Articles du Vendredi : Sélection du 27 novembre 2020


Haut conseil pour le climat : La France jugée à la traîne sur la rénovation énergétique des bâtiments
AFP
www.20minutes.fr/planete/2915515-20201124-haut-conseil-climat-france-jugee-traine-renovation-energetique-batiments

Avec 18 % des émissions en 2017, le bâtiment est un des quatre grands secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, avec les transports, l’agriculture et l’industrie

Dans un rapport publié mardi le Haut conseil pour le climat (HCC) distribue les mauvais points. L’instance consultative indépendante constate que la France est à la traîne en matière de décarbonation du secteur du bâtiment. Elle plaide donc pour des investissements massifs et une refonte du système d’aides pour rendre la rénovation énergétique performante.

L’objectif de neutralité carbone en 2050

Avec 18 % des émissions en 2017 et même 28 % en ajoutant la production de la chaleur et de l’électricité, le bâtiment est un des quatre grands secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Il doit donc « être complètement décarboné pour que la France atteigne son objectif de neutralité carbone en 2050 », souligne Corinne Le Quéré, présidente du HCC.

Selon le rapport, « la France a déjà accumulé un retard important sur la trajectoire de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) dans ce secteur ». « Le rythme de baisse des émissions doit passer d’une pente douce, entre 2 et 3 % en ce moment, à une pente plus rapide de 5 % par an dans ce secteur d’ici quelques années », note Corinne Le Quéré. Pour cela, le HCC insiste pour une « massification » de la rénovation des logements, bâtiments publics et tertiaires. L’investissement annuel public et privé, environ 13 milliards d’euros actuellement, « devra être multiplié au moins par deux en quelques années ».

L’efficacité des investissements en question

Au-delà des montants, le HCC s’interroge sur l’efficacité des investissements. Le rapport met en cause la prédominance de « la logique par gestes » : des actes isolés de rénovation, comme le changement d’une chaudière, ne permettent « généralement pas de gains énergétiques majeurs ». Résultat, le taux de rénovations globales et performantes « stagne, avec un rythme de 0,2 % par an en moyenne ». Entre 2012 et 2016, environ 87.000 maisons individuelles ont fait un saut d’au moins deux classes énergétiques, alors que la SNBC, qui prévoit 500.000 rénovations par an pendant ce quinquennat, vise un objectif minimal de 370.000 rénovations complètes par an en 2022, 700.000 à plus long terme.

Pour encourager la logique de rénovations globales, le Haut Conseil soutient la Convention citoyenne sur le climat qui s’est prononcée pour une rénovation énergétique obligatoire d’ici à 2040. Il plaide en plus pour la suppression d’ici à trois ans des aides aux gestes individuels dans le dispositif « MaPrimeRénov ».

La France « en queue de peloton »

Pour ce rapport, le HCC a passé en revue les politiques allemandes, suédoises, néerlandaises et britanniques. Et la France est « en queue de peloton » avec les logements les plus « énergivores ». Or la rénovation est également importante pour l’emploi et la « réduction des vulnérabilités ». En 2017, 6,7 millions de personnes vivaient dans des logements en précarité énergétique, classés F ou G. Le Haut Conseil recommande qu’à partir de 2025, ils soient classés « indécents » et ne puissent ainsi plus être loués.

Le Brésil met en danger la COP15 de 2021 sur la biodiversitét
Concepcion Alvarez
www.novethic.fr/actualite/environnement/biodiversite/isr-rse/le-bresil-joue-les-trouble-fetes-au-sein-de-la-convention-des-nations-unies-pour-la-biodiversite-mettant-en-danger-la-cop15-de-2021-149231.html

Un nouveau round de négociations s’est ouvert ce mercredi 25 novembre au sein de la Convention pour la diversité biologique (CDB). Il s’agit de trouver un accord tacite entre les 196 parties membres sur le budget 2021, mais le Brésil est accusé de bloquer les discussions. A défaut, le secrétariat ne pourra plus fonctionner, mettant en péril la préparation de la COP15 Biodiversité prévue en Chine. Or, ce rendez-vous, déjà reporté d’octobre à mai, est crucial pour la protection de la nature puisqu’il doit permettre à la communauté internationale de se fixer de nouveaux objectifs. 

Un grain de sable dans l’engrenage. La semaine dernière, le Brésil a bloqué la procédure tacite sur le budget 2021 de la Convention des Nations Unies pour la diversité biologique (CDB).

Or, à défaut d’un accord avant la fin 2020, le secrétariat cesserait complètement ses activités à compter du 1er janvier 2021, mettant en péril la préparation de la COP15 en Chine, déjà retardée. La conférence, qui devait avoir lieu en octobre dernier, a été reportée à mai 2021 et constitue un moment clé pour la protection de la nature puisqu’elle doit aboutir sur de nouveaux objectifs mondiaux post-2020.

« Par la présente communication, j’espérais annoncer que le silence n’avait pas été rompu dans le cadre de la procédure d’accord tacite et que la décision sur le budget intérimaire pour l’année 2021 était adoptée. Cependant, en raison d’un commentaire soumis par le gouvernement brésilien demandant l’insertion de notes de bas de page dans les projets de décisions, il n’a pas été possible d’aller de l’avant. Par conséquent, après avoir consulté les membres du Bureau, j’ai décidé de suspendre les réunions afin de laisser plus de temps pour les consultations entre les Parties« , explique la présidence égyptienne de la COP dans un communiqué.

Un moyen de pression ?

Le commentaire en question porterait, selon The Guardian qui révèle l’affaire, sur le fait que les négociations se tiennent virtuellement en raison du Covid-19. Celles-ci « désavantageraient les pays les plus pauvres, plus susceptibles d’avoir des problèmes de connectivité », selon le Brésil. Plusieurs pays en développement ont exprimé des doutes similaires, mais aucun n’a utilisé cette raison pour retarder les discussions sur le budget. « Nous devons faire attention au processus. Si nous voulons un bon résultat, il doit être inclusif, transparent et juste », a déclaré le chef de l’équipe de négociation brésilienne de la CDB, Leonardo de Athayde.

Mais pour les observateurs, il s’agit plutôt là d’un moyen de pression utilisé par le gouvernement Bolsonaro. « Il s’agit d’une stratégie délibérée pour éviter les négociations sur de nouveaux objectifs pour la nature. Bien que nous partagions des préoccupations concernant les défis techniques pour tenir régulièrement des réunions en ligne, nous n’oublions pas les efforts passés de l’administration Bolsonaro pour limiter la participation de la société civile aux discussions de la CDB. Il est donc difficile de croire que la diplomatie brésilienne plaide pour l’inclusivité », a réagi Oscar Soria, directeur de campagne du site d’activisme Avaaz, dans le quotidien britannique. Des accusations rejetées par la diplomatie brésilienne.

Le pays est sous le feu des critiques face à la déforestation galopante de l’Amazonie, il serait l’un des principaux concernés par l’adoption de nouveaux objectifs internationaux environnementaux. En septembre dernier, lors d’un sommet de haut-niveau sur la biodiversité aux Nations-Unies, le président brésilien, Jair Bolsonaro, avait accusé les ONG et les gouvernements étrangers d’interférer dans la souveraineté nationale et avait rejeté la mise en place de règles selon lui « injustes » sur l’extraction des ressources. Un nouveau round de négociations est prévu jusqu’au 27 novembre pour parvenir à un accord sur le budget 2021 de la CBD.

Corinne Morel Darleux : avancer sans être majoritaire
Corrine Morel Darleux
www.socialter.fr/article/avancer-sans-etre-majoritaire

Être anticapitaliste dans une société capitaliste relève bien souvent du numéro d’équilibriste. Faut-il revendiquer ou agir ? Centraliser les luttes ou privilégier l’autogestion ? Face à un avenir parsemé de périls, la femme politique et écrivaine Corinne Morel Darleux plaide pour une vision autoréalisatrice et « archipélique » du militantisme.

En ce début d’année 2020 – qui voyait déjà grandir le sentiment d’un effondrement inéluctable face à l’aggravation du chaos climatique, à l’extinction de la biodiversité et plus généralement à l’accélération du dévissage du monde  –, la nouvelle amplification des peurs, du contrôle et du déclassement causée par le coronavirus risque de cadenasser l’action collective et de favoriser le repli sur soi. Mais ce que le Covid-19 révèle des défaillances de l’État et de nos vulnérabilités face au capitalisme mondial peut aussi renforcer le désir d’autonomie, d’entraide, de relocalisation et d’alternatives à un système de moins en moins synonyme de liberté, d’épanouissement et de progrès. Un espoir qui semble confirmé par la multiplication, au cours de la crise, d’initiatives se distinguant des pratiques humanitaires par leur dimension politique et auto-organisée, quand l’État, lui, en appelle à la générosité des particuliers et du privé, sur un modèle de solidarité qui s’apparente plus à la charité chrétienne qu’à L’Entraide de Pierre Kropotkine (1).

Ce sont les brigades de solidarité, les cantines populaires, les caisses communes, qu’elles soient de grèves, « antirep » ou d’urgence, les  réquisitions et réappropriations de  lieux, distributions alimentaires, l’écho grandissant de la paysannerie alternative, du DIY (do it yourself), l’émergence de plateformes d’autoorganisation comme Covid-entraide et l’essor de médias indépendants, libertaires et contestataires. Il serait hâtif et  imprudent d’y voir le signe annonciateur d’une marge destinée à faire système. Mais cela témoigne a minima d’une résurgence de l’autogestion, en luttes et en alternatives, qui dessine peut-être les contours d’un nouvel agir  collectif. Certes, il ne faudrait pas perdre de vue qu’on ne relève souvent que ce qu’on a envie de trouver. Les dernières semaines écoulées ont aussi vu un nouveau 4×4 s’arracher en préventes, les profits d’Amazon doubler, les ventes d’armes battre tous  les records, et les priorités de la « start-up nation » restent la navette autonome, le lancement de la 5G et les fermes connectées. Cela ne retire rien à l’intérêt de ce qui se passe dans les interstices, mais doit nous protéger de l’effet loupe des réseaux militants, qui empêche trop souvent de partir du réel quand il s’agit d’élaborer des outils d’analyse, de réflexion et de stratégie. Ceci étant, quelques hypothèses peuvent être explorées sur la manière dont cette période bouscule et remodèle le militantisme.

Cesser de revendiquer

Loin des radars médiatiques, se construisant dans le faire plus que dans la revendication, ce nouvel agir collectif diffère du militantisme traditionnel. Le rapport de force se trouve dissocié du nombre, de la nécessité de faire masse et de s’unir autour d’un unique slogan. Il bat en brèche l’idée selon laquelle le gouvernement agira si nous sommes suffisamment nombreux à le lui intimer. Les luttes comme les alternatives relèvent davantage de la propagande par le fait (2) et d’une forme d’action directe, c’est-à-dire d’actions dont les revendications sont atteintes dans leur propre réalisation. Elles ne visent pas tant à développer un rapport de force ou à pousser une revendication sectorielle, qu’à provoquer un changement immédiat sans en déléguer la mise en œuvre à l’institution ou l’État. Ce militantisme cesse d’être revendicatif pour devenir autoréalisateur. Il rompt également avec la démarche que l’on pourrait qualifier de « continentale », qui repose sur l’unité d’action et des mots d’ordre, rabotant et comprimant la variété des pratiques et des acteurs pour les faire entrer dans une case commune. Ce militantisme s’inscrit dans une vision plus « archipélique » de la convergence des luttes. Écolieux, fermes autogérées, résistances aux grands projets inutiles et imposés (GPII), lieux d’accueil ou squats… Il s’agit de se  tisser en rhizome, sans renoncer à la  singularité de chaque îlot de résistance, c’est-à-dire en acceptant les différences de modes d’action et de cultures politiques, d’envies et de possibilités –  y compris matérielles  – de chacun-e. C’est une vision de la diversité inspirée d’Édouard Glissant (3) ou encore de Murray Bookchin (4) qui voulait « sortir du gigantisme et de la centralisation », d’une « conception de masse » qui contraint à la simplification et au rétrécissement des possibles. Il s’agit, comme en matière d’écologie et de biodiversité, de penser l’unité dans la diversité des pratiques et des acteurs.

“C’est en quelque sorte une forme d’acupuncture politique où il s’agirait de planter les aiguilles simultanément en de multiples endroits pour obtenir un effet global.”

Acupuncture politique

Construction d’alternatives  ; luttes et résistances  ; éducation populaire et bataille culturelle  : ces trois angles de la transformation sociale sont dès lors envisagés d’un seul et même tenant. Sans l’un, les deux autres perdent à la fois de leur acuité et de leur « subversivité ». La nature et l’intensité des actions de lutte peuvent être extrêmement variées  : de la plantation d’arbres fruitiers – qui relève de la production nourricière, embellit le paysage, sert de refuge pour la biodiversité et de stockage de carbone – jusqu’au blocage de chantiers, à l’installation de ZAD et l’occupation de sauvetage, sur des terres agricoles notamment. Les gestes de sécession et les choix de retrait du système ne sont pas perçus comme un abandon de la lutte, mais comme des actes subversifs qui jouent un rôle essentiel : démontrer qu’il est possible de vivre autrement, en dehors des circuits marchands et en harmonie avec le reste du vivant. La lutte ne se concentre pas en un point focal mais se démultiplie sur plusieurs territoires, s’ancre dans des projets locaux (à combattre ou à construire) plus que dans une ligne politique, et se maille en réseau. C’est en quelque sorte une forme d’acupuncture politique où il s’agirait de planter les aiguilles simultanément en de multiples endroits pour obtenir un effet global. Cette thérapeutique politique repose sur la force du réseau : des activistes nomades qui circulent à travers le pays pour soutenir les luttes locales, des plateformes d’auto-organisation qui recensent témoignages et boîtes à outils, des circuits d’information très réactifs en cas de menace d’évacuation et une solidarité qui mise souvent sur l’attachement.

Ainsi des festivals et concerts – comme à Emmaüs Lescar-Pau [village de 150 âmes, ndlr] – ou de l’opération appelant les visiteurs de Notre-Dame-des-Landes à venir symboliquement planter un bâton sur la ZAD ou à y converger en cas d’évacuation, qui créent un lien personnel et un engagement à préserver le lieu. Le socle commun est tissé de politique –  dans l’idéologie et le projet partagés  – tout autant que d’affinitaire  : la dimension humaine n’est pas éclipsée par la cause commune. L’importance du « putain de facteur humain » est renforcée par les principes d’auto-organisation et de prises de décision collective, a fortiori dans le cas de lieux alternatifs où bien souvent activités, loisirs, intime et quotidien sont vécus en forte proximité, augmentant les zones potentielles de frictions. L’un des points d’entrée communs pourrait être la lutte contre l’autoritarisme et les dominations : de là découle l’articulation entre l’autonomie, au sens de choisir ses dépendances, la démocratie en tant que reprise en main de ce qui a été délégué aux institutions et représentants politiques, l’écologie comme fin de l’anthropocentrisme et de l’exploitation illimitée du vivant, la dénonciation du patriarcat, du colonialisme, du racisme et l’impératif de justice sociale. Le sentiment de gravité et d’urgence –  il ne reste que peu de temps pour agir, contrer ou ralentir l’emprise destructrice du système actuel  – impose de repenser nos modes d’action, sans faire du localisme un fétiche ni de l’autogestion une baguette magique. Quand on est militant anticapitaliste dans une société capitaliste, on se retrouve forcément pris dans un écheveau de tensions permanentes, et nous n’avons pas les moyens aujourd’hui de  vivre l’utopie que nous aimerions voir advenir. En revanche, il est possible de tendre à ce que les moyens mis  en œuvre soient à l’image de ses fins. Nous sommes sur cette ligne de crête qui consiste à avancer sans être majoritaire, sans pour autant basculer dans l’avant-garde éclairée ou l’opération commando. C’est un équilibre difficile à tenir mais il n’y a, de toute évidence, pas de raccourci.

Barbara Stiegler : ‘En mimant une gestion du virus à la chinoise, les néolibéraux nous ont dit enfin clairement ce qu’ils pensaient’
Nidal Taibi
www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/barbara-stiegler-en-mimant-une-gestion-du-virus-a-la-chinoise-les-neoliberaux-nous-ont-dit-enfin-clairement-ce-quils-pensaient

Professeure de philosophie et responsable du master « Soin, éthique et santé » à l’université Bordeaux-Montaigne, Barbara Stiegler publie son deuxième ouvrage critique sur le néolibéralisme, « Du cap aux grèves. Récit d’une mobilisation. 17 novembre 2018 – 17 mars 2020 » (Éditions Verdier).

Auteure de « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique (Gallimard, 2019), remarquable généalogie philosophique et historique de l’injonction néolibérale à s’adapter à son « environnement », Barbara Stiegler publie Du Cap aux grèves, récit de sa rupture avec la routine ascétique du milieu universitaire et son « basculement dans l’action ». Armée des élaborations théoriques de son précédent livre, elle y livre une lecture subjective de la séquence sociale qui va de la révolte des Gilets jaunes à la mobilisation pour les retraites. Sans dénier à ces mouvements leur puissance, elle en tire pourtant un bilan critique et invite à repenser et réinventer nos modes de mobilisation. Entretien.

Marianne : La métaphore maritime du « cap » est au cœur du titre de votre livre et vous sert de fil conducteur tout au long du récit. En quoi vous permet-elle d’analyser la séquence sociale « 17 novembre 2018 – 17 mars 2020 » ?

Barbara Stiegler : Ce terme de « cap » sature le discours politique depuis des années : « il faut tenir le cap », en dépit des alertes, des remous et des tempêtes. Avec le mouvement des gilets jaunes, ce mot a révélé pour moi toute sa puissance poétique : le cap, celui d’une mondialisation indiscutable, m’est apparu comme une idée fixe, obsessionnellement visée par une série de capitaines de plus en plus inquiétants, qui tous nous menaient au naufrage depuis des décennies et qui en sont venus à affronter, en fin de course, la multiplication des mutineries et des raz-de-marée.

À cette course délétère vers le cap, mon livre oppose une autre vision maritime, celle d’un retour sur nos grèves, sur ces rivages où l’on peut s’arrêter et s’asseoir pour interroger les pouvoirs qui nous dominent et les processus dans lesquels nous nous sommes nous-mêmes embarqués. Cette vision poétique d’un cap contesté depuis nos grèves m’est venue en quelque sorte en marchant. C’est en courant d’un foyer de mobilisation à l’autre, en allant du CHU à l’Université de Bordeaux en passant par la place la Mairie, en parcourant cette ville en effervescence et battue par les pluies et le vent, que cette vision maritime s’est progressivement affermie.

Or, cette image s’est fracassée le 17 mars sur le basculement dans une nouvelle ère, date à laquelle s’arrête brutalement mon récit : le début de la pandémie, qui m’est apparu comme la collision contre un immense iceberg, mettant brutalement à l’arrêt tous les mouvements sociaux et la vie politique elle-même. Le basculement dans cette ère de glaciation a certes donné un répit inespéré aux capitaines qui nous gouvernent, ce dont ils semblent aujourd’hui vouloir profiter le plus longtemps possible, mais il est très inquiétant pour la suite.

Pour les dirigeants néolibéraux, ce virus est le pire des démentis et c’est ce qui explique que dans un premier temps, ils aient totalement dénié son existence

Ce moment de répit que vous évoquez a été soutenu par la promesse d’un « monde d’après » et de « jours heureux » qui succéderaient à la crise sanitaire. Que vous inspire ce discours ?

La rhétorique présidentielle sur « les jours heureux », mimant de manière infantile le titre du programme du Conseil national de la Résistance en 1944, a fait long feu et j’imagine que peu de citoyens y ont cru à l’époque. Le même président leur demande maintenant « de vivre avec le virus », dans un régime d’exception où l’on pratique le couvre-feu, puis le reconfinement permanent, ce qui n’évoque pas vraiment la « Libération » ! Là où cette rhétorique a vraiment fonctionné pendant quelques mois, c’est plutôt du côté des forces d’opposition et des mobilisations citoyennes. Je me suis évidemment réjoui qu’au pic de la catastrophe de nombreuses voix se soient élevées pour réclamer un « monde d’après » plus juste, plus égalitaire et plus écologique. Mais ce qui m’a inquiétée, c’est que dans beaucoup de ces tribunes, on adoptait en effet le ton de la promesse, comme si par la seule grâce du virus, nous allions basculer soudain vers la lumière.

Avec d’autres, j’ai opposé à ces visions prophétiques qu’on devait plutôt s’attendre à un durcissement des pouvoirs dominants et que la rupture avec l’ancien monde ne pourrait se conquérir qu’au prix de mobilisations sociales et politiques de très grande ampleur, qui ne peuvent se contenter du virtuel et doivent avoir lieu « en vrai ». J’en reste convaincue et c’est pour cette raison je pense que la première de nos priorités doit être la reconquête des espaces publics et du droit de s’assembler, de manifester, de débattre, de s’éduquer, de participer à la vie sociale etc.

La gestion politique actuelle de cette crise vous semble-t-elle porter les marques du néolibéralisme ou, au contraire, est-ce qu’elle met en suspens les politiques néolibérales ?

Pour les dirigeants néolibéraux, ce virus est le pire des démentis et c’est ce qui explique que dans un premier temps, ils aient totalement dénié son existence. Il illustre en effet les désastres de la mondialisation, de la crise écologique et de l’hyper-mobilité des flux et il a obligé les néolibéraux à imposer eux-mêmes monde de stase, de clôture et de frontière qu’ils n’étaient absolument pas préparés à penser. Mais une fois passé ce premier temps de panique (les quelques jours qui ont précédé les décisions de confinement), les politiques néolibérales sont vite retombées sur leurs pieds. Elles ont découvert, grâce au capitalisme numérique, que la pression à la compétition et la course à l’innovation pouvaient continuer à s’accroître, et que l’assignation à résidence des populations n’empêchait nullement l’explosion des flux numériques et commerciaux du e-commerce, du télétravail, de l’enseignement à distance, de la e-santé etc.

En décuplant la puissance du virage numérique, la gestion néolibérale du virus a permis à la fois d’assurer la continuité, celle des fameux « plans de continuité des activités », et une véritable rupture, en contraignant toutes les populations à une accélération sans précédent des transformations de leurs modes de vie. Parallèlement à ce coup de force, elle a accéléré, à travers la célébration de la « distanciation sociale », l’atomisation du corps social et la dissolution de toute forme de collectif, allant jusqu’à remettre en cause les aspirations démocratiques de la société. En mimant une gestion du virus à la chinoise, les gouvernements néolibéraux se sont mis à nous dire enfin clairement ce qu’ils pensaient, depuis bien longtemps, de la démocratie – réclamée par des foules jugées ignorantes, indisciplinées et irrationnelles. On le voit désormais au grand jour : les néolibéraux considèrent qu’elle est le problème, et non la solution.

Le néolibéralisme a complètement transformé notre rapport au temps

Les deux métaphores maritimes que vous utilisez suggèrent deux rapports au temps différents : la métaphore du cap renvoie au mouvement ininterrompu, aveugle, et continu ; celle des rivages évoque plutôt l’arrêt, le recul, le temps lent et long. Le néolibéralisme implique-t-il aussi une manière de s’inscrire dans le temps à laquelle il faudrait opposer une temporalité différente ?

Le néolibéralisme a complètement transformé notre rapport au temps. Dans les milieux intellectuels par exemple, où tous les lieux partagés sont en voie de disparition et où nous sommes de plus en plus condamnés à une hyper-mobilité géographique et numérique, tout se passe désormais de plus en plus comme dans le monde de l’entreprise.

Chaque atome de temps est compté, et toute activité de recherche, d’enseignement ou d’organisation administrative doivent avancer de manière efficace, en capitalisant des résultats et en respectant les « guidelines » et les lettres de cadrage qui formatent désormais à l’avance nos propres choix. Quant aux conflits politiques, ils s’expriment entre nous de manière beaucoup moins claire.

Tout se passe comme si nous n’avions plus ni le temps, ni la force de nous affronter, à part à la veille des grands matchs électoraux. C’est un basculement que je déplore car il dessert notre éducation politique et, avec elle, les conditions d’une véritable démocratie. Restaurer le temps long de la retraite, de la recherche et de la clôture, mais aussi celui du conflit et de la confrontation des points de vue, restaurer des « grèves » en ce sens précis, m’apparaît comme une urgence vitale pour notre survie intellectuelle et politique.

Le 1er décembre 2018 est une date décisive dans votre récit : vous enfilez pour la première fois le gilet jaune. Vous écrivez toutefois : « Je suis fière d’être là, mais je n’assume pas jusqu’au bout ce gilet. » Pourquoi ce fut difficile pour vous de l’assumer ?

Pour plusieurs raisons. La première vient des clichés sociaux immédiatement fabriqués pour « dépotentialiser » un mouvement social ou politique : les discours dominants, politiques et médiatiques, les réfèrent à chaque fois soit aux « quartiers », soit aux « bobos », soit aux « Français des territoires et des ronds-points ». Ces assignations tentent de figer ce qui se produit dans une revendication sectorielle pour bloquer son potentiel insurrectionnel ou révolutionnaire. Or nous sommes tous, même si nous avons conscience de cette stratégie, plus ou moins contaminés par ces catégories. Dans les cortèges, je me demandais moi-même si j’étais bien une « vraie » gilet jaune. N’étais-je pas trop urbaine (même si quelques mois plus tôt je vivais près des ronds-points) ? Trop intellectuelle (même si rien ne permettait d’affirmer que les gilets jaunes ne l’étaient pas) ? Trop bien payée (même si mon niveau de revenu s’était effondré et était inférieur à celui de beaucoup d’artisans qui se mobilisaient, légitimement, sur les ronds-points) ?

La seconde raison est que j’allais m’embarquer, quelques semaines plus tard, dans la promotion d’un livre sur le néolibéralisme et qu’une sorte de contrat moral me liait à mon éditeur, Gallimard. Je devais d’un côté préserver l’image de l’auteur qui se tient à distance des conflits sociaux, pour protéger le livre et me protéger moi-même de toute polémique. Mais de l’autre, je ne pouvais m’empêcher de m’impliquer dans ce mouvement, avec la désagréable impression de le faire en contrebande.

Cette situation étrange dit à mon avis quelque chose de notre époque. Tandis que la figure de l’intellectuel engagé dans le combat politique a pu être valorisée dans notre histoire passée, elle est aujourd’hui profondément discréditée. Le monde médiatique construit de toutes pièces une partition entre les mobilisations sociales, qui sont toujours décrites comme sectorielles et divisées, rivés à d’étroits intérêts à courte vue, et le monde des chercheurs, des experts et des intellectuels, attachés eux à l’universel et qui se tiendraient prudemment à distance de ce marigot des luttes sociales. Pour un individu isolé, il est extrêmement difficile de perturber les règles de ce spectacle, et c’est ce qui explique la situation de malaise que j’ai pu ressentir alors.

C’est précisément cette convergence entre une multiplicité de classes sociales qui a permis de bloquer le projet de réforme

Dans votre livre, vous semblez établir une continuité logique entre le mouvement des gilets jaunes et celui contre la réforme des retraites. Or, eu égard au statut professionnel et à l’origine territoriale des personnes mobilisées dans l’un et dans l’autre, ce sont deux mouvements peu convergents. Quels sont les éléments qui les traversent en commun et qui vous permettent de justifier le lien entre eux ?

Je ne parlerais pas de continuité logique. Je dirais plutôt que le mouvement des Gilets jaunes a porté celui contre la réforme des retraites car nombre d’agents de la fonction publique qui se sont engagés dans ce mouvement ont senti que, cette fois, ils seraient probablement soutenus par les classes populaires. Si les choses se sont très mal enclenchées au départ entre les Gilets jaunes et les syndicats, ces derniers ont fini par comprendre, certes tardivement, que ce mouvement n’avait rien à voir avec un parti anti-taxe hostile à l’État et aux services publics et que c’était même rigoureusement l’inverse. L’un des acquis de ce mouvement, c’est que le discours politique et médiatique opposant les « Français » aux « Fonctionnaires » a été enfin déconstruit par les gilets jaunes. La référence, permanente sur les ronds-points, à la Révolution française et à la République signifiait la réhabilitation immédiate des services publics et, en ce sens, la défense du modèle social français.

Or cette vision d’une république solidaire, opposée au projet d’une société néolibérale où chacun capitaliserait ses points, est aussi ce qui a porté le mouvement de défense des retraites. Rien d’étonnant donc à ce que les gilets jaunes se soient à nouveau mêlés aux soignants, qui avaient massivement défilé avec eux, mais aussi aux enseignants, aux cheminots ou aux postiers.

Dans vos analyses et diagnostics, vous vous montrez consciente des rapports de force réels et de la conflictualité qui traversent nos sociétés. Or le débouché démocratique que vous proposez, celui d’une délibération collective et d’une confrontation des points de vue, semble fort imprégné de la philosophie politique du consensus et de l’éthique de communication habermasienne – Habermas s’est d’ailleurs intéressé à John Dewey, dont vous revendiquez l’héritage. Une telle approche vous semble-t-elle adéquate pour faire face à la violence des politiques néolibérales ?

Cette question est exactement celle sur laquelle je travaille aujourd’hui. Les analyses de Dewey sur l’intelligence collective plaisent beaucoup au monde de l’entreprise, car elles semblent très éloignées des philosophies du conflit héritées de Marx et de Hegel, qui donnaient au négatif et à la contradiction un rôle moteur, potentiellement révolutionnaire. Dewey lui-même emploie les termes de « consensus » et de « communication », ce qui favorise le rapprochement que vous faites, et qui a déjà été fait, avec la philosophie consensuelle de Habermas. Mais une approche plus approfondie de ses textes montre que ce rapprochement est en réalité erroné, car Dewey s’inscrit lui aussi dans le sillage de Hegel, et du rôle moteur accordé au négatif et au conflit. Ce que Dewey tente de penser, c’est une conflictualité radicale qui ne passe pas par la violence, voie étroite et difficile certes, mais qui me semble légitime. Telle est bien la question aujourd’hui : comment restaurer le conflit sans céder finalement à la violence, à celle de la répression comme à celle de l’insurrection ? Comment lutter, résister et finalement contribuer à un processus insurrectionnel, sans passer à l’action violente et la violence armée ? Comment allier, au fond, la mobilisation sociale et la reconstruction de la démocratie ? A l’heure où une partie des élites dominantes considèrent que la démocratie est devenue un « inconvénient » – selon la formule d’Axel Kahn sur France Culture -, et que le régime chinois a fait la démonstration d’une gestion exemplaire de la crise, Dewey peut peut-être nous aider à répondre à cette question cruciale.

* Barbara Stiegler, Du cap aux grèves, Verdier, 144 p., 7 euros

Erretzera gerturatzen gaituen gradu erdia
Xabier Letona Biteri
www.argia.eus/argia-astekaria/2710/erretzera-gerturatzen-gaituen-gradu-erdia

Zertan da gaur egun klima aldaketa? Informazioa barra-barra dago eta hainbat bide har daitezke galderari erantzuteko. Horietako bat da Iñaki Petxarroman kazetariaren Ezezagunerako bidaia. Mundua, klima eta ekologia krisian liburua hartzea eta bidean abiatzea. Helmuga korapilatsura iritsiko gara: gai izango da humanitatea mende amaierarako bi graduko tenperatura igoera saihesteko?

Erantzunen bila abiatuko gara liburua aletzera eta laster ikusiko dugu ez dagoela erantzun argirik. Munduko Metereologia Erakundearen arabera, azken hamarkada inoiz erregistratutako beroena izan da. 2015ean Parisko Hitzarmena sinatu zuten 195 herrialdek, mende amaierarako bi graduko igoerara ez iristeko helburuarekin. Hori lortzeko, 2010etik 2030era atmosferara isurtzen diren berotegi gasak laurden bat gutxitu behar dira eta 2070erako zero netoko isurketa beharko litzateke, hau da, atmosferak isurtzen dena gordetzeko duen ahalmenaren adinako kopurua. Planeta dagoeneko industria aurreko garaian baino 1,1 gradu beroago dago eta uste da mende bukaerarako 2 graduko igoera ere eman daitekeela. Helburua litzateke ez igotzea 1,5 gradutik gora, ekosistemetarako eta klima aldaketarako alde handia baitago 1,5 edo 2 gradu igotzea. Zein da arazo nagusia? Gaur gaurkoz, herrialde kutsatzaileenak ez direla Parisen jarritako helburuak betetzen ari; areago, herrialde batzuek, tartean AEBek, Australiak eta Brasilek boikot argia egin izan diote Parisen finkatutakoari. Valerie Masson-Delmott da Klima Aldaketarako Gobernuarteko Adituen Taldeko goi-karguetakoa eta, bere ustez, “jadanik izandako berotzea atzera-bueltarik gabekoa da, itsasoak xurgatu egin duelako energia gehigarri horren %90, eta milaka urtez iraungo duelako bero horrek bertan”. Bere aburuz, beraz, etorkizuneko berotzea saihetsezina da eta egin beharreko ahalegina klima egonkortzeko da, berotegiko gas isurketak ezinbestean murriztuz. Horretarako, dio berak, “zehar lerro begirada bat ezinbestekoa da. Ministerio guztien politikek koordinatuta egon behar dute. Elikaduraz, osasunaz, nekazaritzaz, hezkuntzaz hartzen diren erabakiek kontuan eduki behar dute klimaren auzia”.

Gradu erdiko koska

Kazetari honek ez luke ezkor izan nahi, baina gai hauez kezka duen ia edozein herritarrek badu oso arduratutako egoteko hamaika arrazoi, planetaren berotzea ekiditea 2015etik gaurdaino aipatu ministerio horietan –edo pareko kontseilaritzetan– izan diren aldaketetan oinarritu behar bada.

Elisa Sainz de Murieta Basque Center for Climate Changeko ikertzailea baikorragoa da zorionez, zaila izanik ere “1,5 graduko igoera eskura” ikusten du. Zenbaki magiko hori gainditzekotan, gradu hamarren bakoitza giltzarri dela dio eta 1,5 igoeran gelditzea posible ez balitz ere, “1,6an edo 1,7an geratzea lortu beharko litzateke”.

Zein da aldea? Bada, gordin esanda, aldea txarra eta oso txarraren artekoa da: bi graduko igoerarekin uholde arriskua %170 haziko da, eta 1,5 gradurekin %100. 1,5 gradurekin 20 urtean behin 2.000 milioi pertsona muturreko bero boladen menpe izango da, eta 2 gradurekin 3.300 milioi pertsonak denbora berean muturreko beroa jasango dute. Bi graduko berotzeak munduko koral uharri guztiak desagerraraziko lituzke, 1,5ekoak haien %70a “bakarrik”. 2 graduk artikoko izotza 10 urtean behin urtuko luke, 1,5ek 100 urtean behin. Petxarromanek zerrenda apokaliptiko amaigabea eskaini digu bere liburuan, baina baita estuki besarkatzeko heldulekurik ere, esaterako Sainz de Murietaren hitzok: “Uste dut inportantea dela adieraztea posible dela, bestela jendeak etsi egin dezake eta”.

Dagoeneko, ordea, ez da bakarrik “zer datorren!”, hori bezain larria da “zer egin dugu!”. Klima aldaketaren kapituluan jadanik gauzatutako sarraskiaren neurria eskaintzen da. Pirinioetako glaziarrak: 1850ean 2.000 hektarea betetzen zituzten, gaur egun 242. Pirinioan 1,5 graduko igoera eman da dagoeneko. 2018an Nature aldizkarian agertutako ikerketaren arabera, 1961etik 2016ra 9.600 gigatona izotz galdu da munduko mendietako glaziarretan (gigatona bat da mila milioi ur tona edo kilometro kubo bat ur). Horrek bakarrik eragin du jada itsasoaren 2,7 zentimetroko igoera. Zazpi milioi kilometro koadroko hedadura zuen izotzak 1980an eta 4,6 kilometro koadro 2018an. Baina gaur egun, egoera larriena Groenlandiakoa da, hangoa da itsasora doan izotzaren %25, %20 mendi glaziarretakoa, eta %10-11 Antartikakoa.

NBEko Bioaniztasunerako eta Ekosistema Zerbitzuetarako Plataformak 2019an aurkeztutako txostenaren arabera, planetako 8 milioi espezietatik milioi bat galtzeko arriskuan dago. 2019an 24 milioi hektarea baso desagertu ziren munduan. Baliteke bost hamarkadaren buruan desagertzea Amazoniako oihana. 2019an gertakari meteorologikoek 22 milioi barne migratzaile eragin zituzten, eta mende amaierarako 250 milioi aurreikus daitezke.

Holozenotik antropozenora

Datu larrien jarioa hain da handia eta amaigabea, haren korrontean ito gaitezkeela, hartatik garaiz ateratzen asmatzen ez badugu. Zentzu geologikoan hitz eginda, orain arte egindakoak arrasto sakona utziko du etorkizunean. Termino epikoetara etorrita, zer da jadanik planetaren aurkako gerran egin duguna? “Geologoen esanetan –diosku Alejandro Zearreta geologoak liburuan– 543 bonba atomiko lehertu ditugu atmosferara. Askatu diren partikulen artean, zesio-137a ehun urte barru jadanik ez da egongo; baina plutonio-239a, berriz, ehun mila urte barru ere hor egongo da”.

Horrexegatik esaten da, orain arte bizi ginen Holozeno  garaitik dagoeneko Antropozenora iragan garela, hau da, gizakiek eragindako garai geologiko berrira. Aurreko garai geologikoetan ere izan dira bizidunen desagerketa masiboak, baina inoiz ez horren denbora laburrean eragindakoak. Antzinan izan dira kolapsoak hainbat zibilizaziotan –Egipto, Erroma, Pazko Uhartea…–, baina Zearretak dioskun moduan, “aldea da jadanik planeta mailako gizarte bat garela, eta, beraz, kolapsoa, izatekotan, orokorra izan daitekeela”.

Nork sortu du hau?

Besteak beste zuk eta nik, irakurle, Trantsizio ekologikoa Euskal Herrian kapitulua irakurtzen baduzu ohartuko zaren moduan. Iragan mendeko 90eko hamarkadaren hasieran, kazetari honek ekin zionean gizarte gaiak jorratzeari, era guztietako agintariak ozen hasi ziren erabiltzen “garapen jasangarria” kontzeptua. Orduan jada oximorontzat jotzen zuten artean zorotzat hartzen zituzten “ekologistek”, “lau katu horiek”.

Hiru hamarkada geroago berean jarraitzen dute gure lehendakariek eta kontseilariek, oraingoan dena green-ez edo berdez jantzita. Baina datuetan, Petxarromanek diosku Europako azken bagoian gabiltzala, liburuaren kapitulu bati titulu hori emanez. 2019an Eusko Jaurlaritzak klima larrialdia deklaratu zuen solemnitate guztiarekin, baina 2015ean Parisko Hitzarmena sinatu zenetik, berotegi gasen isurketak %1,5 handitu dira, Jaurlaritzako datuen arabera. Europar Batasuneko herritarrak 7 tona CO2 isurtzen badu batez beste, euskal herritarrek 9,1 tona.

Gaur egun euskal herritarren aztarna ekologikoa 2,6koa da, hau da, munduko biztanle guztiek guk bezala kontsumituko balute, bi planeta eta erdi beharko lirateke gu bizi garen moduan bizitzeko. AHT, erraustegi, urtegi, ubide eta errepide berrien dantzak bere horretan jarraitzen duen bitartean, kapitulu honetan ere datu oso txarren zaparradak ez du etenik. Horien artean esanguratsuenetako bat honakoa: orain hidrogenoaren iraultzarekin bere burua zuritu nahi duen Petronor izan da hamarkadetan CO2 gehien isuri duen industria, urteroko isurketen %10 bat berea da.

Gure bizimoduari begiratuta sinestea gaitza ematen badu ere, badirudi apurka ohartzen ari garela datorkigunaz, adinean aurrera goazenok geldo, gazteak azkarrago. Gazte belaunaldi berri eta asaldatuaren adibide da Greta Thunberg gazte suediarra: “Zure etxea sutan balego bezala jokatzea nahi dut, hori baita gertatzen ari dena”; Polonian COP24ko goi bileran zeuden munduko agintarien aurrean ere zorrotz mintzatu zen: “Zuen seme-alabak beste ezeren gainetik maite dituzuela diozue, baina etorkizuna lapurtzen ari zarete haien begien aurrean”. Fridays For Future moduko mugimenduetatik, gazteek hauspotu zuten iaz klimaren alde mundu mailan egindako lehen greba arrakastatsua, eta Yayo Herrerok liburuan dioen gisan, “haize fresko moduko zerbait izan da munduko gazteen mobilizazio hori”.

Mirari bila

Nondik etorriko da miraria, beraz? Oso orokorrean hitz eginda, bi esparru handi daude gaur egun munduan. Batetik, garapen ekonomikoa hazkundean oinarritu gura dutenentzat teknologian dago giltza, eta energia garbi edo berriztagarriak deitutako horietan irtenbidea, batez ere eguzkitik eta haizetik sortzen den elektrizitatean, baztertu gabe nuklearra, hidrogenoa edo bioerregaiak. Bestetik, desazkundearen ideia dago, hau da, hazkunde ekonomikoak ekarri du mundua kiskaltzera eta, beraz, batez ere desazkunde ordenatu bat bultzatu behar da; horrez gain, ezinbestekoa da energia fosila baztertzea eta sortuko den berria berriztagarria izatea. Baina ikuspuntu honek, funtsean, garapenaren oinarria hazkundean jarriko ez duen bestelako eredu ekonomikoan jartzen du indarra. Desazkundea bai ala bai, dio Yayo Herrero ekintzale ekofeminista ezagunak liburuan: “Hori ez da ekologismoan mugitzen garen pertsonen aukera politiko bat, baizik eta datu bat”. Beste berba batzuekin bada ere, Antonio Aretxabala geologoak ere ezpal bereko ideia luzatu zuen ARGIAren aurtengo Gakoak urtekarian: “Desazkundea bai ala bai gertatuko da, gertatzen ari da dagoeneko, planetak ez du negoziatzen”. Erreportaje hasieran aipatutako Masson-Delmott ikerlariaren mezu esperantzagarriarekin amaitzen du liburua Petxarromanek. Hark dio egungo 15 urteko gazteek berotze testuinguru batean igaroko dutela bizitza osoa eta sumatzen duela “ezinegona dutela klimarekin eta bioaniztasunarekin iraganean izandako pasibotasunaren inguruan”. Berria-ko kazetariak ere ideia horrekin amaitzen du liburua: “Jarrera horretan, ezinbestez aldatu behar horretan ikusten du [Masson-Delmott-ek], nonbait izatekotan, bidaia hau ongi joango den itxaropena”. Elkarrizketa honetan liburuaz mintzo da egilea: « Edo berplanteatzen dira gure kontsumo eta produkzio ereduak edo gaizki ibiliko gara ».

 

Hasi da aldaketa: zenbaterainokoa ote da?

TXINA GILTZARRI
Munduan CO2 gehien isurtzen duen herrialdea da eta %40 gutxitu beharko du ikatzaren erabilera, baina oraindik 121 ikatz planta eraikitzen ari da. Aldi berean, eta bizi diren kontraesanen erakusgarri, bera da munduan energia berriztagarriei bultzadarik handiena eman diena. Elisa Sainz de Murieta geologoaren ustez, “Txinak hartzen duen jarrerak guztiz baldintzatuko du munduaren norabidea (…) baina uste dut euren lanak egiten ari direla”.
BASOAK:
AGUR 24 MILIOI HEKTAREARI
2019an desagertutako baso eremua da, Global Forest Watch erakundearen esanetan.  Deforestazioaren ondorioz, 6 segunduan behin futbol zelai baten tamainako eremua desagertzen da. Horien erdiak tropikoetan eta, azken hauetatik 3,8 milioi hektarea bioaniztasunaren altxor dira.
149 EUROKO ZERGA
Energia fosiletan ez inbertitzea eta hauek zergez zamatzea ezinbestekoa da ekonomialari askoren ustez. Suedian oso eraginkorra izan da eta isuritako CO2 tona bakoitzeko 149 euroko zerga ordaintzen dute enpresek; horren ondorioz, 1995etik gaurdaino %25 gutxitu dira CO2 isuriak.
EUSKAL HERRIA 9,1– EUROPAKO BATASUNA 7
“Berotegi gasen per capita isurketari erreparatuz gero, euskal herritarrek gehiago isurtzen dute (9,1 tona CO2 baliokide) Europako Batasuneko herritarrek baino (7 tona CO2 baliokide)”.
ZOONOSIA ETA BASA FAUNA
142 zoonosi kasu aztertu ditu California Davis Unibertsitateko Albaitari Eskolako One Health institutuak. Historian zehar, zoonosi kasu gehienak animalia etxekotuetatik datoz, baina ikerketa horren arabera, mehatxatutako espezieek bi bider zoonosi gehiago igorri dizkiete gizakiei beste animaliek baino. 1940tik hona izan diren zoonosien 2/3 basa faunan zuten jatorria.

HONDARTZAK ARRISKUAN
Mende amaierarako itsasoaren maila 30-60 zentimetro artean igo daiteke. Horrek esan nahi du Kontxako hondartzak 30 metro gutxiago izan dezakeela 30 zentimetroko igoera ematen bada. Berdin Zarauzko edo Getxoko Ereagako hondartzek ere. Ondorioa? Mareak gora egiten duenean edo itsas biziak daudenean, hondartza hareatzarik gabe geratuko dela. AEBetako Climate Center erakundearen arabera, mende erdirako 300 milioi biztanle arriskuan egon daitezke, bereziki Asian eta Pazifikoko uharteetan.
PIRINIOETAKO GLAZIARRAK
“1980ko hamarkadatik, azaleraren %70 galdu dute Pirinioetako glaziarrek. 1994an 39 glaziar zeuden, eta gaur egungo hemeretzi inguru geratzen dira. »