Conférence de Paris : climat, année zéro
Isabelle HANNE
www.liberation.fr/monde/2015/04/03/conference-de-paris-climat-annee-zero_1233591?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
COP 21: 30 pays seulement ont dévoilé leurs engagements
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/cop-21-30-pays-seulement-ont-devoile-leurs-engagements,57127?xtor=EPR-9
Dans le monde, les émissions de CO2 ont stagné en 2014, alors que la croissance était de 3,4%. Formidable ? Historique ? (billet 2)
Jean GADREY
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2015/03/24/dans-le-monde-les-emissions-de-co2-ont-stagne-en-2014-alors-que-la-croissance-etait-de-34-formidable-historique-billet-2/
Conférence de Paris : climat, année zéro
Isabelle HANNE
www.liberation.fr/monde/2015/04/03/conference-de-paris-climat-annee-zero_1233591?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
La France accueillera en décembre la «conférence des parties» (COP21), qui doit aboutir sur un accord historique. Pour l’heure, seuls 33 des 196 pays concernés ont rendu leurs engagements, qui étaient attendus le 31 mars.
La France accueillera et présidera la 21e conférence des parties (COP21) de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 30 novembre au 15 décembre 2015. L’enjeu est de taille : devant l’urgence climatique, les pays pourraient signer un accord historique, global et contraignant pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et limiter la hausse des températures. Et ne pas reproduire l’échec de Copenhague, en 2009.
Qu’est-ce qu’une COP ?
Au sommet de la Terre de Rio, en 1992, l’ONU s’est doté d’un cadre d’action de lutte contre le réchauffement climatique au sigle imprononçable : la CCNUCC, pour convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Cette convention réunit la quasi-totalité des pays du monde, désignés comme des «parties». Les représentants des parties, ainsi que des ONG et des scientifiques, se réunissent une fois par an depuis 1995 lors des Conferences of the Parties, les COP donc. La prochaine a lieu à Paris, en décembre.
C’est lors de la troisième COP, en 1997, qu’a été signé le protocole de Kyoto. Le sommet de Copenhague en 2009, la COP 15, n’a accouché d’aucun accord global. La dernière COP, à Lima en décembre 2014, a rédigé une feuille de route pour la conférence de Paris, qui laisse encore énormément de points essentiels à régler.
Le constat
Elévation du niveau de la mer, acidification des océans, recul des glaces, augmentation du nombre de catastrophes naturelles, sécheresses ou inondations, menaces sur la production alimentaire… Les signaux se font de plus en plus alarmants. Chaque année, plusieurs millions de personnes sont touchées par des catastrophes liées au changement climatique, très largement attribué à l’activité humaine, notamment aux émissions de gaz à effet de serre. La planète devrait compter 250 millions de déplacés climatiques d’ici à 2050, selon le haut commissaire adjoint de l’ONU pour les réfugiés.
Dans le même temps, les puits de carbone (forêts, océans) ne sont plus aussi efficaces qu’avant dans leur capacité d’absorption. Un article de la revue Nature, publié mi-mars, montre que la jungle d’Amazonie absorbe de moins en moins de dioxyde de carbone: 2 milliards de tonnes de CO2 dans les années 90, contre 1 milliard aujourd’hui.
Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), publié en novembre 2014, affirme d’ailleurs que «la science montre à présent avec 95% de certitude que depuis le milieu du XXe siècle, l’activité humaine est la cause principale du réchauffement observé.» Le rapport de 2007 évoquait, lui, une certitude à 90%.
Selon le dernier rapport du Giec, «le réchauffement du système climatique est sans équivoque» et «nombre des changements observés sont sans précédent depuis des décennies, voire des millénaires. […] Chacune des trois dernières décennies a été plus chaude à la surface de la Terre que la précédente, et plus chaude que toutes les décennies antérieures depuis 1850.»
L’accord visé
A l’issue de la conférence de Paris, les pays devront signer un accord contraignant visant à maintenir le réchauffement global de la planète sous les 2 degrés d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Pour atteindre cet objectif, les pays doivent planifier une transition énergétique vers des énergies non émettrices de CO2, surtout éoliennes et solaires. Un défi économique et technologique, pour les pays développés comme pour les émergents.
Cet accord sera le successeur du protocole de Kyoto, signé en 1997 mais seulement entré en vigueur en 2005 (les Etats-Unis ne l’ont jamais ratifié), et qui prévoyait une réduction de 5% des gaz à effet de serre en 2012 par rapport à 1990. L’objectif est loin d’être atteint au niveau mondial (34% d’augmentation). En 2012, l’amendement de Doha a prolongé le protocole de Kyoto. Il prévoit pour les pays engagés une réduction moyenne de 18% de leurs émissions par rapport à 1990, pour la période 2013-2020.
Comme le souligne Naomi Klein dans son dernier livre, Tout peut changer, les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont augmenté de 61% entre 1990 et 2013, c’est-à-dire depuis «l’année où ont été amorcées des négociations sérieuses pour la mise au point d’un traité sur le climat».
Les contributions et engagements
En amont de la conférence de Paris, les pays doivent rendre à l’ONU leur contribution pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Pour l’instant, seuls 33 des 196 pays signataires de la convention des Nations unies sur le changement climatique ont rendu leur copie, alors que ces contributions étaient attendues pour le 31 mars.
Dans ces contributions, les pays doivent quantifier leurs objectifs en matière de réduction d’émission. L’Union européenne (12% des émissions) a joué les bons élèves en étant la première à annoncer ses contributions, début mars : une baisse de 40% des gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Même objectif pour la Norvège. La Suisse, elle, vise 50% de réduction des émissions d’ici à 2030. Quant aux Etats-Unis, deuxième pollueur mondial, ils avancent une réduction de 26 à 28% de leurs émissions d’ici à 2015, par rapport à 2005. Premier pays émergent à rendre sa copie, le Mexique (4% des émissions) vise un pic d’émission en 2026 et une réduction de 22% des gaz à effet de serre d’ici à 2030 basée sur l’évolution actuelle. La Russie, elle, annonce une réduction de 25 à 30% de ses émissions par rapport à 1990, en s’appuyant principalement sur la gestion des forêts.
Des engagements jugés insuffisants, qui pourraient être corrigés ou amendés d’ici la conférence de décembre. La Chine, plus gros émetteur de gaz à effet de serre (22% des émissions mondiales) ne s’est pour l’instant pas prononcée. Même chose pour l’Australie, l’Inde, le Japon et le Brésil, dont les contributions sont désormais attendues d’ici juin et la prochaine étape des négociations, qui se tiendra à Bonn, en Allemagne.
COP 21: 30 pays seulement ont dévoilé leurs engagements
Valéry Laramée de Tannenberg
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Quatre jours avant l’échéance, seules la Suisse, la Norvège et l’Union européenne ont publié leur stratégie carbone. Problème: ces engagements nationaux sont nécessaires à l’élaboration de l’hypothétique accord «universel» de Paris.
Tout vient à point pour qui sait attendre. Et en matière de lutte contre les changements climatiques, il faut être bardé d’une inépuisable patience. Quatre jours avant l’échéance, seules la Suisse, l’Union européenne et la Norvège (ce jour) ont publié leur engagement national de réduction d’émission des 6 gaz (ou familles) à effet de serre visés par le protocole de Kyoto[1], ainsi que le trifluorure d’azote (NF3).
C’est en partie sur cette base que sera élaboré le projet d’accord, qui pourrait être conclu à l’issue du sommet climatique de Paris (COP 21), au mois de décembre.
La Suisse en pole position
Selon le site spécialisé de l’ONU, c’est finalement la Suisse qui, la première, a mis en ligne sa «contribution déterminée nationalement» (INDC), le 27 février dernier. La Confédération entend réduire de moitié ses rejets de GES entre 1990 et 2030. Pour autant, l’effort à produire réellement ne sera pas aussi important.
En effet, une bonne partie des réductions d’émission suisses seront issues de l’achat de crédit carbone internationaux: «Au moins 30% de ces réductions devront être effectuées en Suisse», rappelait le communiqué du département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication. Dans ses statistiques, Berne intègre en outre la foresterie (un puits de carbone) aux émissions nationales. Une façon discrète de réduire le tonnage de GES à réduire.
Ambitieuse UE
Déposée une dizaine de jours plus tard, la contribution de l’Union européenne est plus ambitieuse. Les 28 s’engagent en effet à abattre de 40%, «au moins», leurs rejets de GES entre 1990 et 2030. Importance de taille: l’Europe n’achètera pas de crédits internationaux pour remplir ses engagements. Mais Bruxelles utilise le même artifice que Berne pour amoindrir son effort en intégrant le puits forestier dans son bilan carbone.
La Norvège fera crédit
Dernier en date: la Norvège. Comme son voisin austral, le royaume scandinave s’oblige à réduire d’au moins 40% ses émissions des 7 GES. De la même façon que l’UE et la Suisse, elle intègre forêt et sol dans ses statistiques. Petite nuance: Oslo jure ses grands dieux que cela n’amoindrira pas l’effort à fournir. Cependant la Norvège, contrairement à l’UE, ne s’interdit pas de recourir aux crédits internationaux (MDP et MOC sont cités) pour atteindre son but.
12% des GES anthropiques
A eux 30, Suisse, Union européenne et Norvège sont à l’origine de moins de 12% des GES anthropiques émis chaque année.
Le gouvernement américain a indiqué qu’il respecterait l’échéance du 31 mars. En toute logique, sa contribution devrait reprendre les promesses faites à la Chine par Barack Obama, en novembre 2014: de -26 à -28% d’émission de GES entre 2005 et 2025.
Pour le reste, il est à craindre qu’il faille encore une fois s’armer de patience. La Chine, justement, mais aussi l’Inde ne devraient pas rendre publique leur INDC avant le second semestre. Le Brésil prévoit de présenter son programme climatique au mois d’octobre. Pas de nouvelle, en revanche, des stratégies carbone de l’Australie, du Canada, du Japon, de la Russie.
[1] Dioxyde de carbone, méthane, oxyde nitreux, hydrofluorocarbones, hydrocarbures perfluorés, hexafluorure de soufre.
Dans le monde, les émissions de CO2 ont stagné en 2014, alors que la croissance était de 3,4%. Formidable ? Historique ? (billet 2)
Jean GADREY
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Après avoir montré dans le précédent billet que la « bonne nouvelle » pour 2014 n’avait rien d’exceptionnel, j’en viens à des critiques, plus fondamentales à mes yeux, du « ramdam » de l’AIE faisant comme si « ça y est, on a pris la bonne voie », celle d’une poursuite de la croissance avec des émissions qui stagnent d’abord, puis vont diminuer : la croissance « découplée » et « verte ».
En préalable, je ne néglige pas les arguments de l’AIE montrant que certains pays, dont la Chine, ont réalisé des progrès dans le « freinage de la croissance » de leurs émissions… bien que cela ait au moins autant à voir avec le freinage de leur croissance économique (au demeurant très surestimée par des statistiques chinoises « propagandistes ») qu’avec le développement, en effet important, des énergies renouvelables. On trouve via ce lien les données suivantes : « La Chine a installé 10,5 GW (10.500 MW) de solaire photovoltaïque en 2014, parvenant ainsi à une puissance cumulée de 28 GW. Ces 10,5 GW permettent de produire autant d’électricité que deux réacteurs nucléaires. Installées en seulement un an ces nouvelles puissances correspondent au double de la puissance photovoltaïque totale installée en France en une décennie. Comme le souligne le chercheur Mark Jacobson(Stanford) installer 6 GW de solaire PV est bien plus rapide que construire 1 GW de nucléaire. »
Mais venons-en à mes deux critiques principales.
1) On ne peut pas reprocher à l’AIE de se focaliser sur les émissions liées à la combustion des énergies fossiles et au seul CO2 comme gaz à effet de serre (GES), c’est son boulot. Mais on pourrait quand même souhaiter que l’AIE et ses commentateurs dans les médias rappellent deux choses aux lecteurs profanes :
- A) il y a d’autres gaz à effet de serre que le CO2, dont le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), certains ayant un « pouvoir de réchauffement » bien plus important que le CO2. En gros (graphique 1 en annexe de ce billet), LE CO2 COMPTE POUR LA MOITIE A TROIS-QUARTS DU RECHAUFFEMENT selon qu’on raisonne à 20 ans ou à 100 ans.
- B) La combustion des énergies fossiles n’est pas le seul facteur de ces émissions. Elle compte pour 75 à 80% du total selon les estimations.
Les deux arguments A et B sont d’ailleurs liés. Les prendre en compte peut changer bien des choses ! On peut par exemple avoir un découplage intéressant pour le seul CO2 lié aux énergies fossiles et pas pour le reste, on peut avoir, dans l’agriculture notamment, des émissions de méthane ou de protoxyde d’azote qui poursuivent leur progression, tout comme les émissions issues de la déforestation, etc. On risque même d’avoir à l’avenir une « bombe climatique à retardement » dont on ignore encore la puissance : les émissions de méthane issues de la fonte du pergélisol en Sibérie et dans d’autres régions arctiques (voir ce lien), etc
2) LE DECOUPLAGE COMME APPROCHE TRES DOUTEUSE
Mettre en avant le « découplage » (entre les variations des émissions de GES et celles du PIB en volume), c’est une fois de plus s’accrocher au sacro-saint PIB alors que le SEUL problème est d’en revenir au plus vite à des émissions vivables à long terme, PIB ou pas PIB. C’est comme si les alcooliques anonymes organisaient leurs réunions en se congratulant lorsque leur consommation d’alcool croît moins vite que le PIB ! Bien entendu, sur le plan analytique, on peut s’intéresser aux relations entre croissance économique et émissions de GES, mais se féliciter d’un découplage, même important, est absurde : à supposer que le découplage reste au niveau maximum jamais atteint dans le passé (en 1980) de 4 points de pourcentage, si la croissance mondiale restait à 4%, alors le volume des émissions stagnerait durablement au niveau insoutenable actuel et on irait tout droit vers la catastrophe climatique…
QUEL RYTHME DE REDUCTION DES EMISSIONS FAUT-IL VISER ?
Mais alors, justement, quel devrait être le rythme de réduction des émissions mondiales d’ici 2050 pour qu’on reste sous le seuil des + 2° d’augmentation par rapport à l’époque préindustrielle (objectif du GIEC) ? Ici, les réponses sont moins assurées, mais l’ordre de grandeur MINIMAL est une division par deux de ces émissions PAR RAPPORT AU NIVEAU DE 1990. J’ai consacré un billet au fait que ce facteur 2 ne suffirait probablement pas au vu des estimations les plus récentes, et que nous allions d’ici peu devoir adopter le « facteur 3 ». C’est également le point de vue du climatologue Hervé Le Treut, contributeur au Giec. Argument encore renforcé par des constats plus récents : les principaux puits de carbone du monde (forêts, sols et océans) semblent de moins en moins efficaces pour séquestrer le carbone, du fait… du réchauffement en cours.
Voyons toutefois ce qu’il en est selon qu’on se fixe l’objectif de division par deux ou par trois. Le total des émissions mondiales de GES (tous GES, voir le graphique 2) en 1990 était de l’ordre de 41 milliards de tonnes en équivalent CO2. Il faudrait donc atteindre 20,5 milliards en 2050, dans 35 ans, dans l’hypothèse minimale du facteur 2. Or nous en sommes, en 2014, à environ 57 milliards de tonnes. DONC, PAR RAPPORT AU NIVEAU ACTUEL, il faudrait diviser les émissions par 2,8 en 35 ans (ou, ce qui revient au même, il faudrait qu’elle représentent alors 36% de leur niveau actuel). Cela fait combien par an ? Réponse : presque exactement 3% de réduction par an à l’échelle mondiale. Conclusions de cette conclusion : 1) la stagnation observée en 2014 nous éloigne fortement de cet objectif minimal, et 2) avec une croissance mondiale de « seulement » 3% par an pendant cette période, il faudrait que le découplage atteigne en moyenne 6 points de pourcentage par an !
Si l’objectif mondial est le facteur 3, il faudrait alors diviser les émissions actuelles par 4,2 (en 2050, elle devraient représenter 24% du niveau actuel, environ un quart). Cela fait une réduction de 4% par an en moyenne. Je vous laisse le soin de conclure, en gardant le moral car c’est parfaitement possible… pour peu qu’on en finisse avec le culte de la croissance sans attendre son probable effondrement et pour peu que la société civile parvienne à imposer des décisions à des leaders politiques pour l’instant « complètement à l’Ouest » sur ces questions.
ANNEXE : DEUX GRAPHIQUES
1) LE CO2… ET LES AUTRES.
Pourquoi deux évaluations ? Parce que, je cite « Le potentiel de réchauffement global (PRG) permet, sur une période donnée, de comparer les contributions de différents gaz à effet de serre sur le réchauffement global. Souvent, la période retenue est de 100 ans. Néanmoins, ce choix sous-estime l’effet à court terme de certains gaz. C’est pourquoi on raisonne parfois sur une période de 20 ans. »
Source : Chiffres clés du climat, France et monde, 2015
2) L’EVOLUTION DES EMISSIONS MONDIALES DE GES PAR GRANDS SECTEURS EMETTEURS (Source : Jean-Marc Jancovici ; « power » désigne la production d’électricité)