Articles du Vendredi : Sélection du 27 juillet 2012 !

La fin de la planète en 2100 ?

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/07/27/la-fin-de-la-planete-en-2100

Les pétroles offshore et « non conventionnels » n’empêcheront pas le pic pétrolier

ierre-René Bauquis
www.reporterre.net/spip.php?article2925 11/07/2012

Faire de l’engrais avec nos ordures ménagères, la fausse bonne idée

Sophie Verney-Caillat
www.rue89.com/rue89-planete/2012/07/07/faire-de-lengrais-avec-nos-ordures-menageres-la-fausse-bonne-idee-233644

L’évasion fiscale mondiale : dix fois le PIB de la France

Soren Seelow
www.lemonde.fr/economie/article/2012/07/23/l-evasion-fiscale-mondiale-dix-fois-le-pib-de-la-france_1736985_3234.html

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La fin de la planète en 2100 ?

Audrey Garric
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/07/27/la-fin-de-la-planete-en-2100

C’est la rumeur qui enflamme la Toile depuis plusieurs semaines : les écosystèmes de la planète pourraient connaître un effondrement total et irréversible d’ici 2100. A l’origine de cette prophétie apocalyptique, non une secte d’illuminés, un médium en manque de publicité ou le dernier blockbuster américain en vogue. Non, l’allégation est issue d’une étude de la très sérieuse revue Nature, référence parmi les publications scientifiques. La thèse ? L’environnement, sous l’effet des dégradations causées par l’homme, pourrait franchir un point de non-retour avant la fin du siècle.

Dans Approaching a state-shift in Earth’s biosphere, les auteurs, 22 chercheurs appartenant à une quinzaine d’institutions scientifiques internationales, alarment sur une perte de la biodiversité de plus en plus rapide et une accélération des changements climatiques.

Selon l’étude, presque la moitié des climats que nous connaissons aujourd’hui sur la Terre pourraient bientôt avoir disparu. Ils seraient ainsi remplacés, sur entre 12 % à 39 % de la surface du globe, par des conditions qui n’ont jamais été connues par les organismes vivants. Et ce changement s’effectuerait de manière brutale, empêchant les espèces et écosystèmes de s’y adapter.

Les bouleversements des milieux naturels ont toujours existé, rappelle l’étude, que ce soit à une échelle locale – au niveau des bassins ou des récifs coralliens par exemple -, régionale – il y a 5 500 ans, le Sahara était constitué de prairies fertiles – ou planétaire. La Terre a ainsi connu sept grandes crises : l’explosion cambrienne, il y a 540 millions d’années, les cinq extinctions massives qui ont anéanti pour certaines jusqu’à 90 % de la vie sur Terre et le passage de la dernière période glaciaire à notre époque, il y a 12 000 ans.

Mais alors que l’explosion cambrienne et le réchauffement de l’Holocène ont été déclenchés par des catastrophes naturelles, des changements dans la composition des océans et de l’intensité solaire, une nouvelle pression est aujourd’hui exercée sur les écosystèmes : celle de 7 milliards d’êtres humains – et 9 milliards en 2050.

« A l’époque où la planète est passée d’une période glaciaire à celle actuelle, interglaciaire, des changements biologiques des plus extrêmes sont apparus en seulement mille ans. A l’échelle de la Terre, c’est comme passer de l’état de bébé à l’âge adulte en moins d’une année. Le problème, c’est que la planète est en train de changer encore plus vite aujourd’hui« , explique Arne Moers, co-autrice de l’étude et professeure en biodiversité à l’université Simon Fraser de Vancouver.

Et la chercheuse de poursuivre : « La planète ne possède pas la mémoire de son état précédent. Nous prenons un énorme risque à modifier le bilan radiatif de la Terre : faire basculer brutalement le système climatique vers un nouvel état d’équilibre auquel les écosystèmes et nos sociétés seront incapables de s’adapter. […] Le prochain changement pourrait être extrêmement destructeur pour la planète. Une fois que le seuil critique sera dépassé, il n’y aura plus de possibilité de revenir en arrière. »

D’après l’étude, ce seuil correspondrait à l’utilisation de 50 % des ressources terrestres. Or, aujourd’hui, 43 % des écosystèmes terrestres sont déjà utilisés pour subvenir aux besoins des hommes. Un tiers de l’eau douce disponible est par ailleurs détourné pour un usage humain.

 

Les taux d’extinction des espèces sont à des sommets jamais atteints durant l’ensemble de l’évolution humaine – de 10 à 100 fois le rythme naturel d’extinction constaté par les scientifiques sur une période de 500 millions d’années, alors qu’il pourrait être bientôt 10 000 fois supérieur. Et les émissions de CO2 ont augmenté de 35 % depuis l’ère pré-industrielle du fait de la combustion d’énergies fossiles.

« Au vu de ces éléments, on peut affirmer qu’un basculement est très plausible au cours du siècle prochain », assure Anthony Barnosky, paléobiologiste à l’université de Californie à Berkeley. Toutefois, d’importantes incertitudes demeurent : « Il s’agit de savoir si ce changement planétaire est inévitable et, si oui, dans combien de temps il surviendra. »

Une prudence partagée par nombre de scientifiques qui ont lu l’étude. Pour Brad Cardinal, biologiste à l’université du Michigan, interrogé par le magazine américain Wired, cette recherche est probante mais pas concluante : « Ce n’est pas la première fois qu’une étude du genre est publiée. Seul le temps nous permettra de savoir si ces résultats se vérifient ou pas. » « Il faut se méfier de l’interprétation qui en est faite dans certains médias, selon lesquels la Terre pourrait ne pas atteindre le XXIIe siècle. La planète ne va pas disparaître avant 4 milliards d’années et elle restera habitable bien longtemps encore. Mais les dégradations en cours vont affecter nos conditions de vie », tempère de son côté le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans une interview au magazine belge Le Vif/L’Express.

Reste qu’un véritablement changement des modes de vie est nécessaire et urgent. Les 22 scientifiques de l’étude proposent aux gouvernements d’entreprendre quatre actions immédiates : diminuer radicalement la pression démographique ; concentrer les populations sur les zones enregistrant déjà de fortes densités afin de laisser les autres territoires tenter de retrouver des équilibres naturels ; ajuster les niveaux de vie des plus riches sur ceux des plus pauvres ; développer de nouvelles technologie permettant de produire et de distribuer de nouvelles ressources alimentaires sans consommer davantage de ressources.

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Les pétroles offshore et « non conventionnels » n’empêcheront pas le pic pétrolier

ierre-René Bauquis
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Les nouvellles découvertes ne compensent qu’à moitié la consommation pétrolière : le déficit s’annonce donc inévitable. Le plafonnement de la production se produira d’ici 2020.

 

Depuis plusieurs dizaines d’années, nous assistons à des batailles d’experts pour savoir si les productions mondiales de pétrole vont atteindre un niveau maximum, à quel moment et à quel niveau. C’est la querelle dite du « peak oil » (pic de production).

Essayons d’y voir clair dans ce débat, clé pour notre avenir. Pour cela il faut tout d’abord rappeler quelques points fondamentaux. De 2000 à 2011, la part du pétrole au sein des énergies primaires est passée de près de 40 % à 34 %, celle du gaz de 22 % à 24 %, et celle du charbon de 23 % à 26 %. Le total des énergies fossiles carbonées est donc resté presque constant, passant de 85 % à 84 % du total.

L’incapacité du secteur pétrolier à faire croître ses productions au rythme de la demande potentielle s’est confirmée en 2011. Cette tendance lourde, apparue en 2003, a eu pour conséquence un rééquilibrage de l’offre et de la demande de pétrole par les prix, celui-ci ayant été multiplié par quatre ou cinq sur la période (en gros [passé] de 25 à 125 dollars le baril).

ÈRE DES PÉTROLES DIFFICILES

Le pétrole n’est plus le régulateur physique des variations de la demande énergétique mondiale. Cette relative inélasticité au prix de l’offre pétrolière mondiale depuis le début des années 2000 signifie que nous sommes sortis de l’ère du pétrole bon marché et facile à produire pour basculer dans l’ère des pétroles difficiles et chers, « non conventionnels » : offshores profonds (plus de 500 m) et ultra-profonds (plus de 1 500 m), sables bitumineux, pétroles de roches mères dits « shale oil ».

Ce basculement confirme que nous sommes désormais proches du maximum soutenable de la production pétrolière mondiale. Ce « peak oil » devrait se situer vers 2020 (+ ou – 5 ans) et à un niveau de l’ordre de 100 millions de barils par jour (+ ou – 5 mb/j), tous hydrocarbures liquides naturels confondus, en excluant tous les produits de synthèse ou XtL.

Cette proximité dans le temps rencontre le scepticisme de ceux qui pensent que l’on n’a jamais connu autant de découvertes de gisements nouveaux et une hausse aussi forte des réserves prouvées.

Mais regardons de près ce que l’année 2011 nous a réellement appris. Comme 2009 et 2010, elle a été rythmée par l’annonce d’excellents résultats dans le domaine de l’exploration, en particulier dans les offshores profonds et ultra-profonds.

Les plus grosses découvertes ont été faites au Brésil, mais aussi dans le golfe du Mexique, au large de l’Afrique occidentale et même en Guyane française. L’exploration à terre a aussi donné lieu à quelques résultats spectaculaires avec la confirmation du potentiel de certains bassins africains internes comme en Ouganda ou au nord du Kenya.

L’ensemble de ces découvertes pour 2011 peut être estimé à 15 milliards de barils, c’est-à-dire du même ordre de grandeur que les deux années précédentes : 13 en 2009 et 19 en 2010.Ces chiffres sont à comparer à la consommation mondiale annuelle, qui est d’environ 30 milliards de barils, soit… le double de ce que nous découvrons.

Par ailleurs, 2011 a confirmé l’importance du potentiel de production de certains réservoirs peu perméables au sein de roches mères. Aux Etats-Unis, les Bakken Shales auront permis au Dakota du Nord de produire plus de 500 000 b/j fin 2011, faisant remonter la production américaine pour la seconde fois depuis 1970. Grâce à quoi le taux d’importation de pétrole brut des Etats-Unis a diminué de 65 % en 2010 à 60 % en 2011.

En gros, les Etats-Unis ont produit en 2011 six mb/j contre 10 mb/j en 1970, et auront importé 8 mb/j.

 

COMBIEN DE RÉSERVOIRS

En conclure que le problème du pic mondial n’existe plus du fait de ces nouveaux pétroles , c’est franchir un pas que nous pensons irréaliste. La question est de savoir combien on trouvera de réservoirs de ces nouveaux types lorsqu’on en fera la recherche systématique de par le monde. Personne ne connaît la réponse. Mais si on trouve dix ou vingt cas analogues au Dakota du Nord sur la planète, cela ne rehaussera le pic que d’environ 5 mb/j et n’en reculera la date que de quatre à cinq ans.

De plus, il ne faut pas oublier que ces productions de pétrole de roches mères aux Etats-Unis ont bénéficié d’une fiscalité pétrolière très favorable et d’un régime de propriété du sous-sol exceptionnel. Outre-Atlantique, le propriétaire du sol est aussi propriétaire du sous-sol et accepte les nuisances car il y trouve son intérêt.

On peut difficilement extrapoler ces résultats au reste du monde dans lequel l’Etat est propriétaire du sous-sol, tandis que le propriétaire du sol refuse de plus en plus les éventuelles nuisances auxquelles il peut être soumis sans en tirer aucun bénéfice (même lorsque ces nuisances sont largement imaginaires).

Par ailleurs, l’augmentation des réserves mondiales prouvées pour les trois dernières années provient essentiellement du transfert comptable de ressources connues depuis plus de cinquante ans (pétrole ultralourd et bitumes de l’Orénoque au Venezuela et de l’Athabasca au Canada).

Au total, l’observation de ce qui s’est passé en 2011 ne modifie pas le fait que nous allons devoir faire face à un plafonnement de la production pétrolière mondiale vers 2020, à un niveau proche de 100 mb/j. Grace aux pétroles non conventionnels, ce pic aura très probablement la forme d’un plateau ondulé, comme l’avait prédit en 2009 Yves Mathieu, géologue de l’Institut français du pétrole.

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Faire de l’engrais avec nos ordures ménagères, la fausse bonne idée

Sophie Verney-Caillat
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C’est une de ces guerres de religion dont les chapelles de l’écologie sont les spécialistes. Au départ, une bonne idée : la technologie du « tri mécano-biologique » (TMB) doit permettre, à partir de nos ordures ménagères (la poubelle du tout-venant), de créer une matière qui retourne à la terre pour la fertiliser, la nourrir.

Les industriels l’appellent abusivement « compost », alors que, rappelle Jean-Jacques Fasquel, maître-composteur à Paris, le compost, ce sont des déchets organiques bio-dégradables qui se transforment en terreau fertile, comme nous l’ont appris les amis de Pierre Rabhi.

Là, on met toute la poubelle en usine, celle-ci trie pour nous, produit du gaz méthane en passant, et ressort un substrat théoriquement réutilisable en agriculture. Idéal sur le papier.

La méthode alternative consiste à collecter à part les biodéchets (alimentaires et verts) et oblige donc le citoyen à un tri supplémentaire.

L’idée est de « valoriser » comme disent les industriels, et de réduire le volume de ce qui part à l’incinérateur.

A Romainville, les travaux de l’usine arrêtés

De grosses usines faisant tri, méthanisation et compost, fleurissent un peu partout depuis le Grenelle de l’environnement. Comme celle qui est en projet à Romainville dont des riverains particulièrement en colère ont réussi à empêcher le début des travaux.

Les opposants à ce projet dénoncent non seulement les nuisances (odeurs, mouches…), mais aussi le « mensonge » de la promesse initiale : non, nos poubelles ne produisent pas un compost utilisable en agriculture, clament-ils.

Le projet de Romainville divise y compris au sein du PS et d’EELV. « On s’est fait rouler dans la farine », disent même certains élus écologistes.

Une norme, certes, mais laxiste

Cette semaine, les Assises des déchets à Paris ont été l’occasion d’un débat serré entre les tenants et les opposants de cette méthode.

En ouverture d’une table ronde sur le sujet, Yves Coppin, de Véolia Environnement, se félicitait que « 10 à 12% de la population française valorise ses biodéchets ». Et d’ajouter que dans les 27 usines françaises de « TMB » on fait entrer 1 million de tonnes d’ordures ménagères résiduelles et sortir 250 000 tonnes de compost pour l’agriculture.

 

Un chiffre contesté par Roger Beaufort, du bureau d’études Horizons :

« Sur les 250 000 tonnes de “compost” produit, combien est réellement utilisé dans l’agriculture ? A Montpellier ou Fos, seulement 10% en 2010, le reste repart en décharge car il n’est pas à la norme. »

Et encore, la norme française [NFU-44 051] est trop permissive : elle autorise 5 kg de verre et de métaux, 2,75 kg de plastiques par m3 de compost sans compter les métaux dangereux. De plus, seulement quatre contrôles par an sont effectués, et l’échantillon testé est à la discrétion de l’industriel.

Il y a un consensus pour juger cette norme insuffisante, comme le relève un rapport du Sénat de juin 2010 (page 33).

« Vigilance, voire défiance des agriculteurs »

Lors des Assises des déchets, les opposants à la technique ne se sont pas gênés pour poser à l’industriel des questions qui fâchent. Exemples :

  • Le compost est-il vendu aux agriculteurs ?

– Non, seul le coût du transport est facturé, a répondu Véolia.

  • Le compost produit est-il mélangé à des déchets verts ?

– Oui (ce qui dilue le compost d’origine).

  • L’Europe interdit l’utilisation de ce compost, à quoi serviront les usines ?

– On se posera la question, resteront les plans d’épandage.

Bruno Rebelle, ancien de Greenpeace reconverti dans le conseil en développement durable, a étudié l’acceptabilité du compost dans le monde agricole (mandaté par Véolia et les collectivités de la FNCC). Il souligne la « vigilance, voire défiance » des agriculteurs, par exemple face à des résidus d’antibiotiques : « Pour eux il n’est pas question d’hypothéquer leur patrimoine, à savoir leur sol. »

Pourquoi mélanger pour trier après ?

Et que disent les autorités ? L’avis de l’Ademe, agissant ici comme un bureau technique du ministère de l’Environnement, est plus qu’ambigu. Une position jugée « attentiste, incertaine », par Bruno Rebelle, qui regrette :

« Comme souvent, on pousse la technologie et après on se pose la question de savoir si ça marche. »

L’Europe, de son côté, doit se prononcer en fin d’année prochaine sur la sortie ou pas du statut de déchet de ces matières. La discussion est vive entre les Allemands qui veulent un compost fait uniquement à partir d’une collecte sélective de biodéchets et la France qui pousse le TMB.

Le réseau France Nature Environnement milite violemment contre le TMB technique, expliquant entre autres que 20 à 30% des piles seulement sont récupérées, et « l’élément vraiment difficile à maîtriser, c’est le tri des ménages. Pourquoi mélanger pour trier après ? » interroge l’association qui défend la collecte sélective à la source. Soit une tournée de camions de plus pour récupérer les matières dites « fermentescibles » [matière organique biodégradable].

Et Frédéric Lamouroux, de la Fédération nationale des collectivités de compostage, de s’emporter :

« Soit on dit aux gens vous bouffez vos déchets de A à Z, soit les collectivités doivent faire des choix. Il ne faut pas jeter l’anathème sur telle ou telle option. »

On n’imposera pas une collecte de plus avant dix ans

Yves Coppin, de Véolia Environnement, qui nous confie qu’il ne « supporte pas la pensée unique pro-TMB ou collecte séparée » juge ce débat « trop militant, pas assez factuel ». Mais il prévient :

« Je ne suis pas gêné d’entendre que les analyses ne sont pas suffisantes, faisons-en trois fois plus, simplement, cela coûtera au consommateur… »

Car au-delà de la sécurité sanitaire du compost, donc de notre alimentation, se pose la question du coût des deux méthodes. Bruno Rebelle :

« Dans un monde idéal, on demanderait aux gens de séparer au départ chez eux les matières organiques, sauf qu’on est particulièrement nuls en tri en France. Sauf mouvement autoritaire, on n’arrivera pas à imposer la collecte séparative, en tout cas pas avant dix ans. »

Alors que le Grenelle n’a pas réussi à donner une orientation claire sur ce sujet, les projets du nouveau gouvernement en la matière sont très attendus.

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L’évasion fiscale mondiale : dix fois le PIB de la France

Soren Seelow
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Imaginez la richesse nationale cumulée des Etats-Unis et du Japon. C’est ce que pèserait l’évasion fiscale des particuliers dans l’économie mondiale, selon une étude réalisée par le groupe de pression Tax Justice Network, analysée sur le site du Guardian à travers deux articles (1 et 2).

Selon les données collectées auprès de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, des Nations unies et des banques centrales, les actifs financiers de particuliers dissimulés dans des paradis fiscaux atteindraient 17 000 milliards d’euros.

L’auteur de l’étude, James Henry, ancien économiste en chef pour le cabinet McKinsey, estime lui-même que ses conclusions sont probablement sous-évaluées : la vraie somme pourrait selon lui se situer autour de 26 000 milliards d’euros, soit dix fois le PIB de la France.

  • Un « trou noir dans l’économie mondiale »

Alors que les gouvernements européens ne cessent d’augmenter la pression fiscale sur leurs citoyens pour réduire leurs dettes et que les pays les plus pauvres peinent à rembourser la leur, Tax Justice Network s’interroge sur le manque à gagner pour les Etats. L’étude pose comme hypothèse de travail que ces milliards dissimulés au fisc rapportent chaque année 3 % à leurs propriétaires. A supposer que les gouvernements soient en mesure d’imposer ces revenus à 30 %, ce sont entre 155 et 225 milliards d’euros qui rentreraient chaque année dans les caisses, soit davantage que le budget annuel de l’aide au développement. « Un énorme trou noir dans l’économie mondiale », résume l’auteur de l’étude.

Un trou noir visible depuis longtemps dans les statistiques financières compilées par les grandes organisations internationales. « Les statistiques standards, comme celles du FMI, révèlent des incohérences fondamentales, souligne l’économiste spécialiste des inégalités Thomas Piketty. A l’échelle mondiale, la balance des paiements devrait être à zéro, or elle ne l’est pas : elle est toujours négative. Plusieurs points de PIB disparaissent chaque année. Piloter une crise financière mondiale dans ces conditions relève de la gageure. L’Europe, à cet égard, se comporte en véritable passoire car elle manque de poids politique face à des pays comme la Suisse ou les îles Caïmans. Il devrait pourtant sembler évident qu’on ne peut s’enrichir en commerçant avec ses voisins tout en siphonnant leurs revenus fiscaux. »

A ce manque à gagner abyssal pour l’ensemble des pays de la planète, il faut encore ajouter les actifs non financiers des « hyper riches » (œuvres d’art, immobilier, or…), non pris en compte par cette étude, ainsi que l’argent des entreprises et les sommes soustraites légalement au fisc via les mécanismes d’optimisation fiscale.

  • 600 milliards d’euros en France

A l’échelle nationale, les sommes accumulées au fil des décennies dans les paradis fiscaux s’élèveraient à 600 milliards d’euros, soit près de 10 % du patrimoine des Français et 1/6e du budget de l’Etat, selon une enquête du journaliste Antoine Peillon publiée en avril (Ces 600 milliards qui manquent à la France, Le Seuil). Près de la moitié de ces avoirs, soit 260 milliards, sont détenus par des particuliers, le reste par des entreprises.

« Chaque année, plus d’un tiers de l’impôt potentiel sur les revenus français – soit près de 30 milliards d’euros – n’est pas perçu, rien que par la dissimulation de ces avoirs et des produits financiers dans les paradis fiscaux », explique l’auteur. Pour l’Etat, la perte est double : au montant des avoirs cachés s’ajoute les revenus de leur placement, qui peuvent atteindre 7,5 % par an, explique-t-il.
En 2007, la Cour des comptes avait estimé la fraude fiscale à un montant annuel de 30 à 40 milliards d’euros, soit une part non négligeable du déficit public, qui s’est établi l’an dernier à 103,1 milliards d’euros. En 2011, la Délégation nationale à la lutte contre la fraude n’a détecté que 3 milliards de fraude fiscale, soit une hausse de 20 % sur un an.

D’après les chiffres du gouvernement, 77 000 comptes bancaires français à l’étranger ont été identifiés en 2010. Selon Antoine Peillon, les hyper-riches concernés par l’exil fiscal, dont le patrimoine excède 10 millions d’euros, seraient entre 150 000 et 200 000 en France.

  • Les 0,001 %

A travers la planète, une dizaine de millions de personnes auraient placé des actifs dans des paradis fiscaux, affirme l’étude de Tax Justice Network. Mais près de la moitié des sommes en jeu (8 000 milliards d’euros) est détenue par 92 000 particuliers, soit à peine 0,001 % de la population mondiale. Une élite dont le patrimoine, échappant pour partie à l’impôt, croît beaucoup plus rapidement que celui du commun des mortels.

« Quand on regarde l’évolution sur vingt ans de la fortune du millier de milliardaires recensés chaque année par Forbes, on constate une progression de 7 à 8 % par an, avec des pointes à 10 %, explique Thomas Piketty. Entre 1990 et 2010, la fortune de Bill Gates est ainsi passée de 4 milliards à 50 milliards de dollars, et celle de Liliane Bettancourt de 2 à 25 milliards, ce qui correspond à une progression annuelle de 13 % (10 % en tenant compte de l’inflation). C’est largement supérieur à la croissance, ce qui signifie qu’une part toujours plus importante du patrimoine mondial est captée par un petit groupe, qui échappe à tout contrôle en se soustrayant aux législations nationales. »

Selon le dernier classement Forbes, le nombre de milliardaires a atteint 1 210 en 2011, un record absolu depuis les vingt-cinq ans d’existence de ce classement, et 214 de plus que l’an dernier. Tous ensemble, ces oligarques pèsent 4 500 milliards de dollars, soit plus que le produit intérieur brut de l’Allemagne.


Le cas des pays en voie de développement

Dans un certain nombre de pays en voie de développement, le montant cumulé des sommes ayant fui à l’étranger depuis les années 1970 permettrait d’effacer la dette nationale, affirme Tax Justice Network. Les pays riches en pétrole possédant une élite très mobile ont été particulièrement exposés à cette fuite de leur richesse nationale. James Henry estime que 640 milliards d’euros ont quitté la Russie depuis l’ouverture de son économie au début des années 1990. L’Arabie saoudite aurait perdu 250 milliards d’euros depuis le milieu des année 1970, tout comme le Nigeria.

« Le problème, c’est que les biens de ces pays sont détenus par une poignée de gens riches, tandis que les dettes sont supportées par les peuples, à travers leurs gouvernements », souligne le rapport.

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