La fonte de l’Arctique « coûterait » un an de PIB mondial
Laurence Caramel
Le Monde 25.07.2013
Un seul insecte nous manque et tout est moins pollinisé
Marine Jobert
www.journaldelenvironnement.net/article/un-seul-insecte-nous-manque-et-tout-est-moins-pollinise,35793?xtor=EPR-9
« Le droit de l’environnement reste un droit subsidiaire »
Marine Jobert
www.journaldelenvironnement.net/article/le-droit-de-l-environnement-reste-un-droit-subsidiaire,35264?xtor=EPR-9
Gestion des déchets : en finir avec les demi-mesures
Gilles van Kote
Le Monde 06.11.2013
« Le risque sanitaire du nucléaire est encore mal évalué »
Stéphane Foucart et Pierre Le Hir
Le Monde du 25.07.2013
« Hazkundea bueltatuko dela esatea gezurretan aritzea eta frustrazioa sortzea da »
Mikel Garcia
www.argia.com/albistea/florent-marcellesi-hazkundea-bueltatuko-dela-esatea-gezurra-esatea-eta-frustrazioa-sortzea-da
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La fonte de l’Arctique « coûterait » un an de PIB mondial
Laurence Caramel
Le Monde 25.07.2013
La fonte de la banquise arctique est une « bombe économique à retardement » qui pourrait coûter jusqu’à 60 000 milliards de dollars (45 000 milliards d’euros) – l’équivalent du PIB annuel mondial en 2012 – selon les calculs établis par une équipe de scientifiques de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) et d’Erasmus University Rotterdam (Pays-Bas) et publiés mercredi 24 juillet dans la revue Nature.
La disparition de la glace de mer est jusqu’à présent considérée comme une bonne nouvelle par les milieux économiques et les gouvernements qui espèrent tirer profit des nouvelles routes maritimes et de l’accès à d’abondantes ressources d’hydrocarbures. L’Arctique recèlerait 30 % des réserves de gaz supposées et 13 % des réserves de pétrole.
La mise en garde des scientifiques risque toutefois de tempérer cette euphorie. « Les possibles bénéfices se comptent en dizaines de milliards de dollars ; nous, nous parlons de milliers de milliards de dommages et de coûts », avertissent Chris Hope et Peter Wadhams, de l’université de Cambridge, et Gail Whiteman, de l’université Erasme à Rotterdam.
Le pôle Nord se réchauffe à un rythme deux fois supérieur à la moyenne mondiale. En 2012, la fonte de la banquise estivale a atteint un nouveau record. Ces bouleversements ont pour conséquence de libérer de grosses quantités de méthane – un gaz au pouvoir de réchauffement vingt fois supérieur au CO2 – jusqu’alors séquestrées dans le pergélisol. Or, ce phénomène n’a pas été pris en compte dans les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
LES PAYS PAUVRES SUBIRONT LES PLUS GROS DOMMAGES
Selon les scientifiques, le relargage au cours de la prochaine décennie des 50 milliards de tonnes de méthane stockés dans les sols gelés sous la mer de Sibérie orientale aurait un coût considérable pour l’économie mondiale. De l’ordre de 60 000 milliards de dollars, affirment-ils, après avoir fait tourner le modèle – actualisé – d’évaluation des coûts économiques du changement climatique élaboré par Nick Stern et ses équipes en 2006 pour le gouvernement britannique.
Ce chiffre estime la facture liée aux événements climatiques extrêmes (sécheresses répétées, inondations…) mais aussi celle des politiques publiques que les Etats devront mettre en place pour s’adapter aux bouleversements du climat. Personne ne sera épargné mais les pays pauvres subiront les plus gros dommages, soulignent les auteurs, pour rappeler que gagnants et perdants du nouveau paysage polaire ne seront pas forcément les mêmes.
A quel rythme se produira cette accumulation de méthane dans l’atmosphère ? Brutalement, comme l’envisage un des scénarios, ou de façon progressive. Nul ne se hasarde à trancher. Mais selon les cas de figure, il faut prévoir d’« avancer de quinze à trente-cinq ans la date à laquelle le seuil de 2 °C d’élévation moyenne des températures sera franchi ». Ce seuil jugé dangereux par les climatologues arriverait en 2035 dans l’hypothèse où aucune mesure ne serait prise pour tenter de freiner le réchauffement.
L’avenir de l’Arctique ne concerne pas seulement les ours polaires. « Il est temps que les changements qui se produisent au pôle Nord entrent dans les discussions économiques au niveau mondial. Ni le Fonds monétaire international ni le Forum économique mondial n’ont intégré la menace que cela représente pour l’économie mondiale », plaident les chercheurs en leur demandant de regarder au-delà des promesses auxquelles rêvent à court terme les compagnies minières et maritimes.
Un seul insecte nous manque et tout est moins pollinisé
Marine Jobert
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Les pollinisateurs vont mal. On pensait qu’un insecte en valait bien un autre pour transporter le pollen et permettre la fécondation, à l’image des petites mains qui pollinisent au pinceau les arbres fruitiers de Chine et d’Amérique. Il n’en est rien, nous apprend une étude américaine. La biodiversité et l’agriculture seraient-elles encore plus menacées qu’on ne le croyait?
Jusqu’à présent, il était entendu que les plantes étaient résilientes en dépit de l’effondrement des pollinisateurs (causé par quelques maladies et un certain nombre de pesticides, notamment de la classe des néonicotinoïdes). En clair, un pollinisateur de perdu, dix pour le remplacer et féconder de pollen le pistil offert! Une vision des choses basée sur des modélisations informatiques, qui donnaient à penser que l’efficacité de la pollinisation n’était pas affectée par les bouleversements dans les interactions entre les différents insectes. Deux écologues américains se sont livrés à des travaux pratiques (dont les résultats sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences -Pnas) qui viennent mettre à mal cet axiome.
Dans 20 aires de la taille d’un terrain de tennis, situées sur les contreforts des Rocky Mountains du Colorado, Berry Brosi (de l’Emory University d’Atlanta, en Géorgie) et Heather Briggs (de l’Université de Californie, à Santa Cruz) ont d’abord recensé l’ensemble des pollinisateurs présents. Ils ont ensuite identifié les espèces de bourdons les plus abondantes. La partie la plus délicate de l’expérience a consisté à éliminer l’espèce dominante, à l’aide de filets et de volontaires (les mâles sont dépourvus de dard) sur une partie des terrains. Aucun insecte n’a été tué pendant l’expérience, précisent les écologues. Le butinage de 736 bourdons a alors été suivi à la trace. «Nous les avons littéralement suivis pendant qu’ils butinaient», explique Heather Briggs. «C’est un vrai défi car les bourdons volent vraiment vite.»
Première découverte: les insectes deviennent moins sélectifs quand leur principal compétiteur n’est plus dans le circuit. 78% des bourdons dans le groupe témoin sont restés fidèles à une seule espèce de fleurs, contre 66% des insectes placés dans la partie vidée des bourdons dominants. La plus grande diversité des pollens retrouvés accrochés à leurs pattes en témoigne: le nombre d’insectes transportant le pollen de plus de deux plantes avait augmenté de 17,5% dans le second groupe. «La plupart des pollinisateurs butinent plusieurs espèces de plantes tout au long de leur vie, mais souvent ils vont faire preuve de ce que nous appelons une fidélité florale sur de courtes périodes de temps», explique Berry Brosi. «Ils auront tendance à se concentrer sur une seule plante en pleine floraison, avant d’aller en butiner d’autres quelques semaines plus tard qui se seront à leur tour ouvertes. Il faut les considérer comme des monogames en série.»
Deuxième découverte (qui découle de la première): en étant moins sélectifs dans leur butinage, les insectes pollinisent moins efficacement des plantes qui ont un besoin vital d’être fécondées par un pollen spécifique. Ce sont ces «infidélités» qui mettent en danger les végétaux. Les deux chercheurs ont observé cette tendance sur une plante typique de cette zone semi alpine du Colorado: le Delphinium Barbeyi, une renoncule inféodée aux latitudes nord-américaines. Après le retrait du pollinisateur dominant, la production de graines de ces plantes a chuté d’un tiers en moyenne. «Cette légère modification au plan de la compétition inter-espèces rend les insectes restants plus susceptibles de ’tromper‘ la plante Delphinium Barbeyi», résume Heather Briggs.
«C’est alarmant, car cela suggère que le déclin global des pollinisateurs pourrait avoir un impact plus important sur la floraison des plantes et les cultures vivrières que ce qu’on pouvait penser jusqu’ici », explique Berry Brosi. «Cette étude démontre que la perte d’une seule espèce d’abeille peut mettre en danger la pollinisation et la reproduction des plantes à fleur», détaille Alan Tessier, le directeur du programme à la division de biologie environnementale à la National Science Fondation, qui a financé une partie de l’étude. «La mise en lumière des mécanismes est impressionnante: la perte d’une seule espèce change le comportement de butinage de toutes les autres espèces.»
Cette étude inédite permet de prendre la mesure d’un constat dressé par l’agence européenne de l’environnement (AEE): en 20 ans, la moitié des papillons des prairies ont disparu en Europe. La faute aux pratiques agricoles, mais aussi à la fermeture par des broussailles et des arbres, à cause… de l’abandon des terres par l’agriculture. Une tendance observée depuis une dizaine d’années dans les prairies de moyenne montagne, essentiellement dans le sud et l’ouest de l’Europe. Cette étude de l’AEE porte sur l’évolution de 17 espèces de papillons des prairies entre 1990 et 2011 (7 communs, 10 plus spécifiques). Résultats: 8 ont décliné -comme l’argus bleu (Polyommatus icarus)-, deux sont restées stables -comme l’aurore- et une a augmenté. Pour 8 espèces -comme l’hespérie du chiendent (Thymelicus acteon)- la tendance est «incertaine».
«Ce dramatique déclin des papillons de prairies devraient donner l’alerte. Les habitats de ces espèces diminuent. Si nous ne parvenons pas à maintenir ces habitats, nous pourrions perdre une partie de ces espèces pour toujours. Nous devons reconnaître l’importance de ces papillons et des insectes; la pollinisation qu’ils effectuent est essentielle pour les écosystèmes et l’agriculture», estime Hans Bruyninckx, le directeur exécutif de l’AEE.
« Le droit de l’environnement reste un droit subsidiaire »
Marine Jobert
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Agnès Michelot préside la Société française de droit de l’environnement. Elle a animé une des trois tables rondes qui on ponctué le 25 juin la première réunion des Etats généraux de la modernisation du droit de l’environnement [JDLE], organisée «pour mettre en débat les 800 contributions reçues lors de la phase de consultation». Forte de près de 200 adhérents, la SFDE a tenu fin mai, à l’initiative de l’éminent juriste de l’environnement Michel Prieur, un séminaire de travail. Un rapport collectif en est issu qui, outre les contributions individuelles, sera remis au ministère de l’écologie. Agnès Michelot, maître de conférences en droit public à l’université de La Rochelle, partage pour Le Journal de l’environnement les vues de la SFDE sur le processus en cours.
JDLE –Dans votre contribution aux Etats généraux, il est écrit: «par principe, il est vain de simplifier un droit qui a vocation à protéger des écosystèmes complexes». Comment avez-vous accueilli le terme de «modernisation», qui ponctue ces Etats généraux?
Agnès Michelot – Ce terme a créé un véritable malaise au sein de la SFDE. D’abord parce que le droit de l’environnement est un droit très récent. Ensuite parce qu’il est en prise avec les sciences de l’environnement au sens large -l’écologie, la géographie ou les sciences humaines et sociales- qui s’actualisent sans cesse. Il est le théâtre de l’émergence de nouveaux concepts (comme l’irréversibilité ou le développement durable), l’intégration de nouveaux acteurs (comme les générations futures, les associations habilitées à agir au nom de la nature et de l’environnement), l’apparition de procédures originales (comme les études d’impact), ou la reconnaissance de nouveaux droits fondamentaux (comme le droit à l’information et à la participation). De plus, il est irrigué en permanence par le droit international et le droit européen. Nous n’avons donc pas compris pourquoi il y aurait nécessité de le «moderniser». Par ailleurs, c’est un terme risqué: en droit, il ne renvoie à rien.
Nous avons alors pris quelques précautions dès l’introduction de notre rapport. Que le droit de l’environnement tende vers plus de lisibilité et de cohérence, nous sommes tout à fait partants. Mais nous ne voulons pas que cette «modernisation» cache une dérégulation, une déréglementation ou une régression des normes.
JDLE – Quelles sont les réformes à vos yeux les plus urgentes à mener dans ce droit si transversal?
Agnès Michelot – L’une des problématiques majeures du droit de l’environnement concerne les liens entre droit de l’environnement et droit de l’urbanisme. On se heurte alors à l’indépendance des législations. Nous soutenons que, pour que le droit de l’environnement joue son rôle, il faut privilégier le mieux disant environnemental en cas de conflit de normes. C’est un droit qui reste «subsidiaire», malgré sa constitutionnalisation. Les exemples où la norme retenue n’est pas celle qui fait prévaloir le droit de l’environnement sont légions… Dans la mise en œuvre de la loi Littoral ou dans la réforme de la loi de 2006 sur le statut des parcs nationaux, par exemple. Nous plaidons pour la prééminence de la protection de l’environnement quand il n’y a pas de conciliation possible entre les normes. Car jamais on ne parle du droit de l’environnement comme une priorité. Jamais. Cela pose de vrais problèmes d’insécurité juridique, car du coup, personne ne sait réellement quelle norme va primer. Il faut qu’il y ait une volonté politique derrière. On peut toujours s’interroger sur sa modernisation, mais si le droit de l’environnement n’est pas pris au sérieux dans toutes les politiques publiques, on n’avancera pas.
JDLE – Selon vous, quelles directions prendraient une «modernisation» idéale?
Agnès Michelot – D’abord et avant tout, il s’agirait d’améliorer les normes en créant des indicateurs d’évaluation juridiques. Les seuls qui existent en matière environnementale ne sont que scientifiques ou socio-économiques. Car l’inefficacité du droit de l’environnement est le résultat de l’insuffisance de son évaluation, à la fois en amont et en aval des projets.
Ensuite, l’élaboration du droit doit se faire en associant mieux les personnes intéressées; et ce très en amont des projets. Cela implique de prendre le droit de l’environnement au sérieux et que les personnes chargées de le mettre en œuvre soient formées. Or la «culture juridique» des administrations en charge de l’élaboration et de l’application du droit de l’environnement doit être améliorée. Des postes de juristes spécialisés en droit de l’environnement devraient être créés dans les services déconcentrés de l’Etat. Le sentiment de la complexification du droit de l’environnement est -aussi- lié au fait qu’il est appliqué par du personnel sans aucune formation juridique, hésitant face au vocabulaire employé par les textes, face à l’articulation des normes, à leur applicabilité, et exigeant de ce fait des circulaires longues et détaillées à l’extrême sur le sens des textes. De même, les opérateurs économiques devraient être destinataires d’actions d’information et de formation en droit de l’environnement.
Pour conclure, je dirai que nous sommes un peu surpris du contexte général dans lequel s’inscrivent ces Etats généraux: le droit de l’environnement est en pleine effervescence! Nous avons établi la liste des projets en cours ou à peine achevés: évaluation de la politique de l’eau et de la police de l’environnement; loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte; projet de loi-cadre sur la biodiversité (et le paysage) en cours de préparation; projet de réforme du Code des mines et carrières; projet de loi sur la décentralisation; projet d’ordonnance relative à la mise en œuvre du principe de participation du public; adoption de la proposition de loi visant à inscrire la notion de dommage causé à l’environnement dans le Code civil; projet de loi relatif à l’urbanisme et au logement; projet de loi portant adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable; projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructure et de services de transports voté le 24 avril 2013; loi du 23 avril 2013 sur l’éco-participation; projet de loi relatif à l’urbanisme et au logement… Comment dégager une réflexion dans un contexte juridique déjà très évolutif? Nous sommes de bonne volonté et contents qu’on s’intéresse au droit de l’environnement. Mais ça ne doit pas impliquer qu’on occulte toute forme de rigueur et d’analyse.
Gestion des déchets : en finir avec les demi-mesures
Gilles van Kote
Le Monde 06.11.2013
Est-ce vraiment un paradoxe ? Alors que la France compte parmi les fleurons de son économie deux groupes de dimension internationale présents dans le secteur des déchets, Veolia et Suez Environnement, ses performances en matière de gestion des déchets la placent au milieu du peloton européen. Avec un taux de recyclage et de compostage de ses ordures ménagères de 37 % en 2011, selon les dernières statistiques disponibles, elle est légèrement au-dessous de la moyenne communautaire (40 %), et bien loin des pays d’Europe du Nord, qui frisent ou dépassent les 50 %.
La faute, en premier lieu, à un taux de mise en décharge de 28 %, quand les pays les plus vertueux ont quasiment éradiqué ce mode de traitement, classé bon dernier dans la hiérarchie européenne définie par la directive sur les déchets de 2008. Certains experts du secteur n’hésitent pas à faire un lien entre cette situation et les marges réalisées par les opérateurs sur le stockage des déchets.
Un rapport du Commissariat général au développement durable, rendu public fin mai, dénonce entre les lignes la frilosité de la politique française en matière d’ordures ménagères. Le rapport s’intéresse à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), principal outil fiscal à la disposition de la puissance publique. Les auteurs s’appuient sur une étude de 2012 de la Commission européenne qui établit – somme toute logiquement – une nette corrélation entre le taux des taxes appliquées à l’incinération ou au stockage et le pourcentage de déchets ménagers recyclés ou compostés.
En résumé : plus on taxe les modes de traitement considérés comme les moins vertueux du point de vue environnemental, plus on favorise le développement des solutions alternatives comme la prévention, le réemploi, le recyclage ou la valorisation organique. C’est ce que les spécialistes appellent le « signal prix ».
La France a fait un pas en avant avec la loi de 2009 dite Grenelle 1, qui fixe des objectifs de réduction de la production de déchets, de réduction de la part des déchets mis en décharge ou incinérés en 2012 et le passage à 45 %, en 2015, du taux de recyclage et de compostage. Pour y parvenir, la loi prévoit une hausse régulière de la TGAP sur la mise en décharge et son extension à l’incinération, jusqu’alors épargnée.
Or le rapport constate que seulement 10 % des tonnages de déchets stockés et 3 % des tonnages incinérés sont soumis au taux plein de la TGAP. Pour des raisons sans doute excellentes, notamment l’amélioration des performances énergétiques et environnementales des installations, les modulations et exemptions sont devenues la règle. Résultat : » Le taux effectif moyen pour le stockage est de 14,6 euros la tonne lorsque le taux plein est de 20 euros et pour l’incinération de 2,9 euros la tonne pour un taux plein de 7 euros. » Aux Pays-Bas, la taxe sur la mise en décharge dépasse les 100 euros la tonne, où ce mode de traitement a presque disparu.
Un signal insuffisant
« Le signal prix donné par la TGAP reste insuffisant », conclut le Commissariat général au développement durable, dans un appel implicite à augmenter les taux de la TGAP et à limiter les modulations et exemptions. Tout en notant les progrès effectués en matière de prévention et d’extension de la redevance incitative, le rapport souligne que « certaines thématiques comme le tri des déchets des entreprises ou la valorisation des déchets du bâtiment et des travaux publics sont clairement en panne ».
Le message est clair : fini le temps des demi-mesures. S’il faut considérer les déchets comme des ressources à valoriser et non comme des rebuts à éliminer, la France doit passer à la vitesse supérieure.
Cela tombe à pic : un des cinq chantiers de la conférence environnementale organisée par le gouvernement les 20 et 21 septembre sera consacré à l’économie circulaire, et notamment au recyclage et à la valorisation des déchets. Et une loi-cadre sur l’économie circulaire, actuellement en préparation au ministère de l’écologie, devrait suivre.
Voilà un domaine où, avec un peu de volonté politique, on peut faire preuve d’audace. Un exemple : la collecte séparée des biodéchets, ou déchets organiques. En France, ceux-ci représentent un tiers du poids des poubelles des ménages et finissent la plupart du temps incinérés ou enfouis, alors qu’ils peuvent produire de l’énergie grâce à la méthanisation ou fournir un amendement organique après compostage.
Seules 90 collectivités françaises pratiquent aujourd’hui le tri et la collecte séparée, selon le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) qui a lancé une campagne sur le sujet le 4 juin. Pourtant, cette méthode semble la plus indiquée pour obtenir des biodéchets non souillés, des installations de méthanisation performantes et du compost répondant aux normes européennes, actuellement en cours de révision. Mais la crainte d’une augmentation des coûts et de la complexité de la mise en place d’un troisième flux de tri – en plus des recyclals et des ordures résiduelles – en freine la généralisation. Celle-ci constituerait pourtant une étape historique dans la gestion des déchets en France et un geste politique susceptible d’emporter l’adhésion des citoyens. Encore faut-il être prêt à bousculer quelques vieilles habitudes. Chiche ?
« Le risque sanitaire du nucléaire est encore mal évalué »
Stéphane Foucart et Pierre Le Hir
Le Monde du 25.07.2013
Alors que Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, vient d’annoncer que 1 973 salariés ont été fortement irradiés à la suite de l’accident du 11 mars 2011, Nicolas Foray, radiobiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et chercheur au Centre de recherche en cancérologie de Lyon, souligne que les effets des expositions répétées à des radiations et les facteurs individuels ne sont aujourd’hui pas pris en compte dans le calcul des risques.
Près de 2 000 travailleurs de Fukushima ont subi des radiations supérieures à 100 millisieverts (mSv). C’est considérable…
Il s’agit de la dose reçue à la thyroïde et non de la dose ramenée au corps entier – dite « efficace » –, base du calcul du risque sanitaire. Une telle subtilité rend hélas encore plus complexe le message pour le grand public. En fait, les données fournies par Tepco pour ses salariés et les entreprises contractantes, soit un peu plus de 28 000 personnes, font état, de mars 2011 à mai 2013, d’environ 170 travailleurs exposés à des doses efficaces de plus de 100 mSv, le maximum étant 679 mSv.
La question de fond est de savoir si le risque est correctement évalué. Il dépend à la fois de la contamination externe, que mesure le dosimètre, et de la contamination interne par inhalation ou ingestion, qui échappe à ce type de mesure. Si bien que la dose totale reçue peut être sous-estimée. A Fukushima comme à Tchernobyl et, plus généralement, dans les activités nucléaires, le risque sanitaire est encore mal évalué.
Le seuil de 100 mSv est-il le bon niveau d’alerte ?
Ce que nous a appris le suivi des populations victimes des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, et qu’a confirmé l’accident de Tchernobyl, c’est que le risque de leucémie s’accroît significativement à partir de doses efficaces de 100 mSv, et celui des autres types de cancers à partir de 200 mSv. Toutefois, ces seuils sont valables pour des doses délivrées en une seule fois – expositions « flash » en quelques secondes ou minutes –, ce qui n’est pas toujours le cas.
L’évaluation du risque pour les travailleurs du nucléaire est donc mal faite ?
Aujourd’hui, elle est fondée sur le calcul des doses efficaces cumulées. On fait la somme de l’ensemble des rayonnements reçus et on met le salarié à l’arrêt une fois qu’il a atteint la limite réglementaire d’exposition dans l’année.
Mais cette approche peut ne pas tenir compte de certains effets de répétition. On sait que 100 mSv reçus en une fois augmentent le risque de leucémie. Mais les données radiologiques montrent qu’une exposition étalée dans le temps – par exemple 1 mSv par jour pendant cent jours – va induire un risque différent. Probablement moindre.
Les risques calculés pour les personnels de Fukushima qui n’ont pas été irradiés en une seule fois seraient ainsi surestimés ?
Non, ce n’est pas aussi simple. Dans certaines situations, les risques pourraient être au contraire sous-évalués pour l’exposition à des doses répétées. Dans des travaux publiés en 2011, nous avons montré, dans le cas de mammographies médicales, que deux expositions successives, à quelques minutes d’intervalle, peuvent produire des dégâts sur l’ADN plus importants qu’une exposition double délivrée en une seule fois. A l’inverse, dans le cas des radiothérapies utilisées dans le traitement des cancers, où les sessions sont journalières et les doses plus fortes, les effets semblent s’additionner. Il faut donc déterminer dans quelles conditions d’expositions répétées on peut ou non se baser sur la dose cumulée.
En outre, nous ne sommes pas égaux devant les radiations. Pour des raisons génétiques notamment, certains ont davantage de risque de développer un cancer. Ce facteur individuel n’est aujourd’hui pas pris en compte.
Sait-on quelle fraction de la population est plus fragile face aux rayonnements ionisants ?
Pas encore avec précision. Nous mettons en place une étude consistant à prélever des tissus – peau, sang – chez 500 volontaires sains. Puis à irradier les cellules à différentes doses pour tenter de le savoir. Les données radiologiques et génétiques suggèrent un taux compris entre 5 % et 15 %. C’est beaucoup !
Selon l’Organisation mondiale de la santé, le surrisque de cancer de la thyroïde pourrait atteindre 70 % chez les femmes vivant près de la centrale de Fukushima, mais les risques seraient faibles pour les populations plus éloignées. Etes-vous d’accord avec ces conclusions ?
Elles me paraissent conformes avec les modèles, mais ce ne sont que des modèles qui calculent un risque à partir de doses estimées. Après Tchernobyl, on a estimé en 2005 à un peu plus de 6 000, dont 15 mortels, les cas de cancer de la thyroïde dus à l’iode 131. La radioactivité totale générée par l’accident de Fukushima étant 10 fois moindre, et le système de radioprotection étant mieux organisé au Japon, on pourrait s’attendre raisonnablement, malgré une plus grande densité démographique, à moins de cas de cancer de la thyroïde chez les enfants japonais.
« Hazkundea bueltatuko dela esatea gezurretan aritzea eta frustrazioa sortzea da »
Mikel Garcia
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Marcellesi Gasteizen izan berri da, hitzaldi bat ematen. (Eldiario.es)
Florent Marcellesi ekintzaile eta ikerlari ekologista (Angers, Frantzia, 1979) elkarrizketatu dute eldiario.es egunkarian. Desazkundeaz eta gizartea antolatzeko modu berriez mintzatu da. Hona, euskaratuta, elkarrizketako hainbat pasarte.
« Desazkundea ez da utopia eta kapitalismoak inposaturiko kontsumo erritmo honetan jarraitzea aldiz, bada. Nahi duten bezala hazkundearen bidera itzultzea ez da bideragarria, hazkundeak kolapso ekologikora, klima, elikagai eta energia krisira garamatzalako (…) Baliabide naturalak amaitu ditugu. Ez daukagu energia nahikorik krisiaren aurreko balioetan kokatzeko. Garai horiek ez dira inoiz itzuliko ».
« Murrizketak eta hazkundearen aldeko politikak utzi eta trantsizio sozial ekologikoari ekin behar diogu. Hiru adar landu behar dira. Lehenik, enplegu berde eta duinaren aldeko apustua egin behar dugu. Lanaren Nazioarteko Erakundearen arabera, enplegu berdearen aldeko benetako apustua eginez gero 2020rako milioi bat postu sor daitezke Espainian eta 100.000 Euskadin. Bigarrenik, aberastasunaren eta lanaren banaketa birmoldatzea ezinbestekoa da. Lortu ditugun errentekin onartezina da maila moral, politiko eta ekonomikoan pertsona bakar batek oinarrizko premiak ase gabe izatea. Horrekin amaitzeko herritarrentzako gutxieneko eta gehienezko soldatak adostea beharrezkoa da ».
« Aberastasunaren banaketari dagokionez, ziurtatzen dizut gure proposamenak jarraituz gero jende asko hobeto biziko litzatekeela. Hobekuntzak herritarren %90ari eragingo lioke eta soilik biztanleriaren %1ak izango luke soldata txikiagoa, gehien irabazten dutenek alegia. (…) Beharrezkoa da enplegua birbanatzea, hazkunderik gabeko enplegua sortuz, hots, gauza kopuru bera ekoiztea baina gutxiago lan egiten duten jende gehiagoren artean. Hala, gainera, planeta babestuko genuke (…) Azkenik, demokrazia landu behar da. Guk geuk, herritarrok definitu behar ditugu zeintzuk diren oinarrizko premiak eta zeintzuk azalekoak ».
« Behetik borrokatu behar da. Gure eskuetan uste duguna baino askoz botere handiagoa daukagu eta baliatu egin behar dugu. Sistema aldatu dezakegu. Hain justu, ahalduntze edo enpoderamentua ematen ari da dagoeneko. Kooperatibak ugaritzen ari dira arlo energetikoan, etxebizitzetan, produkzio eta kontsumoan, banku etikoak ere hor daude… Nagusi diren botereetatik aparte garatzen ari diren eta parte-hartzean oinarritzen diren benetako boterearen adibide dira. Berdintasuna, parte-hartzea, ekologia eta autonomia bultzatzen dute halako ekimenek, baina ez dira nahikoa, irlak direlako. Euren artean loturak eta sareak sortzeko ahalmena izan behar dugu, jauzi kualitatiboa eman. Ez dugu beldurrik izan behar eta erakundeen baitan aldaketa sustatuko duen sistema politiko eta soziala planteatu behar dugu ».
Elkarrizketa osoa irakurri eldiario.es gunean.
Marcellesik ekologia politikoaz idatziriko hausnarketa kaleratu genuen Larrunen: Ideologia berdearen genesia, teoria eta praxia. www.argia.com/argia-astekaria/2216/ekologia-politikoa