Articles du Vendredi : Sélection du 30 juin 2023

« Acter l’urgence, engager les moyens »
Haut Conseil pour le Climat
www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2023-acter-lurgence-engager-les-moyens

Le changement climatique dû à l’influence humaine a entraîné des impacts graves en France en 2022 pour les personnes, les activités économiques, les infrastructures et les écosystèmes. Ces impacts ont nécessité des mesures d’urgence d’un niveau exceptionnel, excédant la capacité de prévention des risques et de gestion de crises actuelle. Les années extrêmes de ce type deviennent de plus en plus fréquentes, et vont encore s’intensifier tant qu’un renforcement de l’action climatique en France et au niveau mondial ne sera pas effectif.

En France, le cadre d’action des politiques publiques pour le climat se construit, mobilisant les parties prenantes, mais sans pour l’heure être accompagné d’une politique économique d’ampleur à même de déclencher l’accélération nécessaire à l’atteinte des objectifs climatiques de 2030 dans la perspective de la neutralité carbone. La baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France se poursuit en 2022, mais à un rythme qui demeure insuffisant pour atteindre les objectifs de 2030. Le deuxième budget carbone est en voie d’être dépassé sur la période 2019-2022 lorsque la faible absorption par les puits de carbone est prise en compte. Malgré les nombreuses mesures structurelles mises en œuvre dans l’ensemble des secteurs émetteurs, les rythmes de décarbonation constatés et les indicateurs analysés soulignent de nombreux blocages.

Au niveau mondial, les multiples politiques et engagements actuels commencent à faire infléchir la trajectoire d’émissions mais ne suffisent pas à l’atteinte des objectifs climatiques. L’adoption de la réglementation du paquet « Fit for 55 » de l’Union européenne vient structurer l’action de l’Europe et en France. Malgré ces avancées positives, le rythme d’évolution des dispositifs opérationnels est difficilement compatible avec l’atteinte des objectifs 2030, dans 7 ans.

Des actions correctrices rapides et en profondeur sont nécessaires pour réaliser, au rythme attendu, les transformations structurelles nécessaires. La France doit systématiser l’opérationnalisation de toutes les composantes de son cadre d’action stratégique climatique. Elle doit transformer sa politique économique, y compris budgétaire, fiscale, commerciale, industrielle, et de l’emploi, mobiliser les ressources et les financements nécessaires, soutenir les plus vulnérables dans un esprit de transition juste, tout en évitant la maladaptation. Son action doit contribuer à soutenir l’effort européen tout en relançant la dynamique internationale en amont de la COP28.

L’année 2022, emblématique de l’intensification des effets du changement climatique, illustre la nécessité d’acter l’urgence et d’engager les moyens nécessaires au rehaussement de l’action publique en matière d’adaptation transformationnelle et de décarbonation accélérée, en France et dans le monde.

A propos du Haut conseil pour le climat

Le Haut conseil pour le climat a été installé le 27 novembre 2018 et est inscrit dans la loi n°2019- 1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. C’est un organisme indépendant, chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat, d’émettre des avis et recommandations indépendants et objectifs sur l’action climatique du gouvernement, et d’éclairer les débats de manière neutre, dans une perspective de long-terme en tenant compte du contexte global. Il est actuellement présidé par la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré et composé de treize membres, désignés pour cinq ans et choisis pour leur expertise scientifique, technique et économique dans le domaine du climat.

Habiter frugal !
Elise DILET
www.enbata.info/articles/habiter-frugal

Bien loger les gens tout en minimisant l’empreinte carbone et écologique de leur territoire est une équation complexe à résoudre. Focus sur une initiative originale visant à le permettre.

Habiter autrement nos territoires

Le terme frugal a une belle signification. Il vient du latin « frugalis » « qui rapporte », lui-même issu de « frux » signifiant semence. S’il est synonyme de sobre, c’est une sobriété des fruits de la terre, une sobriété qui comble les besoins essentiels avec simplicité et préserve l’avenir…

C’est ce terme de frugalité qui a été choisi par le groupe de professionnels de l’urbanisme et du bâtiment qui a lancé le « mouvement pour une frugalité heureuse et créative dans l’architecture et le ménagement du territoire » et un manifeste associé signé déjà par plus de 15.000 personnes. www.frugalite.org. Ce texte indique notamment que « les professionnels du bâtiment et de l’aménagement du territoire ne peuvent se soustraire à leur responsabilité. Leurs domaines d’action émettent au moins 40% des gaz à effet de serre pour les bâtiments, et bien plus avec les déplacements induits par les choix urbanistiques, telle la forte préférence pour la construction neuve, plutôt que la réhabilitation. Ces choix suppriment, tous les dix ans, l’équivalent de la surface d’un département en terres agricoles. L’engagement collectif et individuel s’impose. »

Il engage à aller vers la frugalité en énergie, en matière, en technicité, à avoir un usage prudent des ressources épuisables, à oeuvrer à la préservation des diversités biologiques et culturelles pour une planète meilleure à vivre.

La frugalité vise à prendre soin et à réparer la ville existante, le « déjà-là » et ainsi, à ré-enchanter l’espace dans lequel nous vivons. Pour ce faire, il propose comme réponse le bâtiment frugal et le territoire frugal – urbain ou rural.

Une charte du bâtiment frugal Sud-aquitain

Par définition, un bâtiment frugal est lié à un territoire, il est adapté au contexte géographique et climatique, aux ressources locales, à la situation économique et sociale, au savoir-faire local et à l’activité culturelle.

En Pays Basque Nord, le secteur résidentiel, premier consommateur énergétique du territoire (38%) est responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre, deux indicateurs parmi d’autres révélant l’importance de l’impact écologique de l’habitat sur notre territoire. Dans le contexte de crise de l’habitat que l’on connaît, notre paysage hérissé de grues et d’échafaudages, les tensions sur l’usage des terres, les épisodes climatiques extrêmes, tout montre à quel point il est urgent d’avoir une réflexion globale, cohérente et poussée dans les secteurs du bâtiment et de l’urbanisme, et d’en sortir des outils pratiques. Le groupe Habitat de Bizi! et le Mouvement de la frugalité se sont associés pour monter un groupe de travail constitué de professionnels du territoire (architecte, ingénieur, entrepreneur, assistant à maîtrise d’ouvrage). De leur travail est sorti un outil intitulé « charte du bâtiment frugal Sud-aquitain ». Ce document destiné aux professionnels de l’urbanisme et du bâtiment, aux décideurs et à toute personne s’intéressant au sujet, reprend les caractéristiques des différents territoires, Landes, Pays Basque Nord et Béarn, à différents niveaux : géographique, climatique, économique, social, historique, culturel… Il propose ensuite des pistes concrètes pour, en rénovation, réhabilitation ou construction (la construction de bâtiments neufs ainsi que la démolition devant devenir l’exception et non la règle), doter le territoire de bâtiments de qualité répondant aux besoins et aux aspirations des habitants. Ceux-ci devront être économes en ressources (foncier, énergie, matériaux, eau…) et en carbone et permettre de bien vivre ensemble et de préserver les milieux naturels.

Des choix politiques à faire

Cette charte qui va être largement diffusée va être un outil précieux… pour ceux et celles qui pourront et voudront bien s’en saisir. Car il y a une donnée importante à prendre en compte. Tant que les externalités négatives ne seront pas intégrées aux coûts de l’habitat (comme la destruction des écosystèmes liée à l’artificialisation), tant que la réglementation ne sera pas à la hauteur des enjeux écologiques, tant que les filières de matériaux écologiques ne seront pas encouragées, il reste beaucoup plus cher de rénover ou réhabiliter que de construire du neuf jetable. Il est également difficile de trouver suffisamment de professionnels bien formés. Agir pour un habitat et une ville adaptés au climat de demain et qui cesse de participer à son dérèglement ne doit pas être un choix individuel engagé et coûteux, mais un projet de société pour notre territoire.

Dominique Méda : « Il est naïf de penser que les travaux des climatologues vont déclencher les décisions politiques qui s’imposent »
Dominique Méda (professeure de sociologie, directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (université Paris Dauphine-PSL))
www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/24/dominique-meda-il-est-naif-de-penser-que-les-travaux-des-climatologues-vont-declencher-les-decisions-politiques-qui-s-imposent_6179011_3232.html

Les conclusions des scientifiques sur le climat sont plus ou moins admises mais ne sont pas suivies d’effet, regrette la sociologue dans sa chronique.

Pourquoi les gouvernements réagissent-ils si peu alors que les preuves scientifiques de l’existence d’un dysfonctionnement majeur du système Terre s’accumulent ? Le 31 mai, la revue Nature a publié les résultats d’une étude (« A just world on a safe planet : First study quantifying Earth System Boundaries », Potsdam Institute for Climate Impact Research, PIK) élaborée par une commission scientifique internationale, réunissant plus de quarante chercheurs du monde entier, qui alertait dans des termes très inquiétants : « L’homme prend des risques colossaux pour l’avenir de la civilisation et de tout ce qui vit sur Terre. »

Et pourtant, en France, au lendemain de la publication de l’important rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur « Les incidences économiques de l’action pour le climat », dans lequel sont notamment proposées deux mesures permettant de financer les investissements nécessaires à la transition écologique – endettement et impôt exceptionnel sur les plus aisés –, plusieurs ministres étaient dépêchés dans les médias pour indiquer que ni l’une ni l’autre n’étaient envisageables.

Les autres Etats ne font pas mieux, pas plus que les instances internationales : « La réponse collective du monde face au réchauffement climatique est pitoyable », a dénoncé le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le 15 juin lors d’une conférence de presse. Comment expliquer un tel aveuglement ?

Des résistance à la science, moins frontales et plus subtiles

Doit-on incriminer les résistances à la science ? Le climatoscepticisme est loin d’avoir disparu, dans notre pays comme ailleurs. On trouve encore – diffusées certes plus discrètement qu’auparavant mais de manière tout aussi affirmée – des expressions publiques défendant les idées suivantes : le réchauffement actuel est un phénomène naturel qui n’a rien à voir avec l’activité humaine ; les affirmations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont des mensonges issus des manipulations des démocrates américains ; les politiques découlant des travaux du GIEC seraient dramatiques parce qu’elles anéantiraient nos industries et nos emplois. Peu de gouvernements se risquent néanmoins à adopter officiellement ces allégations.

Il existe cependant d’autres formes de résistance à la science, moins frontales et plus subtiles, auxquelles les gouvernements peuvent prêter une oreille plus attentive et que les scientifiques eux-mêmes peuvent alimenter.

On pense ici aux stratégies des lobbyistes dévoilées par Naomi Oreskes et Erik Conway dans Les Marchands de doute (Le Pommier, 2012) et par les travaux de sciences sociales consacrés à l’agnotologie, c’est-à-dire à la manière dont l’ignorance peut être produite à des fins de manipulation (voir par exemple Les Gardiens de la raison, Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, La Découverte, 2020).

 

 

Certains économistes eux-mêmes ont alimenté la procrastination des gouvernants en s’intéressant exclusivement au coût en points du produit intérieur brut d’un réchauffement de plusieurs degrés et en produisant ainsi une science « hors-sol », au sens propre du terme, comme le dénonce par exemple l’économiste Steve Keen (« What economists get wrong about climate change », 9 novembre 2021)

Construire des alternatives

Le dysfonctionnement entre science et politique peut aussi s’expliquer par l’absence de familiarité des dirigeants avec la méthode, le raisonnement et les résultats scientifiques, mais aussi avec les savants eux-mêmes. Nos dirigeants n’ont pour la plupart pas eu de formation scientifique, et aucune instance ne leur permet de bénéficier d’une communication régulière et éclairante des résultats des travaux scientifiques.

Mais il est naïf de penser que les travaux des climatologues vont déclencher les décisions politiques qui s’imposent. Dans leur ouvrage Gouverner le climat. Vingt ans de négociations internationales (Les Presses de Science Po, 2015), Amy Dahan et Stephan Aykut ont montré que le consensus scientifique ne suffisait pas à engendrer des décisions politiques significatives. Les gouvernements et le public doivent s’approprier les résultats scientifiques.

Pour y parvenir, de nombreuses médiations sont nécessaires, de même qu’un autre type d’expertise, visant non plus seulement à alerter, mais à définir des trajectoires et à évaluer le respect de celles-ci.

Nous manquons cruellement d’enceintes où cette appropriation et la coconstruction de politiques concrètes, soutenues par des scénarios précis, pourraient être organisées. La convention citoyenne pour le climat a joué ce rôle, mais la réaction du gouvernement a mis un terme, au niveau national, à ce genre de processus pourtant essentiel.

C’est donc désormais ailleurs que semblent se construire ces alternatives au modèle actuel de développement produites par de nouvelles configurations d’acteurs mêlant scientifiques et politiques : dans les cercles de réflexion, les associations et les ONG, mais surtout dans les villes. Paris vient ainsi d’adopter un ambitieux projet de Plan local d’urbanisme bioclimatique. Il prévoit notamment que les règles d’examen des demandes de permis de construire soient modifiées, de manière que des exigences environnementales s’appliquent à l’ensemble des projets du territoire. Les nouveaux projets devront respecter les objectifs quantifiés fixés en matière de biodiversité, de performance énergétique et de mixité sociale.

De même, la ville de Lyon, lauréate du programme « 100 villes climatiquement neutres » de la Commission européenne, a lancé une démarche construite avec les acteurs du territoire, destinée à fédérer les initiatives climatiques locales. Elle s’apprête à engager les investissements exigés par les nécessaires transformations. L’Etat gagnerait à s’inspirer de ces démarches courageuses.

 

Arabako lautadako zereal ekoizleen eta kontsumitzaileen arteko zubiak sortzen
Garazi Zabaleta
https://bizibaratzea.eus/albisteak/arabako-lautadako-zereal-ekoizleen-eta-kontsumitzaileen-arteko-zubiak-sortzen

Arabako lautadako paisaiaren parte garrantzitsu dira gari eta zerealen zelai zabalak. Pentsatu daitekeenaren kontra, baina, bertan ekoizten den ia dena kanpora bideratzen dela nabarmendu du Arantza Arrien Lautada Landa Garapeneko Elkarteko teknikariak. “Lautadako lur landuen %60 zereala da, baina ia dena kanpoko pentsu edo garagardo fabriketara doa. Aldi berean, hemen kontsumitzen dugun irina kanpotik dator”. Gaurko munduaren aldrebeskeriak. Ekoizleak eta bertako kontsumitzaileak harremanetan jartzeko asmoz, Lanirina proiektua jarri dute martxan garapen elkarteak, hiru zereal ekoizlek, bi lantegi txikik eta Neikerrek.

Eredu ekologikoan ari den ekoizle bat eta horretarako bidean ari diren beste bi hasi dira Lanirina proiektuan, eta haiekin batera, Iurretako eta Maeztuko obratzaile ekologiko bana. “Zereal soro hauetan kimiko ugari erabiltzen dira orokorrean, eta modu jasangarriago batean ekoizteko akuilu izan nahi du proiektuak”, dio Arrienek. Neikerrek gomendatutako gari barietateak jarri dituzte ekoizleek bina hektarea inguruko soroetan, eta harrizko errota txiki batean ehotu dute garia. “Lehenagotik hemengo pabiloi batean babarrunak garbitzeko eta ontziratzeko gune ireki bat eta oilaskotegi txikitxo bat genituen martxan; bada, hor bertan jarri dugu errota”, azaldu du teknikariak.

Lehenbiziko irin txanda Lautadako komertzioetan eta hostalaritzan banatu dute, inkesta batekin batera: bertan, zein irin barietate egokitu zaien, irin horrekin zer egin duten, urtean zenbat kontsumitzen duten eta Lautadan ekoitzitako irin ekologikoagatik zein prezio ordainduko luketen galdetu zaie. “Proiektuko kide diren obratzaileek, berriz, lau barietateen irinarekin ogia, magdalenak eta pizzak egin dituzte, eta horien dastatzeak antolatu ditugu”, azaldu du Arrienek. Azken batean, proba horiekin bertako irinek zein interes pizten duten ikustea da asmoa, etorkizuneko aukerak baloratzeko.

Zerealen inguruko ikastaroak

Iringintzarekin lotutako hainbat ikastaro ere antolatu dituzte Lanirina proiektuaren baitan. “Ekoizpen ekologikoan uzta nola bildu, zereala nola garbitu, errota motak… horrelakoak landu dira ikastaroetan, eta parte hartze handia egon da”. Bestetik, ekoizpeneko eta eraldaketa prozesuko datu guztiak hartu dituzte, eta irailerako prozesatuta edukitzea espero dute. “Horren arabera, jasotako datuak eta ditugun baliabideak kontuan izanda, negozio eredu bat diseinatzea izanen da hurrengo pausoa”, iragarri du. Esaterako, ekoizleen eta lantegien artean kontratu eredu bat diseinatzea izan da ikastaroetako lanetako bat, bi aldeentzat justua den eredua adostuz. “Proiektu pilotu bat da hau, baina espero dugu ekoizleek honekin aurrera egitea. Horretarako, baina, garrantzitsua da gauza guztiak ongi aztertuak izatea”, amaitu du.