Articles du Vendredi : Sélection du 25 novembre 2022

Quels enseignements tirer de la COP27 ? Préférons la lucidité à la résignation
Maxime Combes , Economiste, travaillant sur les politiques climatiques, commerciales et d’investissement
https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/211122/quels-enseignements-tirer-de-la-cop27-preferons-la-lucidite-la-resignation

Les résultats de la COP27 font la démonstration que les COP sont à la fois indispensables aux pays pauvres pour obtenir ce qu’ils n’auraient jamais obtenu sans elles et structurellement désarmées pour imposer aux Etats de ne plus procrastiner et de sortir rapidement des énergies fossiles. Entre espoirs impossibles et résignation démobilisatrice, tirons-en quelques enseignements utiles.

Précisions : ce post de blog n’a pas pour ambition de faire une analyse détaillée de chacune des décisions prises lors de la COP27 qui s’est tenue pendant 15 jours à Charm-El-Cheikh (Egypte). N’ayant pu me rendre sur place, je laisse cette responsabilité aux journalistes, ONG, think tanks et délégués qui ont participé à la COP27. Comme expliqué dans le post de blog « Que peut-on attendre de la COP27 ? Entre espoirs impossibles et déceptions certaines » publié en amont de la COP27, je m’appuie sur ma longue expérience des COP pour tenter à chaud, mais avec, je l’espère, un peu de recul et de lucidité, de tirer quelques enseignements de la COP27.

En amont de la COP27, j’avais écrit qu’il fallait éviter deux travers : 1) « attendre de la COP27 qu’elle résolve ce que les 26 COP précédentes n’ont pu empêcher » ; 2) « condamner les COP parce que les gouvernements des Etats qui la composent refusent de transformer de fond en comble leurs politiques économiques ». Chacune de ces deux approches me semble en effet rater sa cible, notamment en confondant les COP avec les Etats qui la composent. La COP27 me semble d’ailleurs en faire la démonstration. Voici la lecture que j’en fais, y compris pour contribuer au débat sur « l’utilité des COP », en quatre premiers enseignements :

1. Les COP, indispensables pour que les pays pauvres et vulnérables aient voix au chapitre ;

En amont de la COP27, de nombreux observateurs présentaient la COP27 comme une COP de transition où aucune décision d’ampleur n’était attendue. Certains espéraient même qu’il « ne s’y passe rien et qu’il n’y ait pas de recul majeur », affichant des objectifs diamétralement opposés à ces trop nombreuses COP qui nous ont souvent été présentées comme les « COP de la dernière chance » : les deux font fausse route. En effet, c’est bien lors de la COP27, celle dont on n’attendait (presque) rien et alors que le sujet n’était pas initialement inscrit à l’ordre du jour, que vient d’être entérinée la création d’un fonds visant à financer « les pertes et dommages ». Ce fonds doit permettre aux pays en développement « particulièrement vulnérables » de faire face aux dégâts irréversibles causés par le réchauffement climatique dont ils ne sont généralement pas responsables (sécheresses, inondations, ouragans, montée du niveau des mers etc.) et alors qu’ils n’ont pas les moyens d’y faire face. Cela faisait trente ans que ces pays exigeaient un tel dispositif. Trente ans qu’ils n’avaient obtenu des pays riches au mieux des promesses, mais jamais de concrétisation, y compris lors des COP présentées comme des succès historiques telles que la COP21 à Paris (cf. article 8 de l’Accord de Paris).

Bien-entendu, la bataille n’est pas finie : montants des financements, périmètre des donateurs, modalités de fonctionnement du fonds, règles d’accès aux financements, devront être précisés, représentant autant de difficultés majeures. Mais le constat est là : la COP27 a rendu effectif ce qu’aucune autre COP n’avait permis. Grâce à la COP27, les Etats pauvres et vulnérables ont donc obtenu 1) la reconnaissance onusienne que les catastrophes climatiques amplifiées par le réchauffement les touchent tout particulièrement 2) la reconnaissance onusienne de la responsabilité des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre en la matière 3) le droit d’accès à un mécanisme de financement international qui leur est dédié. C’est un progrès significatif, qui n’aurait pu être obtenu en l’absence de négociations internationales dans le cadre onusien.

2. Les COP ne sont pas armées pour imposer aux Etats de ne plus procrastiner

Sans doute faut-il immédiatement relativiser l’importance et la confiance que nous pouvons accorder aux décisions prises par les COP. Nous sommes ici dans un cadre onusien où, certes, l’ensemble des Etats-membres de l’ONU ont voix au chapitre, mais où la mise en œuvre des décisions prises dépend fondamentalement de leur bon vouloir. Lors de la COP26 à Glasgow, il avait été décidé (décisions 26 et 28 du Pacte de Glasgow) que les Etats soumettraient à l’ONU des plans climat plus ambitieux d’ici à la COP27. Résultat ? A peine une trentaine d’Etats l’ont fait. Aucun de ceux qui n’ont rien soumis de nouveau n’ont été sanctionnés lors de la COP27.

Ceux qui n’ont pas fourni de nouveaux plans climat sont à nouveau invités à le faire pour la COP28. Si la COP27 n’a pas enterré l’objectif d’1,5°C, elle fait à nouveau la démonstration qu’elle n’est pas en mesure d’imposer quoi que ce soit à des Etats qui ne veulent pas aller plus vite : en ce sens, un tel bilan, comme lors de la COP26, est criminel et dilatoire. Criminel parce que les Etats promettent de rester en-deçà de 1,5°C mais nous conduisent vers au moins 2,5°C. Dilatoire parce qu’ils nous vendent une “neutralité carbone” de long terme pour ne pas la mettre en œuvre à court terme.

La COP27 prolonge donc la procrastination climatique des Etats-membres de l’ONU. Les conséquences sont dramatiques : l’écart entre le réel des plans climat (2,4°C à 2,8°C de réchauffement, et sans doute plus, d’ici à la fin du siècle) et le souhaitable (1,5°C ou 2°C maximum) est abyssal et ne peut que générer plus de catastrophes climatiques, notamment dans les pays les plus vulnérables, et donc encore plus de besoins de financements dans le cadre du nouveau fonds pour faire face aux « pertes et dommages ». Ne soyons pas surpris : l’Accord de Paris ne prévoit pas que les Etats, constatant que leurs engagements ne permettent pas de contenir le réchauffement climatique en deçà d’1,5°C ou 2°C, consentent lors des COP à se répartir les efforts supplémentaires afin de satisfaire à ces objectifs. Si les Etats sont invités (art. 4.9 de l’Accord de Paris) à communiquer une contribution plus ambitieuse tous les cinq ans, il n’est prévu aucun mécanisme pour que les Etats se partagent les efforts supplémentaires nécessaires pour tenir ces objectifs collectifs.

L’Accord de Paris a été construit sur la base de contributions volontaires et déterminées au niveau national : si la somme de ces plans climat nationaux ne sont pas suffisants, il n’existe aucune obligation pour qu’une péréquation collective des efforts supplémentaires et nécessaires soit mise en œuvre lors des COP. Le pari des architectes de l’Accord de Paris était de voir les Etats s’engager dans une course-poursuite collective où chaque Etat viendrait surenchérir avec des politiques climatiques plus ambitieuses que le voisin. Force est de constater que cette prophétie voulue autoréalisatrice ne fonctionne pas. Nous observons plutôt aujourd’hui une course de lenteur, chacun retardant autant que possible des engagements supplémentaires. Nous avions évoqué ce risque majeur dès la COP21 (voir ici ou ici), sans nécessairement être entendu. Parier sur le fait que cela change est une promesse sur l’avenir que personne ne peut garantir, et que l’Accord de Paris ne prévoit pas explicitement. La seule parade à portée de main est de nous mobiliser dans chacun de nos pays pour les gouvernements de nos Etats, et l’UE pour ce qui nous concerne, améliorent leurs plans climat.

3. Les COP ne sont pas armées pour organiser la sortie des énergies fossiles

Jusqu’à la COP26 de Glasgow, les énergies fossiles, responsables de plus de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre n’avaient jamais été mentionnées dans les décisions de COP, pas plus que dans les accords internationaux qui en sont issus. Une proposition de moratoire (LIEN) portée par des ONG du Sud dès le début des COP au milieu des années 1990 avait ainsi été largement ignorée. Ainsi, l’Accord de Paris ne dit rien sur les énergies fossiles : il ne les mentionne même pas, pas plus qu’il ne prévoit de programme de travail pour voir comment les pays de la planète pourrait s’accorder pour instituer des restrictions, des contraintes ou des interdictions à l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements. On peut légitimement s’en émouvoir : comment se fait-il que les Etats se soient mis d’accord pour discuter des symptômes, les gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère, sans traiter les causes, ces quantités astronomiques d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole) qui alimentent notre insoutenable économie mondiale ? Il existe néanmoins de nombreuses raisons à cela, comme nous l’avons expliqué dans cette note. Nous pouvons donc nous lamenter du refus des Etats d’aller plus loin lors de la COP27 que les formules alambiquées et insatisfaisantes figurant déjà dans le texte de décision de la COP26 à Glasgow. La publication du rapport de l’Agence internationale de l’énergie au printemps 2021, les déclarations du Secrétaire général de l’ONU sur la fin des énergies fossiles, le lancement de la Beyond Oil & Gas alliance en 2021 et les propositions de la société civile pour un Traité de non-prolifération sur les énergies fossiles ont pourtant déplacé pour toujours une partie du débat international sur le changement climatique. Laisser les énergies fossiles dans le sol n’est plus perçu comme une idée farfelue, mais comme la condition sine qua non d’une possible « neutralité carbone » en 2050. Il est donc urgent d’essayer de trouver comment progresser sur ce terrain. Il n’est pas certain que ce soit lors des COP. En effet, comme nous l’avons expliqué dans cette note (partie 5), « l’avenir mondial des énergies fossiles doit être prise en charge au niveau international, alors que les mix énergétiques nationaux sont perçus comme non négociables dans un cadre multilatéral ». Si l’objet n’est pas ici de rappeler, détailler et approfondir les ébauches de propositions que nous soutenons, sans doute faut-il par contre pointer le rôle nocif que les Etats européens jouent à ce sujet : en ayant décidé, face à la guerre en Ukraine, de relancer des centrales à charbon, de construire de nombreuses nouvelles infrastructures gazières (ports méthaniers, interconnexions, etc) et de négocier quoi qu’il en coûte de nouveaux contrats pour augmenter les importations d’autres fournisseurs (Norvège, Algérie, Etats-Unis, Qatar, Emirats arabes unis, etc), les pays de l’UE font le contraire du nécessaire.

Comment alors être crédible lorsque ces mêmes pays de l’UE invitent les pays pauvres, et notamment les pays africains, à ne pas investir dans de nouvelles infrastructures fossiles, y compris gazières ? En refusant de substituer une politique drastique de sobriété énergétique à leur dépendance russe, les pays européens sont en train de nous faire perdre de nombreuses années de lutte contre le changement climatique en Europe, mais également à l’échelle mondiale. Nous allons payer très cher le fait de ne pas avoir profité de la pandémie de COVID puis de la guerre en Ukraine pour mettre sur pied des plans de relance puis des plans de sobriété 100% climato-compatibles en mesure de réduire notre dépendance aux énergies fossiles.

4. Les COP ne transformeront pas les règles et institutions de la mondialisation alors que des brèches s’ouvrent en ce sens : il faut s’y engouffrer

C’est l’un des autres trous noirs des négociations climatiques internationales. La COP27 ne fait pas exception, ou presque. Vous ne trouverez aucune mention du futur de la mondialisation, pas plus que des règles et institutions qui l’organisent, dans le texte de décision de la COP27. Là non plus, il n’y a rien de surprenant. Les COP n’ont pas mandat, et ont même l’interdiction, d’édifier des règles et institutions qui auraient pour fonction de réguler l’économie mondiale. Résoudre les dilemmes posés par le réchauffement climatique, alimenté qu’il l’est par l’incroyable machine à réchauffer la planète que sont l’économie mondiale et les entreprises multinationales, devient impossible dès lors qu’on ne peut prendre des décisions qui reviendraient à changer les principes, l’organisation ou la nature de cette mondialisation et à réguler les activités des entreprises (lire la tribune que nous venons de publier dans Le Monde à ce sujet).

Néanmoins, il nous semble a minima que trois brèches, de nature différente, sont en train de s’ouvrir à ce sujet. La première se joue aux confins des négociations climatiques internationales. Elle est même mentionnée dans le texte de décision de la COP27. Elle porte sur l’avenir des institutions financières internationales que sont la Banque Mondiale, le FMI et les banques de développement. De très nombreuses publications ont montré que les besoins d’investissement annuels afin de développer les énergies renouvelables et les infrastructures bas ou zéro-carbone étaient colossaux (plusieurs milliers de milliards d’euros par an). Une réflexion importante sur la façon de transformer les institutions financières internationales a été engagée afin qu’elles contribuent massivement à ces besoins de financements. Tout l’enjeu, gigantesque, est qu’elles le fassent sur la base de principes et de mécanismes fondamentalement différents de ceux qu’elles ont utilisé depuis des dizaines d’années en imposant aux pays pauvres des plans d’ajustements structuraux totalement injustes et insupportables. C’est un sujet de travail immédiat.

La seconde brèche se situe hors des négociations climatiques internationales : les décisions successives de l’Espagne, des Pays-Bas, de la Pologne, de la France, de l’Allemagne et de la Slovénie de se retirer du Traité sur la charte de l’énergie, ce Traité qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique, représentent l’une des toutes premières fois que des règles nées de la mondialisation sont reconnues comme antinomiques avec la lutte contre le changement climatique. Comme nous l’expliquons dans la tribune publiée par Le Monde, c’est « une brèche notable dans ce pare-feu qui pouvait jusqu’ici paraître inviolable : les institutions de la mondialisation, dont les principes qui les fondent ne tiennent aucun compte des immenses défis climatiques et énergétiques auxquels nous sommes confrontés, ne sont pas une malédiction indépassable ». Il faut s’y engouffrer : « celles et ceux qui aspirent à voir des politiques climatiques plus ambitieuses capables de « gouverner » les investissements étrangers et les pratiques des entreprises multinationales, capables de faciliter la relocalisation des activités économiques et d’orienter les marchés publics, devraient s’y engouffrer. Il est temps de rénover les institutions et les règles qui organisent la mondialisation »

La troisième brèche est en train de s’ouvrir devant nous, sans que cela ne soit pris au pied de la lettre : plus personne ne semble vouloir respecter certaines des règles les plus élémentaires de l’Organisation mondiale du commerce, notamment au nom d’enjeux tels que la relocalisation ou la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, l’Inflation Reduction Act promulgué par Joe Biden prévoit de soutenir massivement l’industrie américaine à condition que les productions, notamment de voitures, soient localisées sur le territoire américain. C’est clairement contraire aux règles de l’OMC. En raison de la nouvelle situation géopolitique, des tensions entre blocs et de la situation économique mondiale, il est fort probable que ce genre de mesures se multiplient à l’avenir. L’UE a le choix : défendre becs et ongles les règles de l’OMC comme avenir indépassable ou, alors, s’emparer pleinement de ses enjeux et se faire le fer de lance d’une rénovation complète des règles internationales du commerce et de l’investissement pour les rendre compatibles avec les grands enjeux du 21ème siècle tels que la lutte contre le réchauffement climatique. Pour le dire autrement : batailler pour que l’impératif climatique s’impose au sein de chaque institution internationale, y compris l’OMC. C’est un défi majeur et décisif. Ne le laissons pas sous le tapis.

 

Conclusion provisoire :

Cette première analyse gagnerait énormément à être confrontée d’un côté aux stratégies des mouvements pour la justice climatique et de l’autre à la nouvelle situation géopolitique internationale : les COP représentent en effet un des derniers espaces de négociation géopolitique mondiale qui permettent de faire valoir les intérêts, parfois divergents, des pays pauvres, et en tout cas ceux des populations les plus démunies face au réchauffement climatique. Ce n’est absolument pas négligeable alors que le monde se disloque, que les extrêmes-droite sont plus puissantes que jamais et que les grands défis de ce 21ème siècle, dont le fait de contenir le réchauffement climatique, paraissent de plus en plus inatteignables. Ainsi, plutôt que d’enterrer l’objectif des 1,5°C, quand bien même notre budget carbone pourrait être consommé dans les neuf années qui suivent, il me semble qu’il faudrait plutôt le défendre comme un levier pour que les pays du Sud et populations les plus vulnérables puissent obtenir des avancées politiques concrètes. Y compris pour que le « premier bilan mondial » qui doit se tenir en 2023 selon l’Accord de Paris permettent de faire pression sur les Etats, les collectivités territoriales et les entreprises pour obtenir de nouvelles avancées majeures. Que les COP existent et qu’on s’en serve pour mener des batailles partielles n’empêche en rien d’obtenir des victoires globales en dehors des COP.

 

« La COP montre que l’on n’est pas tous ensemble pour sauver le climat »
Mickaël Correia
www.mediapart.fr/journal/ecologie/201122/la-cop-montre-que-l-n-est-pas-tous-ensemble-pour-sauver-le-climat

Alors que la COP27 s’achève par un accord minimaliste, Amy Dahan, chercheuse émérite au CNRS, revient sur la « fabrique de la lenteur » que sont devenus ces sommets sur le climat. Elle appelle à rénover les institutions et les règles qui organisent la mondialisation, pour contraindre les pays à respecter leurs engagements climatiques, sous peine de sanctions.

Faut-il mettre fin aux COP, ces grands sommets sur le climat, qui incarnent désormais plus une foire expo du greenwashing qu’une enceinte de coopération internationale face au plus grand défi de l’humanité au XXIe siècle ? 

Alors que la première COP s’est déroulée en 1995 et que les émissions globales augmentent irrémédiablement, l’utilité même de ces réunions est à questionner. Et ce, d’autant plus que limiter le réchauffement global à + 1,5 °C, objectif phare de l’accord de Paris de 2015, est en passe de devenir irréalisable.

Amy Dahan, directrice de recherche émérite au CNRS, étudie l’histoire des négociations climatiques et est la coautrice de Gouverner le climat ? 20 ans de négociations climatiques (avec Stefan C. Aykut, Presses de Sciences Po, 2015). Elle estime que la gouvernance du climat ne devrait plus être enclavée au sein des COP, mais être discutée au sein de divers sommets diplomatiques et des institutions économiques mondiales.

Depuis 30 ans, le droit international économique l’emporte sur l’urgence climatique. Amy Dahan demande que les instances de régulation internationale de la mondialisation, comme l’Organisation mondiale du commerce ou la Banque mondiale, soient rénovées pour – a contrario des COP – créer des mécanismes contraignant les pays à respecter leurs engagements climatiques.

Mediapart : En 2015 dans votre livre , vous parliez d’un « schisme de réalité » entre la gouvernance du climat via les COP et la dégradation inexorable du climat. On a l’impression, après cette COP27 et en pleine crise énergétique, que ce hiatus s’est depuis énormément creusé…

Amy Dahan : Effectivement, alors que les émissions globales ne cessent d’augmenter, les COP n’arrivent même pas à ce que les États les plus riches tiennent leur promesse de verser chaque année 100 milliards de dollars aux pays du Sud. C’est une somme très modeste eu égard aux capitaux énormes mobilisés dans l’économie mondiale, mais ces engagements, pris en 2009 lors de la COP15, n’avaient atteint que 83 milliards de dollars en 2020.

La prise en main du péril climatique a été très longtemps isolée des problèmes (et des investissements) de politiques industrielles, énergétiques et économiques, tant globales que nationales, indispensables pour relever ce défi. Les COP ne sont basées que sur des consensus et des engagements volontaires sans jamais questionner les règles de la mondialisation économique et financière débridée, à l’origine de la catastrophe climatique.

A contrario, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres accords bilatéraux font appliquer des règles contraignantes et des sanctions qui protègent l’économie mondialisée. En somme, depuis 30 ans, le droit international du commerce et de l’investissement l’emporte sur l’urgence climatique.

Nous parlons donc d’un « schisme de réalité » pour nommer l’écart entre la gouvernance onusienne des COP censée se saisir du risque climatique et une réalité du monde multiforme faite de compétitions et de concurrences féroces, qui lui échappe en très grande partie. Ce hiatus se traduit aussi de façon temporelle entre la dégradation accélérée du climat et une fabrique de la lenteur dans les négociations.

Sortir des énergies fossiles ne se passera pas dans les COP.

Pour vous donner un exemple, le traité sur la charte de l’énergie, entré en vigueur en 1998, vise à protéger les investissements étrangers du secteur de l’énergie. Mais il a surtout restreint le déploiement de politiques climatiques. Il a permis aux industriels de poursuivre les Pays-Bas qui souhaitaient fermer des centrales au charbon, ou encore l’Italie qui voulait interdire des forages pétroliers offshore.

La France et plusieurs autres pays européens comme l’Allemagne, l’Espagne ou la Pologne viennent d’annoncer leur décision de se retirer de ce traité : c’est une des toutes premières fois que des règles nées de la mondialisation sont reconnues comme antinomiques avec la lutte contre le changement climatique.

Cela nous montre que sortir des énergies fossiles ne se passera pas dans les COP. Et que pour que le monde effectue sa transition écologique, il faut radicalement modifier le paysage politique et économique de la régulation mondiale.

C’est-à-dire qu’il faut mettre en œuvre des mécanismes contraignants pour mettre fin aux énergies fossiles ?

Le mot « énergie » ne figure même pas dans l’accord de Paris de 2015. La sortie des énergies fossiles n’a été évoquée qu’à la COP de Glasgow en 2021, sans que les modalités concrètes ou les difficultés des pays pour cette sortie aient jamais été l’objet de discussions.

Élections HLM, changeons vraiment les choses !
Candidat.e.s Alda aux élections HLM
https://lhebdo.mediabask.eus/fr/hemeroteca/mediabask/editions/mediabask_2022-11-17-06-00/hemeroteca_articles/elections-hlm-changeons-vraiment-les-choses

L’association de défense des locataires Alda est née il y a à peine 2 ans mais elle a su démontrer en si peu de temps son efficacité, son soutien actif auprès de plus en plus de familles modestes et sa présence permanente sur le terrain.

Avec Alda, on gagne

Si l’on ne prend en compte que l’année qui vient de s’écouler, Alda a accompagné et aidé 357 familles et personnes et la plupart du temps résolu les problèmes ou les injustices auxquels elles étaient confrontées. L’association a créé des premiers collectifs d’habitants sur des quartiers HLM comme Cam de Prats et Habas, qui eux-mêmes ont commencé à remporter de premières victoires collectives.

Alda a gagné, par ses actions et campagnes, des avancées plus globales, avec un impact positif sur la situation générale du logement en Pays Basque. C’est bien sûr l’adoption de la compensation par l’agglomération Pays Basque qui a permis de stopper la transformation en meublés de tourisme des logements loués à l’année aux gens d’ici.

C’est également la création par l’État d’un comité de lutte contre les baux frauduleux en Pays Basque, une première dans l’Hexagone. Ce comité a déjà un effet dissuasif sur les comportements de nombreux propriétaires et agences immobilières.

Parc privé et parc social, tout se tient

Alda est la seule association de défense des locataires présente et active dans la plateforme Se loger au pays – Herrian bizi qui a organisé le 20 novembre 2021 la plus grande manifestation pour le droit au logement réalisée en France depuis 25 ans. Cela a permis un certain nombre d’avancées supplémentaires : engagement du Préfet à soutenir la candidature de l’agglomération Pays Basque à l’encadrement renforcé des loyers ; création d’un comité de pilotage territorial pour le logement en Pays Basque, pour voir notamment comment développer et faciliter la production locale de logement social.

Or, il est fondamental, si l’on veut réellement défendre les locataires HLM de s’attaquer à la crise globale du foncier et de l’immobilier en Pays Basque. Si l’on ne combat pas la spéculation privée, qu’elle soit foncière ou immobilière, cela a pour conséquence directe de rendre de plus en plus difficile et coûteux pour HSA, Office 64, le COL et les autres offices ou organismes HLM de produire du logement social.

Résultat : il y a moins de logements HLM disponibles, pour nos enfants mais également pour nous quand l’évolution de nos vies nous amène à solliciter une mutation dans le parc HLM. Et le surcoût de production des logements sociaux lié à la spéculation privée, aggravé par l’explosion des coûts de construction, va réduire les moyens financiers des bailleurs sociaux. Au final, cela sera moins de réhabilitation et de rénovation de nos quartiers et de nos immeubles HLM, moins de moyens pour leur entretien et les équipements collectifs nécessaires.

Encore plus efficace pour tous les locataires

On le voit, les locataires HLM ont aujourd’hui besoin de 2 choses :

1) une association active, et réellement présente sur le terrain, comme l’est Alda, qui compte déjà 450 membres motivés et dynamiques -et leur nombre augmente tous les jours- diffuse son journal des milieux populaires à 35 000 exemplaires, rend les gens acteurs, renforce les mobilisations et aide à organiser des collectifs d’habitants améliorant la vie de leur quartier HLM.

2) une association qui lutte pour que le Pays Basque puisse maîtriser la crise actuelle du foncier et de l’immobilier, crise qui a et qui aura des conséquences pour toutes et tous, locataires du parc social comme locataires ou petits propriétaires du parc privé.

Si ces élections HLM voient de nombreux locataires voter pour ses listes, Alda pourra avoir demain accès à diverses commissions, instances, sources d’information auxquelles elle n’a pas accès aujourd’hui. Elle en sera d’autant plus efficace et pourra gagner encore plus de victoires pour le plus grand bien de tous les locataires du Pays Basque…et de nos enfants !

Du 16 au 30 novembre, pour changer vraiment, votons Alda !

Rama Cristofoli, Isabelle Marticorena, Yusuf Polat, Carole Sermet, locataires HSA ; Moussa Cissokho, Nicolas Igier, Corinne Manso, locataires Office 64 ; candidates et candidats Alda aux élections HLM

Autoktonoen jakintzak kontuan hartzea genuke aterabide segurra
Jenofa Berhokoirigoin
www.argia.eus/argia-astekaria/2802/autoktonoen-jakintzak-kontuan-hartzea-genuke-aterabide-segurra

COP27 gailurra iragan berri da Egiptoko Xarm el-Xeikh hirian. Ikuspegi mendebaldarra nagusitu da, beste behin, eta erabakiak araberakoak ditugu. Herri autoktonoen ahotsa entzunarazteko leku ttipia bideratu arren, haien ekarpenak ez dira kontuan hartuak. Alta, 5.000tik gora kultura ezberdin eta 476 milioi herritar horiek –Europarren kopuru bertsua– osagai inportantea dute partekatzen: naturaren errespetua eta ingurunea integratzen duen ikuspegi holistikoa. Ingurumenari eta bioaniztasunari begira mendeetan zehar garaturiko jakintza mamitsua izanik, gogoetan integratzeko deia luzatu berri du GIEC Klima Larrialdiari Buruzko Gobernu Arteko Taldeak.

Oihanaren ahotsa eta Amazoniako bizidun guztien ahotsa  dakarzkit”. Brasilgo Huni Kui herri autoktonoko ordezkari Ninawa Inu Huni kui Pereira Nunesen hitzak dira, Egipton burutzen dabiltzan COP27 gailurrean zabaldurikoak. Klima aldaketaren erronkaz hausnartzerakoan ezberdintzen diren diskurtsoa, postura eta mundu ikuskera dakarzki berekin. Baina ez du berak bideratzen dantza, gutxiengoan da, eta ikuspegi antropozentriko hegemonikoa dauka parean, erabat aurkako norantzan doana. Lastima, bestela balitz, ezberdin irudikatzen ahalko genukeelako geroa, eta krisi klimatikoaren panorama.

GIEC Klima Larrialdiari Buruzko Gobernu Arteko Taldeak otsailean plazaraturiko txostenak nabarmentzen ditu herri autoktonoen gaitasunak eta jakitateak: “Mendeetan zehar aurre egin diote adaptazioaren erronkari eta ingurunearen aldaketei egokitzeko erresilientzia estrategiak garatu dituzte. [Klima larrialdiari] egokitzeko indarrak aberastu eta elikatu ditzakete”. Egiaztapenari beste ideia inportante bat gehitzen dio zientifikoen taldeak: herri horien autodeterminazioa eta beraien eskubideen aitortza bermatu behar dira klima larrialdiari aurre egin nahi baldin badiogu.

Indigenen ordezkari diren hamarnaka egiturek –orotara 1.600 milioi hektarea lurretan banaturikoak– begi onez hartu zuten adituen babesa: “Azkenean mundu mailako zientifiko famatuenek aitortu dute guk aspaldian genekiena”. Bioaniztasunaren zaintza eta “iraunkortasunean oinarrituriko lurren eta oihanen kudeaketa” direla eta, badakite krisi ekologikoari aurre egiteko aterabide batzuk dauzkatela: “Babesa izanez gero, bide beretik segitzen ahalko genuke”. Babesa, autodeterminazioa eta lurraren eskubidea bermatzetik iragaiten da, hori gabe “zaurgarri” direlako agroindustriaren, meatze-sektorearen eta azpiegitura erraldoien parean.

“Biktimak baino gehiago gara”

Klima aldaketaren talka bortitzena jasotzen dutenen artean dira indigenak. Alta ez dira CO2 isurketen edota bestelako kutsaduren oinarrian. Hala eta guztiz ere, biktimaren posturara mugatze hori ez du begi onez ikusten Siila Watt-Cloutier inuitak, eta aterabideak adosten diren mahaira gomitatzeko garaia dela uste du, Radio Canada irratian egindako elkarrizketan entzun daitekenez.

Baina hainbat erronka ekarriko lituzke mahaiaren partekatzeak, bidean aitzina egiteko betetzea ezinbestekoak liratekenak: Elkar ulertzearena –hitzez harago, mundu-ikuskera kontuan hartuko lukeen ulerkera kausitzea–; arbasoen eta oraingoen jakintzak ikuspegi antropozentrikotik babestearena, manipulaziorik ez izateko gisan; eta nola ez, ikuspegi holistikoa kontuan hartzeak dakarren deseraikitze ariketarena. “Elkar ulertzen saiatzen gara, gure jakintzen ulermen handiagoa izateko gisan. Baina hasteko, autoktonoon jakintzen definitze ariketa gure esku uztearekin hasi beharko lukete…”, dio antropologo inuit Lisa Koperqualukek Radio Canada irratian.

Hots, ikuspegi koloniala deseraikitzeko behar gorria dago klimaren esparruan ere. “Kolonialismo berdeaz” ari da Reporterre komunikabidean irakurri daitekeen Il faut décoloniser notre approche de la nature (“Naturaz daukagun ikuspegia dekolonizatu behar daukagu”) elkarrizketan antropologo den Fiote Longo: “Jarrera horren atzealdean dagoen ideologia arrazakeriaren atzealdean dagoenaren bera da, beraien ingurunea benetan kudeatzeko gaitasunik ez daukaten herri gisa kontsideratuak dira”. COP27 bezalako guneen dekolonizatzea ikuspegi aldaketatik ere pasako da, nagusi diren Iparreko herri aberatsek, haien multinazional eta hurbileko lobbyek ez dutelako indigenek oinarrian dituzten ikuspegi eta helburuak.

Horri dagokionez, merezi du begirada Kanada alderantz bideratzeak, elkarrekiko aitortzan eta elkarlanean aitzina egiteko nahikaria dutelako; poliki-poliki eta arreta handiz bada ere –autoktonoen desagerrarazteko prozesu bortitz eta estrukturala ukan duen lurraldea izanik, zauria irekita delako oraindik–. Besteak beste, ingurumena eta klima aldaketari buruzko DSA Zientzia Autoktonoaren Adarra dabil ekarpenak egiten.

Hiru begidun ikuspegia

Egitura gaztea da, aurtengo urtarrilean sortutakoa, eta esparru zientifikoan ere autoktonoen eta kolonizatzaileen ondorengoen artean bakerako eta erreparaziorako urratsak emateko sortu zuten. Myrle Ballard unibertsitari autoktonoak landuriko “hiru begidun ikuspegia” garatzeko asmoarekin dabiltza, batez ere klima aldaketaren desafioa gainditzeko erronkan.

Orain arte ezagunagoa dugu bi begidun ikuspegia, jakintza zientifiko autoktonoa eta mendebaldarra juntatzen dituena. Hirugarren bat gehitzen dio postura berritzaile horrek: “Autoktonoen ikuspegiari gehitzen zaio ‘harreman guztien’ izenean hitz egiteko ardura. Autoktonoen mundu ikuskeran diogu zuzenean lotuak garela lurrari, urari, landareei, abereei eta horiek ezin badute hitz egin, orduan, guk badaukagula horien hitza zabaltzeko ardura. Horregatik gara hirugarren begiaz/ahotsaz mintzo”.

Baina ez hiru ezta bi ere, ikuspegi mendebaldarra nagusitu da COP27an. Guztia deseraikitzeko beharra begibistakoa gelditzen ari zaigu eta nonbait, Fiore Longoren ondoko esaldiak berresten digu bidea: “Ez da egia gizakiak duela natura suntsitzen. Mendebaldetarron bizi-sistema da suntsitzailea, baina beste jendarte batzuk ere badaude. Bioaniztasunaren %80 herri autoktonoen lurraldeetan da”.

Mundu mailan 476 milioi autoktono dira –Europar Batasuneko biztanleriaren heina guti gora behera–, guztira 5.000 kultura ezberdin, munduaren mapa ofizial hegemonikoko 90 estatutan kokaturik. Anitzak eta ezberdinak izan arren, guztiek dute ingurumenarekilako  ikuspegi  eta begirune bera. Mendebaldetarron begia doi bat itxi eta besteari lekua egitea bihurtuko zaigu bide bakarra, laster.