Articles du Vendredi : Sélection du 25 octobre

«Numérique et environnement : « Si on continue, le système va s’effondrer sous son propre poids »
Stéphanie Lacaze
www.sudouest.fr/environnement/numerique-et-environnement-si-on-continue-le-systeme-va-s-effondrer-sous-son-propre-poids-21878467.php

Il a beau sembler immatériel et impalpable, le secteur numérique représente une part non négligeable des émissions de gaz à effet de serre. Son impact environnemental risque de s’accentuer encore dans les années à venir. Décryptage avec un spécialiste.

Vincent Courboulay est ingénieur et maître de conférences en informatique à La Rochelle Université, spécialiste du numérique responsable. Le spécialiste décrypte l’impact environnemental du numérique dans le futur et aborde la nouvelle donne de l’intelligence artificielle (IA).

Que représente le numérique en termes d’impact environnemental ?

On est train de se réveiller d’une période enchantée où le numérique était la solution à tout. On commence à avoir des chiffres et à mesurer la multiplicité des impacts sur le cycle de vie, de l’extraction des matières premières à la non-gestion des déchets. Il faudrait en réalité parler des numériques ; les réseaux sociaux, la vidéo, les ordinateurs, les équipements connectés, les smartphones, les data centers, la 5G, les Starlink d’Elon Musk, les voitures autonomes… Les impacts sont sociaux, environnementaux et économiques. On peut donner quelques indicateurs phares comme les émissions de gaz à effet de serre. Le numérique représente 4 % de ces émissions. Aujourd’hui, 1 % de l’électricité mondiale est consommée par les data centers. Depuis quelques années, on observe une augmentation de la consommation d’eau, de 20 à 30 % liée aux opérateurs du numérique.

Ce sont les équipements qui pèsent le plus lourd d’un point de vue écologique.

En France, c’est vrai. Mais dans le reste du monde, la fabrication des équipements et les usages s’équilibrent en termes d’impact, si on prend comme indicateur les émissions de gaz à effet de serre. Demain, avec le développement de l’IA, cet équilibre pourrait être modifié. Si les opérateurs choisissent d’embarquer l’IA dans les équipements, cela va nécessiter un renouvellement massif et majeur. C’est très matériel en fait. On est cinq milliards à mal utiliser des équipements. On ne sait pas les réparer, on ne sait pas les garder, on cède à nos envies plus qu’à nos besoins. Derrière le numérique, il y a systématiquement du matériel à fabriquer, à alimenter et à gérer.

Mais l’IA bouleverse tout.

On sait que le développement actuel de l’IA n’est pas soutenable pour plein de bonnes raisons. Il y a trop de données, trop de modèles qui sont de plus en plus obèses. Ils surconsomment et coûtent toujours plus cher. Si on continue, le système va s’effondrer sous son propre poids. L’autre possibilité, c’est de montrer que l’IA peut être utile mais en créant des modèles plus légers, plus frugaux, embarquables. Je n’imagine pas que les entreprises qui la développent ne vont pas proposer des systèmes alternatifs pérennes, plus raisonnables. On reste dans le domaine de la croyance, pas du savoir.

On commence à avoir des chiffres et à mesurer la multiplicité des impacts du numérique sur tout le cycle de vie depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la non-gestion des déchets »

Qu’en est-il des câbles de réseaux ?

Les 15 câbles ou plus qui arrivent à Marseille mettent en péril l’écosystème marin de l’endroit où ils passent mais cela reste un épiphénomène. On parle plutôt de problématiques d’ordre géopolitique quand on parle de câbles sous-marins.

Quand on voit la crise majeure qui est en cours au Yémen, il y a des menaces de rupture de câbles, des menaces d’attaque. Il y a aussi des inquiétudes sur les questions de souveraineté. Plus de la moitié des câbles dans le monde appartiennent à quelques opérateurs : Microsoft, Google ou Meta.

Comment peut-on agir ?

On essaie de rendre les choses les plus transparentes possibles, on légifère avant qu’il ne soit trop tard, on travaille sur des mesures communes. Aujourd’hui, l’Europe est coincée entre le marteau chinois et l’enclume américaine, mais elle surnage. Il a fallu 15 ans pour avoir le RGPD [règlement général de protection des données, NDLR] alors qu’il n’a fallu que quelques mois pour avoir l’IA Act. L’institution est consciente des dérives possibles et dans le même temps elle est capable d’apporter, peut-être pas des réponses idéales, mais des réponses. Ce qui manque à l’Europe, ce sont des champions. J’ai l’habitude de dire que si tout le monde se mettait autour de la table pour créer des Airbus européens du numérique, ça prendrait du temps, mais peut-être que cela permettrait d’être acteur. Il faut remettre du temps et de la politique dans la réflexion, deux choses que l’on a perdues.

L’action individuelle est-elle efficace ?

La question se pose de la même manière que dans les autres domaines. Est-ce que ne pas prendre l’avion ou ne pas acheter ce jean de la fast fashion a un impact ? L’idée est d’être capable de commencer à casser le triangle de l’inaction qui est délétère ; je n’agis pas tant que l’État n’a pas fait, l’État ne va pas faire tant que les entreprises n’ont pas fait, les entreprises ne font pas tant que les clients achètent. C’est dur d’être exemplaire, faisons ce qui nous porte et nous allons y arriver.

Infographie Sud Ouest : L’impact environnemental du numérique

Le numérique représente entre 3 et 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Cet impact pourrait tripler d’ici 2050.

79% de l’empreinte carbone vient des équipements.

16% des centres de données.

5% des réseaux.

Plus le renouvellement des équipements est fréquent, plus l’impact est important. Les smartphones sont renouvelés tous les 2,5 ans en moyenne.

Entre 2021 et 2022, le numérique a généré en France + 14% d’émissions de GES, +15% de consommation électrique + 20% de volumes d’eau prélevés.

800 millions d’équipements connectés sont utilisé en France dans un cadre professionnel et personnel dont 15% de smart-phones qui représentent 20% de l’empreinte carbone.

Pourquoi l’écologie perd toujours
Clément Sénéchal
www.frustrationmagazine.fr/ecologie-perd/


Clément Sénéchal a été porte-parole climat de Greenpeace et il est actuellement chroniqueur Frustration sur les sujets écologiques. Ce mois-ci, il sort un livre à la fois coup de poing et analysant finement la pacification et la dépolitisation de l’écologie par celles et ceux qui la représentent dans le champ institutionnel. On s’étonne que les gouvernements s’en foutent de l’écologie mais il faut voir comment la lutte est menée : derrière les actions spectaculaires qui ont rendu Greenpeace célèbre, c’est un lobbyisme poli, complaisant et intégré au fonctionnement ordinaire de la classe bourgeoise qui s’exerce. Cette écologie du spectacle institutionnalisée ne fait peur à personne, et surtout pas aux grands groupes capitalistes. Nous publions avec son accord des extraits de ce livre vraiment essentiel.

« La dernière fois que les températures moyennes ont atteint un niveau aussi élevé sur la Terre, c’était il y a 125 000 ans, au cours de la dernière période interglaciaire. La concentration atmosphérique de CO2 n’a, quant à elle, jamais été aussi forte depuis environ 4 millions d’années : autour de 410 ppm (parties par millions). À ma naissance, en 1986, l’atmosphère mondiale était en moyenne saturée de 347 ppm, soit 20 % de moins qu’aujourd’hui. Les trajectoires actuelles dessinent l’enfer sur la terre : sans doute au-delà des +3 °C d’ici à la fin du siècle, +3,8 °C en France. Nous comptons déjà plus de 670 000 morts du réchauffement climatique depuis le début des années 1990. Sur les neuf limites planétaires à respecter pour garantir l’intégrité de notre écosystème, six ont déjà été franchies.

Au mitan de mon existence, ma génération entre ainsi dans un monde ontologiquement dégradé, dans une réalité négative. Nous avons encore notre existence à mener, mais elle semble s’inscrire dans un continuum d’impasses. La crise écologique dessine une triple rupture anthropologique, où les fondements les plus éminents de l’être humain sont battus en brèche. L’être humain comme être de projection, désormais privé d’avenir. L’être humain comme être de raison, œuvrant méticuleusement à sa propre perte. L’être humain comme être de valeur, aujourd’hui penché vers le néant. Partant, l’espèce humaine ne semble plus capable d’entretenir son propre monde. « Autrefois, l’homme avait peur de l’avenir, aujourd’hui l’avenir a peur des hommes ! », écrit la poétesse Anise Koltz. L’une des choses les plus marquantes de ces dernières années concerne sans aucun doute l’évolution du discours scientifique. La science « dure » est devenue sentencieuse. Ses observations tissent le récit d’une apocalypse en progression constante. Ses démonstrations appellent une rupture politique et sociale majeure, à rebours du registre « des petits pas », mais de laquelle nous semblons nous éloigner chaque jour un peu plus. Il nous arrive d’entendre cette formule : nos politiques ne seraient pas à la hauteur. Pas à la hauteur des défis que nous affrontons et de ceux qui nous attendent.

Depuis les années 1970, une partie des élites de l’écologie officielle portent une lourde responsabilité. Elles ont fait de l’écologie un objet de lutte pour privilégiés, une cause morcelable, négociable et surtout, profitable. Et ce faisant, elles ont contribué à faire de l’écologie une morale abstraite. Une caution symbolique, doublée d’une leçon de maintien.

C’est évident dans le cas de l’écologie, puisque rien ou presque n’est fait par le gouvernement en place, comme par les précédents, pour enrayer la machine infernale. Mais il n’est pas le seul coupable. Depuis les années 1970, une partie des élites de l’écologie officielle portent une lourde responsabilité. Elles ont fait de l’écologie un objet de lutte pour privilégiés, une cause morcelable, négociable et surtout, profitable. Et ce faisant, elles ont contribué à faire de l’écologie une morale abstraite. Une caution symbolique, doublée d’une leçon de maintien. Ces acteurs de l’écologie B.C.B.G., s’ils ne cessent de marteler les constats scientifiques, aujourd’hui largement connus, se montrent nettement moins diserts sur leur propre échec. Sur le décalage grandissant entre l’intensité du ravage écologique et leur incapacité à gagner.

Pour construire les victoires de demain, il est pourtant nécessaire de regarder cette réalité bien en face. Après plusieurs années au sein d’une grande ONG, au poste de chargé de campagne sur la déforestation puis sur le climat, j’ai décidé de comprendre comment, alors que les sujets climatiques sont si rebattus, alors que leurs bruyants mandataires paraissent si glorieux, nous pouvions essuyer autant d’échecs. En bref, de comprendre pourquoi l’écologie perd toujours. »

(…)

Des écolos en carton

« Nicolas Hulot n’est pas le seul écologiste revendiqué sur lequel peut compter Emmanuel Macron pour élargir sa surface politique d’entrée de jeu ; les transfuges politiques d’EELV sont encore disponibles. En février 2017, Daniel Cohn-Bendit, élu au Parlement européen sous l’étiquette EELV en 2009 après plusieurs mandats pour les Verts allemands, affiche publiquement son soutien à Emmanuel Macron. Élu député en 2012, Paul Molac siège avec le groupe écologiste à l’Assemblée nationale avant de rejoindre celui du PS, puis de se faire réélire en 2017 sous les couleurs de la République en Marche. François de Rugy, un autre ancien dirigeant d’EELV, devient également député En Marche, en dépit de sa participation à la primaire de la gauche pendant la campagne et des serments de loyauté prononcés à cette occasion. Il obtient la présidence de l’Assemblée nationale, avant de succéder à Nicolas Hulot au ministère de l’Écologie.

Alors que, en 2016, Barbara Pompili portait le combat contre les néonicotinoïdes (des pesticides tueurs d’abeilles qui altèrent durablement la biodiversité), elle se voit contrainte de saboter sa propre loi dès son arrivée au ministère, en criblant la législation de dérogations sine die. Le jour du vote, elle aussi est absente de l’Assemblée nationale.

Sous son magistère, une loi énergie-climat est votée en 2019, qui acte « l’urgence climatique » sans réelle mesure additionnelle ni contraignante pour faire baisser les émissions de CO2. Les objectifs climatiques du pays sont même affaiblis et la sortie du nucléaire repoussée. Lors des votes sur l’accord commercial bilatéral entre l’Union européenne et le Canada (CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement), la réintroduction des néonicotinoïdes ou la fin de l’avantage fiscal pour l’huile de palme, l’écologiste préférera déserter l’Assemblée nationale.

Même profil et même trajectoire avec Barbara Pompili. L’ancienne dirigeante d’EELV et ministre de François Hollande n’hésite pas à rejoindre les effectifs de celui qui a « trahi avec méthode » : elle se fait élire députée de la Somme sous les couleurs d’En Marche, avant de devenir ministre de l’Écologie en 2020. Alors que, en 2016, elle portait le combat contre les néonicotinoïdes (des pesticides tueurs d’abeilles qui altèrent durablement la biodiversité), elle se voit contrainte de saboter sa propre loi dès son arrivée au ministère, en criblant la législation de dérogations sine die. Le jour du vote, elle aussi est absente de l’Assemblée nationale.

L’écologiste fait également voter des subventions au nucléaire, qu’elle accepte de classer dans la partie verte du Plan de relance adopté en 2020. Enfin, lorsque des voix s’élèvent pour dénoncer le « détricotage » des mesures de la Convention citoyenne pour le climat opérées sous son autorité, Barbara Pompili résume d’une métaphore son approche de l’écologie : « J’adore le tricot. Et ce qu’on est en train de faire, c’est de tricoter un beau pull vert que vous pourrez mettre à Noël. » Conciliante,l’écologiste assume de chercher « des solutions qui soient pratiques pour tout le monde, qui plaisent aux entreprises ».

Rebelote lors des élections européennes de 2019. Emmanuel Macron parvient à attirer Pascal Canfin, ancien dirigeant d’EELV (avant de devenir secrétaire d’État sous François Hollande puis directeur général du WWF), en deuxième position sur la liste Renaissance. À Bruxelles, il obtient la présidence de la commission environnement et fait basculer un vote pour qu’il soit favorable aux infrastructures gazières, avec plusieurs dizaines de milliards d’euros à la clé. Il se bat pour que l’industrie nucléaire obtienne des faveurs financières européennes. Il vote également en faveur d’un accord de libre-échange avec le Vietnam et contre la suppression de la niche fiscale sur le kérosène, le carburant des avions. Du haut de son nouveau strapontin, il s’en prend à Greta Thunberg, justifie la réintroduction des néonicotinoïdes en France, vante abondamment les progrès d’Emmanuel Macron sur l’environnement et exhorte les Verts à entreprendre une « révolution culturelle » en faveur de plus de compromis. Emmanuel Macron débauche aussi un député européen écologiste : ancien porte-parole des Verts puis secrétaire général en 2012 et 2013, Pascal Durand décide en effet de jouer sa réélection à Bruxelles sur la liste macroniste.

Les Verts se sont ainsi le plus souvent présentés comme un parti qui dépasse les clivages traditionnels : des adhérents qui cumulent des capitaux culturels plus élevés que la moyenne, un appareil qui prétend n’être ni de droite ni de gauche pendant de longues années, une adversité souvent anonyme, une stratégie d’alliances à géométrie variable, la participation des cadres à des gouvernements néolibéraux, impliquant une mise à distance pudique des questions sociales et politiques.

Dans l’espace politique institutionnel, les Verts se sont ainsi le plus souvent présentés comme un parti qui dépasse les clivages traditionnels : des adhérents qui cumulent des capitaux culturels plus élevés que la moyenne, un appareil qui prétend n’être ni de droite ni de gauche pendant de longues années, une adversité souvent anonyme, une stratégie d’alliances à géométrie variable, la participation des cadres à des gouvernements néolibéraux, impliquant une mise à distance pudique des questions sociales et politiques. Les réflexions du philosophe Cornelius Castoriadis, qui datent de 1990, n’ont pas vraiment perdu de leur acuité quand il affirme : « Ces mouvements s’occupent essentiellement des questions de l’environnement, presque pas du tout des questions sociales et politiques. On peut comprendre qu’ils ne veulent être “ni de gauche, ni de droite”. Mais cette espèce de point d’honneur à ne pas prendre position sur les questions politiques les plus brûlantes est très critiquable ; il tend à faire de ces mouvements des sortes de lobbies. » À ces passagers clandestins de l’écologie qui trahissent en pleine lumière, il n’est jamais demandé le moindre compte. Si cette écologie fabrique de l’échec, c’est parce qu’elle se vend à tous. » (…)

Les “écogestes” au secours du capitalisme

« Hélas, cette stratégie de l’impuissance, qui n’a fait qu’accroître la puissance des criminels climatiques en tant que bloc organisé, perdure très largement aujourd’hui. Greenpeace France continue d’attendre de TotalEnergies qu’elle soit exemplaire. Idem avec les Amis de la Terre et BNP-Paribas, tandis que le WWF entretient ses partenariats. Une nouvelle ONG, Reclaim Finance, qui a connu un certain succès d’estime dans la presse, s’est montée exclusivement sur ce modèle : demander à la banque et à la finance de devenir plus vertueuses, comme si ces derniers avaient d’autres objectifs que d’accumuler du capital. Quand Emmanuel Macron accède au pouvoir en 2017, l’écologie de marché fondée sur les engagements volontaires, à la fois racoleuse et consensuelle, bat toujours son plein et demeure dominante au sein des grandes ONG. Les rapports sur les multinationales pleuvent et les écologistes professionnels discutent avec le big business pour trouver une sortie par le haut. Pas étonnant, dès lors, que l’environnementalisme ait été compatible avec le macronisme au point de lui céder cadres et vedettes.

Par l’intermédiaire des classements en tout genre auxquels se sont livrées les ONG à propos des marques, c’est la figure libérale du consommateur qui se trouve en effet placée en position arbitrale. C’est elle qu’on utilise comme levier, comme moyen de pression, comme agent du changement (…) À l’instar de l’orthodoxie libérale, les ONG environnementales radicalisent homo economicus. 

En outre, les engagements volontaires ont propulsé la rhétorique des « petits pas » au rang d’antienne, alors que la catastrophe évolue au contraire à pas de géants, marquant sans cesse la distance avec les réponses politiques proposées. Ce paradigme des engagements a très largement nourri la rhétorique des écogestes, aujourd’hui hautement contagieuse. Par l’intermédiaire des classements en tout genre auxquels se sont livrées les ONG à propos des marques, c’est la figure libérale du consommateur qui se trouve en effet placée en position arbitrale. C’est elle qu’on utilise comme levier, comme moyen de pression, comme agent du changement. Comme dans la théorie économique en vogue dans les sphères du pouvoir, c’est donc la figure du consommateur qui devient l’alpha et l’oméga de l’écologie dominante. À l’instar de l’orthodoxie libérale, les ONG environnementales radicalisent homo economicus.

Couper l’eau, éteindre la lumière, baisser le chauffage, trier ses déchets… Le problème de cette approche individualiste, c’est qu’elle conforte la déresponsabilisation complète des décideurs politiques, trop heureux de pouvoir dès lors se cantonner à « sensibiliser » ou « inciter » le public. Et parmi les écogestes, il y a bien entendu celui de donner un peu d’argent aux ONG qui alertent courageusement sur le réchauffement climatique. Sans surprise, ce registre est donc abondamment exploité par le pouvoir : en octobre 2021, Barbara Pompili, alors ministre de l’Écologie, mobilise par exemple les services de l’État pour une campagne publicitaire sur ce thème et diffuse une vidéo qui incite « à réduire, réutiliser, recycler ». Elle tweete : « Pour faire entrer l’écologie dans nos vies, adoptons #LesBonnesHabitudes. » Comme si tout le monde était logé à la même enseigne, indépendamment de sa condition sociale. Le gouvernement d’Emmanuel Macron se place ainsi dans la continuité du mouvement des Colibris, qui prône une « sobriété heureuse » où chacun « fait sa part ».

Les écogestes renvoient au référentiel de « l’empreinte carbone » individuelle, une notion développée et popularisée par l’industrie pétrolière dans les années 2000. En 2004, British Petroleum missionne en effet l’entreprise de relations publiques Ogilvy & Mather pour améliorer son image. Ensemble, ils choisissent de tout miser sur la notion d’empreinte carbone individuelle, qui invisibilise la question brûlante du partage de l’effort. Ainsi, la compagnie pétrolière propose au public, la même année, de calculer son empreinte carbone.

En août 2021, une chronique publiée par le New York Times s’intitule : « S’inquiéter de votre empreinte carbone est exactement ce que les grandes sociétés pétrolières veulent que vous fassiez. » D’abord, la focale portée sur « les petits gestes du quotidien » éparpille complètement la perception du problème, jusqu’à la réduire en miettes, effaçant par là la nécessité du changement politique. Ensuite, elle réserve l’écologie à une classe supérieure, éduquée, dotée des ressources nécessaires pour consentir et sublimer quelques sacrifices mineurs dans son mode de vie.

Les écogestes renvoient au référentiel de « l’empreinte carbone » individuelle, une notion développée et popularisée par l’industrie pétrolière dans les années 2000. En 2004, British Petroleum missionne en effet l’entreprise de relations publiques Ogilvy & Mather pour améliorer son image. Ensemble, ils choisissent de tout miser sur la notion d’empreinte carbone individuelle, qui invisibilise la question brûlante du partage de l’effort.

Les écogestes renvoient à une écologie du luxe et de la volupté, cultivée comme un art de vivre raffiné, innocemment teinté de mépris de classe, calibré pour les adeptes du bio et du vélo électrique, prodigues avec les ONG mais dont le portefeuille reste insensible aux taxes sur la pollution. Alors qu’elles ont beau jeu de clamer sur tous les toits que la crise climatique relève désormais d’un problème systémique, de dénoncer en boucle l’inaction climatique d’Emmanuel Macron et d’agonir les compagnies pétrolières, les grandes ONG reprennent en chœur la rhétorique des écogestes. En même temps, disons. Ainsi, on ne compte plus les pages Web dédiées aux écogestes sur le site de Greenpeace France, où l’on nous serine que « chaque action compte » et nous propose un « tour d’horizon non exhaustif des gestes écologiques qui, conjugués et multipliés, peuvent faire beaucoup ». En juin 2021, l’organisation lance même les « mardis verts », soit « un conseil pour agir à son échelle, tous les mardis dans sa boîte mail », à base de newsletters et de vidéos YouTube. Avant de répondre enfin à cette interrogation existentielle en février 2024 : « Vaisselle à la main… ou lave-vaisselle ? »

Les autres ONG environnementales ne sont pas en reste. Le WWF « vous donne les clés, astuces, écogestes et idées pour qu’au quotidien, vous puissiez faire la différence ». La FNE invite à « calculer son empreinte climat », Oxfam considère que « Les écogestes [sont] un premier pas pour le climat », la FNH affirme quant à elle qu’« aucune action individuelle n’est dérisoire ». Elle ajoute : « Chaque geste compte. Essayons d’améliorer nos comportements, échangeons nos bonnes idées et nos bonnes pratiques », avant de nous prodiguer toute une batterie de conseils de vie quotidienne. L’écologie installée vise en définitive une économie de marché vaguement conscientisée. On comprend donc mieux pourquoi la critique du capitalisme reste tabou dans le champ environnemental professionnalisé, au point d’en faire un impensé central qui obère culture théorique et rigueur stratégique. Les rares fois où il est évoqué par les ONG, sa critique est immédiatement déviée par des adjectifs : « Pourquoi le capitalisme fossile est-il incompatible avec la justice sociale? » se demande par exemple Greenpeace Luxembourg. Le collectif interassociatif et intersyndical qui forme l’alliance Plus jamais ça en 2020 cherche quant à lui l’alternative au « capitalisme néolibéral, productiviste et autoritaire ». Sans doute un capitalisme vert. » (…)

Sortir de la stratégie de l’impuissance

« Trois mois après sa démission du gouvernement, Nicolas Hulot signe son retour médiatique en prime time sur France 2, dans « L’émission politique ». C’est l’occasion pour celui qui refuse toujours « d’ajouter de la division à la division » (sic) de poser un nouveau mantra : « Il faut combiner les problèmes de fin de mois avec les problèmes de fin du monde », professe-t-il, inquiet. C’est qu’entre-temps les Gilets jaunes ont pris d’assaut de nombreux ronds-points et les Champs-Élysées, matérialisant le spectre d’un mouvement insurrectionnel suscité par l’écologie néolibérale. Jusqu’alors passée sous les radars, c’est en effet la hausse du prix des carburants, pilotée par la taxe carbone, qui sert d’étincelle.

Mais qui se souvient que c’est Nicolas Hulot, avec Greenpeace France et le WWF, qui a milité pour l’instauration d’une taxe carbone lors du Grenelle de l’environnement ? Engagements volontaires, petits gestes individuels, principe du pollueur-payeur… Depuis des années, les écologistes partagent en définitive le même agenda que la classe capitaliste. Conséquence d’un champ social qui s’est construit en dehors des mouvements ouvriers et des classes populaires, ils ont codé leurs revendications dans la langue du marché. Et même quand il s’agit d’interdire fermement au lieu de marchander, ce sont encore les pauvres qui sont ciblés, comme avec les fameuses « zones à faibles émissions » endossées par François Hollande et en partie concrétisées sous Emmanuel Macron. Demande récurrente des ONG, elles ont pour conséquence d’éloigner les plus pauvres des centres-villes.  Dès lors, cette écologie du compromis n’est-elle pas essentiellement un art du double discours, couverture idéale des couches supérieures au sein d’une société divisée par des antagonismes structurels ? Qui plus est, en délaissant la dimension sociale de l’enjeu environnemental, l’écologie négociée ne renonce-t-elle pas délibérément à tout potentiel majoritaire ? En frayant avec le pouvoir pour quelques victoires symboliques, cette écologie-là n’a-t-elle pas tout simplement scellé sa propre impuissance ? »


En Italie, les ouvriers de GKN transforment leur usine automobile en coopérative écolo
Emma Bougerol
https://basta.media/Italie-ouvriers-gkn-transforment-leur-usine-automobile-en-cooperative-ecolo

En lutte depuis 2021, les travailleurs d’une ancienne usine de pièces automobile veulent reprendre le site. Objectif : une reconversion qui s’inscrit dans la transition écologique. Autour du projet, un vaste mouvement de solidarité. Reportage.

« Si ce projet n’est pas d’utilité publique, qu’est-ce qui l’est ? » Assise sur une chaise en plastique blanc sous la tonnelle qui s’apprête à accueillir les discussions, Tiziana De Biasio désigne les alentours et les personnes en train de s’installer – ouvriers, activistes climatiques, sympathisants locaux et internationaux. Tiziana est une ancienne salariée de l’usine de composants automobile GKN qui produisait ici jusqu’il y a trois ans. Arrivée sur le site en 2012, elle y gérait des sous-traitants.

En 2021, la direction annonçait aux centaines de travailleurs du site la fermeture prochaine de l’usine. Depuis, les ouvriers de cette usine proche de Florence se battent sans relâche pour retourner au charbon. Parmi eux, une femme : Tiziana.

Mais ce week-end d’octobre, dans la zone goudronnée attenante à l’ancienne usine aujourd’hui à l’arrêt, la frustration est grande. Les anciens travailleurs de l’usine GKN (une multinationale britannique) s’apprêtent à présenter au public un plan de réindustrialisation. Le projet est fin prêt. Mais manque aux ex-ouvriers de la multinationale une chose : un lieu.

L’usine dans laquelle ils ont passé des années ne leur appartient pas. Et les pouvoirs publics, seuls à pouvoir agir, ne semblent pas disposés à le faire. « Il suffirait juste d’un peu de courage de la part des institutions. Elles peuvent décider d’exproprier le propriétaire privé d’un bien pour des motifs d’utilité publique », fait remarquer Tiziana De Biasio.

Trois ans et demi d’assemblée permanente

Le public s’installe peu à peu sous la tente blanche, décorée d’une banderole « Insorgiamo », le nom de la société de ouvrière secours mutuel créée après l’arrêt de l’activité de GKN sur le site. Elle leur a permis de récolter des fonds pour l’entretien de l’usine par ses ex-travailleurs, et de survivre lors des longs mois sans salaires (périodes également compensées par quelques aides publiques). C’est aussi une structure indispensable pour organiser légalement ce genre d’événements.

Depuis l’annonce des licenciements, l’espace a accueilli concerts, pièces de théâtre, assemblées générales et autres événements pour maintenir la lutte en vie. Tous ont rencontré un franc succès. Ce week-end d’octobre 2024 ne fait pas exception. Plus de 700 personnes sont passées sur le site pour parler de réindustrialisation par le bas, d’actionnariat populaire et même de justice climatique.

« Si on m’avait dit, il y a trois ans et demi, que je serais ici à en parler avec des journalistes, je n’y aurais pas cru une seconde », s’amuse Tiziana De Biasio. Le 9 juillet 2021, l’employeur imposait un jour de congé à tous les employés. C’était un vendredi, se souviennent précisément les travailleurs. Alors que tout le monde était chez soi ou en vacances, les premières notifications de licenciement collectif sont envoyées. Le fonds d’investissement britannique Melrose, qui avait racheté l’entreprise GKN trois ans plus tôt, annonçait la fermeture du site.

Du jour au lendemain, 442 personnes se sont retrouvées sans travail. Tiziana De Biasio fait partie des premières à être arrivée devant le portail de l’usine, directement après avoir eu la nouvelle. Elle venait à peine de déménager à Prato, la ville voisine, pour se rapprocher de son travail. Elle se souvient : « Nous sommes entrés de force dans l’usine. La colère était tellement forte. » Cette colère, elle n’a plus quitté les anciens de GKN. Depuis ce jour, ils sont réunis en assemblée générale permanente contre la fermeture de l’usine. Travailleurs et bénévoles se relaient sur le site pour s’assurer qu’une personne est toujours présente.

Une réalité les rattrape vite : l’activité de l’usine ne pourra pas reprendre telle quelle. Selon les syndicalistes, cités dans une enquête du site indépendant italien IrpiMedia, la production de pièces automobiles, en l’occurrence les arbres de transmission, que l’usine fabriquait pour Fiat (puis pour le groupe Stellantis) a été délocalisée en Europe de l’Est. S’ils veulent continuer de travailler, les ouvriers devront trouver une autre activité. C’est alors qu’ils entrent en contact avec les mouvements écologistes en lutte pour le climat. Se dessine ainsi l’idée d’une usine à la fois pensée par et pour les travailleurs, et orientée vers la transition.

Le collectif de travailleurs développe ensuite deux plans de reconversion industrielle du site. Le premier est publié à la fin de l’année 2022, et pose les bases d’une production écolo (réalisation d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène et de panneaux solaires). Le second, différent mais dans la même lignée, a été présenté lors de ce week-end d’octobre 2024.

Il est le fruit de longs mois de travail d’un « groupe réindustrialisation » dont le chercheur Leonard Mazzone fait partie. Docteur en philosophie politique à l’Université de Florence, il est spécialiste de la reconversion en coopérative des usines en crise.

L’universitaire a entendu parler du cas de GKN dans le cadre de ses recherches. Il finit par rejoindre bénévolement le groupe de chercheurs, entrepreneurs et travailleurs qui pense la manière de réinventer l’activité de l’usine. Ce deuxième plan, assure le quadragénaire en chemise au milieu des ouvriers et activistes, « en est à sa meilleure version possible ».

Photovoltaïque et vélos

Il est organisé en cinq grands axes, « indépendants les uns des autres sur le papier, mais qui seront entremêlés dans la réalité », expose Leonard Mazzone. Les trois premiers concernent la fabrication, l’installation et la récupération en fin de vie de panneaux photovoltaïques. Ensuite vient la construction de vélos cargo, dont quelques modèles ont déjà été créés. L’un d’entre eux est déjà en action dans les rues de Florence, conduit par des livreurs de la coopérative Robin Food.

Le dernier axe se concentre sur la gestion par les ex-employés de GKN d’une partie de l’usine, louée à d’autres projets industriels, puisque l’activité de confection de panneaux solaires et de vélos n’occupera pas l’intégralité de l’espace auparavant dédié aux pièces automobiles. « Ça a été un travail de longue haleine, mais nous avons désormais un plan industriel qui peut s’adapter à n’importe quelles évolutions de la demande et de l’offre sur ces marchés, s’enthousiasme l’universitaire. Nous sommes prêts. »

« Du jamais vu en Italie »

La nouvelle activité industrielle dans la production de vélos et le photovoltaïque, sera coordonnée par une coopérative, nommée GFF pour « GKN for future ». Pour la financer, les travailleurs en lutte ont lancé une campagne d’actionnariat populaire. « Un million d’euros de parts sociales qui seront appelées « parts de solidarité », lit-on sur le site d’Insorgiamo. Elles sont destinées aux citoyens, associations, mouvements, travailleurs, délégués syndicaux, militants solidaires, qui feront ainsi partie de l’assemblée de la coopérative, exerçant un contrôle social sur le processus de réindustrialisation. »

Le week-end du 12 et 13 octobre, alors que les travailleurs et leurs soutiens se réunissaient sur le parvis de l’usine, le montant total des demandes d’acquisition de parts avait déjà atteint 1,3 million d’euros. Près d’un tiers des demandes d’achat de parts viennent des milieux écologistes et mouvements sociaux à l’étranger, principalement d’Allemagne. Et les demandes continuent d’affluer. Elles ne pourront se confirmer qu’en cas de lancement effectif de l’activité.

« C’est une expérience unique. C’est du jamais vu en Italie, affirme, enthousiaste, le chercheur Leonard Mazzone. Aucune entreprise n’a jamais lancé en Italie un processus de redressement en coopérative après des années de lutte syndicale, de manifestations, d’occupation des espaces publics, de grèves de la faim. Aucune entreprise en redressement n’a changé aussi drastiquement son activité. »

Il ajoute : « Mais ce n’est pas voué à rester une expérience unique. Si nous arrivons à redonner du travail à ces ouvriers grâce à ce plan industriel, cela deviendra un exemple, un modèle que l’on pourra reproduire sur d’autres sites, dans d’autres pays, d’autres secteurs. »

Ce samedi 12 octobre, sous la tonnelle, les chaises sont désormais toutes occupées, et un mot revient sur toutes les lèvres : « Convergence. » La lutte des ex-GKN a rassemblé autour d’elle des militants de différents milieux écologistes et sociaux, et même d’autres pays d’Europe. Au micro cet après-midi-là, dans le cadre d’une discussion animée par de jeunes activistes italiens et italiennes de Fridays for Future, se succèdent des personnes qui remercient les ouvriers. « Cette lutte a poussé tout le mouvement écolo à évoluer et penser cette « transition par le bas », affirme Paola, une militante écologiste et chercheuse. Elle ne nous montre pas seulement une voie possible, mais la seule voie possible. »

Dix mois sans salaire

Puis c’est au tour des prises de parole de travailleurs indépendants d’un syndicat britannique, de membres d’un squat transformé en centre social menacé d’expulsion, d’activistes de Dernière Génération et d’Extinction Rébellion, d’une militante d’un espace agricole autogéré de la région qui existe depuis 2012 (Mondeggi Bene Comune), d’un livreur à vélo britannique et de tant d’autres personnes venues aussi bien des villes voisines que d’Écosse ou d’Allemagne.

Les travailleurs en lutte de l’ancienne usine automobile ne se mettent pas en avant. Au fil des six heures de discussion, la seule prise de parole en leur nom est faite par Dario Salvetti, le charismatique porte-parole des ex-GKN. Il rappelle le principal souci auquel ses collègues et lui-même sont confrontés : cela fait désormais dix mois qu’ils sont sans salaire.

« Nous allons mal, très mal, témoigne l’homme. Cette absence de salaire a créé un court-circuit dans la lutte, que ce soit pour les travailleurs ou pour leur famille. Ce manque a éclaté notre unité. Beaucoup d’ouvriers, après trois ans de lutte, ont baissé les bras. Certains sont partis, d’autres sont en train de partir, certains cherchent du travail ailleurs… Ce n’est pas une belle situation, disons-le comme ça. »

Matteo Moretti, un autre ouvrier, a passé des années à se battre avec et pour les ouvriers de GKN. Ils sont aujourd’hui environ 120 à ne pas avoir quitté l’assemblée permanente. « Mais certains sont chez eux, ils n’arrivent plus à venir, certains sont en dépression, affirme, sombre, l’homme au fort accent toscan. Il y a des collègues que je n’ai pas vus depuis longtemps. »

Arrivé dans l’usine en 1997 comme manutentionnaire, Matteo Moretti est devenu représentant syndical en 2008. Encore aujourd’hui, il fait partie des voix et des visages de la lutte des ex-GKN. Épuisé par des années de combat, il n’arrive pas à répondre lorsqu’on lui demande comment il va. « Je ne sais pas, je n’ai pas le temps de me poser la question, souffle-t-il. Ma situation personnelle, je l’examinerai quand tout sera fini. Ce sera soit une grande joie si tout se passe bien, soit une immense douleur si ce n’est pas le cas. »


Greenpeacek salaketa aurkeztu du Urdaibaiko Guggenheimen aurka, Kosta Legea urratzen duela eta
Julene Flamarique
www.argia.eus/albistea/urdaibaiko-guggenheimek-kostaldeko-legea-eta-europar-legedia-urratzen-dituela-salatu-du-greenpeacek

Auzitegi Nazionalean aurkeztu du salaketa eta “proiektua berehala eten dezaten” galdegin du. Bi lege urratzen dituela ohartarazi du: Kostaldeko Legea eta Europako Legea, Red Natura 2000ri dagokiona. Auzitegi Nazionalak Gobernuko Trantsizio Ekologikorako eta Erronka Demografikorako Ministerioari zein Eusko Jaurlaritzari salaketa helaraziko die azter dezaten.

Greenpeace talde ekologistak salaketa jarri du Auzitegi Nazionalean bai Espainiako Gobernuko Trantsizio Ekologikorako eta Erronka Demografikorako Ministerioaren eta bai Eusko Jaurlaritzaren kontra, Kostaldeko Legea urratzeagatik Urdaibaiko Guggenheim museoa eraikitzearen harira. Bizkaiko Muruetako paduren babes eremua –museo berria eraikitzeko aukeratutako kokapenetako bat– 100 metrotik 20ra murriztea salatu eta “ilegaltzat” jo dute, ez baitu betetzen Kostaldeko Legeak xedatutakoa. Gisa berean Europar Legedia urratuko lukeela adierazi du Greenpeacek, Urdaibaiko padura Red Natura 2000aren baitan kokatzen den “babes bereziko” zonaldea delako, EAEko bakarra. “Kostaldeko Legeak itsasoaren eta lurraren arteko jabari publikoa babesteko eta berreskuratzeko eskatzen du, baina, kasu honetan, Ministerioak justu kontrakoa egiten du”.

Proiektuak 61.000 kilometro koadroko azalera hartuko luke, eta bi egoitza berri izango lituzke; bata Gernikan Dalia fabrika izan zenean eta bestea Muruetako ontzioletan, udalerriko paduretan. Leku biak “babes bereziko” zonaldetik igaroko litzatekeen bide baten bidez lotuta egongo lirateke. Autoritateek diotenez, udaran 140.000 pertsonak bisitatuko lukete museoa, eta Greenpeacek ohartarazi duenez, “pertsonen zirkulazioarekiko oso zonalde sentikorra da eta inguruari eragingo liokeen kaltea konponezina da”. Guggenheim berria finkatuko den zonaldea urpetzeko arriskua duela gehitu du antolakundeak, Klima-aldaketari buruzko Gobernu arteko Adituen taldeak esandakoaren arabera. “Ingurumen-Ebaluazio Estrategikoa saihesteko proiektua zatika aurkeztu izana” egotzi dio erakundeak Bizkaiko Foru Aldundiari.

Lorea Flores Greenpeacek Hego Euskal Herrian duen bozeramaileak adierazi du, proiektu hau « berehala gelditzea » eskatzen dutela: « Tokiko biztanleek Urdaibaiko ingurune natural zoragarriarekin bat datorren garapen-estrategia bat behar dute. Guztiontzako kultura bat nahi dugu, baina natura suntsitzen ez duena. Ezin da interes pribatuei erantzuten dieten eta aurrekontu publikoarekin ordainduta dauden proiektuen alde egin, herritarren parte-hartzerik ez dutenak eta haien kalterako direnak, kasu honetan bezala”. Ohartarazi duenez, turistei harrera egiteko « gaitasuna gainditu » duen eskualde batera museoak turista gehiago erakarriko ditu.

“Gobernu-programan jasota dagoen egitasmoa”

Maria Ubarretxenak, Jaurlaritzako bozeramaileak, “gobernu-programan dagoen egitasmo bat » dela esan zuen astearteko prentsaurrekoan kazetari batek egin zion galderari erantzunda. “Ez da bakarrik museo bat, askoz gehiago da; bailara baten bizi berritasunari buruz dagoen proiektu bat da. Esan bezala entzute aktiboa jarriko dugu martxan eta prozesu bat egongo da. Beti esaten dugun bezala, etorkizunerako eta herri honentzako epe luzerako proiektuen gainean kolaborazioa, akordioa eta elkarrizketaren bidea izango da gurea », gehitu zuen.

Aurreko larunbatean milaka lagunek manifestazio zaratatsua egin zuten Gernikan “proiektua bideragarri bihurtzeko egiten ari diren urrats administratibo eta ekonomikoak gelditzeko” « Guggenheim Urdaibai Stop Busturialdearen etorkizunaren defentsan » lelopean. Agintari politikoak kritikatu zituzten diru publikoa “gutxi batzuen probetxurako” erabiltzeagatik, baita “ingurumena suntsitzeko” baliatzeagatik ere.