Articles du Vendredi : Sélection du 23 mars 2018

Réchauffement : l’étude qui jette un froid

Antoine de Ravignan
www.alternatives-economiques.fr/rechauffement-letude-jette-un-froid/00083661

Les hivers extrêmes liés au réchauffement arctique

Romain Loury
www.euractiv.fr/section/climat/news/les-hivers-extremes-lies-au-rechauffement-arctique/

Santé et réchauffement: l’atténuation, c’est maintenant

Romain Loury
www.journaldelenvironnement.net/article/sante-et-rechauffement-l-attenuation-c-est-maintenant,90958

Éric Toussaint : « La dette, une arme de domination politique depuis deux siècles »

Eric Toussaint , Cyprien Boganda , Lucie Fougeron
www.cadtm.org/Eric-Toussaint-La-dette-une-arme

Occupy daigun!

Aiala Elorrieta Agirre @aialuski
www.argia.eus/argia-astekaria/2592/occupy-daigun

Réchauffement : l’étude qui jette un froid

Antoine de Ravignan
www.alternatives-economiques.fr/rechauffement-letude-jette-un-froid/00083661

En vertu de l’Accord de Paris, les Etats ont pris des engagements nationaux sur leurs trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Ce sont les fameux NDCs (Nationally Determined Contributions). On les sait trop faibles pour contenir le réchauffement sous les 2° C. Pour tenir cet objectif, les émissions mondiales devraient avoir déjà été ramenées à cette date entre 31 et 44 Gt éq. CO2 (contre environ 50 Gt en 2015).

Or selon l’ « Emissions gap report » publié par le Pnue (l’agence des Nations unies pour l’environnement), les émissions mondiales, compte tenu des NDCs, sont estimées entre 49,5 et 56,2 Gt éq. CO2. L’importance des marges d’incertitude provient notamment du fait que les engagements pris par les Etats sont multiformes : les uns sont conditionnels, les autres proposent des fourchettes hautes et basses, d’autres encore expriment des objectifs d’émissions non en valeur absolue mais en proportion de l’évolution de leur PIB…

Une étude que vient de publier la revue Environmental Research Letters propose une nouvelle estimation de l’impact des NDCs sur l’évolution des émissions futures, en se fondant sur la base d’une analyse fine des engagements pris par une centaine de pays. Compte tenu des incertitudes liées à la formulation de leurs NDCs par les Etats, elle évalue les émissions mondiales en 2030 entre 56,8 et 66,5 Gt éq. CO2. Soit une projection beaucoup plus élevée que ce que la communauté internationale reconnaît jusqu’à présent. En termes de réchauffement climatique, le haut de la fourchette de températures à l’horizon 2100 que dessinent les actuels NDCs pourrait atteindre 5,8 ° et non 3,6 ° C.

Cette étude jette un froid. Elle ne montre pas seulement que les engagements climatiques des Etats sont beaucoup plus faibles que ce que l’on admet actuellement. Elle pointe aussi l’urgence de beaucoup mieux les mesurer. Des éléments qu’il va falloir prendre en compte à l’approche de la COP 24, organisée à Katowice (Pologne) du 3 au 14 décembre prochains, et dont l’enjeu et la révision est le relèvement du niveau d’ambition des NDCs.

Les hivers extrêmes liés au réchauffement arctique

Romain Loury
www.euractiv.fr/section/climat/news/les-hivers-extremes-lies-au-rechauffement-arctique/

Pendant que l’hiver arctique s’est dangereusement radouci, l’Amérique du Nord et l’Europe ont connu ces derniers mois des records de froid. Pas étonnant, selon une étude américaine publiée dans Nature Communications : les deux évènements sont étroitement liés. Un article du JDLE.

Un « Snowpocalypse » au nord-est des États-Unis, une Europe qui a grelotté de froid : l’hiver 2017-18 a été particulièrement rude dans l’hémisphère nord. De quoi faire braire les climatosceptiques de tout poil, qui croyaient tenir là un argument en leur faveur.

Pendant ce temps, l’Arctique a connu un hiver d’une douceur sans précédent, avec des températures dépassant parfois, fait inédit, la barre des 0°C. Avec ce paradoxe qu’il a, par moments, fait plus froid en Europe que dans le cercle Arctique.

Deux phénomènes liés

L’équipe de Jennifer Francis, climatologue à la Brunswick University (New Jersey), en donne l’explication : les deux phénomènes seraient liés. Les chercheurs ont analysé le climat hivernal arctique entre 1950 et 2016, le comparant à celui des États-Unis sur la même période.

La corrélation est très nette, particulièrement depuis 1990 avec la survenue de ce que l’on nomme l’amplification arctique : pour tout hiver anormalement doux en Arctique, le risque d’hiver très froid et très neigeux au nord-est des États-Unis est multiplié par quatre.

Aussi en Europe

Cette corrélation climatique est également relevée dans le nord de l’Europe et de l’Asie. Si corrélation ne signifie pas forcément causalité, les chercheurs notent que le réchauffement arctique précède le plus souvent de cinq jours les périodes de grand froid du nord-est des États-Unis.

Le jet-stream, moins étanche

L’explication réside dans le jet-stream : d’orientation ouest-est, ce vent, qui souffle au sommet de la troposphère (8 km d’altitude en Arctique), délimite le front polaire, à savoir la frontière entre les masses d’air arctique et celles d’air tempéré du sud.

Le jet-stream constitue ainsi une barrière entre les deux domaines climatiques, d’autant plus étanche que la zone polaire est froide. Quand celle-ci se réchauffe, la vitesse du jet-stream faiblit, et il tend à « couler » vers le sud, où l’air polaire s’engouffre.

En Californie, des hivers plus doux

À l’inverse, l’ouest des États-Unis connaît un phénomène inverse : lorsque l’Arctique connaît un hiver très doux, la Californie assiste à des hivers plus cléments. Plus éloignée de l’influence arctique, cette région ne subirait que le réchauffement de fond, celui qui agit simultanément en Arctique.

« Cinq des six derniers hivers ont apporté un froid persistant dans l’est des États-Unis, mais des conditions chaudes et sèches dans l’Arctique. Notre étude suggère que ce n’est pas une coïncidence. Il est certes difficile de comprendre comment l’Arctique contribue à la sévérité ou à la persistance de ces grands froids nord-américains, mais il est de plus en plus difficile de croire que ces deux phénomènes ne sont pas liés », commente Jennifer Francis.

Santé et réchauffement: l’atténuation, c’est maintenant

Romain Loury
www.journaldelenvironnement.net/article/sante-et-rechauffement-l-attenuation-c-est-maintenant,90958

Quelle différence y a-t-il entre une réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre, et une réduction certes un peu retardée mais qui limite le réchauffement à +2°C grâce aux émissions négatives? Tout simplement 153 millions de morts, du seul fait de la pollution de l’air, selon une étude publiée lundi 19 mars dans Nature Climate Change.

Signé en décembre 2015 à Paris lors de la COP21, entré en vigueur en novembre 2016, l’Accord de Paris prévoit de limiter la hausse de température «bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels», et de «poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C». Si besoin à l’aide de technologies d’émissions négatives.

Les émissions négatives, pari risqué

Ces techniques (géoingénierie, capture-stockage de CO2, etc.) font pourtant l’objet de vives critiques: d’une part elles sont loin d’être au point, d’autre part elles pourraient avoir des effets très nocifs pour l’environnement, par exemple en accaparant des terres cultivables ou en nuisant à une biodiversité déjà mal en point.

Invoquer ces techniques constitue non seulement un pari risqué sur l’avenir, mais pourrait aussi retarder des efforts d’atténuation qu’il s’agit de fournir rapidement. Dans leur étude, Drew Shindell, de l’université Duke (Durham, Caroline du Nord), et ses collègues montrent qu’une telle procrastination aurait d’importantes conséquences sanitaires, notamment en matière de pollution de l’air -liée aux combustibles fossiles.

153 millions de victimes

Les chercheurs ont analysé, pour 154 grandes zones urbaines mondiales, le nombre de morts qu’une atténuation immédiate (limitant le réchauffement à +1,5°C ou +2°C) permettrait d’éviter par rapport à une atténuation qui atteindrait certes les +2°C en 2100, mais grâce aux émissions négatives. Bilan: 153 millions de morts d’ici à 2100, dont 93 millions du fait des particules fines PM2,5 et 60 millions de l’ozone.

L’Asie la plus touchée

C’est en Asie du Sud-est et en Afrique que l’effet est le plus marqué: sur les 15 villes comptant chacune plus d’un million de morts d’ici à 2100, toutes sont situées sur ces deux continents -dont seule Lagos (Nigeria) pour l’Afrique. La première place revient à Calcutta (4,4 millions de morts évités), la deuxième à Delhi (4 millions de morts).

Dans un rapport publié lundi 19 mars, la Banque mondiale estime à 143 millions de «migrants climatiques» d’ici à 2050, si rien n’est fait pour enrayer le réchauffement en cours. Parmi eux, 86 millions de personnes en Afrique subsaharienne, 40 millions en Asie du Sud et 17 millions en Amérique du Sud.

Quant aux autres continents, les villes les plus touchées sont Moscou, Mexico, Sao Paulo, Los Angeles, Puebla (Mexique) et New York, chacune se situant entre 320.000 et 120.000 morts.

35.000 morts à Paris

Quid de l’Europe? Selon les résultats, qui donnent surtout un ordre de grandeur, Paris (seule ville française incluse dans l’analyse) pourrait s’éviter 35.000 morts d’ici à 2100 en cas d’atténuation rapide. Le bilan serait de 53.000 morts à Londres, de 15.000 à Madrid et de seulement 4.000 à Berlin.

En matière de trajectoire d’atténuation, «il ne faut pas regarder que les coûts liés à la transformation du secteur énergétique, mais aussi les coûts humains. Une réduction rapide des émissions diminuera le risque climatique à long terme, mais aussi la nécessité de faire appel à de futures techniques de capture du carbone. Cela constitue une stratégie très risquée, comme d’acheter à crédit tout en pensant qu’un jour vous aurez de quoi rembourser», explique Drew Shindell.

Éric Toussaint : « La dette, une arme de domination politique depuis deux siècles »

Eric Toussaint , Cyprien Boganda , Lucie Fougeron
www.cadtm.org/Eric-Toussaint-La-dette-une-arme

 

 « La crise des dettes publiques du sud de l’Europe est due au laxisme des gouvernements grecs et espagnols » ; « Annuler les dettes est une vue de l’esprit »… Ces idées reçues envahissent le débat public depuis dix ans. Dans son dernier livre, Éric Toussaint, historien et fondateur du CADTM international (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes), s’attache à les déconstruire méthodiquement. Replaçant le problème de l’endettement public dans l’histoire longue du capitalisme, l’auteur montre comment les pays impérialistes utilisent la dette publique comme arme de domination des pays pauvres depuis le début du XIXe siècle, avec la complicité de leurs bourgeoisies respectives. Arguments juridiques et historiques à l’appui, il donne aussi des pistes pour se débarrasser de ce carcan.

Entretien paru dans L’Humanité Dimanche du 4 février 2018.

 

  1. Vous montrez dans votre livre comment la dette souveraine est utilisée par les puissances capitalistes (le « centre ») comme instrument de domination politique des pays pauvres (« périphériques »). A quand remonte ce phénomène ?

Éric Toussaint. Cela commence à faire système à partir des années 1820, au moment où de grandes puissances utilisent la dette souveraine d’autres États pour les soumettre, dans le cadre de politiques que l’on qualifiera ensuite d’impérialistes. Des États d’Amérique latine qui se sont arrachés au colonialisme replongent malgré eux dans une nouvelle forme de dépendance, celle de la dette extérieure. Les jeunes États, en mal de financement, empruntent des montants considérables auprès des banquiers de Londres à des taux très élevés, mais ne reçoivent qu’une somme très faible, en raison, notamment, du montant des commissions. Les pays périphériques se trouvent piégés par des logiques qui leur échappent et qui concernent le fonctionnement cyclique du capitalisme. Dans les périodes d’expansion économique, les banquiers des pays du centre investissent leurs capitaux excédentaires dans les dettes souveraines des pays périphériques. Lorsque les crises financières éclatent, comme la crise bancaire anglaise de 1825, ces mêmes banquiers coupent le robinet des prêts, privant les pays périphériques des moyens de rembourser ce qu’ils doivent. En réalité, ce sont presque toujours les pays du centre qui provoquent les crises économiques des pays périphériques, contrairement à ce que prétend la narration dominante. C’était le cas en 1825, ça l’est de nouveau avec la crise de la dette grecque, déclenchée dans la foulée du krach de 2008 à Wall-Street.

« Les classes dominantes des pays créanciers et débiteurs prospèrent sur l’endettement public. »

  1. L’idée n’est pas non plus d’exonérer les pouvoirs locaux de leurs responsabilités : à chaque fois, vous soulignez que les bourgeoisies locales prospèrent elles aussi sur ces dettes extérieures…
    E.T. C’est bien pour cela que je parle d’un « système dette ». Il y a une complicité entre les classes dominantes des pays du centre et celles des pays périphériques. Ces dernières trouvent leur avantage dans les stratégies d’endettement : leurs gouvernements empruntent pour financer les politiques publiques, au lieu de les taxer ! Dans le même temps, les classes dominantes achètent des titres de dettes qui leur assurent une rente appréciable.

C’est pour cela que les bourgeoisies locales ne se prononcent pas pour l’annulation des dettes de leur pays : elles en tirent profit !

  1. C’est toujours le cas aujourd’hui…

E.T. Les classes dominantes de pays tels que les États-Unis ou la France, même si elles peuvent tenir un discours démagogique sur les « excès » de l’endettement public, tirent profit de celui-ci. C’est un investissement parfaitement sûr, puisque garanti par l’État.

« Les citoyens acquièrent désormais les outils pour remettre en cause les dettes illégitimes. »

  1. Vous montrez que la dette, devenant système, occupe une place majeure dans le fonctionnement du capitalisme. Est-elle primordiale selon vous ?

E.T. Oui, même si je ne me limite pas à la dette : les accords de libre-échange, par exemple, constituent un autre vecteur de domination, utilisé dès le XIXe siècle. Les puissances du centre obligeaient les pays périphériques à conclure ces accords qui les privaient de fait d’une partie de leur souveraineté.

  1. Vous revenez aux origines de la doctrine de la dette odieuse: à quoi correspond-elle ?

E.T. Le juriste Alexandre Sack, en étudiant les jurisprudences sur la résolution des litiges en matière de dettes, a formulé cette doctrine en 1927 : si un prêt est accordé à un État manifestement à l’encontre de l’intérêt de sa population et si le créancier en était conscient – ou était en mesure de l’être –, une dette peut être considérée comme odieuse et donc déclarée comme nulle. Il l’a élaborée pour défendre les intérêts des banquiers qu’il prévenait ainsi des risques qu’ils prendraient, en particulier en cas de changement de régime dans le pays débiteur.

  1. Justement, vous développez de nombreux exemples historiques d’annulations de dettes…

E.T. En deux siècles, le système dette a produit de multiples réactions aboutissant à la répudiation de dettes sur la base du fait que le prêt n’avait pas servi aux intérêts de la population : c’est ce qu’ont fait, parmi beaucoup d’autres, quatre États des États-Unis dans les années 1830, le Mexique en 1861, ou encore le gouvernement soviétique, en février 1918…

  1. En quoi la doctrine de Sack reste-t-elle pertinente ?

E.T. Ses deux critères sont tout à fait valables dans le cas de la Grèce aujourd’hui ! Les dettes réclamées par la Troïka ont été contractées par ses gouvernements successifs pour mener des politiques contre les intérêts de sa population. Les gouvernements français et allemand notamment ont créé la Troïka pour prêter de l’argent à la Grèce à condition que celle-ci rembourse les intérêts aux banques privées de leurs pays respectifs et qu’elle privatise, réduise les salaires et les retraites, ferme des hôpitaux… En outre, les créanciers avaient tous les éléments pour savoir qu’ils dictaient des conditions allant à l’encontre des intérêts du peuple grec, et violant la Constitution du pays tout comme le droit international. On est presque face à une dette odieuse pure.

  1. Mais n’est-il pas illusoire d’appeler à l’annulation de la dette grecque au vu du rapport des forces en Europe ?

E.T. N’est-il pas illusoire, en continuant à payer la dette, d’espérer obtenir justice ? Les gouvernements grecs l’ont fait, et la soumission n’est pas récompensée. La Grèce est une victime expiatoire, elle incarne la menace que font peser les grandes puissances sur d’autres peuples européens de la périphérie.

    1. Si l’annulation de la dette est un combat majeur, vous affirmez également qu’il n’est pas suffisant…
      E.T. Annuler une dette sans toucher aux politiques monétaires, fiscales, au système bancaire, aux accords commerciaux et sans établir la démocratie politique condamnerait à un nouveau cycle d’endettement, de très nombreux exemples dans l’histoire le montrent.
    2. Du point de vue des combats que vous menez depuis plus de 25 ans en tant que fondateur et porte-parole du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, quelles avancées observez-vous ?
      E.T. Les expériences antérieures de répudiations de dettes étaient des initiatives d’États avec le soutien populaire, mais les citoyens ne participaient pas directement. Par ailleurs, le combat pour l’annulation de la dette du tiers-monde, à l’origine de notre action, s’est transformé : de plus en plus de citoyens du Nord prennent conscience que le système de la dette leur est également préjudiciable. Depuis une dizaine d’années, les citoyens acquièrent des outils pour mettre en cause le paiement des dettes illégitimes, avec notamment l’audit à participation citoyenne de l’Équateur auquel j’ai pris part en 2007-2008, la commission d’audit créée en Grèce en 2015 par la présidente du Parlement et que j’ai coordonnée, ou encore la centaine de municipalités espagnoles qui mènent des actions dans ce sens. Le mouvement se propage !

Occupy daigun!

Aiala Elorrieta Agirre @aialuski
www.argia.eus/argia-astekaria/2592/occupy-daigun

Hamarkada bat igaro da Gu gara %99 leloa zabaldu zenetik. Azken krisi kapitalistaren zurrunbiloan egin zen ezagun esalditxoa atlantikoaz bestalde okupatu ziren plazetan. Ordutik hona, munduko biztanleriaren ehuneko txiki batek aberastasun osoaren zati are handiagoa kontzentratzen jarraitzen du.

Nancy Fraser teorialariaren arabera, krisi kapitalista ikuspegi kritiko-sozial batetik aztertzen duen teoriarik ez dago. Bere ustez, krisia prozesu sozial gisa ulertu beharra dago. Horretarako ezinbestekoa da esparru ekonomikoa gainditzen duen ikuspegi multidimentsionaletik abiatuta, poskolonialismoa, ekologia, pentsamendu feminista eta gobernantza kritikoaren ideiak barneratzea. Karl Polanyiren The Great Transformation maisulanaren berrirakurketari esker bere eredu propioa proposatzen du Fraserrek.

Zein da hitz gutxitan Polanyik deskribatutako Eraldaketa Handi hori? Polanyik, gizarte kapitalista –eta krisi kapitalista– prozesu historiko multifazetiko gisa jorratzen ditu. Krisien jatorria ez dago ekonomiaren baitako kontraesanetan, ekonomiak gizartean hartzen duen lekuan baizik. Historikoki merkatuak gizartean txertatuta egon izan dira eta arau sozialen arabera erregulatu. Bestela esanda, merkatuak ez ziren arau ekonomikoen menpe erregulatzen. XVIII. mendearen amaieran kokatzen du Polanyik Ingalaterran Eraldaketa Handiaren hasiera: alegia, merkatuek gizartean txertatuta egoteari utzi ziotenean. Eraldatze Handiaren garaian, Merkatuen Autorregulazioaren dogma finkatu zen. Era honetan, merkantilizazio prozesuaren bidez, merkatuak gizartean txertatuta eta araututa egotetik, gizartetik askatu eta arau ekonomiko hutsen menpe egotera pasatzen dira. Ondorio bezala, gizartea, morala eta etika merkatuen menpe geratu ziren.

Karl Polanyik gizarte kapitalista –eta krisi kapitalista– prozesu historiko multifazetiko gisa jorratzen ditu. Krisien jatorria ez dago ekonomiaren baitako kontraesanetan, ekonomiak gizartean hartzen duen lekuan baizik. Historikoki merkatuak gizartean txertatuta egon izan dira eta arau sozialen arabera erregulatu

Polanyik gizarte borrokaren garrantzia azpimarratzen zuen, baina gatazka lanaren eta kapitalaren artean irudikatu ordez, bi mugimendu edo indarren artean ikusten zuen: Merkantilizazioa eta Gizarte Babesaren aldeko mugimenduaren artean. Gizarte Babesaren barruan sartzen dira gizartea babeste aldera, gizarte segurantza, errenta birbanatze politikak, gizarte elkartasuna edota negoziazio kolektiboa. Bi joera hauen arteko tentsioan deskribatzen zuen Polanyik gatazka. Antzeman zuen bazegoela klasez gaindiko mugimendu bat gizartearen alde egiten zuena (ekonomiak gizartean zuen jatorrizko lekura itzuli zedin), baina sekula ez zuen ideia hori teoria batean sakondu. Fraseren ekarpen nagusia eredu hau osatzen duen hirugarren indarra da: Askapenaren aldeko mugimenduak, zeinetan, mugimendu feminista, ekologismoa edota anti-inperialismoa kokatzen dituen. Mugimendu hauen helburua mendekotasun egoerak gainditzea da, esplotazio eta bazterketak amaitzea.

Fraserrek inspiratzen jarraitzen gaitu eta berriki feminismoaren harira egindako hausnarketa bat ekarri nahi dut hona. Bere ustez, feminismoak eta bestelako askapenerako mugimenduek arriskua dute, %1aren bere bertsio propioa egiteko eta biztanleriaren elite batentzat baino funtzionatzen ez duten irtenbideak proposatzeko. Askapen mugimenduak %99ari begira egin behar dira eta proposatzen diren alternatibek gehiengo horrentzat izan behar dute baliagarri, eta ez eliteko emakumeentzat, ez eliteko ekologistentzat, ezta  iparraldeko-zuri herritarrentzat ere. Azken martxoaren 8an feminismoak kaleak okupatu zituen, gure hiri eta herriak jende oldez bete genituenean. Occupy daigun! Eraiki ditzagun gizartearen %99arentzat baliagarria diren askapen mugimenduak.