontzeko herrialdeetako biztanleengan eragin negatiborik sortu gabe. “Elikadura-burujabetza” nozio hori Munduko Merkataritza Antolakundeak (MMA) sustatutako laborantza-merkatuen antolaketaren aurka agertu zen, eta, zoritxarrez, antolaketa hori estatu “independente” askok plantan ezarri zuten.

Elikadura, energia, kultura eta abarren burujabetza proiektua kolektiboki definitzen badugu, tamalgarria izanen litzateke proiektu hori gorpuzten ahalko lukeen erakunde politikorik ez sortzea

Elikadura-burujabetzaren definizio horren ildotik, gure bizien baldintza guzien determinatzaile nagusiak defendatu nahi ditu Bizik, hau da, gaur egun etxebizitzarako, berotzeko, elikatzeko, mugitzeko eta, areago, esanahi kolektiboa duen giza komunitate baten barruan pertsona gisa eraikitzeko behar dugun guzia. Gaur egun denoi eta gure ondoren egonen direnei harrera egin eta elikatzeko gai diren lurraldeak eraiki nahi ditugu. Gure bizien baldintzen berreskuratze horri burujabetza erraten diogu.

Hobe ote litzateke Bizik “bere energia burujabetza instituzionalaren alde” ezarriko balu, Herribiltzak gonbidatu bezala? Bistan denez, bizi dugun errealitatearen alderdi askotatik, kanpoko hiriburu batean botereen zentralizatzea eta kontzentratzea ez da, noski, gure bizien baldintzak defendatzeko, gure burujabetza defendatzeko irtenbiderik onena. Baina, zintzoki, ez dago arrazoirik pentsatzeko Euskal Herria bezalako lurralde ttikiagoen subiranotasun instituzionala a priori hobea izango denik. 20 urteren buruan erran ahalko ote dugu gure energia ongi erabilia izanen dugula Euskal Herriaren independentzia lortzeko gastatu badugu, Estatu berri hau paradisu fiskala baldin bada, bertan inor ez bada euskaraz mintzatzen, haren laborantza iraungaitza baldin bada eta oraindik ez baditu populazioaren laurdenaren beharrak ere asetzen, petrolioaren mende jarraitzen badu, haren kultura guziz folklorizatua bada, biztanleak hiri barneetatik erabat kanporatu dituzten turisten plazerrarentzat, etab.?

Robert hiztegiaren arabera, estatu hori subiranoa litzateke. Ez Biziren arabera. Baina horrek, bistan dena, ez du erran nahi burujabetza instituzionala guretzat egokia ez denik. Elikadura, energia, kultura eta abarren burujabetza proiektua kolektiboki definitzen badugu, behar faltsuetatik askatzean eta ingurumen-iraunkortasunean oinarriturik, tamalgarria izanen litzateke proiektu hori gorpuzten ahalko lukeen erakunde politikorik ez sortzea. Adibidez, Iparraldeko errealitate ekonomiko eta kulturalarekin bateraezina den laborantza-ereduarengandik emantzipazioaren alde diharduen Laborantza Ganbara bezalakoa.

Bizik goranzko logika bertikala lehenesten du: gure bizien baldintzen defentsan oinarritu behar dira erakunde aldarrikapenak

Bizik subiranotasunari buruz dituen ikuspuntu horiek Telesforo Monzon Fundazioak 2020an argitaratutako “Subiranismoa eta Burujabetzak” artikuluan zehazten dira. Era berean, azaltzen dugu ezen, Europan, mugimendu “subirano” deritzenek, eskuinekoek nahiz ezkerrekoek, beheranzko logika bertikal bera dutela, zeinaren arabera erabaki politikoak —eta, azken batean, biztanleei ezarriko zaizkien neurriak— burujabetza instituzionalari buruz duten ikuskeratik eratortzen baitira. Bizik, aldiz, goranzko logika bertikala lehenesten du: gure bizien baldintzen defentsan oinarritu behar dira erakunde aldarrikapenak.

Horregatik, abertzale eta ez-abertzale direnek elkarrekin Euskal Herrirako lurralde jasangarri eta bidezko proiektu bera zehaztu dezaten lanean ari da Bizi. Independentistek gehiengo soziala beren proiektu instituzionalaren atzean biltzeko aukera izan nahi badute, interes handia dute horretan laguntzeko! Baionan urriaren 7an eta 8an antolatuko den Euskal Herri Burujabe 2023 ekitaldian, Bizi taldeak 2018ko dokumentuaren bertsio eguneratua aurkeztuko du, Euskal Herri burujabe, iraunkor eta solidariorantz egiteko metamorfosi ekologiko eta soziala bizkortzeko proposamenekin. Proposamen hori helburu horiek partekatzen dituzten guzien ekarpenekin aberasteko esperantza dugu. Baionan elkar ikusiko dugu laster!