Articles du Vendredi : Sélection du 27 janvier 2023

Le coût des catastrophes naturelles en France a atteint 10 milliards d’euros en 2022, un niveau inédit depuis 1999
Le Monde avec AFP
www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/26/le-cout-des-catastrophes-naturelles-en-france-a-atteint-10-milliards-d-euros-en-2022-un-niveau-inedit-depuis-1999_6159400_3244.html

L’augmentation des frais concernant les dégâts est liée à « l’intensification des phénomènes » climatiques extrêmes et à une « augmentation de leur fréquence », a annoncé jeudi la présidente de France Assureurs.

Le coût des catastrophes naturelles en France devrait s’élever à 10 milliards d’euros en 2022, a annoncé jeudi 26 janvier la présidente de France Assureurs, un niveau inédit depuis 1999, année marquée par les tempêtes Lothar et Martin.

L’année 2022 « sur le front des événements climatiques, c’est véritablement l’annus horribilis », a souligné Florence Lustman, interrogée sur Europe 1, qui pointe « l’intensification des phénomènes » climatiques extrêmes ainsi que « l’augmentation de leur fréquence ». Celle-ci a cité les orages de grêle, les tempêtes, les inondations et « une année également exceptionnelle sur le front de la sécheresse ».

Dans le détail, les épisodes de grêle et les tempêtes entre mai et juillet ont coûté 6,4 milliards d’euros, précise la fédération à l’Agence France-Presse. A cela s’ajoutent les effets de la sécheresse, en particulier sur les maisons individuelles, pour une enveloppe proche des 2,5 milliards d’euros.

En France, environ 54 % des maisons individuelles sont situées en zone d’exposition moyenne ou forte au retrait-gonflement des sols argileux, un phénomène lié aux successions d’épisodes de sécheresse l’été et de réhumidification des sols en automne ou en hiver, qui peut engendrer d’importants dégâts. Quelque 3,3 millions de maisons, soit environ 16 % du total, sont même situées en zone de risque fort.

Les sinistres constatés sur les récoltes, les inondations et les épisodes de feux de forêt lors de l’été complètent le tableau.

La facture va doubler en trente ans

Ce montant pour 2022 marque une augmentation significative par rapport à la période 2017-2021. Ces phénomènes climatiques ont en effet coûté en moyenne 3,5 milliards d’euros par an sur la période. La fédération professionnelle des assureurs n’est par ailleurs pas très optimiste pour les années à venir, en raison des effets de plus en plus visibles du changement climatique.

La facture cumulée devrait dépasser 140 milliards d’euros pour les trente prochaines années, le double des trente dernières.

Greenwashing : TotalEnergies visé par une enquête pour «pratiques commerciales trompeuses»
LIBERATION et AFP
www.liberation.fr/environnement/climat/greenwashing-totalenergies-vise-par-une-enquete-pour-pratiques-commerciales-trompeuses-20230126

Trois associations de protection de l’environnement ont déposé plainte contre le géant français du pétrole pour dénoncer son greenwashing, apprend-on ce jeudi. TotalEnergies se targue de vouloir atteindre la neutralité carbone, malgré de nouveaux projets fossiles.

TotalEnergies au cœur d’une énième plainte. Une enquête judiciaire a été ouverte pour «pratiques commerciales trompeuses» dans le domaine de l’environnement contre le groupe pétrolier et gazier français TotalEnergies. Le groupe promeut partout son ambition de neutralité carbone et se défend en rappelant qu’il investit aussi dans les énergies renouvelables.

L’enquête a été ouverte en décembre 2021 par le pôle économique et financier du parquet de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, après la plainte au pénal, en octobre 2020, de plusieurs associations de défense de l’environnement. Ces associations – Wild Legal, Sea Shepherd France et Darwin Climax Coalitions – accusent le géant pétrolier de dégradation de l’air, selon la plainte, consultée par Mediapart.

«Cynisme durable»

A ce stade, le parquet se concentre sur le délit potentiel de pratiques commerciales trompeuses, ce qui peut faire référence aux communications du groupe promouvant sa stratégie climatique. C’est sur ce motif-là qu’une autre action a été lancée, au civil, par trois autres ONG dont Greenpeace l’an dernier. «Le greenwashing au nom du développement durable est un cynisme durable», a tancé William Bourdon, avocat des associations écologistes. «L’insincérité des engagements de Total conduira nécessairement à un procès pour pratiques commerciales trompeuses», a-t-il avancé.

C’est ce qu’espère aussi la juriste de Greenpeace impliquée dans le recours au civil, Clara Gonzales. «Quoiqu’il arrive à l’issue de cette enquête préliminaire, cela démontre que les entreprises courent un risque grandissant quand elles ont ce type de pratiques», analyse-t-elle. «Quand on est pétrolier ou gazier et qu’on communique à tout va sur des engagements climatiques non fondés scientifiquement selon nous, la réponse judiciaire est là.» Contacté, TotalEnergies indique n’avoir «aucune information sur la plainte évoquée. Et ni la Compagnie ni ses dirigeants n’ont reçu de demande d’audition à ce sujet».

TotalEnergies défend ses «investissements» dans les «nouveaux métiers»

La multinationale basée à Paris a adopté une ambition de neutralité carbone en 2050 mais ajoute avancer «ensemble avec la société», c’est-à-dire qu’elle conditionne cette ambition à l’engagement climatique des pays. Comprendre : tant que le monde aura besoin de pétrole ou de gaz, elle continuera à en fournir. Et ses propres documents prévoient une empreinte carbone totale à peine réduite d’ici 2030, par rapport à 2015.

Elle cite «des investissements», des «nouveaux métiers» et une «baisse significative des émissions de gaz à effet de serre», réduites en Europe de «23 % entre 2015 et 2021». TotalEnergies ajoute avoir désormais «17 gigawatts (GW) de capacités renouvelables (éolien, solaire…) installées dans le monde, contre près de 0 GW en 2018».

Pour Wild Legal, TotalEnergies «dans sa communication affiche son objectif de neutralité carbone alors même que la société poursuit ses investissements dans des énergies fossiles fortement polluantes en France et ailleurs». «Cette stratégie de communication vise à tromper les consommateurs, alors que pour une grande majorité d’entre eux, la politique environnementale d’une entreprise est un critère substantiel de leurs choix d’achat», estime l’association.

Renforcer le cadre juridique de la communication

Un complément de plainte, en 2021, mentionne le développement d’ici 2025 de 400 puits de forage pétrolier en Ouganda, le projet Tilenga, prolongé par la réalisation d’un pipeline chauffé à 50 °C de plus de 1 400 km jusqu’en Tanzanie : le projet Eacop, vivement dénoncé par les écologistes locaux.

Ce n’est pas la première fois que les projets de TotalEnergies sont dans le viseur de la justice. Fin décembre, le géant a été assigné par six ONG pour ce même mégaprojet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie, en vertu d’une loi qui depuis 2017 impose aux multinationales un «devoir de vigilance» sur leurs activités mondiales. La décision dans cette affaire sera rendue le 28 février.

En avril 2022, les ONG ont de nouveau porté plainte, reprochant «d’autres pratiques» à l’origine selon elles «d’un écocide», a expliqué le ministère public. Encore à l’étude, cette plainte n’a pas, à ce stade, provoqué l’ouverture d’une enquête ou été jointe aux investigations en cours. En parallèle, à Nanterre, l’enquête pour «pratiques commerciales trompeuses» se poursuit. Pour Clara Gonzales de Greenpeace, l’intérêt de ces procédures nouvelles est de donner «au juge l’opportunité de trancher ce débat, et de renforcer le cadre juridique de la communication des entreprises.»


Vieillissement, coût du travail, compétitivité : les anti-retraites utilisent les mêmes arguments depuis 1945
Rachel Knaebel
https://basta.media/Vieillissement-cout-du-travail-competitivite-les-anti-retraites-utilisent-les-memes-arguments-depuis-1945

Pourquoi réformer les retraites ? Vieillissement de la population, compétitivité, coût du travail : ces arguments sont déployés à l’envi depuis… la création du système de retraite par répartition en 1945 ! Entretien avec le sociologue Ilias Naji.

basta!  : Les débats sur de nécessaires « réformes » des retraites sont-ils arrivés rapidement après la mise en place du système général de retraite dans l’immédiat après-Deuxième Guerre mondiale ?

Ilias Naji [1] : Le régime général des retraites par répartition est installé en France à partir de 1945. Dès le début, des controverses sur les retraites et la Sécurité sociale de manière plus générale apparaissent. On retrouve alors des arguments qui existent encore aujourd’hui, notamment celui du vieillissement démographique. À l’époque, les démographes n’anticipent pas du tout le baby-boom qui se profile. Pour eux, la France est un pays vieillissant. Selon eux, cela coûterait beaucoup trop cher de généraliser les retraites par répartition.

On entend aussi l’argument lié au coût du travail, mis en avant par le patronat et repris par des acteurs de la classe politique. Leur raisonnement est : si on généralise la retraite et la Sécurité sociale, cela fera augmenter les cotisations, donc le coût du travail, donc les entreprises françaises vont être moins compétitives par rapport aux pays voisins, cela sera mauvais pour l’économie.

Comment a été mise en place la retraite à 60 ans à taux plein ?

La retraite à 60 ans existe avant 1945 dans certains types de régimes de retraite. Dans le régime général du secteur privé conçu à la Libération, l’âge de départ à taux plein est fixé à 65 ans, à cause de cet argument du vieillissement de la population. Il existe déjà alors une forte revendication syndicale, de la CGT notamment, pour la retraite à 60 ans.

Puis, à la fin des années 1960, s’ouvrent de nouveaux débats sur ce que cela coûterait d’établir la retraite à 60 ans pour tout le monde. Finalement, ce sont les préretraites, appelées alors « garantie de ressources », qui se développent beaucoup dans la décennie suivante. Ce système n’est pas décidé par le gouvernement de l’époque, mais par les partenaires sociaux, les syndicats et le patronat. C’est une prestation de l’Assurance chômage qui est elle-même gouvernée de manière paritaire par les partenaires sociaux.

Un accord est trouvé en 1972 sur les préretraites en cas de licenciements économiques, et en 1977 sur les préretraites pour démission. Il était alors possible de démissionner à l’âge de 60 ans et de disposer d’une préretraite jusqu’à 65 ans. Comme le montant des préretraites est alors plus important que celui de la retraite, ce dispositif a beaucoup de succès. La « préretraite démission » est largement utilisée notamment par les cadres. De grandes entreprises industrielles se servent aussi de ce système pour licencier de manière déguisée, car ce n’étaient pas elles qui payaient les préretraites, mais l’Assurance chômage.

La revendication de la retraite à taux plein à 60 ans est annoncée très vite en 1981

La situation change-t-elle avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterand en 1981 ?

Avec le « succès » des préretraites, le taux d’activité des personnes de plus de 60 ans se retrouve à un niveau très bas au début des années 1980. La revendication de la retraite à taux plein à 60 ans, présente dans le programme commun du Parti socialiste et du Parti communiste, est annoncée très vite en 1981. Cette demande est, d’une certaine manière, déjà réalisée, sauf pour une partie de la population qui n’a pas droit aux préretraites. La mise en place de la retraite à 60 ans à taux plein s’est ensuite faite en deux étapes.

Pour le régime général, cela est fixé par ordonnances à l’automne 1981. Le régime général couvre deux-tiers du montant de la retraite pour le secteur privé. S’y ajoutent des retraites complémentaires obligatoires, qui, elles, sont gérées paritairement par les syndicats et le patronat. Il faut donc que ceux-ci trouvent un accord pour réformer également les retraites complémentaires.

Comme les préretraites restent alors plus avantageuses que la retraite, les syndicats n’y sont pas trop favorables au début. Le patronat refuse, lui, la retraite à 60 ans dans les régimes complémentaires car il milite déjà contre toute hausse des cotisations.

Suite à des négociations, on parvient en 1983 à un accord et à un montage financier sur la retraite à 60 ans pour les retraites complémentaires, sans hausse du taux de constatation en utilisant l’argent prévu pour les préretraites de garanties de ressources qui sont progressivement éteintes.

Que s’est-il passé pour que, suite à la mise en place de la retraite à 60 ans, débute une série de réformes qui vont dans le sens contraire ?

En 1982, c’est le tournant de la rigueur, aussi appelé plus tard politique de « désinflation compétitive ». L’idée est de maîtriser le coût du travail avec l’espoir que in fine, cela créera de l’emploi. Ce coût du travail inclut les taux de cotisations qui financent la Sécurité sociale et notamment les retraites.

Le mot d’ordre est donc la surveillance des taux de cotisations. Cela s’applique aussi aux retraites. Le raisonnement est que, si on veut que le coût du travail n’augmente pas, les dépenses des retraites ne doivent pas trop augmenter. Dès 1983, l’indexation des pensions de retraite change. Avant, elles étaient indexées sur les salaires nets. Après, elles sont beaucoup moins revalorisées, en dessous même de l’inflation. À partir de 1987, elles sont indexées sur les prix, soit à un niveau moindre que si elles étaient revalorisées au niveau des salaires. Le gouvernement choisit de modifier le mode d’indexation des retraites pour faire des économies sur les dépenses et ne pas avoir à augmenter le taux de cotisation. C’est une réforme peu perçue à l’époque.

Ensuite, tout au long de la décennie, différents projets de réforme sont formulés par le ministère des Affaires sociales d’un côté et le ministère de l’Économie de l’autre. Ces deux administrations s’accordent pour continuer la désinflation compétitive, donc faire en sorte que les dépenses de retraites n’augmentent pas trop vite.

Un gouvernement de droite est élu en 1993. À partir de là, ça va très vite. C’est la réforme Balladur qui augmente la durée de cotisation à 40 ans

Si l’administration budgétaire est plus radicale dans la compression des dépenses que l’administration sociale, les deux sont favorables à l’ augmentation de la durée de cotisation. La durée de cotisation minimale pour obtenir le taux plein est à l’époque de 37,5 années [entre 42 et 43 ans ans aujourd’hui en fonction de votre année de naissance, ndlr]. Les ministères veulent alors l’allonger à 40 ans, voire plus. En 1991 sort le « Livre blanc sur les retraites » qui reprend globalement les positions de la direction du budget. Puis, un gouvernement de droite est élu en 1993. À partir de là, ça va très vite. Les lois sont votées dès l’été 1993. C’est la réforme Balladur qui augmente la durée de cotisation à 40 ans et qui change aussi la durée du salaire de référence [le nombre de meilleures années prises en compte pour le calcul de la pension] de 10 à 25 ans.

À cette époque est aussi créé le fonds de solidarité vieillesse, pour financer le minimum vieillesse. Ce fonds est abondé par la CSG, pas par des cotisations. À la création de ce fonds est aussi associée l’idée de financer des dépenses de solidarité par des taxes et par l’impôt et non plus par des cotisations, avec derrière la volonté de faire baisser le coût du travail.

L’argument le plus visible dans le débat public autour des retraites, c’est la question démographique : « On vit plus longtemps ». Est-ce en fait la question du coût du travail qui reste centrale dans toutes les réformes ?

L’argument démographique est présent dès 1945. Il vient s’opposer à des réformes des retraites avantageuses pour les retraités au prétexte de la charge que ferait peser sur l’économie la part âgée de la population. Puis, dans les rapports de l’administration sur les retraites de la décennie 1970, cet argument est critiqué : le vieillissement ne serait pas si grave, d’autant que si on résonne sur le plan du ratio de la part inactive en fonction de la part de la population active, il n’y a pas de différence entre jeunes et vieux. Il peut ensuite y avoir des débats pour déterminer si une personne âgée coûte plus cher qu’une personne jeune inactive.

L’argument du coût du travail qu’il faudrait réduire est très ancien pour justifier les réformes des retraites

Une deuxième argument dans les débats établit un lien entre retraites, coût du travail et chômage.

Par exemple, une grande réforme de l’organisation de la Sécurité sociale est mise en œuvre en 1967, car on a un problème de déficit. Dans les débats politiques revient l’idée que la Sécurité sociale coûterait trop cher dans un contexte économique de compétition internationale où il faudrait réduire le coût du travail. L’argument du coût du travail, qu’il faudrait réduire pour faire baisser le chômage, est très ancien. Les réformes des retraites sont justifiées par cet argument au moins depuis les années 1980. Ce n’est pas pour autant que le chômage baisse fortement[le taux de chômage oscille entre 5,4% et 10,8 % depuis 1982, il est à 7,3 % en 2022, ndlr].

Percevez-vous une ligne de partage politique continue dans ces débats entre libéraux et partisans de la solidarité nationale, entre patronats et syndicats ?

Jusque dans les années 1970, deux visions de l’organisation de la Sécurité sociale s’opposent. Certains défendent la caisse unique, qui revient à centraliser l’argent de toutes les branches de la Sécurité sociale : retraites, famille, maladie. Ensuite, cet argent est utilisé pour répondre à des risques et des besoins sociaux, comme les retraites, et parfois aussi pour répondre à des objectifs de réduction des inégalités sociales et de redistribution.

Ce projet de généralisation de la Sécurité sociale s’arrête en 1946-1947 du fait des oppositions, notamment des régimes de retraite de la fonction publique, mais aussi des agriculteurs, des professions libérales, des indépendants, des cadres, qui ne veulent pas se retrouver avec le régime général, car ils ont l’impression qu’ils y perdraient.

Des oppositions existent aussi sur ce que devrait être un bon système de protection sociale. Certains disent que la Sécurité sociale ne devrait pas financer la redistribution dans le but de réduire des inégalités sociales. Cette vision défend une approche plus « assurantielle » qui lie la prestation au fait d’avoir cotisé. Dans les années 1970, des syndicats demandent le retour à la caisse unique. Il y a encore alors cette controverse sur les finalités de la protection sociale : est-ce seulement une assurance sociale [face au risque de la maladie ou du chômage, ndlr] ou est-ce aussi un instrument de redistribution qui vise à lutter contre les inégalités ?

Le système de retraite par répartition est-il régulièrement remis en cause pour aller vers un système par capitalisation ?

Dans le programme du CNR [Conseil national de la Résistance qui réfléchit avant même la Libération à un nouveau modèle social français], aucun choix n’est vraiment fait sur le mode de financement des retraites. Les retraites d’avant-guerre qui fonctionnaient en partie par capitalisation ont beaucoup pâti de l’inflation liée à la crise économique et financière des années 1930 puis à la Seconde Guerre mondiale. Les retraités se sont retrouvés appauvris, car leur pension était devenue très faible par rapport à l’évolution des prix. Dans cette situation, le choix fait en 1945 d’un système par répartition était avant tout pragmatique.

Après l’inflation liée à la crise économique et financière des années 1930, le choix fait en 1945 d’un système par répartition était avant tout pragmatique

Le système par répartition a plusieurs fois été remis en cause par la suite. Un projet de généralisation des fonds de pension est discuté en France dès 1965. Face aux oppositions, il est abandonné. Ensuite, Raymond Barre [ministre de l’Économie, puis Premier ministre entre 1976 et 1981, ndlr] fait des déclarations favorables à la retraite par capitalisation, avec le lobby des assurances qui pousse au développement de la capitalisation. Cela ne s’est pas concrétisé. On retrouve ces mêmes tentatives dans les années 1980 et 1990. En plus du levier « coût du travail », la politique de rigueur des années 1980 active celui des « investissements », pour que les entreprises investissent pour devenir plus compétitives.

Une manière d’attirer les investissements est de créer des fonds de pension, donc de favoriser la retraite par capitalisation. Des projets sont alors menés au ministère de l’Économie avec la création d’un plan d’épargne retraite à la fin des années 1980. Finalement, les épargnants préfèrent l’assurance vie, car c’est plus facile d’en retirer son argent. Dominique Strauss-Kahn (PS), ministre de l’Économie, relance le projet de retraites par capitalisation en 1998. La bulle internet en 2001, puis la crise des subprimes en 2007-2008 ont atténué ce débat parmi les économistes.

[1Ilias Naji est docteur en sociologue, chercheur postdoctoral à l’université Johannes-Kepler de Linz. Il a consacré sa thèse au retournement des réformes des retraites dans les années 1980.

Klima aldaketaren lehen lerroan dago Hego Asia, eta bertako txiroenak dira gehien kaltetuak
Nicolas Goñi
www.argia.eus/argia-astekaria/2810/klima-aldaketaren-lehen-lerroan-dago-hego-asia-eta-bertako-txiroenak-dira-gehien-kaltetuak

Klima aldaketaren ardurari dagokion bezala, klima larrialdiaren aurrean ere ez dago mundu osoa egoera berdinean. Lehen lerroan dago Hego Asia, eta bertako lehen kaltetuak daude txiroenak, kanpoko eskuzko lanak egiten dituztenak. Gizakiaren biziraupena kolokan jarriko du muturreko sargoriak. Aire-girogailuen merkatua garatuko den bitartean, iaz bezalako hondamendien ondorioz hamarnaka milioi pertsona errefuxiatu bihurtu daitezke.

Bukatu berri den 2022 urtean klima aldaketaren eraginek marka asko gainditu dituzte, eta dudarik gabe Hego Asia izan da marka gehien gainditu diren munduko eskualdea. Udaberrian hiru hilabeteko bero uhina pairatu zuten Indiak eta Pakistanek, 51° arteko tenperaturekin. Bero uhinak zuzenean hildako pertsonez gain, kalte zerrenda luzea utzi du: langileen akidura iraunkorra, airearen kutsadura –zentral elektrikoek isuritako errauts, ozono eta partikula txikiengatik –, ur  eskasia, zabortegi eta oihan suteak, elektrizitate hornitze etendurak, glaziar aintziren gainditzea –uholdeak eraginez eta azpiegiturak suntsituz–, laborantza galerak –gari uzta eskualde batzuetan erdira jaitsiz, intsolazioz edo egarriz hildako artaldeak–.

Klima aldaketaren ondorioz Hego Asian 40 milioi pertsona inguruk migratu dezakete 2050 bitartean, horietarik 13 milioi baino gehiagok Bangladesh barnean

Hori dena jasateko gehiegi ez balitz, ekainetik hasi eta urrira arte Pakistanek bere historiako uholde gogorrenak pairatu ditu, uztaileko euri maila hilabete horren balore normalen hirukoitza izanik. 33 milioi pertsona kaltetuak izan ziren, 250.000 etxe eta 80.000 laborantza lur hektarea suntsituak, 1.739 pertsona eta 700.000 abere hilik, 3.000 kilometro bide eta 130 zubi xehatuak. Sherry Rehman Pakistango klima aldaketaren ministroaren arabera, iraganeko gertakizunen muga guziak gainditu ditu episodio horrek. Gertakizun horiek ezohikoak izanik ere, klima aldaketak beren probabilitatea nabari emendatu du: bider 30, alegia.

Munduko Bankuaren arabera, Hego Asiako 700 milioi pertsona inguruk –ia bertako populazioaren erdiak– dute klimari loturiko hondamendi baten kaltea pairatu azken hamarkadan. Germanwatch gobernuz kanpoko erakundeak garatu duen klima arrisku indizearen arabera, India eta Pakistan izan dira 2000tik aurrera herrialde kaltetuenak klima aldaketagatik.

IPCC Klima Aldaketari Buruzko Gobernu Arteko Taldearen iazko txostenaren arabera, Hego Asian gertatuko dira laborantza etekinen gutitze nabarmenenak ere, eskualde hartan pilatuko diren estres termiko eta intsektu edo onddo kaltegarrien hedapenaren ondorioz, baita muturreko gertaerak –bero uhinak, uholdeak edo lehorteak– maizago ikusiko direlako ere.

Baina elikatzen gaituzten landare eta abereez gain, gizakia beraren biziraupen fisikoa zuzenki mehatxatuko du sargoriak, bero uhinak aire oso hezean gertatuko direlarik. Hain zuzen, tenperatura eta hezetasun maila batetik gora ezinezkoa bilakatzen da izerdiaren bidez gorputzaren tenperatura 37 gradutan atxikitzea. IPCCren arabera, mendearen bukaeran urteko 150 egunetan edo gehiagotan kanpoko lan fisikoak egiteko gaitasuna %40 murriztu daiteke (SSP5-8.5 hipotesian), batez ere Gujarat estatuan, Pakistanen, Ganga ibaiaren arroan, Bangladeshen, Indiako ekialdeko kostan eta Sri Lankan. %40ko estimazio hori batezbestekoa da, eta pertsona batzuk muturreko sargoria hobe jasan badezakete, bertze asko hilko dira.

Klima aldaketa arazo soziala da

Panorama horrek aski argi erakusten digu denak ez gaudela posizio berean klima aldaketari dagokionez, bai geografikoki –Ipar Europa edo Ekialdeko Ipar Amerika, Maldibak edo Bangladesh baino babestuagoak daude– baita sozialki ere, arrisku handiko eskualde berean kaltetuenak txiroak eta eskuzko langileak baitira.

Zinismorik falta ez zaion iazko azaroko txosten batean, Climate Investment Opportunities in India’s Cooling Sector (“klima inbertsio aukerak Indiako aire girotuaren sektorean”) tituluduna, Munduko

Bankuak zioen aire girotuaren eskaerak merkatu berriak irekiko dituela Indian, 1.6 bilioi dolarreko inbertsio aukerak emanez. Bertan azaltzen dute 2037an aire-girogailu eskaera zortzikoiztuko dela, eta bide-orri berdeagorik ez bada sustatzen, horrek datozen bi hamarkadetan berotegi efektuko gas isurketak %435 igo ditzakeela Indian. Aldiz, halako ekipamendurik erosi ezin duten laborari edo langile prekarioen biziraupenari buruz xehetasun guti ematen du txostenak, etxebizitza politikarako aholku orokor eta labur bat izan ezik.

Gizakiaren biziraupena mehatxatuko du sargoriak, tenperatura eta hezetasun maila batetik gora ezinezkoa baita gorputzaren tenperatura 37 gradutan atxikitzea

Lau urte lehenago Munduko Bankuak argitaraturiko Preparing for Internal Climate Migration (“Klimak bultzaturiko barne migraziorako prestatzen”) txostenean aurreikusten zuten Hego Asian 40 milioi pertsona inguruk migratuko zutela 2050 bitartean –horietarik 13 milioi baino gehiagok Bangladeshen baitan, barne-migraziora behartuz–, baldin eta funtsezko klima politikarik ez balitz martxan ezarriko. Klima aldaketa murrizten lortuz gero ere, 2050ean kopuru hori 20 milioi ingurukoa litzatekeela estimatzen dute.

Slavoj Žižeken esaldi famatuari –”errazago irudika dezakegu munduaren amaiera, kapitalismoarena baino”– bertze ilustrazio bat emanez bezala, errazago aitzintzen ditugu txiroenen erbestea edo heriotza, beren bizi baldintzen hobetzeko behar adinako ahaleginak baino.

Arazoaren dimentsio historikoari begira

Klima aldaketaren dimentsio sozial eta geografikoari gehi diezaiokegu dimentsio historikoa, berotegi efektuko gasen isurketan Ipar Europa edo Ekialdeko Ipar Amerikak alde batetik eta Pakistan edo Sri Lankak bertzaldetik ez baitute ardura historiko berdina. Horren ildotik bultzatu zen klima aldaketaren aurrean estatu zaurgarrienen galerak eta kalteak konpentsatzeko funts baten eskaera, COP27an onarturikoa, nahiz eta oraindik eskasia eta hutsune asko dituen.

Kim Stanley Robinson idazlearen The Ministry for the Future (“Etorkizunerako Ministeritza”) eleberrian, 2025 eta 2050 urteen artean iragaten dena, ezohiko bero uhin batek sorturiko trauma kolektiboaren ondorioz –ehundaka mila pertsonen heriotza dakarren sargoria–, Indiako gobernuak unilateralki erabakitzen du geoingeniaritza programa baten bultzatzea, atmosferan sufrea barreiatuz, montzoian izanen dituen albo-kalteez jakinean izanda ere.

Hil ala biziko egoera hartan edozein aterabide arriskatzeko prest daudela dio Indiako buruzagiak, eleberrian. Ea fikzio hori 2050ean ere fikzio izaten jarraituko duen…