Articles du Vendredi : Sélection du 8 octobre 2010

Une action de masse pour l’écologie

Hélène Crié-Wiesner, Journaliste installée aux Etats-Unis et chroniquant régulièrement sur www.rue89.fr
Article paru dans Politis du 30.09.2010

“Leurs crises, nos solutions…”

Susan George, présidente du Conseil du Transnational institute (TNI) et présidente d’honneur d’Attac –France
Article paru dans Enbata-Alda ! du 07.10.10

Iraunkortasuna

Iñaki Antiguedad /EHUko erakaslea
Article paru dans Enbata-Alda ! du 07.10.10

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Une action de masse pour l’écologie

Hélène Crié-Wiesner, Journaliste installée aux Etats-Unis et chroniquant régulièrement sur www.rue89.fr
Article paru dans Politis du 30.09.2010

A quelques semaines des élections de mi-mandat, la gauche américaine n’a guère le moral. C’est encore bien pire au sein de la mouvance écologiste, où l’ambiance est carrément sinistre. A la limite, s’ils osaient faire abstraction des enjeux purement sociaux, les environnementalistes se ficheraient bien de la couleur politique des nouveaux élus de l’Amérique. Les écolos viennent de se prendre une claque retentissante avec l’abandon définitif du projet de loi sur l’énergie et les changements climatiques. Le candidat Obama l’avait pourtant martelé avant son élection : les Etats-Unis allaient rattraper vingt-cinq ans de honte, de déni de responsabilité face à l’effet de serre, prendre enfin leur part dans la lutte climatique planétaire urgente. Une tâche précise était assignée au Congrès : fixer un prix aux émissions, plus ou moins sur le modèle européen ; réduire la dépendance américaine vis-à-vis des combustibles fossiles, et diminuer l’empreinte carbone du pays. La loi allait passer… un jour, puisque Obama la soutenait, épaulé par Al Gore. John Kerry, et son ministre de l’Energie, un prix Nobel champion des renouvelables, et même par le syndicat des ouvriers métallurgistes, sans oublier un bon paquet d’Eglises. Attendant que le Congrès se décide Obama avait fait profil bas au sommet de Copenhague.
Mais, à la fin de l’été, le Congrès a tout mis à la poubelle. La couardise des élus démocrates des Etats charbonniers, gaziers et pétrolifères, et la propagande populiste d’une droite aux arguments antiscience t anti-élite ont provoqué l’impensable. Les écologistes, qui s’étaient écharpés pendant des mois pour savoir s’il convenait de soutenir ou, au contraire, de torpiller ce texte trop timide, trop favorable aux industriels, pas assez offensif, en sont restés paralysés de stupeur. Et maintenant ? C’est flou. Ceux qu’on pourrait qualifier de « réformistes », mais que les militants de terrain traitent « d’écolos mous », sont bien sûr en train de penser à d’autres stratégies, la principale étant d’explorer la voie réglementaire à défaut de la législative. C’est toujours l’alternative des présidents qui ne sont pas sur la même longueur d’onde que le Congrès. Et puis, il y a les révoltés, les dégoûtés de la politique. A l’instar de Bill McKibben, fondateur du réseau 350.org, ils suggèrent de ne plus perdre de temps à essayer de convaincre ceux qui ne croient pas au changement climatique : « Mettez-vous dans la tête que plus personne n’a envie de marcher sur Washington pour parler aux élus, dont les nouveaux militants se fichent absolument. »
McKibben est justement l’un des trois signataires, avec les directeurs de Greenpeace USA et du Rainforest Action Network, de l’appel lancé le 7 septembre sur le site web écolo Grist : en gros, assez de politicaillerie, passons à « l’action directe de masse ». Ils expliquent à ceux qui voudront bien se lancer dans le combat que « l’action directe a été employée autrefois pour le droit de vote, les droits civiques des Noirs, et la lutte contre la globalisation capitaliste. C’et une stratégie déjà employée par nombre d’environnementalistes, notamment ceux qui luttent contre les compagnies charbonnières des Appalaches ». Dans ces montagnes, des militants prennent depuis des années de très gros risques en affrontant les gros bras des compagnies minières. On peut par ailleurs citer les courageux fermiers dénonçant les horreurs environnementales commises par leurs collègues exploitants des usines à viande, et qui voient leurs exploitations incendiées et leurs bêtes abattues. Ou encore ce jeune homme d’Utah menacé de dix ans de prison pour avoir faussé une vente aux enchères de droits de forage sur des terres fédérales. L’appel de Grist suggère d’amplifier cette stratégie de lutte à très, très grande échelle, en espérant sans doute un effet d’entraînement, une sorte d’embrasement révolutionnaire en faveur de la planète. Que l’appel ose faire référence à la montée en puissance des droits civiques sous l’égide de Martin Luther King, c’est gonflé. Au point de découragement où en sont les écolos américains, il faut peut-être ça pour secouer les troupes.

“Leurs crises, nos solutions…”

Susan George, présidente du Conseil du Transnational institute (TNI) et présidente d’honneur d’Attac –France
Article paru dans Enbata-Alda ! du 07.10.10

L’humanité devra s’adapter aux nouvelles contraintes écologiques et sociales, et les créations d’emplois seront liées à cette adaptation.

Susan George, marraine du village Alternatiba de Bayonne, est une des personnalités les plus marquantes de l’altermondialisme. Connue pour son inlassable combat contre la dette du Tiers-monde elle est l’auteur d’une quinzaine de livres dont le dernier a pour titre “Leurs crises, nos solutions…” Voici son interview à quelques jours de la conférence qu’elle donnera le dimanche 10 octobre à 11h30 au Salon Elkar à Bayonne, dans le cadre du 10-10-10, du Village Alternatiba, organisé par Bizi! La crise est souvent présentée comme une fatalité qui doit être combattue en remettant en cause les acquis sociaux et/ou les mesures de protection écologique (voir le cas de la taxe carbone) pour ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises nécessaire au maintien des emplois. Comment définissez-vous la crise dans votre dernier livre “Leurs crises, nos solutions” ? La crise actuelle est globale. De façon concomitante nous avons avec cette crise présentée comme financière, une crise de l’accès à la nourriture et à l’eau, les conflits découlants du changement climatique, une crise de partage de richesse c’est à dire de la pauvreté et de l’inégalité…. Même si on entend souvent que la crise financière était imprévisible et liée à des erreurs incontrôlables de certains acteurs, ses causes sont bien connues. Ce sont toutes les mesures néo-libérales prises ces dernières décennies : la déréglementation, la destruction de tous les outils de régulation, le transfert de valeurs vers les plus riches, la spéculation débridée, etc. Présentées comme des solutions (afin d’assurer l’emploi, la croissance, les bienfaits de la mondialisation permettant des économies d’échelle, etc.) ces “remèdes” ne sont que les causes de cette crise globale, qui n’a plus de garde fou pour l’arrêter. Des chercheurs de la banque d’Angleterre nous disent d’ailleurs que les citoyens du monde ont payé 14 000 milliards dollars pour aider les banques… C’est comme si pendant 450 000 ans on versait un dollar à chaque seconde aux banques. Certes, quelques banques ont remboursé les gouvernements… mais après la course catastrophique aux subprimes (prêts hypothécaires à des millions de ménages américains sans capacité d’endettement) pour laquelle les Etats ont dû intervenir en pompier, ces mêmes banques s’engouffrent maintenant dans les dettes de ces Etats sur-endettées à cause de leur intervention liée aux subprimes ! Ainsi, les Etats se retrouvent maintenant dans l’obligation d’appliquer les recettes classiques, et vouées à l’échec, de réduction des services publics, des salaires, des retraites, etc. Le maintien de l’emploi à court terme semble toujours prendre le dessus sur les mesures à prendre pour lutter contre la crise écologique.Comment considérez-vous cela dans “nos solutions” ? La lutte contre le changement climatique est prioritaire ! En effet, si le réchauffement dépasse des seuils critiques on sera victime de l’emballement climatique généralisé auquel l’humanité n’aura pas le temps de s’adapter. Cette lutte représente une mine d’opportunités. C’est un vivier d’emplois demandant des compétences nouvelles. C’est une source de nouveaux projets pour l’Europe qui pourra y trouver d’énormes avantages et une certaine sécurité au niveau de l’alimentation et de la santé. De son côté la France n’a pas pris ce virage et les 38,8 milliards d’euros qui seront injectés pour 2009-2010 dans l’économie dans le cadre du “Plan de Relance” n’ont pas montré que la priorité était de valoriser l’économie verte ou durable (le développement des transports publics fluviaux ou par rail, l’adaptation des voitures aux énergies renouvelables, etc.). D’autre part, comme on sait que les chinois ne deviendront pas une nation de 1,5 milliard d’écologistes adeptes de la décroissance, il est évident qu’il faut “réduire les flux inutiles dans l’économie”. Cela veut dire “faire deux fois plus avec deux fois moins d’énergie et de matière”. Cela consiste à mieux isoler les habitations pour qu’avec deux fois moins d’énergie on puisse faire bénéficier deux fois plus de foyers ! Dans le domaine de l’automobile, cela fait 40 ans que ce concept est mis en pratique sur des prototypes entièrement recyclable. En fait, de nombreuses alternatives existent mais sont victimes de la logique des 30 dernières années. On continue à détaxer les riches, on a continué à transférer toujours plus de valeur ajoutée au capital en diminuant la part des salariés, on n’a pas investi dans l’éducation de la population. On atteint une concentration de richesses jamais vue depuis 1929 qui actuellement est symbolisée par la classe de Davos (une petite élite adepte du néolibéralisme détenant le pouvoir économique, administratif voir politique et se réunissant chaque janvier dans la station d’hiver suisse de Davos). Alors que les paradis fiscaux cachent 250 milliards d’impôts chaque année, on nous dit qu’il n’y a pas de moyens d’investir pour donner une chance à l’alternative au néo-libéralisme. La lutte contre la crise écologique est limitée car on ne cherche pas l’argent dans les profits des banques, les paradis fiscaux, les revenus les plus importants, dans la régulation des entreprises trans-nationales qui ne paient pas leur part d’impôt. Ces dernières usent et abusent des techniques permettant de déclarer des bénéfices dans les pays à la fiscalité inexistante et les pertes dans les pays imposant les entreprises. Vous participerez au Village Alternatiba de Bayonne dans le cadre de la journée mondiale 10-10-10 contre le changement climatique. Quelle importance apportez-vous à cette journée internationale et à la mobilisation locale ? Sur le plan international, on a malheureusement trop de journées mondiales. Je participe au World Food Day du 16 octobre depuis plus de 20 ans. Il faudrait que tous les jours soient les jours de la lutte contre la faim, contre le changement du climat, etc. Au niveau de la symbolique il faut ajouter le plan des politiques publiques budgétaires ! Quand vous voyez qu’en France, pour 2011, le budget environnement est en recul de 4,3%… le chemin à parcourir reste long. Au niveau local, Alternatiba, le village écologique, tracera un beau chemin vers le futur que l’on peut emprunter tous ensemble ! Pourquoi pas prolonger l’initative du 10-10-10 à Bayonne en allant vers la mise en place d’une nouvelle Ville en Transition ? Il y en a plus de 350 dans le monde ! Ce sont partout des initiatives pour que les villes en collaboration avec leurs citoyens deviennent entièrement écologiques. Les actions prennent des formes très concrètes via l’organisation des comités sur les potagers bios, la réduction de consommations inutiles, la reprise en main du contrôle de l’eau. La mobilisation comme celle d’Alternatiba est très importante pour montrer que l’alternative existe, qu’elle est à portée de main. Cette journée aussi doit servir à montrer que le fait de ne pas prendre en compte la question écologique et sociale n’est pas une erreur sur le plan moral, mais sur le plan politique et économique. Qu’on le veuille ou non, l’humanité devra s’adapter à ces nouvelles contraintes et les créations d’emploi seront liées à cette adaptation ! Mais l’expérience montre que pour que l’alternative soit mise en pratique, ce n’est pas qu’une question de “raison”…. il faut qu’il y ait un rapport de forces suffisant, que la population exige l’alternative. Cette exigence pouvant même prendre la forme de désobéissance civile. Sachons pour l’avenir créer des alliances, groupes pluriels (syndicats, mouvements sociaux, environnementalistes, éducation populaire, etc.) capable de faire gagner l’alternative !

Iraunkortasuna

Iñaki Antiguedad /EHUko erakaslea
Article paru dans Enbata-Alda ! du 07.10.10

Atzekoz aurrerako erronka

Le dimanche 10-10-10 à 11h30, dans le cadre du Village Alternatiba de Bayonne organisé par Bizi! (voir bizimugi.eu), dans le local de la Fondation MRA, Iñaki Antiguedad, professeur à l’Université du Pays Basque donnera une conférence avec traduction simultanée sur le thème “Le Pays Basque durable : les défis du XXIè siècle”
1/Asko gara hemen, hor eta han, ipar-hego eta sortalde-sartalde, mundu hau irauli nahi dugunok. Begiratzen diogun lekutik begiratuta ere (lurretik, identitatetik, kulturatik, sozialetik, politikatik, askatasun-nahitik, ekonomiatik, ingurumenetik, klimatik …) mundu hau irauli beharra sentitzen dugu, osasun hutsez. Iraultza, beraz. Izan ere, era askotako krisiak ditugu gaur gainean, krisi nagusi bakar baten adarrak, guztiak: eredua (adjektiborik gabe) bera da krisia! Hortaz, kontua ez da eredu honen krisitik NOLA atera, bestelako eredu batera NOLA sartu baizik. Pentsalari handi batena gogoan: “ezin da arazo bat konpondu arazoa sortu duen pentsaera beretik”. Honen bidean apustu baten beharra dugu sentimenduok gauzatzeko, gaurko orain iraunezin honetatik biharko gero iraunkorrera urratsez urrats, trantsizioz, iragateko. 2/Zehaztu dezagun hiztegia. Garapen iraunkorra, jasangarria, eramangarria … adjektibo gehiegi esanahi hutsala duen izen bat kualifikatzeko. Zer da garapena?. Garapena eta hazkundea kontzeptu desberdinak direla esan daiteke, are gehiago euskaraz garatu aditzak duen zentzua kontuan harturik. Baina, zoritzarrez, aurrez finkatutako kontzeptuen gizartea dugu honako hau. Beraz, gaur eta hemen antzua izan daitekeen eztabaida batean ez murgiltzeko hobe dugu bera saihestu eta beste modu batean izendatu gure erronka: iraunkortasuna. 3/Iraunkortasunak hainbat definizio izan arren, nire gustuko bat emango dut hemen, ezin xinpleagoa, ezin sakonagoa, gero nork bere lekuan lekuko eta unean uneko eranskinak gehitu diezazkion. Iraunkortasuna: mugak onartu beharra. Muga bio-fisikoak, funtsean. Mugok desberdinak izan daitezkeenez lurralde batetik bestera iraunkortasuna ulertu eta gauzatzeko modua bera ere diferentea izan daiteke; hortaz, iraunkortasuna ezin da pentsamolde bakarraren ikuspegitik begiratu. Lekuan lekuko gizarte justuak denboran zehar iraungarri izatea da helburu. Sarritan esana da iraunkortasunak 3 zutabe dituela: ingurumen bizigarria, gizarte bidezkoa eta ekonomia osasuntsua; baina laugarrena beharko luke: lurraldea, hau da, aurreko zutabeen aldeko apustua gauzatzeko har-tzen den espazio-esparrua. Hortaz, euskaldunok asko hitz egiten dugu lurraldetasunaz eta gutxi lurraldeez. 4/Iraunkortasunak bi dimentsio hartzen ditu, ezinbestean. Denbora, eragin beharreko eraldaketa batzuk epe motzekoak diren bitartean beste batzuek, sakonagoak berauek, estrukturalagoak, askoz ere denbora gehiago behar dute. Espazioa, gauzatu beharreko eraldaketa batzuk gure ingurukoak, eskualde barrukoak, kasurako, diren bitartean beste batzuek espazio zabalagoa behar dute, halabeharrez (Europa, kasurako). Ondorioz, espazio-tarte eta denbora-epe desberdinetako ekimenak iraunkortasunerantz daraman bide-orri batera bildu behar ditugu, urrats bakoitza bere kontestuan ulertu ahal izateko. 5/Lurraldez lurralde, eta Euskal Herria zehar-lerro, bide-orrira bildu beharko genituzke giza-eragileak. Horretarako bertsolari onek darabilten atzekoz aurrera filosofia hartzen dut ezinbesteko erreferente: ahozkoan azkena izango den kolpea da bertsolariak burura dakarren lehena. Hortaz, iraunkortasunezko gero hori gaurdanik hasi behar dugu irudikatzen, bere marra nagusietan bederen, eta erreferentzia hartu ere, gure gaurko helbideak biharko helburu horrek baldintzatuta egon daitezen eta ez atzotik datorren inertziak. Pentsalari batek esana da: “zentzuzkoagoa da geroaldi iraunkor batetik eginiko atze-ikuspena orainaldi iraunezin batetik eginiko aurre-ikuspena baino”. Horretan gara!