Articles du Vendredi : Sélection du 30 septembre 2011

La pollution de l’air cause 2 millions de décès chaque année

AFP
Le Monde du 26.09.11

Qu’est-ce qu’une crise capitaliste?

Santiago Alba Rico
attacmadrid.org 08.09.11

Taxe Tobin en Europe : une avancée qui vient trop tard

Attac France
ATTAC 30.09.11

Le scénario négaWatt nouveau est arrivé !

Agnès Sinaï
www.actu-environnement.com/ae/news/scenario-negawatt-economies-energie-modes-de-vie-habitat-transport-production-13669.php4 29.09.11

Les États doivent-ils s’endetter ?

Jean Gadrey
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2011/09/26/les-etats-doivent-ils-s%E2%80%99endetter/#

Monnaie complémentaire basque (2/2) Ecologique, solidaire et euskaldun, pour un Pays Basque en transition

Interview de Dante, Jon, Txetx et Pierre, pour le projet “Monnaie locale en Pays Basque”
Hebdomadaire Alda !

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La pollution de l’air cause 2 millions de décès chaque année

AFP
Le Monde du 26.09.11

Plus de 2 millions de personnes meurent chaque année dans le monde du fait de maladies causées par la pollution de l’air, selon une étude publiée lundi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Sur ces 2 millions, 1,3 million meurent suite à la pollution dans les villes, qui touche autant les pays développés que les pays en développement. En outre, indique l’OMS, 1,1 million de décès auraient pu être évités si les normes avaient été respectées. L’air pollué peut « pénétrer dans les poumons, entrer dans la circulation sanguine et provoquer des cardiopathies, des cancers du poumon, des cas d’asthme et des infections respiratoires », indique l’OMS, qui a compilé les données sur la qualité de l’air fournies par 1 100 villes dans 91 pays.

L’INDE ET LA CHINE, ZONES LES PLUS DANGEREUSES
Selon ces données, 80 des 91 pays ayant transmis des informations à l’OMS ne respectent pas les valeurs de référence de l’organisation internationale en matière de pollution de l’air.
Dans de nombreuses villes, a indiqué lundi devant la presse la docteur Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement de l’OMS, « la pollution atmosphérique atteint des niveaux dangereux pour la santé ».
Les zones les plus dangereuses sont situées dans les pays à rapide croissance, comme l’Inde et la Chine. Dans certaines villes, indique l’OMS, qui se refuse à dresser un classement des villes les plus touchées, la concentration des particules fines est jusqu’à quinze fois supérieure au seuil maximum fixé par l’OMS.
Cette pollution provient surtout de sources de combustion, comme les centrales électriques et les véhicules à moteur.
Pour la Dr Neira, si les pays « contrôlent et gèrent l’environnement correctement, nous pouvons réduire considérablement le nombre de gens qui souffrent d’affections respiratoires et cardiaques et de cancer du poumon ». « De nombreux pays sont dépourvus de réglementation sur la qualité de l’air, et lorsqu’il y en a une, les normes nationales et leur application varient considérablement », a-t-elle ajouté.

LES ENFANTS ET LES PERSONNES ÂGÉES SONT LES PLUS TOUCHÉS
Les premières causes de la pollution de l’air sont les moyens de transports, l’industrie, l’utilisation de biomasse ou de charbon dans les cuisines et pour le chauffage, ainsi que les centrales électriques au charbon.
Selon l’OMS, les effets les plus graves de la pollution de l’air s’observent chez les personnes déjà malades, les enfants et les personnes âgées.
Pour lutter contre la pollution de l’air, l’OMS recommande le développement des transports publics, la promotion de la marche et du vélo, ainsi que la construction de centrales utilisant des combustibles autres que le charbon.
La compilation de données publiée lundi par l’OMS est cependant incomplète, a relevé l’organisation internationale, car il manque les chiffres de nombreux pays, comme la Russie et certains pays africains.

Qu’est-ce qu’une crise capitaliste?

Santiago Alba Rico
attacmadrid.org 08.09.11

Voyons tout d’abord ce qui N’EST PAS une crise capitaliste.

1. Qu’il y ait 950 millions d’affamés dans le monde, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
2. Qu’il y ait 4,75 milliards de pauvres sur toute la planète, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
3. Qu’il y ait 1 milliard de chômeurs, à travers la planète, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
4. Que plus de 50% de la population active mondiale soit dans la précarité, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
5. Que 45% de la population mondiale n’ait pas accès direct à l’eau potable, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
6. Que 3 milliards de personnes n’aient pas accès aux services de soin minimum, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
7. Que 113 millions d’enfants n’aient pas accès à l’éducation et que 875 millions d’adultes soient toujours analphabètes, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
8. Que 12 millions d’enfants meurent chaque année à cause de maladies curables, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
9. Que 13 millions de personnes meurent chaque année à cause de la dégradation de l’environnement et du changement climatique, ça, ce n’est pas une crise capitaliste.
10. Que 16 306 espèces soient en voie de disparition, parmi elles le quart des mammifères, ce n’est pas une crise capitaliste.

Tout cela existait déjà avant la crise.

Mais alors, qu’est-ce qu’une crise capitaliste ?

Quand commence une crise capitaliste ?

Nousparlons de crise capitaliste, quand faire mourir de faim 950 millions de personnes, maintenir dans la pauvreté 4, 7 milliards de personnes, condamner au chômage et à la précarité 80% de la planète, laisser sans eau 45% de la population mondiale et %50 sans les services de santé, faire fondre les pôles, refuser l’aide aux enfants et en finir avec les arbres et les ours, n’est plus suffisamment rentable pour 1000 entreprises multinationales et pour 2,5 millions de millionnaires.

Taxe Tobin en Europe : une avancée qui vient trop tard

Attac France
ATTAC 30.09.11

Le président de la Commission européenne, M. Barroso, va proposer au Conseil européen un projet de directive sur la taxation des transactions financières. Il y a dix ans nous aurions crié victoire. Mais aujourd’hui c’est trop peu, trop tard.
Que tous les responsables politiques européens reprennent une proposition que nous portons depuis douze ans représente une victoire des idées d’Attac. Les modalités proposées par la Commission rejoignent sur plusieurs points nos propositions : un taux de 0,1 %, appliqué à toutes les transactions impliquant des opérateurs financiers européens, aurait indiscutablement un effet régulateur important en dissuadant les opérations les plus spéculatives, notamment le « trading à haute fréquence ». La prise en compte des transactions sur les produits dérivés, à leur valeur nominale, serait également une avancée importante, même si on peut regretter que le taux proposé ne soit alors que de 0,01 %. L’ampleur de la proposition est malheureusement limitée par l’exclusion de la taxation des transactions sur le marché des changes (entre l’euro et d’autres devises) car ce marché pèse 4 000 milliards de dollars par jour, soit près de la moitié des transactions financières dans le monde.
Des interrogations majeures subsistent sur l’utilisation des fonds récoltés. Si le produit n’est utilisé que pour combler les déficits et renflouer une nouvelle fois les banques sans contrepartie, l’efficacité sera nulle. Les dizaines de milliards d’euros que la taxe pourrait rapporter doivent alimenter des fonds européens et mondiaux pour financer la lutte contre la pauvreté en Europe et ailleurs, contre les épidémies et le réchauffement climatique, et pour amorcer la transition écologique.
Nous ne sommes pas dupes : les dirigeants européens ne se sont résolus à nous donner raison que pour mieux justifier auprès des opinions publiques le passage du rouleau compresseur de l’austérité, avec son lot de politiques injustes. Une offensive d’une virulence inédite se déroule en ce moment en Europe contre l’Etat social alors que les dettes publiques et la crise de l’euro, loin de résulter d’un excès de dépenses, proviennent de la crise financière et des cadeaux fiscaux consentis depuis vingt ans aux privilégiés. La taxe sur les transactions financières ne suffira aucunement à redistribuer les richesses à la hauteur des nécessités actuelles. Il n’est pas non plus anodin qu’elle soit annoncée au moment où se profile une recapitalisation des banques européennes par les fonds publics : il s’agit d’éviter une révolte contre ce nouveau sauvetage des banques, en donnant l’impression que la finance est elle aussi mise à contribution.
Cette taxe – et seulement en 2014 – c’est trop peu, trop tard. Trop peu car le désarmement des marchés financiers, nous l’avons toujours dit, ne peut se limiter à une taxe : il faut aussi des réglementations énergiques (démantèlement des banques « trop grosses pour faire faillite », contrôle de flux des capitaux, interdictions des transactions de gré à gré, stricte limitation des marchés de produits dérivés, surtout sur les marchés de produits alimentaires…). Trop tard, car la crise financière provoquée par trente années de laxisme prend aujourd’hui des dimensions dramatiques.
Des solutions radicales deviennent désormais incontournables, comme la socialisation du secteur bancaire et sa mise sous contrôle de la société ; l’audit des dettes publiques et la répudiation de leur part illégitime ; la réforme de la Banque centrale européenne pour qu’elle puisse financer directement les Etats… Nous avions raison sur la taxe Tobin ; souhaitons qu’il ne faille pas encore dix ans et une crise cataclysmique pour que nos propositions actuelles soient elles aussi prises au sérieux.

Le scénario négaWatt nouveau est arrivé !

Agnès Sinaï
www.actu-environnement.com/ae/news/scenario-negawatt-economies-energie-modes-de-vie-habitat-transport-production-13669.php4 29.09.11

A la différence des réponses technologiques classiques et souvent binaires (pour ou contre le nucléaire par exemple), le scénario négaWatt propose une approche par la demande plutôt que par l’offre, à travers le concept de services énergétiques.
Il ne peut pas mieux tomber, le nouveau scénario négaWatt. Pour Thierry Salomon, président de l’association éponyme et co-auteur du document, le contexte post-Fukushima est favorable :  »Après cet accident, le tabou de la sortie du nucléaire en France a été levé. Et sur ces entrefaites, l’Allemagne a décidé de sortir totalement du nucléaire. Du coup, l’interrogation sur la faisabilité devient caduque : non seulement le scénario négaWatt 2011 est faisable, mais on a beaucoup plus de marge de manœuvre ! ». Et si la sortie du nucléaire était une bonne nouvelle pour la France ? Car à travers le scénario négaWatt, c’est une nouvelle perspective sociétale qui s’exprime. En témoigne l’affluence étonnante qui entoure sa présentation publique à Paris ce 29 septembre 2011. Une rencontre qui dépasse les cercles de spécialistes et d’experts. Le scénario négaWatt, c’est un projet de société.
Remettre la question énergétique dans le bon sens
Fondée en 2001, l’association négaWatt milite pour  »remettre la question énergétique dans le bon sens en partant des usages et non des ressources : c’est de nous chauffer, de nous éclairer ou de nous déplacer dont nous avons besoin, et non de bois, d’uranium ou de pétrole ». En incarnant l’énergie dans les besoins humains, négaWatt montre que les choix énergétiques ne sont pas que technologiques ou matériels : ils sont porteurs de valeurs.
La trilogie sobriété-efficacité-renouvelables fournit une triple réponse à la question de l’avenir énergétique. Elle présente l’originalité d’être au croisement de l’éthique et de la technologie. La sobriété interroge et les besoins et agit sur les comportements, à travers des mesures simples comme la réduction de la vitesse sur les routes ou le recours au co-voiturage. Elle consiste à privilégier les usages les plus utiles et restreindre les plus extravagants. L’efficacité consiste à agir par les choix techniques afin d’optimiser la quantité d’énergie nécessaire à satisfaire un service énergétique donné. Le recours aux énergies renouvelables, enfin, vise à augmenter la part de services énergétiques alimentés par les énergies les moins polluantes et les plus localisées.
Ingrédients de la transition énergétique
Il y a d’autant plus urgence à opter pour une transition que les choix énergétiques relèvent du temps long : les infrastructures d’aujourd’hui pèseront longtemps sur les générations futures. Le CO2 libéré par la combustion des énergies fossiles pèsera sur le climat de demain, les déchets nucléaires et le démantèlement des centrales auront des coûts à long terme, et chaque goutte de pétrole consommée aujourd’hui nous rapproche de la pénurie. Le scénario négaWatt s’affirme soucieux de préserver le long terme. Fruit d’un travail collectif de plus d’une quinzaine d’experts, il réactualise le scénario antérieur (2006), qui avait inspiré certaines mesures du Grenelle, et porte sur l’horizon 2050. Il s’agit d’une approche multidimensionnelle, qui ne se résume pas à la lutte contre le changement climatique. Il y est aussi question de contraintes sur l’eau et les matières premières, d’usage des sols et de la biomasse pour l’alimentation et l’énergie.
Le modèle se fonde sur la prise en compte des besoins de services énergétiques dans trois secteurs principaux : la chaleur (chauffage des bâtiments, eau chaude sanitaire, cuisson des aliments, chaleur utilisée dans les process industriels) ; la mobilité (l’ensemble des déplacements des personnes, des matières premières et des biens) ; l’électricité spécifique (éclairage, électroménager, informatique, bureautique et moteurs électriques).
Le scénario négaWatt analyse secteur par secteur les gains attendus de l’application d’une démarche de sobriété et d’efficacité. Les économies les plus importantes sont trouvées dans le bâtiment (résidentiel + tertiaire) : avec plus de 600 TWh d’économie en 2050 par rapport à une évolution tendancielle, il connaît une réduction de 63 % par rapport à 2010 (année de référence du scénario nW). Et ce malgré le contexte démographique projeté par l’INSEE et que le scénario nW prend en compte : 72,3 millions d’habitants en France en 2050, soit 7 millions de personnes supplémentaires dont les besoins seront à satisfaire.
2,2 fois moins d’énergie en 2050
Dans les transports, le scénario nW prévoit une évolution des besoins de mobilité sous l’effet des politiques d’aménagement du territoire et de nouvelles pratiques sociales : généralisation des transports doux et des transports en commun, densification des espaces urbains, revitalisation des campagnes, télétravail, covoiturage, le scénario prévoit un gain d’environ 25% de kilomètres parcourus par personne en une année. Une meilleure efficacité des moteurs permet d’en diminuer la consommation unitaire de 55% d’ici à 2050. Quant au véhicule électrique, sa généralisation poserait d’importants problèmes de réseau électrique et de matières premières, il faut donc le réserver aux trajets courts en milieu urbain.
Dans le secteur industriel, le scénario prévoit une baisse de 10 % à 70 % sur les besoins en matériaux grâce à l’instauration de principes de «réparabilité» ou «recyclabilité» et intègre un gain moyen de 35% pour les moteurs électriques. Les énergies renouvelables dans ce secteur couvriront 30 % des besoins de chaleur basse température d’ici à 2050. L’agroalimentaire ne sera pas en reste et laissera plus de place à la biomasse et moins à la production de viande et d’élevage, dans un souci de rééquilibrage des surfaces disponibles et de souveraineté alimentaire.
Nouvelle gouvernance
Au final, les Français ne consommeront pas moins, mais mieux, soulignent les promoteurs du scénario nW 2011. Et les gains en énergie seront considérables : 54 % sur la chaleur, 59 % sur la mobilité, et 40% sur l’électricité spécifique. Il faudra donc fournir 2,2 fois moins d’énergie en 2050 que dans un scénario tendanciel. En conséquence, les besoins restants seront couverts à 90 % par les énergies renouvelables. Priorité à l’éolien avec une multiplication par 3,5 de la puissance installée d’ici à 2020 puis encore par 2 d’ici 2050 avec 17 500 machines installées en offshore en priorité. Quant au photovoltaïque, il pourra atteindre à terme 90 TWh par an, si une politique volontariste est instaurée. Au total, l’ensemble des filières renouvelables pourront fournir jusqu’à 990 TWh en 2050, sur un total de 1100 TWh de besoins en énergies primaires, soit 90 % des besoins. Infrastructures et réseaux devront être adaptés à cette grande mutation, avec des procédés de stockage innovants, comme la méthanation par électrolyse d’hydrogène combiné à du CO2, une nouveauté de ce scénario. Le tout permettra de se passer de nucléaire : le scénario prévoit l’arrêt du dernier réacteur du parc en 2033. Le recours temporaire à des centrales au gaz est proposé comme solution de transition, dans la limite de 70 TWh par an.
Pour changer la donne, la gouvernance de l’énergie devra aussi évoluer, souligne en conclusion le document de présentation. Principe constitutionnel d’accès à une source d’énergie sûre et à un prix acceptable, loi d’orientation pour la transition énergétique et Haute Autorité indépendante de l’énergie, du climat et de l’environnement forment les trois piliers de cette nouvelle gouvernance. Trois chantiers seront alors prioritaires : rendre le pouvoir aux territoires pour une gestion locale et citoyenne de l’énergie, faire de la transition énergétique l’affaire de tous, et repenser l’urbanisme, à la recherche d’un  »mieux vivre ensemble ».
Télécharger le rapport ici : www.negawatt.org/telechargement/SnW11//SnW20110929.pdf

Les États doivent-ils s’endetter ?

Jean Gadrey
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2011/09/26/les-etats-doivent-ils-s%E2%80%99endetter/#

Ce texte a été publié par Politis le 22 septembre. Je l’ai complété par deux ajouts. On en retrouvera également des passages dans un article du «Sarkophage» du 17 septembre intitulé «La dette et les agences de notation».
L’idée de l’illégitimité des dettes publiques et d’audits citoyens progresse. Une dette qui provient 1) des cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, 2) de la soumission à des «marchés» constitués en fait des gros spéculateurs de la planète, 3) de la crise financière provoquée par ces derniers et 4) de la privatisation d’un bien commun (la monnaie, le crédit), est illégitime, en totalité ou en partie.
Mais une autre question se pose. Elle concerne la légitimité du principe de l’endettement public comme nécessité permanente. Cela mérite aussi discussion. Il y a certes besoin d’investissements publics importants pour surmonter la crise écologique et sociale, mais aussi de dépenses pour l’enseignement, la santé, etc. Faut-il pour cela que l’État s’endette constamment ?
Une explication de la crise doit être ajoutée aux précédentes : le culte de la croissance et ses ingrédients : productivisme, consumérisme, crédit. Les dettes publiques et les dettes privées constituent des vases communicants, et c’est le plus souvent au nom de la croissance que l’endettement (public et privé) et les réductions d’impôts ont été justifiées. Le libéral-croissancisme, qui fait des ravages écologiques et humains, pousse aussi à l’endettement public et privé avec cette double idée, de plus en plus nocive : 1) les crédits et réductions d’impôts d’aujourd’hui confortent la croissance de demain en « relançant » l’économie, et 2) les emprunts d’aujourd’hui seront aisément remboursés demain si la croissance est au rendez-vous. On voit où nous mène cette fuite en avant.
Il ne suffit donc pas de désarmer les marchés, même si à court terme c’est l’urgence absolue. Il faut aussi évaluer la légitimité des dépenses publiques, dont une partie est socialement et écologiquement inutile ou nuisible, impulsée par des lobbies d’affaires et par la concurrence destructrice entre pays ou territoires : dépenses de prestige, dépenses militaires, certains grands équipements et infrastructures, grands stades, aéroports, «pôles d’excellence», jeux olympiques/publicitaires et autres symboles de la mégamachine lucrative et concurrentielle du «toujours plus vite, plus loin, plus grand».
Dernier exemple : Nicolas Sarkozy inaugure une nouvelle ligne TGV et cherche à vendre à l’étranger ce fleuron national. Qui se pose la question de l’utilité sociale et écologique de l’extension indéfinie du TGV (jusqu’à Nice, Turin, etc.) alors qu’il ne concerne que 10 % des usagers du train et qu’on sacrifie les autres 90 % ainsi que le fret ? Qui explique qu’il s’agit d’un gouffre financier ? La dette de RFF (réseau ferré de France) est de 30 milliards d’euros et probablement 40 dans dix ans ! Qui discerne, derrière le tout TGV, les lobbies à l’œuvre, nucléaire en tête, banques et entreprises de construction, mais aussi certains élus et CCI («le TGV devant chez moi»). Il nous faut (aussi) des audits citoyens sur ces questions pour que les dépenses publiques soient réorientées vers l’utilité sociale durable.
Il n’y a aucun besoin de croissance pour régler la crise des dettes publiques. Il faut à court et moyen terme, dans un pays économiquement très riche, prendre les ressources là où elles se trouvent après des décennies d’accaparement par les plus riches et par les entreprises qu’ils contrôlent.
80 à 100 milliards d’euros peuvent être dégagés par an, sans croissance. La grande condition est donc une forte réduction des inégalités, ce qui suppose de désarmer la finance qui les a creusées. Il n’y avait pas de déficit public au cours des « Trente Glorieuses » !

Paragraphe ajouté à l’article de Politis
La référence précédente aux « Trente Glorieuses » renvoie à deux arguments. D’abord, cette allusion veut au moins dire que ceux qui pensent que sans endettement PUBLIC permanent il n’y a pas de “développement économique” devraient réfléchir à cette période où la croissance n’a jamais été aussi forte (bien trop forte sur le plan du dépassement des seuils écologiques…) sans déficit public. Deuxième argument : l’endettement public permanent n’avait aucune nécessité à l’époque, y compris en termes de croissance, pour de très nombreuses raisons, qui renvoient toutes à la différence entre le capitalisme managérial fordiste à forte présence publique et à faible pouvoir actionnarial et le capitalisme financier ou néolibéral : banques publiques, secteur productif public, pouvoir insignifiant des marchés financiers, inégalités en baisse, impôts progressifs, gains salariaux plus ou moins en phase avec les gains de productivité, planification, etc. C’est le néolibéralisme qui a promu la dette (publique et privée) comme outil «nécessaire à la croissance». L’endettement public permanent est une invention néolibérale et un puissant outil de domination des peuples par la finance (voir le dernier paragraphe).
A plus long terme, mais il faut déjà engager la transition, une société post-croissance, débarrassée de la logique de l’avidité consumériste et du productivisme, n’aurait probablement qu’un faible besoin d’endettement des ménages et des entreprises, et encore moins des États, pour assurer le bien vivre de tous. À l’opposé de toute «règle d’or» des techno-économistes, il appartient aux délibérations citoyennes d’évaluer les besoins légitimes de crédit «coopératif» et les instruments appropriés dans une perspective d’égalité et de sobriété librement choisies.

Ajout à l’article de Politis
Même s’il faut distinguer des dettes modérées, acceptables voire souhaitables (en fonction de larges délibérations, et pas sur des critères de techno-économistes) et d’autres qui constituent des risques, il ne faut pas oublier que la dette, publique ou privée, est depuis des décennies un puissant instrument de domination des prêteurs sur les emprunteurs et donc de renforcement du pouvoir de la finance.
C’est vrai pour les ménages : Alan Greenspan déclarait, avant la crise actuelle, que la propriété individuelle de leurs logements [via le crédit] était le plus sûr moyen d’attacher les Américains au capitalisme. Il n’avait pas tort à bien des égards, à condition de comprendre «attacher» par «enchaîner» et «enrôler». Et dans le numéro de Politis où ce texte a été publié, l’écrivain François Cusset livre un excellent texte intitulé «Je suis un peu en DT (détresse totale)», avec cette phrase choc : «Toute cette histoire de dette est la ruse géniale de la raison néolibérale pour gouverner nos conduites».
Mais c’est vrai aussi pour les États. L’endettement organisé des pays du Sud a constitué, comme le montre inlassablement le CADTM (voir son site http://www.cadtm.org/), l’outil privilégié de leur asservissement économique et de la surexploitation de leurs ressources dans la période «post-coloniale».

Monnaie complémentaire basque (2/2) Ecologique, solidaire et euskaldun, pour un Pays Basque en transition

Interview de Dante, Jon, Txetx et Pierre, pour le projet “Monnaie locale en Pays Basque”
Hebdomadaire Alda !

Les monnaies locales, écologiques et solidaires sont des initiatives qui existent à travers le monde et qui dynamisent localement une économie, en misant sur la coopération et l’intérêt général et non sur la rivalité et l’individualisme. Ces monnaies ne sont pas soutenues par un gouvernement national mais mises en places par une association ou une municipalité pour promouvoir les échanges locaux de biens et services. Alda! a déjà publié le témoignage de Françoise Lenoble, une des fondatrices de l’Abeille, la monnaie locale de Villeneuve-sur-Lot (47) fonctionnant sur un territoire de 120 000 habitants. Cette semaine nous donnons la parole à 4 militants du Pays Basque qui font partie du groupe moteur qui compte mettre en marche le projet d’une monnaie locale en Pays Basque.
Suite et fin de l’interview de Dante, Jon, Txetx et Pierre, des militants impliqués dans la mise en marche du projet d’une monnaie locale en Pays Basque.
Comment cet outil pourra-t-il dynamiser l’usage de l’euskara ?

Txetx : “Pour les instigateurs du projet il est clair que :

*La monnaie locale sera lancée au départ sur le territoire d’Iparralde mais avec comme objectif de se développer sur l’ensemble d’Euskal Herria.

*3 lignes permanentes seront intégrées dans le Cahier des charges : le social, l’écologique et la promotion de la présence et de l’usage de l’euskara !

*Le cahier des charges aura un caractère évolutif : au fur et à mesure que la monnaie prendra de l’importance, il deviendra plus volontariste. Plus les entreprises auront de bénéfices à utiliser la monnaie (car les “consommacteurs” l’utilisant seront plus nombreux), plus le cahier des charges sera exigeant sur le plan social, écologique et linguistique.”

Dante : “Les mesures liées à la promotion de l’euskara pourront être perçues comme un obstacle pour certains, qui sont non bascophones. Mais ces exigences auront un caractère évolutif : on pourra commencer par exiger la présence d’une présentation des produits en euskara… pour aller plus loin dans les étapes suivantes, avec de petites séances de formation. Comme la présence et le maintien de la bio diversité est une caractéristique du combat écologique… c’est naturellement que la préservation de la diversité des langues sera acceptée. La promotion de la présence et de l’usage de l’euskara sera faite de façon évolutive : chacun commencera à son niveau. Le but étant de faire en sorte que ceux qui apprennent et veulent parler le basque puissent plus facilement pratiquer cette langue. En effet, l’usage limité de la langue basque en public fait que les apprenants se démotivent… La monnaie locale pourra donner une information sur le niveau de l’euskara chez les professionnels participant au réseau. C’est important pour les personnes qui ont leurs enfants dans les écoles immersives comme les ikastola : ils pourront plus facilement leur montrer que l’euskara n’est pas une langue privée… mais publique !”

Pierre : ”La création d’un réseau écologique et solidaire sera renforcée par la langue liée au territoire ! Les différents acteurs seront motivés pour faire vivre de plus en plus l’euskara (à l’écrit, à l’oral, etc.) car cela leur permettra de faire apparaître leur nom sur la liste des membres du réseau qui sera diffusée à tous les adhérents.” Jon : “Cela ne signifie pas que tous les usagers de la monnaie locale devront être bascophones. Mais que ses acteurs devront être capables de faire un effort. Pour la langue, bilinguiser le service à l’écrit et à l’oral, par exemple. Mais c’est aussi vrai pour les autres aspects de la monnaie, la relocalisation de ses fournisseurs, ce n’est pas forcément facile non plus. Pour les consommateurs non plus, d’ailleurs. Ce n’est pas toujours plus simple de consommer mieux : au lieu de faire toutes ses courses dans un supermarché, cela implique de s’approvisionner dans différents petits commerces. Mais c’est précisément parce qu’il est difficile de changer ses habitudes que la monnaie locale peut être un fil conducteur et une manière de créer des synergies avec toutes les bonnes volontés. L’enjeu d’une monnaie locale, c’est justement de donner un autre sens à notre économie”

Quels seront les avantages pour les différents acteurs de la monnaie locale ?

Txetx :“La monnaie locale complémentaire permet l’appropriation du pouvoir par les utilisateurs. *Alors que la mondialisation met en concurrence des travailleurs du monde entier… Quand il s’agit d’arracher les 35 heures, le respect de l’environnement, etc. la menace de la délocalisation vers des pays avec moins de contraintes est immédiatement brandie à cause du «risque de perte de compétitivité». Plutôt que de faire grève les travailleurs vont de renoncement en renoncement et perdent ainsi du pouvoir. Via la relocalisation, la monnaie locale tire vers le haut car elle nous permet d’exiger de la part d’entreprises certaines normes pour qu’elles bénéficient de notre pouvoir d’achat. *La monnaie basque c’est l’affirmation positive par des gestes du quotidien de l’attachement à un territoire et à un outil de transition en vue de phénomènes inéluctables de relocalisation liés au pic pétrolier et au réchauffement climatique qui feront qu’on ne pourra plus consommer un yaourt qui aura fait des milliers de kilomètres. La monnaie locale permet aux utilisateurs de se préparer petit à petit à cette nouvelle réalité qui par la force des choses (explosion du prix du pétrole, changement climatique, etc.) nous sera imposée.“

Jon : “Les ressources naturelles s’épuisent, le modèle de production et de consommation doit aussi prendre cela en compte. Un des risques, c’est qu’une partie de la population puisse toujours continuer à vivre dans l’abondance, et que la grande majorité soit mise à l’écart et subisse toutes les restrictions. Via la monnaie locale, il existera un contrôle populaire et démocratique de l’économie, qui permettra une dynamisation de la démocratie pour faire face à la crise écologique et donnera aux gens l’occasion de se réapproprier le pouvoir de décision.”

Dante : “Ce n’est pas un outil protectionniste : il n’est pas à la place de l’euro ni contre l’euro, mais complémentaire à l’euro et en faveur de l’économie locale et écologique. Concrètement, j’échange 100€ en 100 unités de monnaie locale. J’ai une liste (imprimée ou sur internet) de commerçants jouant le jeu. Et au lieu d’acheter en euros, j’achète en monnaie locale. Au lieu d’acheter mon pain dans les grandes surfaces, je l’achète plus tard dans la boulangerie de quartier. C’est le début du basculement qui permettra d’avoir des effets petit à petit. Comme exemple de monnaie complémentaire on peut utiliser les chèques restaurant… Donc les prochains utilisateurs de la monnaie complémentaire basque peuvent être rassurés. Même la perte de 1 ou 2% (liée aux frais de gestion) est compensée par l’arrivée de nouveaux clients, et cela ne coûte pas plus cher que les frais pour les paiements avec une carte bleue.”

Pierre : “En effet, toutes les expériences de monnaie locale ont montré des flux positifs chez les commerçants qui bénéficieront ici via l’adhésion au cahier des charges d’un gage de qualité qui comme ailleurs devrait aboutir à une hausse de fréquentation de +5 à 10% de la clientèle. Le réseau apportera pour un coût somme toute dérisoire de nouveaux clients alors que normalement il faut investir dans des campagnes (publicité, etc.) beaucoup plus onéreuses !”