Face à l’irresponsabilité de M. Macron, décrochons ses portraits
Des personnes engagées pour la justice sociale et climatique
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Depuis le 21 février, 39 portraits du président Emmanuel Macron ont été « réquisitionnés » par des activistes du climat dénonçant l’inaction de l’exécutif en ce domaine. Les signataires de cette tribune appellent à atteindre le nombre de 125 portraits, soit le nombre de jours qu’il a fallu à la France en 2019 pour dépasser son empreinte écologique.
- Il n’aura fallu que 125 jours à la France en cette année 2019 pour dépasser son empreinte écologique. Chaque année, le jour de dépassement survient plus tôt dans l’année.
Depuis le 5 mai dernier, nous avons consommé toutes les ressources naturelles que la planète peut renouveler en une année. Chaque jour qui passe est une dette que nous contractons envers les écosystèmes, envers les enfants qui naissent aujourd’hui, mais aussi, de plus en plus, envers nous-mêmes. La dette d’un système prédateur, qui ne sera jamais remboursée et vient s’ajouter au réchauffement climatique et à l’extinction de la biodiversité.
Le 21 février dernier, en réaction au « nous ne changerons pas de cap », seule réponse du gouvernement à l’Affaire du siècle – le recours juridique signé par deux millions de personnes contre l’État pour « inaction face aux changements climatiques » — le mouvement citoyen Action non violente COP21 (ANV-COP21) a lancé une nouvelle campagne de désobéissance civile. L’objectif : décrocher les portraits du président Emmanuel Macron pour dénoncer le vide de sa politique environnementale et sociale. Sortir Macron pour lui faire voir les causes et conséquences du changement climatique, les dégâts des politiques libérales, et pour lui faire entendre la révolte sociale et écologique qui traverse le pays.
Depuis, 39 portraits présidentiels ont été réquisitionnés aux quatre coins de la France. Ces actions, pourtant non violentes et symboliques, ont visiblement touché un nerf sensible chez le président de la République : 84 personnes ont été auditionnées, 46 placées en garde à vue, 38 perquisitionnées, 9 procès sont d’ores et déjà programmés et 35 activistes non violents méritant tout notre soutien sont poursuivis devant la justice. Sans oublier la saisie du bureau de lutte antiterroriste (Blat). Face à cette répression disproportionnée, la détermination des activistes climat ne faiblit pas.
LE TEXTE DE L’APPEL
Nous appelons aujourd’hui à la multiplication de ces décrochages des portraits présidentiels pour atteindre 125 portraits — correspondant aux 125 jours qu’il a suffi à la France pour dépasser son empreinte écologique — et ce avant le Sommet du G7 qui aura lieu du 24 au 26 août à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).
L’objectif sera de dénoncer à cette occasion-là, devant les 3.500 journalistes venus du monde entier, que la politique nationale du président Macron en matière d’environnement et de justice sociale ne correspond en rien à ses grands et beaux discours internationaux, dans lesquels il se positionne comme leader mondial du climat.
La France décroche complètement de l’Accord de Paris, pourtant déjà insuffisant : en 2017, selon l’Observatoire climat-énergie, la France a émis 6,7 % de gaz à effet de serre en trop par rapport aux objectifs qu’elle s’était fixés ; enfin, la liste des projets incompatibles avec une réduction des émissions françaises ne cesse de s’allonger : grand contournement ouest de Strasbourg, agrandissement de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, mégacentre commercial d’EuropaCity, etc.
Alors que les alertes des scientifiques s’accélèrent avec le rapport 1,5 °C du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et le récent rapport de l’IPBES [le « Giec » de la biodiversité] sur la disparition des espèces ; alors que la jeunesse s’apprête à faire la grève internationale pour le climat pour la deuxième fois en deux mois, ce 24 mai ; alors que des milliers de citoyens se préparent à marcher pour clamer l’urgence écologique pour la sixième fois en neuf mois, ce 25 mai, Emmanuel Macron continue de nier l’évidence en prétendant que « beaucoup a été fait ces deux dernières années » pour le climat et en se contentant de créer deux nouvelles instances : une « convention citoyenne » et un « conseil de défense écologique ».
Le gouvernement ne l’a toujours pas compris, donc, nous le lui répétons
Nous dénonçons l’irresponsabilité historique d’un président qui, face au dérèglement climatique en cours d’aggravation et d’accélération, ne propose que des réunions, des simulacres de concertation, des objectifs à long terme mais aucune mesure concrète, ambitieuse et immédiate permettant de les atteindre.
Le gouvernement ne l’a toujours pas compris, donc, nous le lui répétons : nous devons radicalement changer notre modèle de société et modifier considérablement nos modes de vie pour aller sauver chaque dixième de degré, dès maintenant ! Nous n’avons plus que quelques années pour sauver les conditions de vie sur Terre.
Voilà pourquoi nous appelons à passer massivement à l’action, partout en France métropolitaine et d’outre-mer, et à décrocher, toujours de manière non violente, les portraits présidentiels partout où ils se trouvent : mairies, bâtiments administratifs ou publics…
Chaque décrochage peut porter ses propres doléances et revendications écologiques et sociales : projets néfastes pour le climat, problèmes de santé publique liés aux pesticides ou à la pollution atmosphérique, collusion entre lobbies et responsables politiques, scandale de l’évasion fiscale et des niches fiscales bénéficiant aux plus riches, subventions aux activités polluantes, sans oublier la répression et l’absence totale de vision sociale de ce gouvernement.
Ils défendent des symboles, nous défendons la vie. Et parce que c’est le plus beau des combats, rien ne nous arrêtera.
Premières personnalités signataires parmi plus de 80 : Manon Aubry, tête de liste FI aux européennes, Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis, Geneviève Azam, économiste, membre d’Attac, Julien Bayou, porte-parole EELV, Christophe Bonneuil, du CNRS, François Boulo, avocat, Gilet jaune, Pauline Boyer, porte-parole d’Action non violente COP21, Juan Branco, avocat docteur en droit, Florent Compain, président des Amis de la Terre, Philippe Corcuff, sociologue, Thomas Coutrot, économiste, Alain Damasio, écrivain, Cyril Dion, réalisateur, auteur, Clémence Dubois, chargée de campagne pour 350.org, Txetx Etcheverry, membre Coordonation Bizi, Jean Gadrey, économiste, Jérôme Gleizes, conseiller EELV de Paris, Émilie Hache, philosophe, maîtresse de conférences, Nicolas Haeringer, chargé de campagne pour 350.org, Anne Hessel, Pacte Finance Climat, Michel Husson, économiste, Pierre Khalfa, économiste, Pierre Larrouturou, économiste, Alain Lipietz, économiste, Frédéric Lordon, philosophe, Priscillia Ludosky, Gilet jaune, Cécile Marchand, chargée de campagne des Amis de la Terre, Daniel Mermet, journaliste, Corinne Morel-Darleux, militante écosocialiste et auteure, Élodie Nace, porte-parole d’Action non violente COP21, Fabrice Nicolino, journaliste, militant écologiste, Les Ogres de Barback, artistes, Jon Palais, porte-parole d’Alternatiba, Mathilde Panot, députée FI, Cyril Pedrosa, auteur de bande dessinée, Gilles Perret, réalisateur, Malika Peyraut, porte-parole des Amis de la Terre, Marie Pochon, coordinatrice générale de Notre affaire à tous, Michèle Rivasi, député européenne, Barbara Romagnan, militante féministe, Generation.s, Marie-Monique Robin, réalisatrice, François Ruffin, député FI, Pablo Servigne, chercheur, Jacques Testart, biologiste, Marie Toussaint, juriste, candidate EELV aux élections européennes, Rebecca Wangler, porte-parole d’Alternatiba. La liste complète est à retrouver sur le site Décrochons Macron.
Le pitoyable bilan de M. Macron en écologie
Hervé Kempf
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Le président de la République a convoqué un « Conseil de défense écologique » jeudi 23 mai. Il y a fort à faire pour inverser la politique menée. Car depuis le départ de M. Hulot, le gouvernement a multiplié les actions et mesures contraires à la protection du climat et de la biodiversité.
À 9 h 30 ce jeudi 23 mai, à l’Élysée, Emmanuel Macron réunit le conseil de défense écologique, une nouvelle instance dont il a annoncé la création lors de sa conférence de presse concluant le « grand débat », le 25 avril. Y participent le chef de l’État, le Premier ministre et une dizaine de ministres membres permanents : François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, et ses deux secrétaires d’État, Brune Poirson et Emmanuelle Wargon, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, Gérald Darmanin, ministre du Budget, Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, Annick Girardin, ministre des Outre-mer, Agnès Buzyn, ministre de la Santé et Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. À cette liste pourront s’ajouter des ministres selon l’actualité, par exemple ce jeudi Élisabeth Borne, ministre des Transports, pour aborder la loi d’orientation sur les mobilités. À quoi va servir ce Conseil, qui allonge la liste de… 61 conseils et commissions déjà existantes sur les questions d’environnement ? Ce conseil sera décisionnaire, explique le gouvernement, à l’image du Conseil de défense qui se réunit toutes les semaines sur les questions militaires. Des décisions pourraient être annoncées en fin de matinée, lors de la conférence de presse que donneront Édouard Philippe et François de Rugy. En attendant, il est utile de regarder quelle a été l’action du gouvernement en matière d’environnement depuis le départ tonitruant de Nicolas Hulot fin août 2018. M. Hulot avait quitté le gouvernement parce qu’il n’arrivait pas à imposer des choix écologiques clairs. Son bilan, après un an au gouvernement, était très décevant. Le problème est que, depuis, cela ne s’est pas amélioré.
- Autoroutes — Dès septembre, le gouvernement imposait violemment la poursuite du chantier autoroutier du GCO (grand contournement ouest) de Strasbourg, allant jusqu’à laisser la police asperger de gaz lacrymogène des députés, dont la députée En marche Martine Wonner. Un geste significatif, et du recours habituel à la violence policière, et du soutien déterminé aux projets d’autoroutes, qui artificialisent les terres et suscitent le trafic routier. Le gouvernement laisse ainsi inscrire dans la loi Mobilités des crédits pour la liaison Toulouse-Castres et pour le contournement de Rouen. Il encourage aussi l’autoroute de contournement d’Arles.
- Grands projets inutiles — Le gouvernement continue aussi à soutenir des infrastructures artificialisant les terres, comme EuropaCity, à Gonesse (Val-d’Oise) ou desservant les transports du quotidien, comme le projet du « train des riches » vers Roissy, le Charles-de-Gaulle Express. Il n’a toujours pas pris de position claire sur le Lyon-Turin.
- Affaiblissement du droit de l’environnement et bétonnage — Alors que l’artificialisation des terres se poursuit à un rythme très — trop — rapide, le gouvernement a engagé un processus discret d’affaiblissement du droit de l’environnement: au nom de la « simplification », cela se traduit par un affaiblissement des contrôles environnementaux en amont des projets — par exemple les fermes-usines. Ce recul est aggravé par la baisse du nombre de fonctionnaires du ministère de la Transition écologique (moins 1.078 dans le budget 2019), budget dans lequel la politique de l’environnement a globalement été affaiblie. Dans cette logique de recul de l’État, le gouvernement a été jusqu’à préparer un décret abaissant les règles de protection des sites classés, comme l’a révélé Reporterre.
- Climat — Make the polluters great again: tel pourrait être le vrai slogan de l’action du gouvernement en matière climatique. Au lieu d’affecter la taxe carbone au financement de mesures écologiques, il l’a utilisée pour financer les aides aux grandes entreprises, le CICE. Plus globalement, il maintient des subventions fiscales aux énergies fossiles qui atteignent 11 milliards d’euros par an. Et a laissé sa majorité parlementaire vider de sa substance la proposition de loi visant à empêcher que l’épargne populaire finance des combustibles fossiles. Pas plus tard que le 21 mai, la majorité En marche a rejeté la proposition de taxer le kérosène des avions.
- Forêts tropicales — M. Macron peut bien accueillir le chef indigène Raoni sous l’œil des caméras, son intérêt pour la préservation des forêts tropicales est factice. Le gouvernement a ainsi autorisé Total à importer 20.000 tonnes d’huile de palme pour sa raffinerie de La Mède, contribuant à la déforestation en Indonésie. Plus globalement, en fermant les yeux sur le soja importé, la France encourage la déforestation au Brésil.
Preuve est faite de l’inaction climatique de l’Etat !
Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France
https://laffairedusiecle.net
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Climat, Stop à l’inaction, demandons justice !
L’Affaire du Siècle a franchi une nouvelle étape : nos avocats, juristes et experts ont rassemblé les preuves que l’Etat manque à ses obligations en matière climatique, et les ont transmises au tribunal ce lundi 20 mai.
Les preuves de l’inaction climatique de l’Etat renforcées
Le document remis au juge lundi 20 mai, appelé “mémoire complémentaire”, vient compléter la requête sommaire en détaillant les carences de l’Etat français en matière climatique. Tant dans son action, que dans le caractère inadapté des mesures ou l’incontestable absence de suivi, l’Etat a failli à ses obligations et participe ainsi à l’aggravation de la crise climatique et de ses impacts sur la population. Nous exigeons le respect de textes à valeur constitutionnelle et la protection des droits humains : contraignons l’Etat à prendre ses responsabilités !
Consulter l’argumentaire déposé au tribunal : https://laffairedusiecle.net/argumentaire-memoire-complementaire/
Quelques extraits :
🚗 Transports : la loi Grenelle oblige l’Etat à adopter des mesures favorisant le développement des transports non-carbonés, notamment ferroviaires. Or, sur les 400 milliards d’euros investis dans les infrastructures de transport entre 1990 et 2015, 69,4 % l’ont été pour les routes, contre 19,6 % pour le réseau ferroviaire SNCF et 10% pour les réseaux ferrés urbains.
🏘️ Efficacité énergétique des bâtiments : le bâtiment est un gouffre énergétique, qui pourrait véritablement changer la donne en matière d’émissions de GES. Pourtant l’Etat ne suit pas l’objectif de la loi Grenelle I qui prévoyait une réduction de 38% de consommation d’énergie des bâtiments existants d’ici 2020, et sur les 500 000 rénovations par an fixées par la loi de transition énergétique de 2015, l’Etat n’en prévoit que 300 000.
Pour mieux comprendre :
➡️ «Affaire du siècle»: quelles sont les preuves de l’«inaction climatique» de l’État par Le Figaro
➡️ Environnement : 5 mois après, où en est l' »Affaire du siècle » ? par le Journal du Dimanche
➡️ Urgence climatique : le dossier de l’«Affaire du siècle» au complet par Le Parisien
Nous pouvons remporter l’Affaire du Siècle
Dans le monde, le mouvement pour la justice climatique remporte des victoires et une nouvelle jurisprudence est en train de voir le jour. Le juge peut reconnaître la responsabilité de l’État français et enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents d’adopter toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’ensemble des manquements de l’État et réparer les préjudices subis. Si malgré tout l’État ne se décidait pas à agir, il se mettrait hors la loi. Les ONG pourraient alors saisir à nouveau la justice et demander l’exécution forcée de la décision.
La balle est désormais dans le camp de l’Etat : faisons pression !
Cette procédure ne dédouane pas l’État d’agir aujourd’hui pour le climat. Nous appelons l’État à accélérer ses efforts sans attendre l’audience qui pourrait intervenir dans 1 à 2 an(s), sans compter un éventuel appel. La crise climatique est telle que chaque jour qui passe doit être mis au service d’avancées structurantes.
Les citoyen.ne.s restent mobilisé.e.s : partout dans le monde ce vendredi 24 mai, jeunes et moins jeunes se mobiliseront pour leurs droits et leur avenir ! La jeunesse appelle ainsi à une grève internationale pour défendre son avenir, avec l’entier soutien de l’Affaire du Siècle !
Pourquoi l’écologie passe par la justice
Jade Lindgaard
www.terrestres.org/2019/05/06/pourquoi-lecologie-passe-par-la-justice/
Article
Dans Un sol commun (éditions Wildproject), dont nous publions ici les bonnes feuilles, Marin Schaffner dresse, sous la forme d’une série d’entretiens, le bilan des dix dernières années de l’écologie en France. Militante, auteure et journaliste à Mediapart, Jade Lindgaard œuvre depuis plus d’une décennie à recueillir les témoignages de territoires en lutte.
Cet entretien de Marin Schaffner avec Jade Lindgaard est extrait du recueil de textes Un sol commun, qui paraîtra le 10 mai 2019 pour les dix ans des éditions Wilproject.
Il y a dix ans, quelle était la couverture médiatique de l’écologie ?
En 2008, on était un an après le rapport du GIEC qui a vraiment popularisé la question du climat, qui l’a sorti de sa niche – et aussi dans la foulée du film d’Al Gore de 2006. Mais 2009, c’est aussi le livre climato-sceptique de Claude Allègre, qui, je m’en souviens, avait à l’époque complètement recouvert médiatiquement le Sommet du climat de Copenhague. Depuis, la remise en cause du rôle des humains dans le dérèglement du climat a pris du plomb dans l’aile, heureusement, mais c’était il n’y a pas si longtemps, il faut donc rester méfiant. D’ailleurs, ce qui me frappe, c’est qu’en 2008, 2009, 2010, les discours écologistes qui étaient présents dans les médias français étaient des discours plutôt technocratiques, et que le grand impensé de tous ces gens, y compris les ONG, c’était déjà la question sociale et la question des inégalités. À côté de ça, j’ai le sentiment qu’en dix, douze ans, dans les quartiers populaires et les banlieues, plein d’alternatives se sont développées par le bas. Ce sont des choses souvent disparates et isolées, mais il y a eu une indéniable massification de plein d’expériences de récupération de vêtements, de récupération de livres, d’amap, la pratique du vélo, du compostage, des groupes climats, etc., dans plein de villes et dans les banlieues des grandes agglomérations. En revanche, ce qui n’est toujours pas présent et qui est très problématique, c’est un discours politique écologique en lien avec ce qui se vit dans les quartiers populaires et les banlieues. Pour donner un exemple très modeste, avec un petit groupe de personnes de Seine-Saint-Denis, on avait organisé en 2014- 2015, dans les quartiers proches du Bourget où devait se dérouler la cop21, des toxic tours qui alertaient sur cette question des inégalités face au dérèglement climatique et à la pollution. C’était donc des visites guidées de lieux d’émission de gaz à effet de serre et de toxicité de l’atmosphère. Il y avait l’aéroport du Bourget, les data-centers de La Courneuve, l’autoroute A1 à Saint-Denis, etc. Et ce qui était très frappant, c’est l’écho que ces événements très modestes avaient rencontré auprès des gens. Et aussi le fait que les élus du territoire l’avaient très mal pris, alors que c’était de simples visites guidées sur de l’existant. Mais aujourd’hui, plus de trois ans après, alors que j’imaginais que plein de gens allaient s’engouffrer là-dedans, personne n’a investi cet espace. Donc cette distance entre les ONG écologistes et les habitants des quartiers populaires, elle existe toujours. Pourtant les chantiers sont énormes : rendre obligatoire la rénovation des bâtiments pour améliorer les conditions de vie des précaires, mettre en place des services publics de mobilité pour les ménages trop pauvres pour vivre près des grands axes de transport, etc. De ce point de vue, la justice environnementale me semble être un des manques les plus criants à combler en termes de recherche, de réflexion intellectuelle et d’interpellation politique.
Et du point de vue des idées ?
Sur les dix ans qui viennent de s’écouler, je crois que plein d’idées ont émergé, se sont répandues et articulées. Et en premier lieu, la question écoféministe, parce qu’il y a dix ans, l’écologie comme le féminisme semblaient être des préoccupations secondaires, et qu’elles ont toutes deux été réarmées et réintroduites dans le débat, ce qui me paraît être vraiment important car ce sont des questions fondamentales. Sinon, je pense pêle-mêle au climat comme registre de critique du capitalisme, à toutes les discussions critiques autour de l’anthropocène (qui recoupent cette question des inégalités, car ceux qui polluent vraiment ce ne sont pas tous les humains mais bien les plus riches des riches, d’où l’idée de capitalocène), ou encore à cette thématique de l’effondrement (qui, elle aussi, doit être mise en critique car elle est anxiogène et ne conduit donc pas, selon moi, à des usages politiques émancipateurs). Donc plein de nouvelles idées, mais je reste méfiante vis-à-vis de toutes ces catégories qui continuent à maintenir des séparations dans les imaginaires entre « eux » et « nous », entre les Blancs et les autres, entre les riches et les pauvres, bref toutes ces séparations qui sont exactement à l’origine des injustices climatiques. Finalement, on a vraiment progressé en France ces dix dernières années autour de la déconstruction des idées dualistes – notamment nature/culture, humain/non-humain – ; mais en revanche, ce qui n’a pas du tout été déconstruit, c’est la ligne de partage Nord-Sud, qui traverse aussi notre société en profondeur. Donc, la dimension intersectionnelle des effets du changement climatique et du système qui a causé ce changement climatique reste largement ignorée. Et ça, c’est un vrai travail à prolonger au sein des sociétés occidentales. Pour moi, en France, un des vrais chantiers à ouvrir, c’est celui du racisme environnemental. Parce qu’on n’en parle quasiment pas, on fait comme si ça n’existait pas – avec cette espèce d’indifférence traditionnelle très française de la dimension raciale des inégalités –, mais c’est un des sujets sur lesquels j’ai vraiment envie de travailler et d’interpeller dans les années qui viennent. Et il faut le faire pour pouvoir amener ces questions écologiques dans les banlieues parce que c’est un enjeu majeur tant d’un point de vue social qu’environnemental.
Selon vous, qu’est-ce que l’écologie fait au journalisme ?
J’ai récemment fait une enquête sur la précarité énergétique en Seine-Saint-Denis auprès de familles, en allant à leur rencontre. Et face à un sujet comme celui-là, tu vois clairement que l’écologie aujourd’hui est intrinsèquement une question d’inégalités sociales, mais aussi une question d’inégalités territoriales et d’urbanisme. Et c’est donc une vraie question de territoire, au sens le plus plein, le plus social, le plus humain du terme. Ces questions d’écologie me font donc me déplacer dans ma manière de travailler en tant que journaliste. À titre personnel, ces questions depuis dix ans ont changé plein de choses dans ma vie, dans ma compréhension du monde, dans les pensées que j’ai rencontrées. Mais ça a aussi changé ma manière de travailler parce que l’écologie oblige le journaliste – au sens presque moral du terme – à s’engager dans les sujets, dans ce qu’il en dit et dans les conclusions qu’il en tire. L’habitude journalistique est plutôt de décrire des phénomènes à une échelle macro – et ça il ne faut pas arrêter car on en a besoin pour comprendre les évolutions du monde –, mais ce qui manque, c’est aussi de quitter un discours qui est encore majoritairement trop un discours d’expertise, un discours technocratique. Il faut allier les données et la compréhension des problèmes avec des récits incarnés, humanisés mais qui ne soient pas dépolitisés. Ce que je défends, c’est un journalisme activiste – ce qui est une position vraiment minoritaire dans le monde médiatique. Mais je la défends parce que je ne veux pas accepter le maintien du cadre dominant d’interprétation. Un des murs à faire tomber, à mes yeux, c’est la séparation mortifère entre analyse et action.
Pensez-vous que l’écologie permet de re-territorialiser les luttes sociales ?
Ça me paraît juste, oui. Parce que les ennemis aujourd’hui sont énormes. Or, ces multinationales et ces États, ce n’est pas une manifestation en France qui va les faire vaciller. Par contre, en relocalisant les problèmes, en les resituant, en s’opposant à telle activité précise, tel lieu, telle usine, tel projet, on peut les bloquer, on peut les arrêter. Une des choses les plus marquantes et les plus importantes ces dix dernières années, de ce point de vue-là, c’est bien entendu ce qui s’est passé à Notre-Dame-des-Landes. Cette expérience de la zad, je crois que c’est une contribution majeure à la dimension politique de l’écologie en France. Ça a été la preuve que ça peut fonctionner, qu’il est possible de mettre en place des alternatives radicales au modèle capitaliste, à la puissance de l’État qui le défend et aux logiques de marché. Et c’est dommage car cette zad a été très caricaturée par le monde médiatico-politique, ce qui a contribué à invisibiliser l’importance pour une société d’une expérience comme celle-là – même quand tu n’es pas zadiste. Parce que, sur la zad, ce qui a été fascinant, c’est cette volonté d’habiter autrement, de décider autrement, de cultiver autrement, de produire autrement. Par conséquent, un des enseignements de ça, c’est la pertinence et la légitimité – et peut-être même la nécessité – de ces espaces territorialisés de lutte, d’alternative et de réflexion. Tout ça ne va peut-être pas empêcher les catastrophes, mais ça permet de commencer à défaire certaines dominations et certains modes d’exploitation. L’écologie est féconde aujourd’hui parce qu’elle permet d’articuler de façon concrète la critique de dominations qui sont intrinsèquement liées à cette destruction de la planète. À ce titre, ce qui est terrible dans notre présent, c’est la difficulté à concilier le temps des expériences, des tentatives et des échecs – avec une forme d’urgence à agir. Face à cela, il n’y a pas de solutions, il n’y a que des luttes et des rapports de force. Certes, ce n’est pas rassurant, mais ça nous pousse à l’engagement.
GuraSOSek Donostian manifestazioa deitu du ostiralerako, klimaren aldeko nazioarteko grebarekin bat eginda
Usurbilgo Noaua @noaua
www.argia.eus/albistea/gurasosek-donostian-manifestazioa-deitu-du-ostiralerako-klimaren-aldeko-nazioarteko-grebarekin-bat-eginda
Article
« Fridays for future » (« etorkizunerako ostiralak ») izeneko nazioarteko ikasleen mugimenduak klima eta guztion planeta babesteko ostiralerako (maiatzak 24) deitua duen greba egunerako, GuraSOSek mobilizaziorako proposamena egin zien aurreko astean gazteei eta gazte erakundeei. Gonbitari baiezkoa eman diotenez hainbat taldeek, bi hitzordu deitu dituzte Donostian. 19:00etan eserialdia Alderdi Ederren. 20:00etan manifestazioa.
GuraSOSek aurreko astean gazteei eta gazte erakundeei luzaturiko gonbitak baiezkoa jaso du, eta ostiral honetarako (maiatzak 24) iragarri zuten mobilizazioa egin egingo da azkenean. Gazteak, gazte mugimendu edo eragileak deitzen zituzten mobilizatzera. « Horrela egin dute hainbat taldeek eta beraz bat egiten dugu « Klima Larrialdia » deialdiarekin ».
GuraSOSek bi mobilizazio deitu ditu ostiralerako (maiatzak 24) Donostian. 19:00etan eserialdia Alderdi Ederren eta ordubete beranduago manifestazioa, « Plastikoa XXI. mendeko amiantoa, erraustegia=klima aldaketa=kutsadura. Alternatiba badago » aldarripean.
Ez dute edozein egun hautatu mobilizazio hauek antolatzeko. Europa osoan klimaren aldeko greba eguna deitu baitute ikasle eta gazte mugimenduek maiatzaren 24rako, martxoaren 15ean egin zuten moduan. Klimaren aldeko greba egunarekin bat egingo dute honenbestez, GuraSOSek deitutako mobilizazioek. Helburu argi batekin: igandeko hauteskundeetara aurkezturiko hautagaiak klima aldaketaren larritasunaren aurka berehala neurriak har ditzaten exijitzeko.
Azken hilabeteotan deitu duten nazioarte mailako bigarren greba da, martxoaren 15ean egin zen lehenengoa, milioika gazteek parte hartu zuten orduko hartan. Oraingoan ere unibertsitate eta institutuko ikasleak mobilizatu nahi dituzte ostiralean. Eta eguna aipatu moduan, Donostiari dagokionez, GuraSOSek deitutako mobilizazioek borobilduko dute.
Greta Thunberg-ek hasitako borrokaren segida
« Fridays for future » (« etorkizunerako ostiralak ») izenez ezaguna egin den klima eta gure planetn babesteko borroka olatu berri hau, Greta Thunberg 16 urteko suediar gazteak hasi zuen iazko abuztuan. Ostiralero mobilizatzen hasi zen Suediako parlamentu aurrean. Oso ezaguna egin da azken hilabeteotan mundu osoan. Ordutik aipatu moduan, borroka honetara batu dira munduko 1.600 hiriburu baino gehiago, milioika gazte. Martxoaren 15ean nazioarte mailako klimaren aldeko ikasle greba egin zuten. Ostiral honetan, maiatzaren 24an bigarrena. 1.200 deialditik gora iragarri dira Europa osoan.
Albiste hau Noaua-k argitaratu du eta CC-by-sa lizentziari esker ekarri dugu.