Articles du Vendredi : Sélection du 30 septembre 2022

Oui, il faut cibler les riches pour sauver le climat
Hervé Kempf, Journaliste et écrivain
www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/oui-il-faut-cibler-les-riches-pour-sauver-le-climat-20220914_TOOCOGWESVD2LKRTF7XPY35ZDA

Pour réduire drastiquement l’empreinte écologique collective, il est crucial de rendre inacceptable le mode de vie des classes supérieures. Ridiculiser les Bolloré et autres Arnault est donc un moyen d’action efficace, estime le journaliste Hervé Kempf.

Cibler la frénésie d’émissions de CO2 que produisent les hyper-riches par leurs vols incessants en jet, leurs SUV au poids indécent, leurs yachts provocants serait «contre-productif», à en croire François Gemenne, auteur d’une tribune dans Libération. Car dénoncer l’irresponsabilité des oligarques nous ferait oublier que nous-mêmes – au fait, qui est ce fameux «nous» ? – polluons et freinerait une transformation collective. On peut considérer au contraire que désigner les riches comme des responsables majeurs de la catastrophe planétaire en cours est une stratégie efficace et une politique pertinente.

Principe de la distinction

L’enjeu, d’abord, n’est pas en soi l’invraisemblable vol de Bernard Arnault, de l’ouest de Londres à l’est de Londres, ou le Paris-Toulon-Corfou et retour dans la journée de Vincent Bolloré. Mais le fait qu’en laissant considérer comme normaux de tels actes, les classes dirigeantes projettent un modèle culturel de gaspillage qui imprègne toute la société. Pour le comprendre, il faut rappeler le schéma de la rivalité ostentatoire défini par l’économiste Thorstein Veblen – en un temps où «les barons voleurs» indignaient la société américaine par leur comportement de voyous. Selon Veblen, toutes les classes de la société sont régies par le principe de la distinction, c’est-à-dire que chacun et chacune des membres d’une classe tente de se distinguer des autres. Et trouve le moyen de cette distinction en essayant d’imiter la classe supérieure.

Le mécanisme se reproduit de bas en haut, à la mesure des moyens de chacun, bien sûr, mais au final, c’est la classe supérieure qui définit la norme du «savoir-vivre», selon l’expression de Veblen, pour toutes celles d’en-dessous. La classe des hyper-riches est elle-même en proie, au demeurant, à la rivalité ostentatoire. Ainsi, plus il y a inégalité, plus il y a gaspillage, parce que le comportement de surconsommation de la classe du haut entraîne toute la société. Son gaspillage n’est donc pas un problème en soi, mais parce qu’il définit le modèle culturel général. Il est donc crucial si l’on veut changer les modes de vie de tout un chacun pour réduire drastiquement l’empreinte écologique collective de rendre inacceptable le «modèle» de vie des classes supérieures. Stigmatiser celui-ci est un moyen efficace dans ce but, en ridiculisant les Bolloré et autres Arnault.

«Il y a une guerre des classes»

Par ailleurs, il est parfaitement faux de considérer comme secondaire l’impact écologique des classes de revenus élevés. Le World Inequality Lab a montré, dans son rapport 2022, que pour atteindre l’objectif de réduction des émissions en 2030 que s’est fixée la France, les 10% de la population les plus riches devaient diminuer de… 61% leurs émissions, tandis que les 50% les moins aisés devaient la réduire de seulement 3% ! Conduire M. Bernard Arnault, sa famille, ses amis, et ses pairs à découvrir les joies du train ou du métro plutôt que de se goberger dans un jet privé aurait un effet majeur sur l’objectif commun. Et cela aidera clairement les classes moyennes – ces 40% de la population situés entre le dixième le plus riche et la moitié la plus pauvre – à accomplir l’effort majeur de diviser par deux ses émissions d’ici à 2030 (toujours selon les chiffres du World Inequality Lab). On y parviendra notamment par une réduction des inégalités, la ponction sur les revenus et les patrimoines indus permettant de financer les politiques de sobriété collective. Enfin, François Gemenne croit qu’il serait «contre-productif» de désigner les riches, parce que cela déclencherait des «réactions épidermiques qui bloqueront des transformations collectives». Comme si ce n’était pas déjà le cas ! Comme si les riches, informés depuis des années voire des décennies de la gravité de la situation, ne perpétuaient pas délibérément un mode de vie irresponsable. Comme s’ils ne bloquaient pas les politiques écologiques. En fait, il faut accepter que la politique du changement climatique – ou plus globalement de la catastrophe écologique – soit conflictuelle. Ce ne sont pas les écologistes qui ont commencé à reparler de lutte des classes, mais l’homme le plus riche d’alors, Warren Buffett, en 2005 : «Il y a une guerre des classes, et c’est nous les riches qui la gagnons.» Guerre des riches, guerre aux pauvres, guerre au monde, guerre à la biosphère : non seulement elle continue, mais elle s’amplifie, avec, dans un mouvement parallèle qui n’est pas de hasard, le gonflement continu des fortunes des milliardaires et la dégradation effarante des indicateurs de la santé planétaire. «Nous», pauvres, classes moyennes, citoyennes et citoyens désirant un monde pacifique, sommes légitimes à refuser la destruction du monde vivant et du simple sens de l’humain.

Nous refusons la guerre, mais acceptons le conflit : drogués du jet privé, adorateurs du SUV, intoxiqués du yacht, la société vous rendra à la raison, et vous prendra les fortunes qui vous rendent fous et criminels.

Hervé Kempf est l’auteur de Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007, rééd. 2020).

« La désobéissance civile des scientifiques est justifiée sur les plans éthique et pragmatique »
Kévin Jean, Maître de conférences au Cnam, Julia Steinberger, Professeure à l’université de Lausanne, Jérôme Santolini, Directeur de recherche au CEA
www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/27/la-desobeissance-civile-des-scientifiques-est-justifiee-sur-les-plans-ethique-et-pragmatique_6143445_3232.html

Face à la gravité des crises qui menacent notre planète, les chercheurs Kévin Jean, Jérôme Santolini et Julia Steinberger expliquent, dans une tribune au « Monde », pourquoi les scientifiques peuvent légitimement recourir à la désobéissance civile.

L’image en a ébranlé plus d’un : le 6 avril, le climatologue américain Peter Kalmus, enchaîné à la porte d’une banque J.P. Morgan (premier investisseur dans les énergies fossiles), fond en larmes au cours d’un discours expliquant les motivations de son action. Devant le sentiment de voir les alertes scientifiques ignorées, il a décidé de s’engager dans une action de désobéissance civile. Dans les jours qui ont suivi, plus de mille deux cents scientifiques avaient participé à des actions de ce type dans vingt-six pays.

Depuis quelques années, la désobéissance civile est devenue un mode d’action auquel prennent part de plus en plus de scientifiques, en France comme ailleurs. Au point qu’il est devenu l’objet d’un nombre croissant de travaux académiques qui en ont interrogé la légitimité, les fondements éthiques, mais aussi l’efficacité.

En 2019, un article de la revue Lancet avait questionné les critères éthiques selon lesquels les actions de désobéissance civile de scientifiques pouvaient être légitimes.

En se basant sur la théorie de la justice de John Rawls (1921-2002), ses auteurs considèrent que cette tactique est justifiée dès lors qu’elle dénonce une situation injuste, si elle est utilisée en dernier recours, si elle est efficace, et si elle représente la forme d’action la moins dommageable compte tenu de la menace.

Des luttes plus fréquemment victorieuses

La question de l’injustice du dérèglement climatique est aisée à trancher, tant on sait que ce sont les moins responsables du problème qui en subiront les pires conséquences. La notion de dernier recours fait elle aussi peu débat, tant les formes de mobilisation classique semblent épuisées : rapports scientifiques s’accumulant, marches climat se succédant sans traduction politique, plaidoyer auprès des décideurs faisant un bien maigre poids face aux moyens colossaux des lobbys…

Le troisième critère mentionné dans l’article questionne l’efficacité de la désobéissance civile. Sur ce point, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a souligné que les formes d’engagement tenant de la confrontation directe (boycott, manifestations, désobéissance civile) devenaient de plus en plus communes, et contribuaient à façonner les politiques climatiques.

Des travaux récents ont rapporté que des luttes contre des projets fossiles étaient plus fréquemment victorieuses lorsqu’elles reposaient sur la désobéissance civile (Ecological Economics 195, 2022). Dans ce type d’actions, les scientifiques ont un rôle spécifique à jouer : c’est ce qu’une équipe de chercheuses et de chercheurs a récemment affirmé dans la revue Nature Climate Change (2022).

Jouissant d’une position associée à un bon niveau de confiance au sein de la société, les scientifiques confèrent respectabilité et confiance à des demandes de changement de trajectoires. Loin de menacer leur crédibilité, de telles revendications pourraient même l’accroître : plusieurs études suggèrent que les scientifiques apparaissent plus crédibles en agissant en accord avec les alertes écologiques qu’ils peuvent lancer. Il semble enfin que des messages portés par des actions à finalité altruiste présentant un certain risque personnel (de l’inconfort au risque physique) reçoivent un écho favorable auprès du public.

Le mauvais procès en rupture de neutralité

Or, selon un argument fréquemment opposé, un certain principe de neutralité requerrait que les scientifiques s’abstiennent d’intervenir dans le débat public, au risque de menacer leur intégrité. Cette interprétation du principe de neutralité repose bien souvent sur une lecture trop rapide de Max Weber (1864-1920). Il a été largement remis en question par l’épistémologie récente, qui considère que des sciences dépourvues de valeurs constituent un idéal illusoire, mais également peu désirable, lorsque les savoirs produits peuvent avoir des implications sociales importantes.

Plutôt que d’en appeler à une neutralité inaccessible – bien souvent mise en avant pour défendre un certain statu quo –, mieux vaut reconnaître que les valeurs sont inévitablement présentes dans le processus de recherche, et qu’elles peuvent et doivent être encadrées par la rigueur méthodologique. Allant même plus loin, le groupe de travail sur la recherche et l’engagement de l’université de Lausanne soulignait récemment les risques d’un manque d’engagement pour la crédibilité des scientifiques.

Caractère injuste de la situation dénoncée, épuisement des autres modes d’action, efficacité au vu des risques et dommages engendrés : les critères justifiant la désobéissance civile semblent bien remplis.

Rapidement accepté et légitimé

Reste qu’un cinquième critère était mis en avant dans l’article mentionné plus haut : la prise en compte de la différence dans les risques encourus. La désobéissance civile implique bien des risques différents en fonction du contexte social, professionnel et personnel.

Ainsi, des personnes jouissant d’un statut social et professionnel favorisé, comme c’est le cas pour les scientifiques (du moins pour les non-précaires), auraient même un devoir de s’engager « en première ligne » pour le bien  commun, quand d’autres, ne jouissant pas du même statut, s’exposeraient bien d’avantage par les mêmes actions.

Il est notable qu’en quelques années un mode d’action jusque-là perçu comme radical ait été si rapidement accepté et légitimé par la communauté scientifique dans le cadre de l’urgence écologique et climatique. Au point que certaines revues, comme la très sérieuse Lancet Planetary Health, en soient venues à appeler explicitement les scientifiques à rejoindre ce type de mobilisation (2022), ou que certains articles appellent ouvertement les institutions scientifiques à reconnaître et à encourager cette forme d’expression.
Aujourd’hui, l’ensemble de la communauté académique, des scientifiques les plus engagés aux institutions les plus prestigieuses, s’accorde pour considérer que la situation exceptionnellement grave appelle des actions à la mesure des crises auxquelles nos sociétés sont confrontées. La désobéissance civile semble donc mériter sa place au sein de l’éventail des modes d’action à mobiliser pour répondre sans délai à cet appel.

Les signataires : Kévin Jean, épidémiologiste, maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (laboratoire MESuRS) ; Jérôme Santolini, biochimiste, directeur de recherche au CEA, responsable du Laboratoire Stress oxydant et détoxication, au sein de l’Institut de biologie intégrative de la cellule (UMR 9198) ; Julia Steinberger, chercheuse en sciences sociales du climat, professeure à l’université de Lausanne.

 

T’es écolo mais t’as un iPhone
Bon Pote
https://bonpote.com/tes-ecolo-mais-tas-un-iphone

T’es écolo et t’es sur les réseaux sociaux ! T’es écolo mais t’as un iPhone ! L’hypocrisie des escrolos, comme d’habitude !”

Evoquez l’écologie et vous serez forcément confronté(e) à ce type de remarque. Que ce soit sur Internet ou dans un dîner de famille, après quelques échanges, il n’est pas rare que l’interlocuteur, après mûre réflexion, vous attaque directement plutôt que de rebondir sur vos propos. Il sera fier comme un pigeon sur un échiquier, pensant qu’en plus d’avoir raison, il vous a bien mouché.

Malheureusement, vous ne pourrez pas toujours échapper à votre interlocuteur et serez parfois obligé(e) de lui expliquer pourquoi ce qu’il vient de dire est stupide. Et tant pis pour la Loi de Brandolini. Je vous propose d’y répondre en trois arguments clefs.

1/ Technologie partout, liberté nulle part

Prendre cinq minutes de recul suffit pour comprendre la place de la technologie dans nos vies aujourd’hui. Elle est absolument partout. Que ce soit dans le travail, les loisirs, les interactions sociales, nous ne pouvons y échapper. En lien avec le titre de cet article, la bonne question devrait finalement être avez-vous le choix d’avoir un smartphone ?‘ (remplacez smartphone par le mot que vous souhaitez tout le long de cet article, la conclusion sera la même).

Ce choix, vous l’avez, mais à certaines conditions. Dans la mesure où la technologie a petit à petit pris une place prépondérante dans la société française, faire une croix dessus est tout sauf anodin. Tout est fait et facilité pour que vous utilisiez la technologie et Internet pour “gagner du temps”, pour vous rendre “la vie simple”. Ouvrir un compte bancaire. Payer ses impôts. Trouver un travail.

 

Nous vivons dans un système capitaliste, hautement technologique, et faire autrement que suivre cette normalité imposée est un choix extrêmement difficile. Structurellement difficile.

Un exemple parmi tant d’autres. “Malgré ses 29 candidatures par recommandé, Patrick a été radié de Pôle Emploi”. Il a eu le malheur de ne pas utiliser les canaux numériques, un terrible “manque de sérieux“. Décision évidemment incompréhensible, surtout lorsque l’on apprend qu’il ne peut s’offrir ni ordinateur, ni internet.

Vivre sans smartphone, ce truc de privilégié ?

Vivre sans Internet est extrêmement difficile. Vivre sans smartphone l’est tout autant, sachant qu’il est l’accès le plus simple à Internet. Ceci n’est pas le fruit d’un choix démocratique, mais d’un choix structurellement imposé par l’Etat, lui-même plongé dans une économie néolibérale depuis au moins 40 ans. Cette dématérialisation forcée et généralisée rend non seulement difficile le quotidien des personnes qui vivent sans Internet, mais rend également difficile le quotidien des personnes qui souhaitent s’en affranchir. Un problème systémique, où l’on voudrait donc pointer du doigt l’individu…

L’omniprésence de la technologie et de son utilisation, aussi bien systémique que systématique, est extrêmement bien documentée dans la littérature scientifique. C’est un sujet sur lequel les historien(ne)s, anthropologues et sociologues travaillent depuis des décennies, à l’instar de François Jarrige (historien) et Denis Colombi (sociologue).

Ce dernier a par ailleurs mis en lumière deux points intéressants qui peuvent abonder notre propos. Premièrement, certains médias et politiques ont tendance à bien plus s’attarder sur les dépenses des “pauvres” dans un smartphone que sur les riches et leurs dépenses outrancières. Un parallèle facile à faire avec la panique morale de votre interlocuteur, plus choqué par le fait que vous ayez un iPhone en tant qu’écolo, que par un Cristiano Ronaldo ou un Jeff Bezos qui émet plus de CO2 dans un voyage dans l’espace en 5 min que vous et moi en une année entière.

Deuxièmement, et c’est un point de réflexion que vous devriez systématiquement rappeler : “si vous pouvez vivre sans smartphone, c’est sans doute que les choses ne vont pas si mal pour vous”. Le smartphone est en effet un outil de lien social et de liberté indispensable pour les moins aisés. L’ accusation d’hypocrisie de votre interlocuteur n’est autre qu’un non sens sociologique.

Vivre et jouir, sans critiquer ?

Il est également courant d’entendre “il suffit de ne pas acheter pour que ça change“. C’est très loin d’être aussi simple. Cela serait oublier les milliards investis dans la publicité qui poussent à la surconsommation, et plus précisément à la nécessité de changer d’iPhone à chaque sortie du nouveau modèle, plus performant, plus pratique, plus joli et plus écolo. Le citoyen doit non seulement résister aux injonctions à consommer, mais il doit en plus être capable de repérer le greenwashing des entreprises, dont Apple qui s’annonce neutre en carbone pour 2030. Pourquoi s’arrêter de consommer, c’est neutre en carbone ! (C’est bien évidemment faux)

Jouons à armes égales si vous le voulez bien : retirez vos publicités qui mènent vers un monde à +3°C de réchauffement climatique mondial, et nous pourrons rediscuter de l’usage du produit que des milliards investis dans la publicité nous demandent d’acheter, partout, tout le temps, et aux quatre coins de la planète :

En outre, pourquoi utiliser un objet ne nous permettrait pas de le critiquer ? Pourquoi vivre à un endroit ne nous permettrait pas de le critiquer ? Un parisien est obligé de se réjouir quand il est matraqué par les écrans de publicités lorsqu’il prend le métro ou lorsqu’il lève simplement la tête en se baladant ? Doit-il subir cela et en plus avoir le sourire ?

C’est aussi stupide que “la France, tu l’aimes ou tu la quittes“. On peut très bien être Français, trouver plein de choses qui ne vont pas dans notre pays et souhaiter l’améliorer sans vouloir le quitter, non ? Dans un pays qui ressemble encore à une démocratie, a-t-on le droit de critiquer Emmanuel Macron qui veut transformer la France en une start-up géante ou sommes-nous obligés de dire amen à sa politique sociale et environnementale ?

Au même titre que la science, la technologie n’est pas neutre et s’inscrit dans un certain type de société. Cette société nous est imposée et que nous souhaitions ou pas nous en passer, nous n’avons pas d’autre choix que de faire avec. Par conséquent, il est indispensable d’avoir un regard critique sur tout ce dont nous pouvons jouir si nous souhaitons changer de système politique et tendre vers une société soutenable.

2/ Redirection de la responsabilité vers l’individu

Alors que l’utilisation de la technologie/iPhone/X est un problème systémique, on pointe du doigt l’individu et son hypocrisie. En d’autres termes, au lieu de faire porter la responsabilité au système et de comprendre le poids social de s’extraire de ce dernier, on préfère faire porter la responsabilité sur l’écolo et son iPhone.

Premièrement, ce n’est pas surprenant. Votre interlocuteur préfèrera toujours attaquer le messager plutôt que le message :

Tenez-vous prêt(e) à être attaqué(e) personnellement. L’attaque ad hominem est un grand classique. “Tu dis qu’il faut moins prendre l’avion mais tu l’as pris l’année dernière“. Si c’est le cas, nier n’est d’aucune utilité. Recentrez plutôt la discussions sur les faits. “Tu as raison, et je sais que c’est pas terrible. Mais es-tu d’accord qu’une baisse du trafic aérien est nécessaire pour respecter nos objectifs climatiques, en demandant un effort notamment aux ménages les plus aisés ?”

Deuxièmement, cette redirection de la responsabilité est un grand classique de l’inaction climatique, explicitée dans cet article sur les 12 discours de l’inaction climatique. “Ce n’est pas Total qui pollue, c’est le citoyen”. “Ce n’est pas l’Etat qui pollue en investissant des milliards dans des industries polluantes, mais le citoyen qui prend sa voiture pour aller travailler”. Et c’est le citoyen qui prend son vélo pour traverser Paris qui est responsable des bêtises de la Commission Européenne, qui autorise une compagnie aérienne à effectuer 18000 vols vides pour conserver ses créneaux ?

Faire (vraiment) sa part

Attention tout de même à ne pas uniquement imputer la responsabilité au “système”. Depuis quelques années, nous observons une opposition entre les actions individuelles et les actions collectives. Ce jeu de se renvoyer la balle en permanence en cherchant des excuses est contreproductif et ne fait que prolonger l’inaction climatique. Les deux sont indissociables et indispensables. Nous ne le répéterons jamais assez : nous aurons besoin des deux, et de tout le monde.

La logique est toujours la même. Comprendre que tout ce que l’on fait a un impact, et avoir les ordres de grandeur en tête. Certaines choses sont plus polluantes et émettrices de gaz à effet de serre que d’autres. Par exemple, les amateurs de whataboutisme adorent comparer l’achat d’un Iphone+ son utilisation à un aller-retour Paris-Bali. C’est pourtant complètement stupide. C’est entre autres pour cela que tout le monde devrait connaître son empreinte carbone annuelle afin de pouvoir diminuer son empreinte sur le vivant au maximum, sans attendre.

Connaitre son impact et ses capacités d’action met en évidence que l’action écologique doit être et ne peut être que collective. Il est ainsi nécessaire de créer les conditions collectives pour changer le système. Repenser les communs, planifier sur le long terme plutôt que de répondre à une logique court-termiste et individuelle.

3/ La fin justifie les moyens

Afin de changer de système, plusieurs choix et compromis devront être faits. Le premier est d’utiliser “la technologie”, “son iPhone” et les réseaux sociaux pour parvenir à ce changement. Espérer un changement de système sans utiliser les réseaux sociaux, c’est se priver d’une arme redoutable pour le faire. Non seulement redoutable, mais indispensable.

Penser qu’un changement de cette envergure est possible sans les réseaux sociaux en 2022, c’est n’avoir rien compris au pouvoir des algorithmes et leur influence sur les dernières élections, partout dans le monde (Inde, Brésil, Etats-Unis, Italie, etc.). Se priver des réseaux sociaux pour espérer changer le système, c’est aller faire la guerre à mains nues contre des chars.

L’histoire récente des mouvements climat le prouve. Les réseaux sociaux ont été de formidables relais pour les activistes. Sans ces derniers, de nombreux mouvements n’auraient jamais vu le jour, et par conséquent, jamais la Convention Citoyenne pour le Climat ni le Haut Conseil pour le Climat n’auraient vu le jour.

Autre exemple, plus récent et plus personnel. J’ai interpellé Jamy Gourmaud sur Instagram et Twitter en lui faisant remarquer que les concours pour gagner 2 billets d’avion pour l’Ile Maurice était une aberration écologique et allait à l’encontre de nos objectifs climatiques. Quelques milliers de réactions plus tard… le jeu concours a été retiré.

Un exemple assez rare pour le noter (une première ?), rendu possible grâce à l’activisme de mon iPhone. Aurais-je dû ne rien faire, ne pas interpeller une personne aussi influente et laisser ce concours écocide avoir lieu ? La réponse est non. Faut-il reproduire cette démarche en interpellant influenceurs et politiques, évitant ainsi des milliers de tonnes de CO2 émises ? La réponse est oui.

Le mot de la fin

Si une personne reproche à un(e) écolo d’avoir un iPhone, c’est très certainement qu’elle n’a aucun recul sur l’omniprésence de la technologie dans nos vies et de la difficulté de s’en passer. Aucun recul également sur la concentration de pouvoir, bien aidée par la technologie, qui favorise aujourd’hui le Business as Usual et donc l’inaction climatique. Dans l’immense majorité des cas, cette personne ignorera les enjeux écologiques, et/ou sera dans une phase de colère, préférant ainsi attaquer le messager plutôt que le message. Tout finalement, sauf se remettre en question.

Le système n’allant pas disparaître du jour au lendemain, deux étapes s’imposent. La première, c’est de comprendre comment ce système nous impose la technologie et à quel point il est difficile d’en échapper. La deuxième étape consiste à réfléchir à comment ne pas perpétuer ce système mortifère et le changer. Par tous les moyens.

S’il faut acheter un iPhone et s’en servir pour dénoncer toutes les décisions politiques écocides des différents gouvernements, cela doit être fait, sans hésitation. S’il faut acheter un iPhone et se servir de Facebook pour dénoncer les abus de Facebook qui mènent au cyberharcèlement, qui met en avant les contenus de haine et qui est d’ores et déjà responsable de plusieurs morts, cela doit être fait. Sans hésitation.

De mon côté, je m’engage solennellement à quitter tous les réseaux sociaux et à ne plus me servir de mon iPhone le jour où il n’y a plus de réchauffement climatique, plus de racisme et d’injustice sociale. Je n’ai qu’une parole.

Énergies renouvelables : un projet de loi au détriment du vivant
Mickaël Correia
www.mediapart.fr/journal/ecologie/280922/energies-renouvelables-un-projet-de-loi-au-detriment-du-vivant

En pleine crise énergétique, le gouvernement présente dans l’urgence un projet de loi visant à accélérer le déploiement de l’éolien et du solaire. Un texte taillé pour les industriels, et qui sacrifie la biodiversité comme la démocratie participative.

« Aller deux fois plus vite dans les projets d’énergies renouvelables. » Tel est le mantra qu’a martelé Emmanuel Macron le 22 septembre dernier à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), à l’occasion de l’inauguration du premier parc éolien en mer français. À terme, quatre-vingts éoliennes au large du Pouliguen et du Croisic alimenteront en électricité 700 000 foyers.

Le chef de l’État y a réitéré sa promesse faite à Belfort (Territoire de Belfort), en février 2022, d’installer une cinquantaine de parcs éoliens offshore d’ici à 2050 et de développer le solaire. Sans oublier, credo atomique oblige, la relance du nucléaire avec la construction de six réacteurs EPR à l’horizon 2035.

« Le tout-énergies renouvelables ne marche pas, le tout-nucléaire ne marche pas, a assuré Emmanuel Macron. La clé est la diversification. » Seul hic dans ce discours du « en même temps » énergétique macronien, la France accuse un retard énorme en matière de puissances éolienne et solaire installées.

Elle est ainsi l’unique pays de l’Union européenne (UE) à ne pas tenir ses objectifs en matière d’énergies renouvelables. Au Danemark, le premier projet éolien en mer a été construit il y a trente ans. Et l’Allemagne, au territoire beaucoup plus dense, a déjà installé quatre fois plus d’éoliennes terrestres que la France.

L’UE a produit 12 % de son électricité à partir du photovoltaïque cet été 2022, contre 9 % lors de la même période l’an dernier. Un record obtenu grâce aux importantes contributions des Pays-Bas (23 % du mix électrique) ou de l’Allemagne (19 %). Mais en France, le solaire n’a représenté que 7,7 % de la production électrique durant cet été.

« La France va devoir payer une amende estimée à environ 500 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ses objectifs européens, explique à Mediapart Corentin Sivy, expert en énergies renouvelables et ex-membre du groupe d’experts du débat préalable à la loi de transition énergétique de 2015. Et le gouvernement n’a pas envie de passer un quinquennat d’inflation, avec des hivers qui vont s’annoncer difficiles et des milliards d’euros dépensés pour le bouclier tarifaire. Le gaz fossile est aujourd’hui à 600 euros le mégawattheure contre 65 euros le mégawattheure pour les énergies renouvelables. Le calcul a vite été fait. »

Pour pallier ce retard, qui plus est dans un contexte de crise énergétique, le gouvernement a donc décidé de mettre les bouchées doubles grâce à un projet de loi dit d’« accélération de la production d’énergies renouvelables ».

Coup de rabot sur la démocratie participative

Une première mouture du texte a été présentée en Conseil des ministres lundi 26 septembre avant une présentation fin octobre au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. Dans l’exposé des motifs introduisant une vingtaine d’articles de loi, les raisons du retard français seraient à chercher non pas dans le manque de volontarisme politique mais, entre autres, dans « la complexité de nos procédures administratives et contentieuses ».

Alors que, toujours selon ce projet de loi, « nos partenaires européens vont souvent deux fois plus vite que nous », le gouvernement appelle en conséquence à « lever toutes les barrières réglementaires à partir du moment où les projets sont acceptés localement ».

Pour ce faire, le texte prévoit pendant quatre ans des mesures d’urgence permettant de simplifier les processus de consultation publique, ou encore de « réduire les délais de contentieux à deux ans et demi maximum », dixit Emmanuel Macron.

Pour exemple, l’article 12 du texte donne la possibilité, pour l’éolien en mer, de ne plus organiser de débat public pour chaque projet mais de les mutualiser en une seule et large consultation, à l’échelle des façades maritimes.

« La lenteur des instructions, des traitements des recours et des procédures de raccordement sont de vrais freins, estime Corentin Sivy. Pour le photovoltaïque, on est à trois à quatre ans de délai pour à peine quelques semaines de construction. Le projet de loi propose de faire moins de processus de concertation en aval des projets. »

Toutefois, si le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a émit un avis positif quant à ce projet de loi, l’instance consultative a émis de lourdes réserves en rappelant « que la participation du public aux débats légitime une transition énergétique choisie » tout en « s’interroge[ant] sur l’accélération et la parallélisation de procédures de consultation sans garde-fous ».

Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a pour sa part annoncé un avis défavorable à l’unanimité et dénoncé « une fragilisation juridique aggravée ».

L’image selon laquelle le retard français serait dû à la lourdeur administrative est réductrice.

« Il y a dans ce texte une confusion entre gérer une pénurie énergétique pour les cinq ans à venir et comment rattraper notre retard pour réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, résume Nicolas Richard, secrétaire national de France Nature Environnement (FNE). On ne sait aucunement où, ni quand, ni comment se feront les futures infrastructures énergétiques renouvelables pour anticiper au mieux les risques environnementaux, juridiques et leur acceptabilité sociale. Or faire cela, ça s’appelle de la planification écologique. »

Pis, l’image selon laquelle le retard français serait dû à la lourdeur administrative est réductrice. Une étude publiée par le think tank indépendant Ember en juillet dernier montre par exemple que la France se trouve plutôt en milieu de classement pour l’éolien en mer en ce qui concerne les délais d’autorisation, par rapport à d’autres pays européens.

« Certes, il existe des procédures plus longues qu’ailleurs mais il faut aussi souligner le manque de moyens humains pour traiter les dossiers et la mauvaise volonté d’une partie de l’appareil d’État, à l’instar de certains préfets ou élus Les Républicains qui se positionnent quasi systématiquement contre les projets d’éolien terrestre, précise à Mediapart Philippe Quirion, chercheur CNRS en économie de l’environnement et en économie de l’énergie. Sans compter que certaines sphères pro-nucléaires, voire négatrices du changement climatique, font tout pour discréditer les énergies renouvelables dans le débat public. »

« Notre retard provient aussi du fait que depuis 2010, l’État a délégué à la puissance privée l’implantation d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques, et localement cela s’est parfois traduit par une levée de boucliers », ajoute Nicolas Richard de FNE.

Pour ce dernier, comme pour l’expert en énergies renouvelables Corentin Sivy, les industriels des énergies renouvelables appellent régulièrement à ce qu’il y ait moins de possibilités de contentieux et pointent la lenteur de l’administration pour valider leurs projets. Des demandes du secteur privé que satisfait ce projet de loi.

Une biodiversité sacrifiée

Emmanuel Macron l’a promis lors de son discours du 22 septembre dernier à Saint-Nazaire : cette accélération des projets d’énergies renouvelables se fera « en préservant la biodiversité ».

Mais à la lecture du projet de loi, la préservation des écosystèmes et des espèces apparaît comme secondaire par rapport à l’urgence énergétique.

L’article 4 du texte reconnaît ainsi « la raison impérative d’intérêt public majeur » pour les infrastructures d’énergies renouvelables. En somme, le développement de l’éolien et du photovoltaïque prime si jamais le projet engendre une destruction de la biodiversité ou l’artificialisation de sols.

Un collectif d’ONG défenseuses de l’environnement, qui comprend notamment FNE et la Ligue pour la protection des oiseaux, accuse par exemple des nouvelles dérogations à la loi « littoral » qui encadre l’aménagement dans ces territoires riches en biodiversité.

Idem pour le CNPN qui considère dans son avis que le projet de loi est trop déséquilibré au profit des considérations énergétiques : « La biodiversité et les mesures environnementales sont considérées comme des obstacles dans de nombreux articles alors même qu’elles participent de la lutte contre le changement climatique. »

Plus globalement, l’ensemble de ce projet de loi manque surtout de cohérence, car comme l’a encore rappelé récemment Philippe Grandcolas, directeur adjoint de l’Institut écologie et environnement du CNRS, le changement climatique et le déclin de la biodiversité sont intimement liés.

D’autre part, les infrastructures d’énergies renouvelables, souvent implantées dans de petites communes rurales, sans services publics ni commerces, doivent être considérées comme des projets de territoire impliquant les habitant·es.

« La fiscalité et la redistribution des revenus liés aux parcs éoliens ou solaires, le loyer versé pour l’installation de ces infrastructures sur un terrain communal peuvent servir localement à la rénovation thermique des logements, à la réouverture de commerces de proximité, d’une maison de santé, à l’aide à la reconversion en bio des agriculteurs », insiste Corentin Sivy.

Et ce dernier de conclure : « En termes de projet de société, il n’y a rien dans ce texte de loi. »

«Ur faltaren auzia klima aldaketaz harago doa: tragedia politikoa da»
Ion Orzaiz
www.berria.eus/paperekoa/1857/004/001/2022-09-20/ur-faltaren-auzia-klima-aldaketaz-harago-doa-tragedia-politikoa-da.htm

Urteak daramatza Antonio Aretxabala geologoak klima aldaketaren ondorioak ikertzen. Harentzat, konponbidea da bizimodua eta politikak «egungo egoerara moldatzea», azpiegitura erraldoiak eraiki beharrean. Euskal Herriko urtegien datuak «joera baten isla» direla uste du Antonio Aretxabala geologoak (Vigo, Galizia, 1963). Ikerlariaren arabera, gero eta ugariagoak izanen dira muturreko fenomenoak; horregatik, «egoerara moldatzera» premiatu ditu agintariak.

Hedabideetako lerroburu nagusietan dago lehortearen auzia. Halakoak ez al dira ohikoak abuztu eta irail artean?

Arazoa da gero eta maizago izanen ditugula halakoak, baina, laster euria eginen duenez, jendeari ahaztu eginen zaiola. Datozen egunetako euriek ez dute konponduko erroko arazoa. Pentsatu ohi dugu hemen usu egiten duela euria, eta lehortea unean uneko arazo bat dela. Tamalez, ebidentzia zientifikoak erakusten digu lehorte hauek gero eta ohikoagoak izanen direla, eta prest egon beharko dugula etorkizunean etor daitekeenari aurre egiteko.

Zein da egoera Nafarroan?

Nafarroan, arazoa Esako urtegian daukagu batez ere. Oraintxe, Esako ur maila %15ekoa da, gutxi gorabehera. Eugiko eta Itoizko urtegien maila ere baxua da idorteagatik, baina ez hainbeste. Zergatik? Uraren erabileragatik. Esako uren %85 eta %93 artean erabiltzen da soroak eta landa eremuak ureztatzeko. Azken urteetan, neurrigabe ugaritu dira ureztatzeko hektareak Nafarroan.

Beharrezkoa al da hainbeste ur nekazaritzarako soroak ureztatzeko?

Helburua bada nekazaritza eredu intentsibo bati eustea, bai. Eredu horrek, gainera, beharrezko ditu petroliotik eratorritako produktu ugari: ongarriak, herbizidak, pestizidak… Eta zergatik lehenesten da nekazaritza mota hori? Funtsean, diru asko uzten duelako enpresa gutxi batzuen eskuetan. Gainera, hemen ekoizten diren barazki eta produktu gehienak esportatu egiten dira. Nafarroakoa ez da kasu bakarra: Iberiar penintsula Europako eremu idorrenetako bat izanagatik ere, ur kantitate alimalekoa gastatzen du egunero, tomateak eta letxugak Parisen edo Londresen saltzeko. Horretan joaten zaigu uraren %80tik gora.

Zer konponbide proposatzen dute administrazioek arazo horrentzat?

Funtsean, ardura herritarron bizkar jartzea: itxi txorrota, dutxak ez daitezela luzeegiak izan, ez garbitu autoa… Tira, ongi dago hori guztia, baina nik bi ñabardura eginen nizkieke: alde batetik, guk gastatzen duguna ezin da alderatu enpresek gastatzen dutenarekin, eta, bestetik, herri eta hirietako ur kontsumoa dezente murriztu da azken urteetan. Herritarrok dagoeneko egin dugu dagokigun zatia.

Diru laguntzak ere onartu dituzte, sektoreari laguntzeko…

Lehorteena tragedia klimatiko bat da, baina horretaz harago doa: tragedia politikoa ere bada, agintariek ezartzen dituzten politika zentzugabeen ondorioz. Diru asko jartzeak ez du ura sorraraziko; gero eta azpiegitura handiagoak eraikitzeak ere ez. Esako urtegiarena da adibiderik garbiena: oraintxe, %15ean dago. Handitze lanak bukatu izan balituzte, ur gehiago edukiko luke gaur egun? Ez. %7,5eko mailan egonen litzateke. Ontzi handiagoa izateak ez du esan nahi errazago beteko duzunik. Ni ez nago urtegien aurka, oro har, baina urtegi batek ura sortuko duela pentsatzea inozokeria galanta da.

Navarra Sumak esan du Iruñerrian ez dela ur murrizketarik ezartzeko beharrik izan, Itoizko urtegiari esker…

Paparrean dominak jartzeko beharra dute, bai, baina ikuspegi atzerakoia eta ezjakina da erabat. Nola saldu ziguten Itoizko urtegia-Nafarroako ubidea binomioa? Erriberara ura eramateko modu gisara. Bada, lehendik ere bazegoen sistema bat Pirinioetatik Erriberara ura garraiatzeko: Ebro ibaia. Nekazariek ez zuten ur hori erabili nahi, zikin eta kutsaduraz betea zetorrelako. Bada, pentsa dezagun zergatik gertatzen den hori, eta jar ditzagun baliabideak ur hori garbi irits dadin. Beste politika batzuk behar dira, ez urtegi handiagoak.

Karrantzan ere bai?

Inbertsio eta azpiegitura falta izugarria dago eskualde horretan, eta baita miopia politiko handia ere. EAJrentzat, konponbidea da Karrantza Bizkaiko Ur Partzuergoan sartzea, erakunde hori kontrolpean dutelako. Karrantzako nekazari eta abeltzainentzat, ordea, hondamendi ekonomikoa izanen litzateke hori. Hortaz, Karrantzak partzuergoari ezezkoa eman diola ikusita, zein izan da Bizkaiko agintarien erantzuna? Eskualdeari bizkarra ematea. Aintzat hartu behar da Karrantza dela Bizkaiko jakitegia: Karrantzak ematen duenetik jaten dute bizkaitarrek. Hemen ez du balio ekonomia digitalak eta 5Gk. Jendea ez da elikatzen mikrotxipez eta zuntz optikoz.

Administrazioek nola heldu beharko liokete lehorteen eta klima aldaketaren auziari?

Lehen urratsa da diagnostikoan ados jartzea. Eta, zientzialarien artean, kontsentsua ia erabatekoa da: datozen urteetan, ibaien emariak murriztera joko du, baina muturreko gertaerak ugaritu eginen dira. Aragoi ibaiaren emaria, adibidez, %10-20 inguru murriztuko da, baina maizago ikusiko ditugu uholdeak, idorteak eta eurite bortitzak. Horregatik, ahalegina egin beharko genuke nekazaritza eta abeltzaintza ereduak, ekonomia, hirigintza eta bestelako politikak oraingo egoerara egokitzeko. Ez badugu ulertzen uholdeak, lehorteak eta bestelako fenomenoak naturaren parte direla eta gero eta ohikoagoak izanen direla, gaizki gabiltza.

Nolakoa izanen da etorkizuna?

Fernando Valladares CSICeko ikerlariak esan zuen bezala, bukatzear den hau izan liteke hemendik aurrerako udarik freskoena. Iberiar penintsula saharizatzen ari da pixkanaka. Bardea hedatu eginen da iparraldera, eta, hamarkada gutxi batzuen buruan, Iruñean izanen dugu ate joka. Klimaren eboluzio hori ezin da eragotzi, baina negazionista eta ezjakin asko ditugu ardura postuetan.