Articles du Vendredi : Sélection du 22 septembre 2023

Climat : l’ONU somme les pays riches d’être « crédibles »
Émilie Massemin
https://reporterre.net/Au-sommet-pour-le-climat-les-pays-riches-presses-d-etre-credibles

Le 20 septembre, à New York, se tient le sommet pour l’ambition climatique. Les États sont invités à prendre des « mesures concrètes », notamment pour sortir des énergies fossiles.

Actualisation mercredi 20 septembre à 11 h 40 : Selon la liste diffusée par l’ONU mardi 19 septembre au soir, Joe Biden, président des États-Unis, sera finalement absent au sommet pour l’ambition climatique, de même que la Chine et le Royaume-Uni.

« Il n’y aura pas de place pour les partisans du retour en arrière, ceux de l’écoblanchiment, ceux qui rejettent la faute sur les autres ou pour le reformatage des annonces des années précédentes. » C’est par ces paroles déterminées que le secrétaire général des Nations unies António Guterres avait annoncé fin 2022 le sommet pour l’ambition climatique, qui se déroule mercredi 20 septembre à New York.

Le programme de la journée est copieux : une plénière où seuls « les premiers à bouger et à faire » pourront s’exprimer ; une réunion sur le financement des pertes et préjudices destiné aux pays du Sud ; et trois sessions thématiques sur la « crédibilité » des actions de la société civile, l’adaptation et l’accélération de la décarbonation. Objectif : avancer dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici la fin du siècle. Une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement — dont Joe Biden, le président des États-Unis — sont attendus.

Les États-membres invités à présenter des mesures pour atteindre le zéro émission nette

Du côté de la réduction des gaz à effet de serre, plusieurs sujets sont sur la table. Les États-membres de l’ONU sont invités à présenter de nouvelles mesures pour atteindre le zéro émission nette d’ici 2040 pour les pays développés, 2050 pour les pays émergents. Des mesures « crédibles », notamment du côté des acteurs privés et des collectivités locales, précise à Reporterre Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri.

« La crédibilité, ce n’est pas dire qu’on va être net zéro et ensuite imaginer qu’on va pouvoir compenser les émissions qu’on n’arrive pas à réduire en achetant des crédits carbone au Sud, prévient-il. Dans un rapport remis lors de la COP27, l’ancienne ministre de l’Environnement canadienne Catherine McKenna disait que l’intégrité, c’était d’être vraiment au plus près de zéro. C’est extrêmement important. »

En particulier, une question reste en suspens : quelle échéance pour l’abandon définitif du charbon, du pétrole et du gaz ? « Un rapport technique est sorti cette semaine et dit clairement qu’il faut travailler à la fois sur le déploiement des énergies renouvelables et la sortie des énergies fossiles, poursuit M. Treyer. On espère qu’il va être repris politiquement au plus haut niveau. »

Le directeur général de l’Iddri se dit toutefois « pessimiste » quant à la possibilité de nouvelles annonces lors de ce sommet. Le G20, qui s’est achevé le 10 septembre à New Delhi (Inde), avait déjà échoué à trouver un accord sur un calendrier. Les perspectives ne sont guère meilleures pour la COP28, présidée par un pays pétrolier, du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï (Émirats arabes unis).

Pourtant, le temps presse. Selon le bilan mondial publié début septembre par la Convention des Nations unies pour le climat (UNFCCC), il faudrait diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 42 % d’ici 2030 pour limiter le réchauffement mondial à 1,5 °C. Or, les engagements actuels des États-membres, s’ils étaient respectés, ne conduiraient qu’à 0,3 % de réduction.

L’un des sujets majeurs au menu du sommet : le financement des pays du Sud. Le principe d’un fonds pour les « pertes et dommages » — pour aider les pays les plus vulnérables à se relever après des catastrophes climatiques — a été adopté lors de la COP27 de Charm el-Cheikh (Égypte). « Sa mise en œuvre doit avoir avancé à Dubaï en décembre. On attend donc des éléments très précis sur son fonctionnement », dit M. Treyer. Les pays développés devront aussi apporter des garanties sur l’objectif de 100 milliards de dollars par an dédiés au Fonds vert pour le climat. « Ces signaux sont très importants. Sinon, les pays du Sud vont faire entendre leur colère et on risque un décrochage entre le Sud et le Nord », prévient le directeur général de l’Iddri.

Joe Biden présent, mais pas Emmanuel Macron

Lors du premier sommet africain sur le climat, du 4 au 13 septembre à Nairobi (Kenya), de nombreux dirigeants avaient appelé à une réforme de l’aide financière internationale. Parmi leurs propositions, l’allègement des dettes avec suspension des remboursements en cas de catastrophe climatique, la fin des prêts pour les projets fossiles ou encore la création d’une taxe mondiale sur les émissions de gaz à effet de serre.

Pas sûr cependant que ces dossiers techniques avancent lors du sommet pour l’ambition climatique. « Il y aura peut-être une avancée sur le sujet assez consensuel de la suspension des services de la dette en cas de catastrophe climatique, déjà évoquée au sommet de juin », suppose M. Treyer. Selon lui, les autres sujets pourraient plutôt être abordés lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) du 9 au 15 octobre à Marrakech (Maroc).

Alors, l’ambition climatique sera-t-elle au rendez-vous ? Signe de mauvaise augure, plusieurs dirigeants de premier plan n’ont pas prévu de se déplacer, parmi lesquels le Premier ministre britannique Rishi Sunak ou encore Emmanuel Macron. Le président des États-Unis sera en revanche présent. « À mon avis, ce sont les Américains qui vont dire ce qu’ils vont faire au plus haut niveau. Un boulevard est offert aux États-Unis pour avancer », espère le directeur général de l’Iddri.

La pollution de l’air due aux incendies frappe plus durement les pays les plus pauvres
LIBERATION et AFP
www.liberation.fr/environnement/pollution/la-pollution-de-lair-due-aux-incendies-frappe-plus-durement-les-pays-les-plus-pauvres-20230921_SUZCISQKLVEF5OYIOC6OPCZLVI

Les populations des pays les plus pauvres ont été quatre fois plus exposées que celles des pays développés à la pollution de l’air causée par les feux de forêt et de végétation entre 2010 et 2019, selon une étude publiée ce mercredi 20 septembre dans la revue scientifique «Nature». L’Afrique centrale, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud sont les zones les plus vulnérables.

Double peine pour les pays pauvres. Bien qu’ils ne fassent pas partie des pays historiquement responsables de la pollution de l’air, en conséquence du changement climatique, ces derniers sont les plus exposés à ce phénomène. C’est le constat que dresse une nouvelle étude publiée ce mercredi 20 septembre dans la revue Nature. Les populations des pays les plus pauvres – en premier lieu en Afrique centrale – sont largement plus exposées que celles des pays développés à la pollution de l’air causée par les feux de forêt et de végétation qui se multiplient dans le monde.

Contrairement à l’exposition directe aux flammes et à la chaleur des incendies, l’exposition à la pollution atmosphérique causée par les fumées peut parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres et toucher des populations beaucoup plus nombreuses. De plus, de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire sont situés dans des zones chaudes et sèches qui sont sujettes aux incendies de paysage, à une mauvaise gestion de la part des autorités ou à la brûlure des déchets agricoles.

Chaque année entre 2010 et 2019, le continent africain a ainsi subi en moyenne 32,5 jours d’exposition «importante» aux particules nocives dues aux incendies, contre une journée par an environ pour l’Europe, met en relief l’étude. Derrière l’Afrique centrale, ce sont l’Asie du Sud-Est, l’Amérique du Sud et la Sibérie qui ont connu les plus hauts taux de pollution due aux incendies sur la période étudiée. En moyenne, chaque personne souffre de 9,9 jours d’exposition par an à ce phénomène.

Au total, entre 2010 et 2019, 2,18 milliards de personnes ont ainsi été exposées au moins une journée à un épisode de «pollution élevée» causé par les feux. Soit 7 % de plus que sur la décennie précédente. Signe des disparités socio-économiques qui accompagnent les effets dévastateurs du changement climatique : dans les pays pauvres, cette pollution à l’ozone et aux particules fines était environ quatre fois plus élevée que dans les pays riches.

«Injustice climatique»

Pour évaluer les concentrations quotidiennes mondiales de particules fines et d’ozone attribuables aux feux de végétation entre 2010 et 2019, les chercheurs se sont appuyés sur des techniques d’intelligence artificielle et de modélisation informatique. Selon leurs conclusions, les pays les plus touchés par cette pollution sont l’Angola, la République démocratique du Congo, la Zambie, le Congo Brazzaville et le Gabon, une région du monde où se pratique aussi beaucoup la culture sur brûlis.

Les niveaux de pollution sont classés «importants» lorsqu’ils dépassent les limites fixées par l’OMS pour l’ozone ou les particules fines, soit 15 microgrammes de particules fines par mètre cube d’air ; ou lorsque au moins la moitié de la pollution provient de feux de forêts, de broussailles ou de prairies. Les incendies planifiés par les populations – notamment pour des besoins agricoles – ou démarrés de manière incontrôlée et favorisés par le réchauffement climatique, comme illustré par les brasiers massifs qui ravagent le Canada depuis plusieurs mois, sont deux scénarios pris en compte dans l’étude. Tous ces types d’incendies engendrent en effet des fumées chargées de cendres et de particules nocives pouvant se déplacer sur des milliers de kilomètres, traverser les océans, et compromettre la santé de populations extrêmement éloignées des flammes.

Plus exposés et vulnérables, les pays pauvres disposent pourtant de peu de ressources pour pallier les conséquences sanitaires de cette pollution de l’air, entre augmentation de la mortalité et exacerbation des troubles cardiorespiratoires. Dans leur synthèse, les experts recommandent donc d’investir dans de nouvelles politiques publiques pour lutter contre les incendies d’origine humaine et d’allouer davantage de ressources aux pays à revenu faible et intermédiaire afin de prévenir ces risques sanitaires. Et de marteler : «Cette constatation apporte une preuve supplémentaire de l’injustice climatique, à savoir que les personnes les moins responsables du changement climatique sont celles qui souffrent le plus de ses conséquences.»

« Si les évaluations européennes reposaient sur la science, le glyphosate serait interdit depuis des décennies »
Amélie Poinssot
www.mediapart.fr/journal/ecologie/200923/si-les-evaluations-europeennes-reposaient-sur-la-science-le-glyphosate-serait-interdit-depuis-des-decenn

L’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, estime que l’herbicide le plus vendu au monde ne pose pas de risque majeur pour la santé humaine. Mais pour Laurence Huc, toxicologue et spécialiste des pesticides, cette évaluation « ne correspond à aucun canon scientifique ».

Science ou lobbying industriel ? Le maintien du glyphosate sur le marché européen est en cours d’examen à Bruxelles. Cet été, l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a rendu son avis : selon l’agence, l’herbicide ne présente pas de « domaine critique de préoccupation » empêchant le renouvellement de son autorisation. Suite de la procédure vendredi 22 septembre, avec la proposition de texte de la Commission européenne qui, d’après nos informations, pourrait ouvrir la voie à un renouvellement de l’autorisation pour dix ans. La nouvelle réglementation sera soumise au vote des Vingt-Sept lors du Conseil européen des 12 et 13 octobre prochains.

La dernière fois que les États membres avaient statué sur le sujet, il y a six ans, le maintien du glyphosate sur le marché était pourtant passé à un cheveu : la majorité qui s’était dégagée au Conseil européen ne reposait que sur 65,2 % de la population de l’Union, pour une majorité qualifiée fixée à 65 %. La France avait voté contre.

Depuis, Paris a fait volte-face. Marc Fesneau, le ministre de l’agriculture, l’a dit à Ouest France le 12 septembre : « Tout converge vers une nouvelle homologation. » Son argument ? « On fait confiance à la science, aux études qui disent que le glyphosate ne pose pas de problème cancérogène. » C’est également ce qu’avait dit la première ministre Élisabeth Borne au Salon de l’agriculture en février : « En matière de produits phytosanitaires […], notre approche est fondée sur la science et les avis des scientifiques. »

Mais que dit la science précisément ? L’état de la connaissance actuel diverge en réalité de l’évaluation faite par l’Efsa, et un certain nombre de pathologies ont déjà été identifiées. Entretien avec Laurence Huc, toxicologue et spécialiste des pesticides à l’Inrae, l’Institut national pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

Mediapart : Que sait-on des effets du glyphosate sur la santé humaine ?

Laurence Huc : Le glyphosate est le pesticide le plus utilisé au monde. Il existe donc une grande littérature scientifique à son sujet, à la différence de nombreuses substances actives sur lesquelles on ne sait rien. Mais cette molécule est aussi au cœur d’enjeux financiers importants. Quand, en 2014, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a annoncé qu’il allait produire une monographie sur le glyphosate – qui a abouti à sa classification en 2015 comme cancérogène probable –, les industriels se sont mis à produire des publications minimisant les effets toxiques, selon la même stratégie que le lobby du tabac : la production de doute par la science. Soit les auteurs de ces publications étaient en conflit d’intérêts, soit les publications étaient « ghostwritées » – autrement dit : des scientifiques ont prêté leur nom pour signer des études écrites par les industriels eux-mêmes. Tout cela a créé un « bruit d’information », comme quoi on ne saurait pas vraiment, il y aurait des résultats dans un sens et dans l’autre…

Le chercheur Charles Benbrook a analysé toute la littérature sur les liens entre glyphosate et génotoxicité – c’est-à-dire des altérations de l’ADN pouvant induire des cancers. Selon cette analyse, quand les auteurs des publications ne sont pas en conflit d’intérêts, 75 % des études concluent à un effet génotoxique du glyphosate sous la forme commercialisée du Roundup [l’herbicide de Bayer Monsanto – ndlr] .

L’expertise de l’Inserm sur les pathologies liées aux pesticides, en 2021, le dit aussi : l’exposition au glyphosate augmente les risques, pour les agriculteurs et agricultrices, de développer le lymphome non hodgkinien [un cancer du sang – ndlr]. Nous sommes à un niveau de présomption moyen. De plus, on a observé des cancers chez les rongeurs. C’est suffisant pour faire appliquer le principe de précaution. Des études académiques utilisant d’autres modèles, comme le développement cellulaire en laboratoire ou les poissons zèbres, aboutissent à la même conclusion.

Enfin, deux autres publications importantes : la méta-analyse épidémiologique de 2019, qui reprend toute la littérature et les statistiques sur les populations d’agriculteurs exposés au glyphosate et établit un risque augmenté de 40 % de développer le lymphome non hodgkinien, et une analyse groupée de la plus grande cohorte internationale d’agriculteurs – plus de 3 millions d’individus suivis –, qui montre un risque augmenté de 36 % pour le type de lymphome non hodgkinien le plus courant. Ces données ne font que renforcer les niveaux de preuve du caractère cancérogène du glyphosate pour la population humaine que le CIRC avait déjà pointé en 2015.

Le risque de cancer est-il le seul problème posé par l’utilisation de glyphosate ?

Non, le débat se cristallise là-dessus car, au niveau européen, un classement du glyphosate dans la catégorie des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction – ce que l’on appelle les « CMR » – ou sa classification comme perturbateur endocrinien entraînerait une interdiction du produit sur le marché. Mais se focaliser là-dessus occulte les autres effets du glyphosate, qui sont très graves également.

La littérature scientifique est convergente sur le fait que c’est un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire qu’il a des effets sur la fertilité et la formation du fœtus. C’est aussi un produit neurotoxique, c’est-à-dire qu’il endommage le système nerveux. Et c’est une substance néfaste pour notre microbiote : l’herbicide étant un antibiotique, il attaque nos bactéries intestinales. Ce déséquilibre dans l’organisme peut rendre les gens plus vulnérables à différentes maladies métaboliques comme l’obésité, le diabète, ou encore la stéatose [accumulation de graisses dans le foie – nldr].

Le glyphosate est en outre néfaste pour les écosystèmes : il appauvrit les sols ; il pollue l’eau, ce qui entraîne une toxicité chez les poissons ; il pollue l’air, ce qui peut être toxique pour les abeilles… De nombreuses études scientifiques ont été produites sur ces impacts ; ces données, comme celles sur le microbiote, ont été complètement marginalisées dans l’évaluation faite par l’Efsa.

Enfin, au-delà du glyphosate, les coformulants qui accompagnent la molécule dans le produit qui est vendu sur le marché aggravent sa nocivité. C’est ainsi que le Roundup se révèle plus toxique que le seul glyphosate.

Pourquoi l’évaluation de l’Efsa ne tient-elle pas compte d’une grande partie de la littérature scientifique ?

L’Efsa peut choisir le corpus qu’elle veut, selon la pertinence et le « poids de la preuve ». Elle privilégie les expérimentations qui respectent ce que l’on appelle les « bonnes pratiques de laboratoire », c’est-à-dire les protocoles de toxicologie traditionnels établis dans les années 1970. Ceux-ci ignorent tout un tas d’aspects, notamment ce qui touche au microbiote et à l’épigénétique.

Les industriels peuvent appliquer facilement ces protocoles, tandis qu’une grande partie de la recherche académique ne le fait plus car cela n’apporte rien aux qualités des études revues par les pairs. Donc l’Efsa écarte énormément de résultats scientifiques et retient les dossiers montés par les industriels eux-mêmes, qui fournissent leurs propres séries de manipulations en laboratoire.

Cette ignorance dépasse l’entendement. Mais si nous, chercheurs, mettions de côté 90 % de la littérature scientifique dans une étude, nous ne pourrions pas publier ! Une réautorisation du glyphosate en Europe sur la base des avis de l’Efsa et de l’ECHA [l’agence européenne des produits chimiques qui classe les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques – ndlr] ne serait pas une décision basée sur la science. L’évaluation faite par ces agences européennes ne correspond à aucun canon scientifique, et pour la biologiste que je suis, ce processus est une truanderie.

Car aux côtés de l’Efsa, l’ECHA fonctionne de la même façon : elle choisit ses études et retient principalement les dossiers présentés par les industriels. Elle a conclu que le glyphosate n’était ni cancérogène, ni perturbateur endocrinien, ni reprotoxique.

Si les évaluations de l’Efsa et de l’ECHA reposaient sur la science, le glyphosate serait interdit depuis des décennies. Le combat n’est pas là, en réalité. Il est du côté des intérêts économiques et politiques.

Des substances ont fini par être interdites après quinze ans d’utilisation, sur la base des mêmes dossiers réglementaires qui justifiaient leur utilisation. Elles ont fini par être été classées CMR lorsque le marché économique l’a permis.

C’est ainsi que l’isopyrazam, un fongicide [produit qui s’attaque aux champignons – ndlr], a été classé comme reprotoxique et interdit en 2022, sans que de nouvelles données aient été apportées à son sujet. Simplement, il n’y avait plus aucun produit contenant cette molécule sur le marché. Un produit est généralement interdit quand son intérêt agronomique a disparu ou quand la profession agricole lui a trouvé un substitut.

Malheureusement, le cas du glyphosate illustre au plus haut degré que les preuves en biologie ne servent à rien pour protéger le vivant, elles ne pèsent pas sur les réglementations ni sur les décisions. Cela m’amène, aujourd’hui, à orienter mes recherches vers l’effacement de la connaissance scientifique au cours des processus d’évaluation par les agences réglementaires. Cet effacement est d’autant plus déplorable que les scientifiques comme moi sommes agents de l’État, autrement dit c’est du gâchis d’argent public et c’est un échec criant de la démocratie sanitaire.

Le gouvernement français, cependant, n’est pas obligé de suivre l’avis de l’Efsa… Et même si une majorité se dégage au Conseil européen en faveur d’une réautorisation, un État membre peut interdire le glyphosate sur son sol. C’est ce que prévoit de faire la coalition au pouvoir en Allemagne.

Si le gouvernement français était favorable à une sortie du glyphosate, s’il voulait prendre en compte la science, nous l’aurions vu. Les plans Ecophyto n’ont pas abouti à une réduction significative de l’utilisation de pesticides. La science est sous ses yeux, pourtant. L’Inrae dont je dépends a réalisé, dès 2017, un scénario d’agriculture sans glyphosate. Il a fait le travail. De la même manière que la culture de betteraves sucrières peut se passer des néonicotinoïdes, il y a des alternatives au glyphosate. La proposition de la Commission européenne de rembrayer sur une autorisation, qui plus est sur dix ans, montre que c’est l’économie qui prime.

L’Efsa n’est-elle qu’une caution pour légitimer des pratiques toxiques sur le sol européen ?

Ce serait pire si l’Efsa n’existait pas. Mais il faudrait qu’elle remplisse son rôle, avec de réelles expertises indépendantes et scientifiquement fondées. La base serait que les tests d’innocuité ne soient plus faits par les industriels mais par des laboratoires indépendants, et que ceux-ci fassent les manipulations expérimentales.

Actuellement, ce sont les industriels qui font eux-mêmes les manipulations à partir de leurs propres données. Les résultats, non vérifiables car confidentiels, peuvent être truqués. C’est ce qu’a montré le chercheur Christopher Portier, qui a témoigné dans des procès aux États-Unis. En 2020, reprenant les études réglementaires faites par les industriels sur des rongeurs, il a montré que le glyphosate était effectivement cancérogène chez ces animaux.

Les industriels tournent l’interprétation des données dans le sens qu’ils veulent de façon complètement opaque. On peut même voir dans les dossiers des chiffres ou des conclusions grossièrement modifiés. C’est d’une médiocrité inentendable scientifiquement et inacceptable pour la société, qui attend protection des agences sanitaires. Il est choquant de voir que les rapporteurs de l’Efsa et de l’ECHA ne font pas le travail qu’a fait Christopher Portier.

L’Efsa et l’ECHA me donnent l’impression de nous jouer un numéro de claquettes ou de prestidigitation. On fait semblant de faire des expertises scientifiques pour, au bout du compte, autoriser un produit sur des critères politico-financiers.

Euskal Herria Burujabe, pour changer d’échelle
Gogoeta
www.enbata.info/articles/euskal-herria-burujabe-pour-changer-dechelle

Les samedi 7 et dimanche 8 octobre prochain, l’événement Euskal Herria Burujabe 2023animera pendant deux jours le centre-ville de Bayonne. Concerts, stands, expositions, conférences, projections, débats réuniront petits et grands pour s’emparer des solutions au dérèglement climatique et imaginer le Pays Basque qui relèvera ce défi sans précédent. Mathilde Etchélécou et Maël Thomas, membres de la Koordinaketa de Bizi! et impliqués dans l’organisation d’Euskal Herria Burujabe en expliquent les enjeux pour Enbata.

Qu’est-ce qu’Euskal Herria Burujabe 2023 ?

Mathilde Etchélécou : En 2018, le village Alternatiba marquait l’arrivée d’une mobilisation qui avait sillonné l’Hexagone à vélo pendant quatre mois et rassemblait 15.000 personnes à Bayonne autour du mot d’ordre « Changeons le système, pas le climat ! ». Cinq ans plus tard, le péril n’a pas disparu, il est au contraire de plus en plus palpable. Chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire nous plonge plus loin dans l’inconnu, au risque de basculements irréversibles et imprévisibles des mécanismes du climat, au Pays Basque comme dans le monde entier.

La conscience du dérèglement climatique et de ses causes sociales a progressé dans la population. Mais tout le monde est loin d’en tirer les conséquences urgentes et de s’engager dans la construction d’un territoire soutenable. L’organisation d’un grand événement fédérateur, proposant une quarantaine de conférences, associant plus de cent structures en grande majorité du Pays Basque, visant à rassembler 10.000 personnes dans une dynamique positive et conviviale, peut servir de déclencheur et susciter une vague d’engagements pour les prochaines années.

Pour mettre au premier plan l’importance d’agir et de penser à l’échelle du territoire, nous avons donné à l’événement le nom du projet de territoire soutenable, solidaire et souverain qui mûrit depuis 2018 : Euskal Herria Burujabe.

Pourquoi un mouvement comme Bizi! ressent-il le besoin de travailler un tel projet de territoire ?

Maël Thomas : C’était le constat que nous faisions il y a cinq ans : les gens bougent beaucoup plus pour leur territoire que pour le climat. Pour commencer, nous avons essayé de comprendre pourquoi : nous avons un attachement fort pour le territoire et son environnement, c’est pourquoi au Pays Basque il y a toujours eu des luttes contre des projets imposés, que ce soit le projet d’autoroute 2×2 en Basse Navarre, le projet d’extraction d’or, bien sûr le Train à Grande Vitesse, le parc touristique au sommet de La Rhune, la fracturation hydraulique pour la recherche de gaz de schiste en Alava, etc. Mais, en ce qui concerne le climat, nous ne ressentons pas la même chose, car le climat ne nous touche pas de si près (ou du moins, il ne nous touchait pas autant il y a cinq ans, mais cela aussi est en train de changer). Cependant, le changement climatique peut causer des dommages sur notre territoire, et d’une certaine manière, nous pouvons dire qu’il s’agit également d’un projet imposé : afin de promouvoir plus facilement l’utilisation des combustibles fossiles au niveau mondial, les dommages causés par celle-ci nous ont été cachés pendant plusieurs décennies.

Les dégâts causés sur notre territoire et leurs conséquences nous font mieux comprendre les dégâts subis dans d’autres territoires de la planète, et de la même manière, le relier à la question climatique ajoute une dimension universelle aux luttes locales, la dimension solidaire va dans ce sens. Et la souveraineté, avec la nécessité de se retirer des énergies fossiles, coïncide aussi avec cette reconnexion au territoire. Nous voulons pouvoir décider, localement et dans tous les domaines, quelles et combien de ressources nous devons utiliser, afin que nos descendants puissent faire de même, c’est-à-dire de manière soutenable.

Qu’est-ce que cela amène de plus aux combats menés par Bizi! ?

Mathilde Etchélécou : Une manière de combiner luttes territoriales et lutte pour le climat, à travers laquelle les membres de Bizi! peuvent mieux se connecter aux luttes locales et montrer comment ces luttes sont liées aux autres. Pour donner quelques exemples : l’agriculture paysanne, que défend EHLG, est moins dommageable pour le climat que l’agriculture industrielle, et est mieux préparée face aux effets du changement climatique. Donc, les luttes de l’agriculture paysanne coïncident avec la lutte pour le climat. Ou le problème du logement : d’une part, vous ne pouvez pas vous engager correctement si votre loyer vous prive d’argent et de sommeil. De plus, ce sont les plus vulnérables qui souffrent le plus lors des vagues de chaleur, car ils vivent dans de petites habitations mal isolées. La question du logement est donc une question qui conjugue pleinement urgence climatique et justice sociale, et c’est pourquoi plusieurs membres de Bizi! sont impliqués dans ce combat. Ou la monnaie locale, qui aide à relocaliser notre économie, est un outil efficace en faveur du climat et de la souveraineté.

Cinq ans après, qu’est-ce qui a changé dans le contexte global ?

Maël Thomas: Plusieurs choses. Le mois suivant Alternatiba 2018, le mouvement des Gilets Jaunes a commencé en France, et au début, il a été possible d’unir les préoccupations écologiques et les préoccupations sociales dans ce mouvement. Si vous vous souvenez en France, on évoquait «fin du monde, fin du mois, même combat». Mais ensuite, le récit simplificateur voire simpliste ou binaire l’a emporté, ce qui est un peu démobilisateur, car il offre une maigre explication du monde et peu d’espoir.

Plus tard, lorsque la pandémie a commencé, idem, les mêmes débuts pleins d’espoir, nous comprendrions peut-être enfin l’interdépendance et la nécessité de prendre soin les uns des autres. Mais là aussi, les récits individualistes ou de défiance générale vis-à- vis de toute parole perçue comme officielle ont prévalu. Nous devons imaginer et écrire d’autres récits, qui montrent que le système peut être changé, et qui mettent au centre la solidarité et la bienveillance. Le complot a aussi beaucoup été évoqué ces dernières années, et il faut rappeler quels sont les complots les plus graves au monde avec leurs conséquences : l’un est l’évasion fiscale qui vole l’argent de la métamorphose écologique, et l’autre encore plus grave, les fausses informations diffusées par l’industrie pétrolière concernant le climat afin de semer le doute et laisser les actions à plus tard. Ce sont ces complots qui méritent notre attention, ne nous trompons pas d’ennemi.

A cela s’ajoutent le changement de situation en matière d’énergie au niveau européen depuis l’année dernière, et les méga-projets de production d’électricité renouvelable qui émergent ça et là dans cette transition mal préparée. Nous devons également souligner que c’est à nous de décider de la quantité d’énergie nécessaire et comment la produire. Ce sujet ne doit pas être laissé aux grandes entreprises.

Enfin, l’année dernière en particulier, nous avons vu les effets les plus graves du changement climatique, avec plusieurs incendies et la sécheresse qui perdure à ce jour. Bien que cela reste insuffisant, la perception du problème augmente.

Compte tenu de ce changement de contexte, nous réactualisons le document « Euskal Herria Burujabe » que nous avions publié il y a cinq ans.

Que pourra-t-on découvrir les 7 et 8 octobre ?

Mathilde Etchélécou : Un tel événement a l’intérêt de remplir plusieurs objectifs : les habitant·e·s du territoire pourront rencontrer les acteurs et actrices du territoire, découvrir les leviers d’action collectifs à activer dans tous les domaines, et comprendre l’articulation entre les dimensions soutenable, solidaire et souveraine, pas seulement intellectuellement, mais par des ateliers, des jeux, par l’humour, par l’émotion dans les spectacles.

La diversité des activités brassent de nombreux profils : des personnes sensibles à l’écologie, des personnes engagées sur un thème spécifique, des habitant·e·s du quartier attiré·e·s par la dimension conviviale.

Voir des rues entières remplies de stands, d’animations enchaînant témoignages et présentations, montrera le foisonnement et la vivacité des alternatives, habituellement dispersées sur le territoire : c’est une grande bouffée d’espoir. Ça dit qu’il est possible de relever le défi climatique et c’est une vraie motivation pour s’impliquer à son tour !

Pour les acteurs du territoire, ce sera un moment précieux pour aller au contact de nouveaux publics, pour trouver de nouveaux soutiens, pour faire émerger de nouvelles idées et des solutions créatives face aux défis qui nous attendent.

Euskal Herria Burujabe 2023 propose d’ores et déjà différentes façons de participer…

Maël Thomas : L’événement est pensé comme un processus participatif. Il y a eu les 7 Jauzi ou 7 sauts, où nous sommes allé·e·s à la rencontre des habitant·e·s et d’organisations dans les 7 provinces pour donner un avant-goût des 7 et 8 octobre. Il y a la préparation des 7 espaces thématiques qui rassembleront stands, ateliers, témoignages et prises de parole des acteurs du territoire : leur préparation est ouverte à toutes les bonnes volontés.

Mais surtout, la tenue de l’événement nécessite l’implication de 500 bénévoles : chacun·e est invité·e à participer en s’inscrivant sur le formulaire. Il y en a pour tous les goûts : bricolage, décoration, cuisine, photographie, accueil, etc. Nous cherchons aussi des hébergements à proximité de l’événement pour des intervenant·e·s et des bénévoles(*).

Enfin, nous avons lancé un appel à don(**), 5000 € sont à récolter pour garantir un événement à l’équilibre, qui soit accessible gratuitement et donc qui touche le plus largement possible.

 

(*) Bénévoles et hébergements : https://bit.ly/benevole-ehb

(**) Faire un don : https://bit.ly/don-ehb

Greenpeacek dio «eskasa» dela klima aldaketaren legea
Berria.eus
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Lorea Flores talde ekologistako kideak lege proiektua kritikatu du, «helbururik txikienak» bilatzen dituelako

GASTEIZ. Klima Aldaketa eta Trantsizio Energetikorako Lege proiektuari ekarpenak egiteko epea zabaldu da Eusko Legebiltzarrean, eta atzo, besteak beste, Lorea Flores Greenpeace talde ekologistako ordezkariak parte hartu zuen. Floresek salatu zuen lege proiektua «guztiz eskasa» dela klima aldaketaren erronkari aurre egiteko. Eusko Jaurlaritzak onartutako lege proiektuaren ahulezia azalean utzi zuen Floresek: «Testua ez da nahikoa klima aldaketaren aurka borrokatzeko, ez baitu helbururik jasotzen berotegi efektuko gasen emisioak murrizteko».

Greenpeace taldeko ordezkariak azaldu zuen lege proiektuaren helburua izan beharko litzatekeela sistema elektrikoa %100ean berriztagarria lortzea, eta horretarako arreta emisioak gutxitzean jarri beharko litzatekeela. Horretaz gain, klima aldaketari aurre egiteko herritarren parte hartzea sustatu behar dela azpimarratu zuen: «Sistema energetikoa demokratizatu behar da, eta haren gaineko kontrol oligopolikoarekin amaitu». Era berean, «zero hondakinen politikak» lehenesteko eskatu zuen, «prebentzioa, murrizketa eta berrerabilera» errazteko, eta erraustegiak eta zabortegiak «pixkanaka ixteko». Nekazaritzako elikagaien sistemaren eraldaketaren aldeko apustua egin zuen, halaber.