Articles du Vendredi : Sélection du 23 juillet 2021


Loi Climat : récit d’un immense gâchis
RAC
https://reseauactionclimat.org/loi-climat-recit-dun-immense-gachis


Le lundi 12 juillet, les parlementaires (7 députés et 7 sénateurs, ainsi qu’autant de suppléants de chaque côté) avaient pour lourde tâche de trouver un compromis sur la Loi Climat. Rien ne le laissait présumer, mais ils y sont parvenus. Sans surprise, dans les négociations finales, le climat se retrouve perdant.

Improbable, la situation l’est. La loi Climat et Résilience comportant désormais 277 articles, elle est l’un des textes les plus volumineux du quinquennat. A la suite de l’examen du texte par le Sénat en juin, les lignes rouges côté majorité LREM étaient nombreuses. Après plus de 8h de discussions, les parlementaires sont pourtant parvenus à un texte de compromis, rendu public au terme de 4 longs jours d’attente.

Comme l’on pouvait s’en douter, c’est un texte plus aseptisé que jamais qui en est ressorti, lessivé d’avoir été tordu dans tous les sens pour satisfaire les pré-carrés politiciens. Et le climat dans tout ça ? Car ce n’est pas tout de le faire figurer dans le titre…

Les petites avancées proposées par le Sénat : évaporées

Brouillard pour le ferroviaire

Alors que nous avions salué les propositions des sénateurs et sénatrices concernant le ferroviaire, ces derniers ont en partie lâché prise à la demande des député.e.s. Exit donc, la baisse de la TVA à 5,5% pour le train. En revanche, l’objectif d’accompagnement par l’Etat du développement du transport ferroviaire de voyageurs afin de respecter la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) a été conservé. L’Etat devra désormais prendre ses responsabilités et mettre en cohérence ses investissements dans le transport ferroviaire avec la SNBC.  On retiendra aussi que le doublement de la part du fret ferroviaire et fluvial reste inscrit dans le texte. Au-delà de ces quelques déclarations, le transport ferroviaire est demeuré un grand absent de la Loi Climat, au détriment du climat et des territoires.

Grand beau pour Amazon

 Le Sénat avait proposé un nouvel article qui venait (enfin) mettre un terme au passe-droit dont bénéficiaient jusqu’alors les entrepôts de e-commerce, en les soumettant aux mêmes règles d’autorisation d’exploitation commerciale que le reste des commerces. Après la dernière réunion de compromis entre les parlementaires, cet article a disparu…Le régime d’exception en faveur des géants du e-commerce, qui sont en voie de détruire des centaines de milliers d’emplois en France, continue donc d’exister. 

Désillusion publicitaire

C’était un des volets phares des propositions de la Convention citoyenne qui, à l’arrivée, figure parmi les plus négligés. Mise à part quelques victoires symboliques, le gouvernement et la majorité ont rejeté toutes les propositions de mesures contraignantes pour s’en remettre aux engagements volontaires des acteurs du secteur publicitaire, dont on peut raisonnablement douter de l’efficacité. Alors que les citoyens demandaient une interdiction de publicité sur les produits et services polluants, les parlementaires ont réduit le champ d’interdiction, outre aux énergies fossiles inscrites dans le texte initial, aux véhicules polluants à partir de… 2028 (et sans critère poids permettant de toucher les SUV). Une bien maigre avancée qui pourrait en plus être détricotée dans son application réglementaire pour viser un nombre minimal de véhicules. Exit aussi la possibilité de sanction des acteurs publicitaires en cas d’engagements non tenus, votée par le Sénat. 

Suppression du terme mal compris d’écocide

Si Garde des Sceaux et Ministre de l’écologie avaient promis de mettre en place un “délit de pollution généralisée”, et un mal-nommé délit d’“écocide”, leur proposition avait été affaiblie par Bercy, le Medef et les lobbies, en amont de sa présentation à l’Assemblée nationale. Au Sénat, le terme disparaît, permettant de rétablir la vérité sur la définition de l’écocide (telle que récemment définie par le Panel international d’experts de haut-niveau mis en place par la Fondation Stop Ecocide) et le peu d’ambition de la loi.
La commission mixte paritaire revient sur cette décision, rétablissant un flou problématique et handicapant ainsi la pénalisation des crimes contre l’environnement. Les crimes que l’on ne nomme pas demeurent impunis, la loi Climat et Résilience condamne l’écocide à faire partie de ceux-ci.

Quelques sujets rescapés

Dans cet océan législatif de 277 articles, les menus végétariens et les zones à faibles émissions font office de figure de proue. Brandis par la majorité comme les sujets « rescapés » du Sénat qui avait en effet retardé le calendrier de leur mise en œuvre, les deux mesures sont plutôt positives, d’où une communication très insistante à leur propos côté gouvernement et LREM.

Les menus végétariens seront servis chaque semaine de façon permanente dans les cantines scolaires, de même qu’ils seront proposés tous les jours dès 2023 dans les établissements de la restauration collective sous responsabilité de l’Etat qui proposent déjà des choix de repas multiples. Une bonne nouvelle pour la santé publique et pour la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre liées à l’élevage !

Quant aux zones à faibles émissions (ZFE) pour lutter contre la pollution de l’air, les villes les plus polluées devront bien se conformer à un calendrier minimal d’interdiction de circulation et la mesure sera progressivement étendue à toutes les villes de plus de 150 000 habitants. En revanche, aucun signal clair n’a été envoyé concernant l’interdiction progressive de la circulation des véhicules diesel puis essence.

En lien avec la mise en œuvre des ZFE, les sénateurs sont parvenus à sauver, au prix de plusieurs reculs, la proposition d’un prêt à taux zéro mobilité pour accompagner les ménages les plus modestes dans l’acquisition d’un véhicule moins polluant. La mesure est néanmoins réduite à une expérimentation uniquement à partir de 2023, alors que les ZFE elles sont mises en place dès à présent.

Au-delà, on retient également une grande confusion autour de la rénovation énergétique : la définition d’une rénovation performante que propose le texte est différente en fonction de la classe énergétique de départ du logement, ce qui la rend difficilement lisible. Les pièges apparus lors de la discussion parlementaire ont été en partie évités, mais la loi Climat ne vient pas donner à notre politique de rénovation énergétique le souffle dont elle a besoin. En particulier, les débats ont été détournés de l’intention initiale de la convention citoyenne : rendre obligatoire la rénovation énergétique globale et performante.

Loi climat : qu’en retiendra-t-on ?

Après avoir décrypté les compromis trouvés sur la plupart des sujets clivants, il ne nous reste plus qu’à souligner que l’écart entre ce texte de loi et le sérieux des propositions de la convention citoyenne pour le climat est abyssal. Par exemple, le texte fait complètement l’impasse sur la responsabilité des entreprises et la nécessité de les encourager à adopter des trajectoires de réduction de leur empreinte carbone. 

Le chantier ouvert par le Haut Conseil pour le Climat, à propos de la nécessité d’évaluer les projets de loi au regard des objectifs sur le climat, a peu avancé puisque la loi Climat prévoit seulement qu’un rapport sur le sujet sera remis par le Gouvernement avant fin 2022. La France ne peut donc toujours pas se prévaloir de dispositifs sérieux pour tenir ses objectifs climatiques, ce qui fait aujourd’hui cruellement défaut, comme l’a montré le projet de loi Climat et résilience qui reste insuffisant pour respecter l’objectif actuel de baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030.

Après plus de 2 ans de débat depuis la crise des gilets jaunes, le grand débat national et la convention citoyenne pour le climat, et alors que les experts continuent d’alerter sur les risques du dérèglement climatique et de la destruction de la biodiversité, ce texte nous laisse une impression amère de « tout ça pour ça ». Si 150 citoyens tirés au sort ont, en quelques mois, réussi à prendre la mesure des enjeux et formuler des propositions en cohérence, pourquoi nos responsables politiques n’y parviennent-ils pas ?

Le Réseau Action Climat, ainsi que plusieurs organisations et collectifs, seront présents devant l’Assemblée nationale au moment du vote définitif de la loi à 17h pour dénoncer la politique des petits pas du gouvernement et de la majorité. 


« Urgence climatique : la procrastination des gouvernements est un crime
Maxime Combes
www.bastamag.net/Urgence-climatique-la-procrastination-des-gouvernements-est-un-crime-climatique-loi-climat-Maxime-Combes

Les inondations qui ont frappé l’Allemagne et la Belgique montrent combien le changement climatique est déjà là. Pourtant, l’Assemblée nationale a voté mardi 20 juillet une loi Climat déjà obsolète. Explications de l’économiste Maxime Combes.

Le changement climatique se conjugue au présent. Pas un jour ne passe sans que nous n’en éprouvions la dure réalité : 54,4°C aux États-Unis, 49,6°C au Canada, 47°C au Maroc, surchauffe en Sibérie, canicule à New Delhi, feux de forêts en Californie et désormais, le tout en moins de trois semaines, des inondations destructrices en Allemagne, Belgique et Autriche. Des villes et villages sont peu ou prou rayés de la carte, des centaines, peut-être des milliers de personnes ont perdu la vie en tout, des millions de personnes affectées, des écosystèmes détruits ou transformés à jamais, sans même parler des dizaines ou centaines de milliards d’euros de dégâts ni de tout ce qui ne peut être réduit à de la menue monnaie.

Territoires martyrs de la procrastination coupable des dirigeants

L’indécente « loi du mort-kilomètre », cette loi journalistique qui relie l’intérêt médiatique à la distance de l’évènement, s’est subitement abattue sur des territoires proches, faisant la Une des JT, avec des images spectaculaires qui ont frappé nos imaginaires comme rarement. Chacune et chacun commence en effet à toucher du doigt que « l’évènement climatique exceptionnel et sans précédent », ainsi nommé par des dirigeants politiques pressés de se dégager de leurs propres responsabilités, est en fait en train de devenir la règle. On passe de l’exceptionnel à la banalité. Les scientifiques l’annonçaient, cela devient réalité.

Lytton au Canada, Ahrweiler, Euskirchen ou Schuld en Allemagne, Verviers ou Pepinster en Belgique sont devenues les villes martyrs de notre temps : comme tant d’autres sur la planète, voilà des territoires et lieux de vie meurtris et détruits par les conséquences du changement climatique. Mais pas seulement. Ce sont également des territoires martyrs de la procrastination et de l’inaction coupables des dirigeants politiques et économiques : parler de « catastrophe naturelle » ne saurait éluder leur responsabilité tragique de n’avoir pas lutté efficacement depuis des années contre le changement climatique et ses conséquences.

Que ne comprenez-vous pas dans le terme « urgence climatique » ?

Ensemble, il nous faut donc les interpeller : que ne comprenez-vous pas dans le terme « urgence climatique » ? Que nous faudrait-il donc expliquer de plus que tant de rapports du GIEC n’ont déjà énoncé avec clarté depuis des dizaines d’années ? Que n’avez-vous donc pas compris dans cette phrase du premier rapport du GIEC rédigé en 1990, rappelée avec à-propos par le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele : « L’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, c’est-à-dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluie extrêmement abondantes et plus de sécheresses prononcées » ?

Qu’attendez-vous donc ? Qu’il y ait toujours plus de territoires devenus invivables ? Pourquoi les précédents rapports du GIEC annonçant des zones devenant inhabitables ou des ruptures d’approvisionnement alimentaire ne vous ont-ils pas conduit à tout revoir, de fond en comble ? Pourquoi nos interpellations et mobilisations ne sont-elles suivies que par de grands discours et des temporisations fautives ? Pourquoi constate-t-on votre refus de transformer les soubassements énergétiques de notre formidable machine à réchauffer la planète qu’est notre système économique ? Comment se fait-il qu’une ministre de la Transition écologique puisse justifier une énième reculade, sur les chaudières au fioul, au nom de la « volonté d’y aller tranquille » ?

URGENCE CLIMATIQUE : les mots ont-ils encore un sens ? Cela fait 30 ans que les dirigeants politiques et économiques faillissent. En 30 ans, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté de plus de 60 %. Qu’ont-ils donc fait ? Dès que les enjeux deviennent sérieux, dès qu’il s’agit de prendre des décisions qui touchent à la puissance des lobbies, aux pouvoirs et droits acquis des multinationales ou aux règles qui organisent l’économie mondiale, ils tergiversent, reportent à plus tard ou acceptent de se conformer aux exigences des acteurs économiques et financiers.

La double-peine climatique

Le résultat est là. Il nous éclate en pleine figure. Les opérations de communication et de greenwashing, qui ont été substituées à toute politique climatique ambitieuse, ne nous sont d’aucune aide. La réduction drastique des émissions de GES n’est pas menée à bien. La loi climat entérinée par un vote solennel de l’Assemblée nationale ce mardi 20 juillet en est l’exemple le plus abouti : à peine votée, elle est déjà obsolète au regard des objectifs à atteindre d’ici à 2030 (-55 % à -65 %). Elle est de plus complètement ringardisée par les propositions, pourtant insuffisantes, que la Commission européenne vient de publier.

Sombre tableau auquel il faut ajouter le retard des politiques d’adaptation au changement climatique, pourtant justement rendues urgentes et nécessaires par cette procrastination coupable. C’est la double-peine climatique : le réchauffement commence à nous frapper durement tandis que nos infrastructures, nos institutions, nos habitations, nos services publics n’y sont pas préparés. Voire qu’ils sont mis à mal par leurs décisions : en 2017, les libéraux ont réduit de 30 % les effectifs des services de secours en Belgique.

À rebours, ces catastrophes climatiques montrent aux yeux de toutes et tous qu’il est absolument impossible d’imaginer qu’il sera possible de s’adapter à n’importe quel niveau de changement climatique et que l’on peut donc continuer à émettre autant de GES. Sauf à accepter de rendre des territoires entiers invivables et inhabitables. Des phénomènes climatiques irréversibles sont enclenchés mais il ne sera jamais trop tard pour agir : quand on oublie de descendre du bus ou du métro à la station prévue, on n’attend pas d’être au terminus pour faire demi-tour. Chaque tonne de GES compte.

« Seul un puissant ouragan citoyen pourra nous sortir de l’ornière »

En 1990, la génération Greta Thunberg n’était pas née. Plus de 30 ans plus tard, cette génération manifeste pour le climat, interpelle, fait la grève de l’école, convainc autour d’elle, s’engage à travailler et produire différemment. Bref, avec ses moyens, elle essaie de résoudre un immense défi dont elle n’est pas responsable. Plutôt que se mettre à son service, celles et ceux qui nous dirigent passent leur temps à décrédibiliser les propositions de la société civile en inventant des termes dénués de sens (écologie punitive, écologie positive, écologie de production) et à édulcorer les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

En matière climatique, ce ne sont pas les Gaulois récalcitrants qui posent problème. Non. C’est l’inertie des gouvernements. Il n’y a pas d’écologie punitive. Ce sont leurs inaction et procrastination qui sont punitives. Et coupables. Fondamentalement, elles sont même un crime climatique. L’insécurité devient écologique, aggravée par l’incurie de nos gouvernements. Ne laissons pas notre droit à la sûreté soumis à un tel arbitraire. N’attendons pas des dirigeants politiques qu’ils fassent demain ce qu’ils n’ont pas fait hier.

Organisons-nous pour reprendre la main. Sur le terrain, en solidarité avec celles et ceux qui sont affectés par les conséquences du réchauffement climatique et pour déployer toutes les expériences alternatives là où c’est possible. Dans les organisations de la société civile pour rouvrir le champ des possibles.

Enfin, en tant que citoyennes et citoyens de ce pays, saisissons nous des prochaines échéances électorales pour faire campagne en faveur d’une véritable révolution écologique et sociale : seul un puissant ouragan citoyen pourra nous sortir de l’ornière.


« Non, l’Homme ne s’est pas toujours adapté
Bon Pote
https://bonpote.com/non-lhomme-ne-sest-pas-toujours-adapte

“L’Homme s’est toujours adapté”. Cet argument est très fréquemment utilisé, notamment par les rassuristes : ils admettent que le changement climatique est un problème, mais qu’il n’est pas si grave, car “l’Homme s’est toujours adapté”.

Répondre à cet argument n’est pas si simple, et vous fera tomber dans la loi de Brandolini. Il n’y a effectivement jamais eu de disparition de l’humanité, et le changement climatique ne menacera pas la survie de l’espèce, en tous cas d’ici la fin du siècle. Même avec un climat qui se réchaufferait de 5°C, il est possible qu’il y ait encore quelques humains pour jouer en ligne grâce à la 16G sur leur Iphone 42. En revanche, certain(e)s oublient (sciemment ?) de préciser que la variabilité naturelle du climat a, dans le passé, provoqué des bouleversements majeurs pour les sociétés humaines, avec de très nombreuses victimes. Un détail.

Il faut donc se poser les bonnes questions. Si nous ne pouvons pas parler de disparition de l’humanité, le changement climatique transforme et transformera profondément notre monde. Quelles en seront les conséquences, et pour qui ? Dans quel ordre de grandeur ? Tous les pays auront-ils les moyens de s’adapter assez vite pour y faire face ? Pourquoi sommes-nous en retard dans nos politiques d’adaptation, y compris en France ?

Nous y répondons avec l’aide de Magali Reghezza, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC).

Avant-propos : qu’est-ce que l’adaptation ?

Pour le GIEC, « l’adaptation est une démarche d’ajustement à l’évolution du climat, actuelle ou attendue, et à ses conséquences. Bien que le changement climatique soit un problème planétaire, ses impacts sont ressentis différemment dans le monde. Les mesures prises sont souvent dictées par le contexte local, si bien que les populations s’adaptent de manière différente selon la région. La poursuite de la hausse de la température mondiale, qui passerait de 1 °C aujourd’hui à 1,5 °C ou plus par rapport aux niveaux préindustriels, accroîtrait la nécessité de s’adapter. La stabilisation du réchauffement à 1,5 °C exigerait un effort d’adaptation moindre qu’à 2 °C. En dépit de nombreuses réussites, les progrès sont embryonnaires dans bien des régions et inégalement répartis sur la planète. »

L’adaptation est ainsi le moyen par lequel sociétés et individus assurent leur résilience, c’est-à-dire sont capables de faire face à une perturbation et/ou de se relever après un choc. Une adaptation « juste » doit permettre à l’ensemble des populations de préserver leurs moyens de subsistance, sans voir leurs conditions de vie se dégrader, que l’on raisonne en termes de revenus, de santé, d’espérance de vie, etc.

Caractéristiques d’une adaptation inédite

Réussir l’adaptation au changement climatique d’origine anthropique, actuel et à venir, requiert quelques conditions, qui peuvent d’ores et déjà contredire l’idée que l’on y arrivera au motif qu’on y est toujours arrivés :

  • Étant donné la rapidité des changements et leur ampleur, les solutions techniques, à supposer qu’on maîtrise les technologies, ne pourront être efficaces que si l’on ne dépasse pas un certain niveau de réchauffement. S’adapter si le niveau de la mer ne monte que d’un mètre, est possible, à la condition de disposer des ressources financières et technologiques (mais c’est encore un détail). Si l’on atteint 2, voire 3 mètres, c’est déjà beaucoup plus compliqué, voire impossible.
  • Les capacités d’adaptation vont fortement varier d’un individu à l’autre, d’une entreprise à l’autre, d’un groupe social à l’autre, et la mise en œuvre des mesures de réduction des risques climatiques dépend largement des contextes locaux et nationaux (nous y reviendrons).
  • La réussite de l’adaptation peut être ‘favorisée par l’action nationale et infranationale, car les gouvernements centraux jouent un rôle important sur le plan de la coordination, la planification, la définition des priorités, l’affectation des ressources et l’assistance‘. L’anticipation est essentielle, malgré les incertitudes, mais elle n’est clairement pas au rendez-vous, même dans les pays les plus riches et les plus avancés technologiquement.
  • Dans de trop nombreuses régions du monde, la réflexion sur l’adaptation est à peine amorcée. Le GIEC s’interroge sur l’aptitude des populations les plus vulnérables à faire face à tout réchauffement additionnel à 1.2°C. C’est problématique, dans la mesure où nous devrions dépasser la barre des +1.5°C dans la décennie 2030+.

Enfin, l’adaptation demande non seulement un large soutien sous forme d’aide technologique et financière (États, collectivités locales, entreprises, etc.), mais aussi un accompagnement des changements des comportements pour l’ensemble des parties prenantes (pas seulement les citoyens donc). Il ne suffira pas d’allumer la climatisation ou de dessaler l’eau de mer si le monde se réchauffe encore de quelques degrés. Il est donc indispensable de tordre le cou à l’idée d’une adaptation facile et sans casse.

Déconstruire l’adaptation

Historiquement, l’adaptation s’est essentiellement opérée localement, par ajustements réactifs et par apprentissage, les communautés tirant des leçons des événements catastrophiques et des erreurs commises. Si le développement de la science et des techniques a certes permis de mieux protéger, les extrêmes hydro-climatiques ont causé des centaines de milliers de morts au cours des siècles, soit directement, soit par les famines, disettes, troubles économiques et politiques engendrés. Transformer les sociétés et les habitats, modifier les pratiques, développer des solutions techniques a pris des siècles !

Le changement climatique d’origine anthropique est unique, tant par sa vitesse que son ampleur. Les humains n’ont jamais eu à s’adapter à de tels bouleversements. C’est en cela que dire “l’homme s’est toujours adapté” est faux, ou a minima fallacieux. Il s’est peut-être adapté, mais à quoi et à quel prix ?

Pourquoi parler d’adaptation lorsqu’on parle de sociétés humaines ?

L’adaptation est un concept scientifique utilisé dès le 19e siècle pour comprendre les relations entre les êtres vivants et leur milieu. Issu de la biologie, où l’adaptation est au centre de la théorie de l’évolution, le terme est rapidement repris pour étudier les relations des êtres humains à leur environnement. L’adaptation sert à critiquer l’influence du milieu sur les humains, qui, contrairement aux autres espèces, ont une liberté de choix et une capacité d’apprentissage, qui leur permettent de transformer les milieux naturels comme aucun autre animal n’a jamais pu le faire. Le rejet du “déterminisme mésologique”, c’est-à-dire le fait qu’un individu soit déterminé par son milieu naturel, alimente les réflexions des sciences sociales, notamment de la géographie, sur le statut et le rôle des sociétés humaines vis-à-vis des écosystèmes. Ces débats sont réactualisés aujourd’hui dans la notion d’anthropocène.

Affirmer que les êtres humains ne sont pas entièrement soumis à l’influence de leur milieu naturel, c’est reconnaître que les individus et les groupes sociaux sont capables à la fois de changer et de modifier leur environnement, pour en optimiser les ressources et se protéger des menaces. Sans nier les évolutions biologiques de l’espèce sur des millénaires, les sciences sociales mettent alors l’accent sur ce qui permet aux humains d’habiter des milieux a priori hostiles (déserts, hautes montagnes, forêts denses, zones sub-polaires, etc.)et qui explique que deux sociétés qui vivent dans des conditions climatiques, hydrologiques, topographiques proches, puissent être radicalement différentes.

L’adaptation rend ainsi compte de la coévolution entre les sociétés humaines et leur environnement. Réfléchir en termes d’adaptation permet de restaurer la capacité d’action individuelle et collective et de refuser le catastrophisme qui légitime le fatalisme et l’attentisme. Mais elle nécessite aussi une mise en perspective des conditions sociales, politiques et environnementales, qui permettent cette action, et de bien regarder les temporalités sur lesquelles elle se déploie et le prix à payer.

Ce que l’on sait de l’adaptation des sociétés du passé

L’étude des sociétés du passé montre que l’adaptation est un processus long, irrégulier, fait de bonds en avant et de retours en arrière. Les travaux des archéologues et des historiens prouvent que les transitions sur lesquelles repose l’adaptation, s’opèrent sur plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles. Par exemple, les paysages révèlent, à qui sait les lire, le long travail de transformation des milieux : que l’on soit aux Pays-Bas, en Flandres ou sur les littoraux de l’Atlantique, on peut voir les digues, les ouvrages de drainages, les portes à flots. Le dessin des polders et des canaux, de plus en plus larges et réguliers, reflète la lente acquisition des techniques d’assèchement et de protection contre les crues. Pour que les pompes remplacent les moulins, il a fallu des siècles et … des dizaines d’inondations. Les archives des seigneurs locaux nous disent que la lutte contre la mer et la maîtrise de l’eau s’est opérée au prix des corvées des serfs.

L’adaptation a nécessité des transformations sociales : en Flandres par exemple, les associations wateringues, en charge de l’entretien des watergangs (ouvrages de drainages), datent du XIIe siècle et ont laissé leur nom dans la toponymie. Pourtant, encore dans une période récente, des événements meurtriers ont rappelé les limites de cette adaptation pluriséculaire. En 1953, une tempête en mer du Nord provoqua près de 1800 victimes dans les seuls Pays-Bas. Il a fallu près de 40 ans pour que le plan Delta, censé protéger le pays, soit achevé et il faut déjà penser à relever les digues pour préserver les polders hollandais de la remontée du niveau marin.

La diffusion des innovations sociales et technologiques est donc lente et hétérogène. Elle exclut des territoires, des groupes sociaux, des individus. Si elle n’est pas anticipée et accompagnée, elle a un coût humain, économique et social qui peut être très élevé. Les révolutions industrielles ou agricoles en sont de bons exemples.Alors oui, l’Humanité a su s’adapter à tout, mais au prix de millions de vies humaines perdues ou sacrifiées, et d’innombrables pertes matérielles.

Une adaptation réussie dans le passé ne présage en rien du succès de l’adaptation dans le futur

Le changement climatique en cours si rapide que la seule variabilité naturelle du climat ne pourrait en être la cause. Il n’existe pas d’exemple analogue dans l’histoire de l’Humanité. Mais des exemples historiques permettent de saisir la faiblesse de l’argument « les Hommes se sont toujours adaptés ». En 1815, l’éruption du volcan indonésien Tambora a éjecté dans l’atmosphère d’énormes quantités de cendres, poussières et gaz sulfurés. Les températures diminuèrent brutalement sur l’ensemble de la planète et l’année 1816 fut surnommée « l’année sans été ». Alors que l’hiver avait été doux dans l’hémisphère nord, dès le mois de mai, le gel détruisit les cultures.

Puis ce fut le tour des tempêtes de neige en juin, des pluies abondantes et des ciels couverts avec une faible luminosité. Les inondations se multiplièrent, les récoltes furent détruites, la famine s’installa, avec son lot de révoltes, de pillages, de troubles. En Chine, les récoltes de riz furent ravagées et là encore, la famine s’installa, les épidémies sévirent. Des milliers de personnes furent contraintes à l’exil et beaucoup périrent pendant le voyage. L’Humanité n’a pas disparu, mais les morts se sont comptés par milliers, y compris chez les plus riches, même si on observe une forte surmortalité chez les plus pauvres et les plus fragiles physiquement, enfants ou personnes âgées.

Contrairement aux hommes et aux femmes de cette époque, nous avons les moyens d’anticiper la catastrophe et de nous y préparer. Mais plus nous attendons, plus nous réduisons notre liberté de choix, notre capacité à compenser les coûts de la transition et à protéger les plus faibles. L’ « année sans été » montre que tous les êtres humains ne peuvent pas s’adapter à tout et que plus le changement est rapide, brutal, intense, moins il est possible d’y répondre.

De multiples avertissements à seulement +1.2°C de réchauffement global mondial

Le problème est que le climat change et qu’il change plus vite qu’attendu. Nous battons record après record de températures aux 4 coins du monde, et nous ne sommes qu’en 2021. Sécheressescanicules, inondations… les alertes sur la réduction de la biodiversité se multiplient, le coût humain et financier des catastrophes augmente, avec son cortège de drames individuels. Le climat change et nous savons que ses effets ne feront qu’empirer.

Certaines parties du globe deviendront probablement inhabitables – sauf à engager des mesures dont le coût humain, financier et environnemental serait exorbitant, excluant de fait le plus grand nombre.

Les événements récents devraient nous faire réfléchir sur la phrase ‘l’homme s’est toujours adapté‘. En moins de deux semaines, Le Canada, pays riche industrialisé, a connu un record de chaleur de température de 49.60°C, le village de Lytton en Colombie Britannique étant détruit par les flammes à près de 90%. Cette vague de chaleur a fait plus de 400 morts (nous y reviendrons). Tout cela, à seulement +1.2°C de réchauffement global.

Nous l’avions expliqué dans notre article sur les canicules, nous ne pouvons normalement pas attribuer un événement météorologique extrême au changement climatique. Cependant, les travaux du World Weather Attribution (WWA) soulignent 3 points très importants :

  • “le réchauffement rapide du climat nous entraîne sur un territoire inconnu, avec des conséquences importantes sur la santé, le bien-être et les moyens de subsistance.” 
  • “L’adaptation et l’atténuation sont nécessaires de toute urgence pour préparer les sociétés à un avenir très différent. Les mesures d’adaptation doivent être beaucoup plus ambitieuses et tenir compte de l’augmentation du risque de vagues de chaleur dans le monde entier.”
  • Bien que la chaleur extrême touche tout le monde, certaines personnes sont encore plus vulnérables, notamment les personnes âgées, les jeunes enfants, les personnes ayant des conditions médicales, les individus socialement isolés, les sans-abris, les individus sans climatisation, et les travailleurs (en extérieur) (Singh et al., 2019).

Ce dernier point est fondamental.

Même dans les pays développés, un climat qui change tue

La vague de chaleur qu’a connu le Canada devrait servir d’avertissement pour les prochaines décennies et alerter sur le fait que même dans des pays riches, technologiquement très avancés, les extrêmes climatiques tuent. Les morts de la Colombie britannique sont un exemple de l’injustice climatique.

Si l’on sait que certains individus sont physiquement plus vulnérables aux épisodes de fortes chaleurs, du fait de leur âge ou de leur état de santé, les décès touchent les catégories sociales les plus défavorisées, celles qui n’ont pas les moyens de quitter la ville ou de se ruer dans les hôtels climatisés, complets pendant une semaine. Ajoutons que dans cette région, qui ne connaît pas ces températures extrêmes, les logements, les transports, les lieux de travail, n’étaient pas adaptés aux fortes chaleurs et le nombre d’espaces climatisés très faible. Les morts sont très majoritairement des personnes qui ne disposaient pas des ressources physiques, financières, familiales ou sociales, pour pourvoir faire face aux températures extrêmes.

La littérature scientifique sur les catastrophes a montré dès les années 1960, qu’il existait une corrélation étroite entre les inégalités liées à l’âge, au genre, aux revenus, à l’éducation, à la santé, et les capacités d’adaptation, que l’on se place au niveau de l’individu ou du groupe, qu’on regarde le local, national ou mondial. Sans l’instauration de politiques ambitieuses, volontaristes, proactives et anticipatrices, certain(e)s auront le privilège de pouvoir d’adapter, mais combien pourront en dire autant ?

Au-delà des pertes humaines, nous rappelons également que la faune et la flore n’auront pas non plus le temps de s’adapter en si peu de temps à de telles conditions. En effet, même dans les rêves les plus fous de Bill Gates, les plantes et les animaux n’ont pas la climatisation. La vague de chaleur aurait d’ailleurs tué 1 milliard d’animaux marins. C’est pour cela que le GIEC et l’IPBES indiquent que le climat et la biodiversité sont indissociables, et que l’atténuation et l’adaptation doivent former un tout. Et même si l’on a peu de considérations pour les autres espèces vivantes, notre survie et notre bien-être dépend des leurs.

L’adaptation pour tous ?

Nous l’avons vu, à l’échelle locale, il existe de grandes disparités quant à une possible “adaptation” aux aléas climatiques. Mais c’est aussi vrai à l’échelle nationale, et surtout internationale.

Dans son rapport SR15, le GIEC explicite les conséquences d’un réchauffement global à +1.5°C et ce qu’il arrivera si celui-ci dépasse cette température symbolique :

Certaines régions du monde seront plus touchées que d’autres par les sécheresses, par la hausse du niveau de la mer, les canicules, les cyclones, et l’acidification des océans qui, avec l’augmentation de la concentration de CO2, met en péril les récifs coralliens, qui pourraient intégralement disparaître à partir d’un réchauffement de +2°C.

Un exemple concret est la hausse du niveau de la mer. Environ 700 millions de personnes vivent aujourd’hui dans des zones côtières de faible altitude et sont vulnérables à l’élévation du niveau de la mer et aux tempêtes côtières. Ce nombre pourrait atteindre un milliard d’ici 2050. Des nations insulaires comme les Maldives, les Seychelles, Kiribati et d’autres pourraient être complètement anéanties par la montée des eaux et les tempêtes. Même une élévation de seulement un mètre, probablement inévitable aujourd’hui, déplacera des millions de personnes en Floride et le long de la côte du Golfe. Les dégâts se chiffreront en milliards, les pertes matérielles et humaines aussi.

En outre, la hausse du niveau de la mer n’est pas uniforme et varie fortement selon les endroits et la forme des littoraux. Les impacts sont d’autant plus importants que l’exposition et la vulnérabilité sont élevées. Nous avions par exemple expliqué les conséquences pour les Iles Fidji : alors que ces habitants sont parmi les habitants les plus sobres de la planète, ils vont subir de plein fouet les excès d’autres pays, et il est très peu probable que toute la population ait 1) envie d’être délocalisée 2) la chance de pouvoir le faire. L’argent ne permettra ni de ‘compenser’ les excès, ni de tout protéger et encore moins réparer. D’autant plus que cet argent peine à arriver par le Green Climate Fund, alors que c’était prévu dans l’Accord de Paris.

Qui prétend que “l’homme s’est toujours adapté” ?

Après avoir déconstruit l’affirmation que “l’homme s’est toujours adapté” et montré que l’adaptation au changement climatique actuel et à venir nécessite des actions rapides et une volonté et un portage politique, il est intéressant de comprendre qui sont les personnes qui utilisent cette idée fallacieuse.

En effet, malgré les alertes de la communauté scientifique, les multiples rapports de diverses organisations internationales comme le GIEC, l’IPBES, le WWA, etc., le refrain est toujours utilisé et la petite musique persiste dans l’opinion. Si elle ne résiste pas à l’examen scientifique, c’est donc qu’elle a une double utilité : politique et économique.

Tout d’abord, l’intérêt économique. Nous rappelions dans un texte sur ladite écologie punitive ceci :”“Le problème n’est donc pas de savoir si l’Humanité s’adaptera, mais quels seront les efforts à engager et qui devra payer.” En effet, certaines entreprises (et personnes) ont plus d’intérêt économiques à perpétuer le Business as Usual, c’est à dire, à ce que rien ne change. Il est certain qu’il existe des co-bénéfices pour de nombreux secteurs à adopter une adaptation proactive, mais tous les acteurs économiques seraient obligés d’opérer un changement radical de modèle pour cela. De la même manière, certain(e)s élu(e)s vont préférer investir dans d’autres domaines, soit parce qu’ils ont à gérer les urgences sociales et économiques de court terme, soit par pur intérêt électoral. Investir dans une adaptation à moyen/long-terme est ingrat puisque ce seront les suivants qui retireront les bénéfices des actions engagées par les prédécesseurs.

Ensuite, vient l’intérêt politique. De la même manière, avec la même logique court-termiste et de poursuite du Business as Usual, il est évident que dire “l’homme s’est toujours adapté” a un côté rassurant, rassuriste, évitant ainsi aux Français(es) de trop s’inquiéter, car c’est vrai que finalement, c’est pas vraiment un problème ce changement climatique ! Au même titre que l’expression écologie punitive, c’est à nouveau employé par des politiques de droite, d’extrême-droite, des libéraux, et des personnes qui pensent que nous trouverons quoi qu’il arrive des solutions techniques. Il suffit donc de gagner du temps, de réparer ce qui peut l’être. Aucune trace d’une personnalité politique à gauche qui dit “l’homme s’est toujours adapté” dans la presse ou sur un plateau télé, sauf pour répondre à une polémique. Même constat pour les scientifiques spécialistes des problématiques climatiques.

La solution technique

La solution technique est “‘évidente” pour faire face aux aléas climatiques en cours et à venir. Nous avons expliqué que non, et qu’en plus d’être réactive et palliative, cette adaptation technique a pris des décennies, voire des siècles. À la vitesse à laquelle la Terre se réchauffe, nous n’avons pas des siècles pour éviter que des centaines de millions de personnes ne puissent plus faire face aux impacts climatiques.

En outre, cette solution technique est l’un des 12 discours de l’inaction climatique : “pas vraiment besoin de changer, on trouvera une solution technique”. C’est ce que déclarait avec le sourire David Pujadas sur son plateau en juin dernier : “quand même, avec les moyens technologiques que nous avons aujourd’hui, on a largement de

Ce que Louis de Raguenel oublie de préciser, c’est qu’une partie de l’humanité a disparu lors de ces périodes glaciaires. Encore une fois, un détail !

Et puis, il est très important de rappeler que ce n’est pas parce que nous avons la solution technique qu’elle sera mise en place. Il faut pour cela les moyens financiers, humains, technologiques, et ils font souvent défaut, notamment dans les territoires les plus à risque (exemple de Madagascar et la famine, ou encore le Green Climate Climate Fund qui n’a jamais été à la hauteur). Et même ainsi, encore faut-il que cette solution technique soit acceptée par les acteurs politiques, économiques et la population. La vaccination permet par exemple d’éradiquer certaines maladies, mais sans l’implication des gouvernements, des firmes et des citoyens, cette solution technique est impossible.

Le mot de la fin

L’adaptation est importante pour réduire les impacts négatifs du changement climatique, mais ne sera jamais suffisante pour en prévenir totalement les conséquences. En revanche, plus la température mondiale augmentera, plus les conséquences seront lourdes. L’adaptation n’est pas un prétexte pour cesser les efforts d’atténuation. Au contraire. Plus le temps passe, plus le risque de voir dépasser des seuils irréversibles (en tous cas à l’échelle humaine) est fort.

La disparition des récifs coralliens, la perte massive d’habitats pour les espèces terrestres, la destruction des écosystèmes provoquée par la chaleur extrême, les sécheresses ou les incendies réduisent les moyens de subsistance tirés du littoral dans les îles et les côtes de faible altitude. À très court terme, ce sont les puits de carbone qui seront menacés, ce qui compromet encore davantage l’atteinte de la neutralité carbone et la possibilité de contenir le changement climatique dans la limite des 2 degrés.

En matière d’atténuation, chaque demi-degré compte. En matière d’adaptation, chaque année de retard compromet la survie et le bien-être d’un nombre toujours plus grands de personnes.


« Madagaskarreko goseteari ez diogu so egiten, klima justizia ez dugulako akuilu
Jenofa Berhokoirigoin
www.argia.eus/argia-astekaria/2742/madagaskarreko-goseteari-ez-diogu-so-egiten-klima-justizia-ez-dugulako-akuilu

Ekainaren 23an ukan genuen IPCC Klima Aldaketari Buruzko Gobernu Arteko Taldearen azken txostenaren berri, alarma gorria baino gehiago beltza pitzaraziz: ez badugu berehala aldaketa drastikorik bideratzen, bukatuko da gurea. Klima aldaketaren eraginez idorteak eta goseteak gaiztotuko eta emendatuko direla abisatzen dute zientifikoek. Halabeharra edo, une berean Kanadan zein Madagaskarren sekulako idortea pairatzen zuten, batean –Madagaskarren– bestean ez bezala, gosetea eta gosez hiltzeak ondorioztatuz. Baina gu, mendebaldetarrok, Kanadari begira gara, klima justizia ez dugulako helburuen artean eta arlo horretan ere ez dugulako dekolonizaturik gure jarrera. Klima larrialdian ere pobreenak dira gehien kaltetuak eta hori kontutan hartzeari deitzen zaio klima justizia.

Madagaskarren jarraian bizitu idorteek gosetea eragin dute. Familiek sufritzen dute eta jende anitz gosez hiltzen ari da. Ez da gerlarengatik ezta gatazkengatik ere, baizik eta klima aldaketarengatik. Munduko eskualde honek ez du ezertan klima aldaketa ondorioztatu, eta alta, honek du prezioa pagatzen”. Horrela mintzo da David Beasley Munduko Elikadura Programaren zuzendaria.

“Krisi ikusezin” gisa definitzen du Afrikaren hegoekialdeko irlan gertatzen ari dena. Ikusezina begiratzen ez dionarentzat, begirada harantza luzatuz gero, egoera deigarria eta larria delako: 1,14 milioi herritar dira gosez, eta 500.000 madagaskartarrek dute gosetea pairatuko ondoko hilabeteetan. Milaka familik ihes egin dute jada, elikagai bila –klima errefuxiatuen errealitatea ez da gehiago gerorako kontua–. “Hilabeteak bizirauten dutela kaktus gorrien fruitu gordinak, hosto basak eta otiak janez. Ezin dugu ezikusiarena egiten segitu”.

Bizkitartean nazioartea Kanadako tenperatura altuei eta sute ikaragarriei begira dugu. Baina funtsean, arazo bera bizi dute bi aldeetan, batak munduaren Iparrean –gurean, gure arreta piztuz–, besteak, munduaren Hegoan –guretik urrun–. “Klima larrialdiak eragindako lehen gosete” gisa aurkeztua da madagaskartarrena. 2020ko maiatzaz geroztik dabiltza goseteari aurre egin nahian, nazioartearen ezaxolakeriaren erdian. Oinarrian, batetik idortea eta bestetik, deforestazioak eragindako lur-higadurak eta hondar-tenpestak –azken honek estaltzen eta beraz galarazten dizkietela dituzten nekazal ekoizpen bakarrak–. Ideia bat ukateko, abendua eta otsailaren artean ez dute euri tanta bakar bat ere ukan, printzipioz, euri-sasoia dutelarik garai hau.

Kanadan ere arazo bera

Kanadakoari sakonki begiratzeari ez dute interesik mainstream komunikabideek, klima aldaketaren gaia mahaigaineratzen digulako, kausei, ondorioei eta aldaketei begiratzera behartuz. Alta, xehekiago so eginez gero, laster ohartzen gara idorteak jaki ekoizpenak kalteturik dituela Kanadan ere bai. Radio Canada komunikabideak plazaratu Canicule et sécheresse, les agriculteurs de l’Ouest en payent le prix (“Berote handia eta idortea, Mendebaldeko nekazariek pagatzen dute prezioa”) artikuluan datu esanguratsuak agertzen dira: aurtengo AEBetako gari ekoizpenean %20 bakarrik da “kalitate onekoa”, iaz %70 zenean; koltza tona 800 dolarretan salerosten zen ekaina bukaeran, 1982az geroztik ez zen hain gora izan prezioa. Bertako laborariak ere kezkaturik dira: “Lurra idorra delarik ezer ez da hazten. Ura behar dugu bizitzeko, eta urik gabe ezer ez da hazten”. Horrela dabiltza aurten, haziak usaian baino barnerago ereinez, barnerago lurra doi bat hezea izanen denaren esperantzarekin. Baina laborariez gain, edozein herritar da kaltetua, ur erreserbak ttipiturik uraren kontsumoa apaldu beharrean delako eta jakiak garestiago pagatu beharrean ere delako. Baina Kanada ez da Madagaskar, ez mundu mailako kokapen geopolitikoan, ez eta ere errealitate soziekonomikoari dagokionez; eta horrek egiten du gosetea ez dutela oraindik bizi.

Testuinguru horretan agertu zitzaigun ekainaren 23an IPCC (Klima Aldaketari Buruzko Gobernu Arteko Taldea) egituraren txostena AFP Frantziako prentsa agentziak filtraturikoa, ondoko abisua plazaratuz: “Lurreko bizitza berrituko da, gizateria ez”. Argiki mintzo dira zientifikoak eta ez dira itxaropentsu: “hamarkada honetan” ez badugu aldaketa drastikorik bideratzen, apokaliptikoa ukanen dugu biharra. Funtsean, 4.000 orriko txostenean idorteaz eta goseteaz mintzo dira luze eta zabal: “420 milioi pertsona gehiagok pasako dute bero handia, baldin eta berotze globala +2 °C-koa bada +1,5 °C-koa izan beharrean. Zehazkiago, 1,7 mila milioi lagun gehiago egonen dira bero handien eraginpean, 420 milioi muturreko tenperaturetan eta 65 milioik dute bost urtean behin ohiz kanpoko kanikula bizituko”. Oroit gara, industriaurreko garaiarekin alderatuta, tenperatura emendioa 2 °C-ra mugatzeko helburua finkatzen duela Parisko 2015eko akordioak, idealean +1,5 °C-ra mugatzeko asmoarekin. Hots, duela sei urte +2 °C-ko heina bizigarri ikusten bazuen IPCCek, aldi honetan, +1,5 °C-koa du beharrezkotzat, “hortik gorago, ondorio latzak eta batzuetan itzulezinak pairatuko ditugulako”.

Klima justizia, ezinbestekoa

Munduko edozein lurraldek du idortea pairatzeko arriskua, Oxford Unibertsitateko Friederike Otto ikerlariak Reporterre-i azaltzen dionaz: “Ez da salbu den gune geografikorik; edonon gertatu daiteke, kontua da, bero errekorrez mintzo garela Ipar Amerikan gertatzen denean, ez eta Pakistan, Iran edota Afrikako herri batean dugunean”.

Bero handi horiek gosetea dakarte: Elikadura eta Nekazaritza Erakundearen arabera gosetearen arrazoi nagusienen artean dugu orain klima aldaketa, gerla eta kolpe ekonomikoekin batera. Hemendik 60 urtera 600 milioi lagun gehiagok dute gosetea pasako, klima larrialdiaren eraginez. Maleruski beste behin ere Hegoko herriak dira lehen lerroan izanen: 180 milioi lagun izanen dira “elikapen eskas kronikoan” hemendik 30 urtera, hauen %80 Afrika eta hegoekialdeko Asian izanki. Ur eskasian ere, bistan denez. Baina hau ez da albistea, jada IPCCren 2014ko txostenean munduko gobernuei ohartarazten zieten klima aldaketak Iparraren eta Hegoaren arteko ezberdintasunak areagotzen dituela. Lehen aldikoz pobreziari buruzko kapitulua gehitu zuten txostenean, nonbait ohartaraziz zientifikoa bezainbait politikoa ere dela klimaren gaia.

Horregatik dabiltza geroz eta gehiago “klima justizia” terminoa erabiltzen, “klima aldaketa”-z hitz egin beharrean. Klima larrialdia bere horretan injustua delako: eragin ttipiena dutenek dute gehien pairatuko, hauei aurre egiteko baliabide gutien ukanki gainera –aldrebes, ardura handiena dutenak dira gutien kaltetuak–. Zifra bakarra: mundu mailako %10 aberatsenek ondorioztatzen dute berotegi gasen isurketen %50, Oxfam egituraren arabera. Noski, izan herri aberats ala txiro, hor ere bertako klase sozial apalenak ditu gehien pairatzen kalteak.

Klimari buruzko nazioarteko gailurretan, klima larrialdiaren arazoari justizia soziala txertatu nahian dabiltza herri pobreak. Baina zaila dute, herri aberatsen ezaxolagabekeria eta jarrera berekoia dutelako parean. Hegokoak diruz laguntzeko engaiamendua ere ez dute betetzen Iparrekoek –urtero 100.000 milioi dolar klimaren esparruan eragiteko–. Mailegu bidez dabiltza geroz eta gehiago laguntza bideratzen eta hori da okerrena: herri pobreen zorpetzea emendatuz doa, herri aberatsok ondorioztatu arazoei aurre egin ezinean direlako. Klima justiziaz ikaragarri urrun gara.