Articles du Vendredi : Sélection du 22 janvier 2021


Un projet de loi climat insuffisant pour atteindre les objectifs sur le climat
Réseau Action Climat
https://reseauactionclimat.org/projet-loi-climat-insuffisant-objectifs-climat

Le projet de loi ne permettra pas de combler l’écart entre la trajectoire climatique actuelle et l’objectif national de baisse des émissions de gaz à effet de serre pour 2030.

Le projet de loi “portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets” ainsi que son étude d’impact confirment les craintes du Réseau Action Climat. Les dispositifs retenus dans le texte sont largement amoindris en quantité et qualité par rapport aux mesures proposées par la Convention Citoyenne pour le Climat et insuffisants par rapport aux exigences de l’urgence climatique et sociale. Ainsi, l’étude d’impact montre que les réductions des émissions de gaz à effet de serre attendues grâce au projet de loi sont insuffisantes pour respecter l’objectif actuel de -40 % en 2030, alors même que ce dernier appelle à être rehaussé.

Selon l’administration, le projet de loi, additionné aux mesures déjà en place, permettra seulement d’assurer entre la moitié et les deux tiers des réductions nécessaires pour respecter l’objectif national actuel. Par ailleurs, des voix s’élèvent pour remettre en cause ce calcul, qui serait lui-même surévalué.

Cela signifie que le texte qui est présenté comme une grande loi sur le climat reporte en fait à plus tard  le changement de trajectoire nécessaire. C’est en complète inadéquation avec l’urgence climatique et le besoin des acteurs économiques de devoir anticiper des changements à venir.

Pas de prise en compte de l’impact de la hausse de l’objectif européen sur la trajectoire française

Si, comme le montre l’étude d’impact, le projet de loi ne permet pas d’atteindre l’objectif national de baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, il sera d’autant plus insuffisant dans un contexte où – l’objectif climatique européen voté en décembre dernier est passé de -40% à -55% en 2030.

Cette hausse de l’objectif européen aura une incidence sur l’objectif national qui devra être revu également pour y contribuer. Si une grande part de l’effort supplémentaire sera allouée au niveau européen à la production d’électricité et à l’industrie dans le cadre de l’ETS,  le système d’échange des quotas CO2 européen ne pourra à lui seul absorber cette hausse, qui reposera en particulier sur des efforts à faire dans les pays encore largement dépendants du charbon (notamment les pays de l’Europe de l’est) pour leur production d’électricité. L’ensemble des secteurs devra modifier sa trajectoire pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Du sans filtre aux cent filtres : des stratégies de détricotage aux visages multiples

L’engagement du Président de la République à transmettre “sans filtre”  les 149 propositions votées par la Convention Citoyenne pour le Climat soit au référendum, soit au Parlement, soit de les soumettre à application réglementaire directe, n’a pas été respecté.

Les annonces et arbitrages lors du Projet de loi de finances ainsi que l’affectation des financements dans le cadre Plan de relance avaient déjà acté l’abandon de la promesse du “sans filtre”.

Plusieurs stratégies déployées par le Gouvernement tendent à affaiblir la portée du projet de loi et amoindrir plus largement l’ambition climatique des propositions de la Convention.

La disparition de certaines mesures

Certaines mesures proposées par la Convention Climat, essentielles pour l’accélération de la transition écologique, sont complètement absentes du projet de loi :

  • L’interdiction du financement de nouveaux élevages les plus néfastes pour l’environnement : Le mesure consiste à stopper le financement de l’implantation de nouveaux élevages qui ne respectent pas les conditions écologiques et à accompagner les éleveurs vers une restructuration de leurs cheptels pour améliorer la qualité de la production.
  • Les chèques alimentaires : Emmanuel Macron a annoncé vouloir mettre en place des chèques alimentaires destinés aux plus précaires à utiliser pour des produits bio ou dans des circuits courts. Il paraît prioritaire vu l’emballement de la hausse de la demande alimentaire (8 millions de personnes auront eu recours à l’aide alimentaire en 2020, soit 12 % de la population française, contre 5,5 en 2018 et 2,6 en 2009).
  • Un plan d’investissement massif dans le transport ferroviaire : Bien qu’étant un allié essentiel pour mener à bien la décarbonation du secteur des transports, le train fait figure de grand oublié de ce projet de loi Climat.
  • La mise en place une éco-conditionnalité climat pour les entreprises concernant les aides publiques : le projet de loi n’aborde à aucun moment le sujet des éco-conditionnalités aux aides publiques ou la volonté d’obliger les entreprises à baisser leurs émissions en fonction d’une trajectoire climatique.
  • Un prêt à taux zéro, avec la garantie de l’état, pour l’achat d’un véhicule peu émetteur : Le Gouvernement préfère lui substituer un dispositif existant : le microcrédit, trop faiblement doté pour réduire le reste à charge des ménages modestes et inadapté pour lever les obstacles qui freinent l’achat de véhicules propres.
  • Le renforcement de la fiscalité automobile alors que les mesures intégrées en loi de finances ne sont pas suffisantes (renforcement du malus automobile et création d’un malus poids ambitieux, modulation de la taxe sur les assurances et de l’indemnité kilométrique selon les mêmes critères d’émissions et de poids, prêt à taux zéro garanti par l’Etat pour accompagner les plus modestes, généralisation du forfait mobilité durable…)
  • Le moratoire sur les zones commerciales mis en place l’été dernier exclut les entrepôts de e-commerce, alors qu’ils ont un lourd impact sur l’artificialisation, la surproduction, le transport de marchandises. Aussi le projet de loi fixe un seuil beaucoup trop important de 10 000m2 en dessous duquel les surfaces commerciales peuvent être autorisées sous conditions.

Le décalage de la prise de décision et de la mise en oeuvre des contraintes à plus tard (après ce quinquennat)

Bien que les citoyens de la Convention Climat aient généralement proposé des dates rapprochées pour une mise en oeuvre rapide de leurs mesures, on constate dans le projet de loi une volonté généralisée de décaler les décisions à plus tard, ce qui pose deux problèmes majeurs : l’urgence climatique nécessite des actions rapides ; et la parenthèse des élections présidentielles, qui risque de ralentir, voire de laisser de côté, certains mesures.

  • Un redevance sur les engrais azotés dès le PLF 2021 : le texte demande un engagement volontaire des acteurs économiques pour baisser leur consommation d’engrais. Mais une redevance sur les engrais azotés sera mise en place seulement en 2024, si la trajectoire n’est pas respectée.
  • Obligation de rénovation : contrairement à la proposition des citoyens, le texte n’instaure pas d’obligation de rénovation globale des logements pour tous les propriétaires, mais seulement une obligation d’audit énergétique et l’interdiction de louer des passoires énergétiques à partir de 2028.
  • Un système de consigne pour réemploi sur les emballages en verre en vue d’une généralisation d’ici à 2025 : la mise en place d’une consigne sur le verre “pourra” notamment être généralisée à partir de 2025.
  • Régulation du secteur aérien : le projet de loi renvoie la décision sur l’augmentation de l’éco-contribution à plus tard, en fonction de scénario de trafic (reprise du niveau de l’activité en 2019) et du résultat de futures négociations européennes.
  • Fin aux avantages fiscaux sur le gazole pour les poids lourds d’ici à 2030 dès le PLF 2021 : le Gouvernement renvoie le débat au Projet de loi de finances pour 2023 et la proposition d’un futur Gouvernement.
  • Fin de vente de véhicules neufs émettant plus de 110 gCO2/km (2025) et plus de 90 gCO2/km (2030) : le seuil pour 2025 n’a pas été transcrit dans le projet de loi, ne fixant aucun jalon intermédiaire pour la filière avant 10 ans.

Auto-régulation et incitations versus interdictions et obligations

Là où la Convention Citoyenne pour le Climat a clairement proposé des obligations et interdictions, des engagements volontaires et l’autorégulation dominent le projet de loi. Cette approche parait en inadéquation avec l’urgence climatique et le besoin de pouvoir agir vite.

Elle laisse la porte ouverte au green-washing sans contrôle et sanction et donc – sans impact en termes d’émissions. C’est le cas pour les mesures suivantes :

  • Redevance sur les engrais azotés : le texte demande un engagement volontaire des acteurs économiques pour baisser leur consommation d’engrais.
  • Choix végétarien quotidien dans la restauration collective publique : En l’état, le texte évite l’obligation et met en place une expérimentation de deux ans basée seulement sur le volontariat des collectivités locales. En outre, tel qu’il est rédigé, l’article ne concerne pas l’ensemble de la restauration collective mais uniquement « les collectivités territoriales », ce qui exclut a minima les resto U, les hôpitaux et les prisons.
  • Interdire sur tous les supports publicitaires les produits ayant un fort impact sur l’environnement et notamment la publicité des véhicules : l’interdiction de publicité pour les produits polluants est remplacée par une interdiction de promotion des énergies fossiles, qui sont en fait rares dans les publicités. Le dispositif retenu consiste à consacrer le principe de souscription des acteurs à des engagements volontaires ambitieux (des « Contrat climat »), dont la mise en œuvre sera contrôlée par le CSA dans une logique de co-régulation. De même, en lieu et place de la mesure concernant l’interdiction de la publicité pour les produits mauvais pour la santé (“proscrits par le PNNS”), rien n’est inscrit dans le projet de loi, le gouvernement s’en remettant aux engagements volontaires des annonceurs.
  • Obligation de rénovation : contrairement à la proposition des citoyens, le texte n’instaure pas d’obligation de rénovation globale des logements pour tous les propriétaires. Il prévoit uniquement des dispositions pour les passoires énergétiques en location : une interdiction de hausse des loyers d’abord, puis l’atteinte d’un niveau de performance énergétique en 2028 pour avoir le droit de mettre en location son logement. En ce qui concerne les propriétaires occupants, le texte rend uniquement obligatoire un audit énergétique avec des préconisations de travaux obligatoires, lors de la vente des biens et à partir de 2024. Pour les copropriétés le texte prévoit la mise en place d’un plan pluriannuel de travaux qui n’est cependant pas accompagné d’une obligation de réaliser ces travaux.

Le Réseau Action Climat appelle le Gouvernement et les Parlementaires à remettre l’objectif climatique au centre du débat et d’assurer non seulement le respect de -40 % des émissions de gaz à effet de serre via le projet de loi mais un dépassement pour anticiper son renforcement. Cette accélération de l’action sera bénéfique pour l’emploi, mais aussi pour la santé, en particulier avec un air et une alimentation plus sains et pour le pouvoir d’achat des plus modestes.

La lutte paie : mine de rien, les écologistes remportent de nombreuses victoires
Laury-Anne Cholez
https://reporterre.net/La-lutte-paie-mine-de-rien-les-ecologistes-remportent-de-nombreuses-victoires

Pourquoi les militants ont-ils du mal à accepter qu’ils ont gagné ? Incertitudes sur la pérennité des acquis, victoires forcément partielles dans l’hégémonie capitaliste de notre société, volonté d’entretenir la flamme de la conflictualité, Reporterre fait le point sur cette réticence répandue à gauche.

L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Du Center Parcs de Roybon en Isère. D’Europacity dans le nord de Paris. Mais aussi d’une porcherie géante à Ossun dans les Pyrénées. D’un surf park à côté de Saint-Jean-de-Luz. D’une carrière de ciment dans les Yvelines… Qu’elles soient célèbres ou pas, les victoires contre les projets inutiles et imposés se multiplient en France. « Il y a beaucoup d’optimisme aujourd’hui par rapport à la même situation il y a dix ans. Le fait que les institutions ou les grands groupes reculent est un très bon signe », dit Sylvaine Bulle, professeure de sociologie à l’ENSA Paris-Val de Seine et autrice du livre Irréductibles : enquête sur des milieux de vie. De Bure à Notre-Dame-des-Landes.

Tous ces collectifs qui remportent des succès contre la bétonnisation et la marchandisation du territoire participent ainsi à la construction d’un nouvel imaginaire politique, social et culturel.

Pourtant, certains rechignent à utiliser le mot « victoire » craignant l’épée de Damoclès qui demeure souvent suspendue sur les projets apparemment abandonnés. Comme au Carnet, où une zone naturelle dans l’estuaire de la Loire est menacée d’artificialisation. Les travaux ont été temporairement stoppés grâce au combat des militants et l’installation d’une Zad, mais rien ne dit qu’ils ont gagné définitivement. À Chambéry, la victoire a pris un goût amer avec la construction du parking du Ravet, alors que la nouvelle municipalité avait promis son abandon.

 « Mieux vaut parler de victoire d’étape », explique Bernard Loup, pilier de la lutte contre Europacity. « Notre objectif était de faire échouer Europacity mais aussi de préserver l’espace agricole et de faire évoluer les pratiques agricoles avec le projet Carma. Et nous ne sommes encore qu’au milieu du gué. » Car l’abandon d’un projet ne signe jamais l’arrêt de mort du groupe qui l’a engagé. Ainsi, Pierre et Vacances, qui souhaitait construire un Center Parcs à Roybon en Isère, continue son développement sur d’autres territoires. « La tournure prise par la victoire à Roybon a été orchestrée et mise en récit dans les médias par le directeur de Pierre et Vacances. Il a expliqué que cet endroit cristallisait trop de problèmes et qu’il irait construire ailleurs. Ce qui est très démoralisant », remarque Pierre*, un militant qui a occupé la forêt depuis 2016.

« Ni ici, ni ailleurs » : les militants refusent ces symboles d’une société prédatrice, dominatrice et capitaliste à côté de chez eux mais également sur l’ensemble du territoire. D’où cette perpétuelle impression de victoire partielle. « Nous nous sommes battus pendant dix ans contre un projet d’écoquartier. Mais c’est le seul qui a été annulé : il en reste quinze en cours à Dijon », remarque Lou, activiste du quartier autogéré des Lentillères, une ancienne friche devenue le territoire d’une expérimentation foisonnante, mêlant agriculture, économie non-marchande et autogestion.

 « L’idée du bonheur n’appartient pas à la grammaire de la lutte et des autonomes. Les acteurs collectifs sont mus par la conflictualité et l’idée de toujours remettre de la tension. Il y a une suspicion et une méfiance qui font partie d’une stratégie de défense cognitive », analyse la sociologue Sylvaine Bulle. « Il y a toujours une extériorité qui nous fait dire que tout n’est pas gagné. Car la finalité n’est pas atteinte en terme d’émancipation. » Pour résumer, tant que le système de domination capitaliste et patriarcal n’aura pas été abattu, beaucoup de militants estiment qu’ils n’ont pas atteint leur but. « Il existe un pessimisme existentiel dans le milieu autonome, libertaire et révolutionnaire », poursuit Sylvaine Bulle.

Ce « pessimisme existentiel » s’est exprimé dans toute sa puissance à la Zad de Notre-Dame-des-Landes après l’abandon du projet d’aéroport en 2018. À l’époque, un désaccord est apparu entre ceux qui acceptaient de signer des baux agricoles pour pérenniser leur présence sur place et ceux qui considéraient cette solution comme une pure désintégration du mouvement. « Comme si, à partir du moment où on mettait le pied dans un cadre de négociation, même en continuant le combat de terrain, on deviendrait impur, on finirait inoffensif », analyse Antoine*, habitant de la Zad.

« On est dans une culture révolutionnaire où la victoire est douteuse »

Pour un certain nombre de personnes, qui se positionnaient elles-mêmes dans « le parti des perdants », il valait mieux envisager la destruction des lieux de vie que d’accepter une « compromission » qui ouvrait pourtant la possibilité d’une suite à l’expérience de la Zad après l’abandon de l’aéroport. « On est dans une culture révolutionnaire où la victoire est douteuse », poursuit Antoine. « Comme si dans des combats vécus comme forcément asymétriques face à l’État ou aux structures marchandes, « perdre » validerait la justesse et la grandeur de l’expérience. Comme si on était piégé entre finir écrasé ou finir intégré au système capitaliste. Il y a une espèce de romantisme sombre et totalisant de certains courants qui fait qu’on est incapable de penser ces victoires, certes partielles, et donc incapables de gagner. Bien avant l’abandon et après, de nombreux habitants et soutiens de la Zad ont fait le pari que d’autres voies étaient possibles », poursuit Antoine. Le militant se dit héritier de l’histoire des Tanneries, un squat à Dijon qui, suite à de fortes mobilisations contre des menaces d’expulsion, avait négocié une convention avec la ville en 2001. « Ce n’est pas pour cela qu’on n’a pas continué depuis 20 ans à ouvrir des squats, ni à mener des actions illégales et conflictuelles vis-à-vis des pouvoirs publics. »

Ce sont d’ailleurs les occupants des Tanneries qui ont initié l’occupation des Lentillères, qui ont fêté le premier anniversaire de leur victoire le 26 novembre dernier.

Malgré les incertitudes quant à la forme que prendra le quartier dans les mois à venir, Lou estime que ces moments de célébration sont importants : « Il faut combattre le nihilisme, qui nous conduirait sur des voies erronées, sans pour autant totalement évacuer ce sentiment. Nous devons trouver des façons de rebondir après un abandon. » En somme, il faut assumer les victoires sans être naïf quant à la portée de celles-ci : « Ce qui me fait me bouger, c’est de voir comment d’autres gens ont pu gagner. Et aujourd’hui, on se bat souvent pour ne pas perdre nos libertés, comme par exemple contre la loi Sécurité Globale. Pourtant, dans ces luttes contre les projets inutiles, on gagne un peu plus : ici à Dijon, un petit bout de territoire a été arraché aux logiques du capitalisme patriarcal. »

Pour construire un nouvel imaginaire, il faut donc célébrer ces victoires. À la Zad de Notre-Dame-des-Landes, un grand banquet est organisé tous les 17 janvier, date de l’abandon de l’aéroport avec pour invités des combats ayant gagné contre des projets destructeurs. « Nous avons gagné 1.650 hectares de terres. Mais ce n’est pas grand chose face aux millions d’hectares qui brûlent ou disparaissent chaque année sous le béton. Il faut que cette victoire en entraîne d’autres. Et à notre échelle, nous tentons de pousser cet imaginaire en continuant à alimenter concrètement d’autres luttes », poursuit Antoine.

D’autres collectifs veulent se lancer dans la publication d’une collections de livrets sur des projets qui ont été abandonnés. « Je défends plusieurs pistes pour créer un nouvel imaginaire », explique Pierre* de Roybon. « Il faut tout d’abord faire mémoire et produire des écrits qui racontent ce qu’on a vécu, qui analysent les écueils et les leviers. Mais aussi transmettre et partager nos expériences. »

De quoi lutter contre la morosité et redonner de l’espoir aux luttes encore bien vivaces qui sont sur notre carte

Face aux inégalités et à la finance, « il s’agit d’étendre les principes de la démocratie dans l’économie »
Rachel Knaebel
www.bastamag.net/crash-capitalisme-coronaviris-entretien-Grace-Blakeley-economie-Grande-Bretagne-Parti-travalliste

Les États ont versé des milliards pour sauver leurs économies, en priorité vers les grandes entreprises. Comment faire en sorte que l’argent public serve à aider les gens et à construire l’avenir ? Par une planification démocratique de l’économie répond la jeune économiste britannique Grace Blakeley, auteure de Corona Crash – Comment la pandémie va changer le capitalisme.

Basta !  : Comment voir un possible crash du capitalisme alors que les États dépensent depuis le début de la crise du Covid beaucoup d’argent public à destination des grandes entreprises pour sauver le capitalisme ?

Grace Blakeley [1] : Le titre de mon livre « Corona crash » vient d’un article que j’ai écrit en mars au moment où, avec le début de l’épidémie, pointait le danger d’une dégringolade des marchés boursiers. La bourse ne s’est finalement pas écroulée. Ce qui est désormais clair, c’est justement cette volonté des États d’utiliser de plus en plus des ressources publiques pour sauver les entreprises et les institutions financières. C’est une tendance lourde du néolibéralisme : l’État intervient dans l’économie pour empêcher la faillite d’entreprises. Nous avons vu cela lors de l’éclatement de la bulle Internet en 2000 puis lors de la crise financière de 2008. De l’autre côté, il n’y a pas le même niveau de soutien étatique pour les gens, pour la population. Que va-il arriver quand l’économie aura récupéré après la crise de l’épidémie ? C’est très incertain. Ce qui semble le plus probable, c’est une récupération orientée vers les intérêts du « big business » et de la finance plus que vers les objectifs de maximiser l’emploi et de relever le niveau des salaires.

Le débat a-t-il eu lieu au Royaume-Uni sur la politique économique à mener après l’épidémie ?

Boris Johnson [Premier ministre conservateur] a repris la formule « We need to build back better » [« Nous devons reconstruire en mieux »] pour désigner son plan de relance de l’économie. Il reconnaît donc en quelque sorte que l’économie ne marchait déjà pas vraiment avant le Covid. Le débat a lieu alors même qu’on est encore en train de lutter contre le virus.

Le Service national de santé [National Health Service] a subi des coupes budgétaires sévères depuis la crise de 2008, tout comme les administrations de santé publique, gérées par les gouvernements locaux en Grande-Bretagne, et comme les services sociaux. Ce sont des discussions que nous avions déjà avant la pandémie et qui reviennent évidemment aujourd’hui.

Avec un gouvernement conservateur, c’est évidemment difficile d’obtenir des investissements dans le système de santé, pas plus que dans la décarbonisation de l’économie, ce qui va de pair car la santé pâtit aussi des niveaux élevés de pollution de l’air. Il est donc peu probable que le gouvernement actuel ne fasse quoi que ce soit de substantiel pour agir à ce niveau. Ce gouvernement a bien annoncé vouloir dépenser plus d’argent public que le précédent, mais, encore une fois, ce sera probablement dirigé vers les grandes entreprises et la finance plutôt que pour aider les gens. Arriver à changer cela nécessitera des mobilisations populaires.

Le problème, au Royaume-Uni, est que l’actuelle direction du Parti travailliste ne semble pas particulièrement intéressée à porter ces revendications d’investissements dans les services publics, les services de santé et la transition écologique. Pour le moment, nous n’avons pas d’opposition qui critique vraiment le gouvernement depuis le début du Covid. Les gens ne veulent pas que la crise épidémique soit politisée.

Vous en appelez dans le livre à un Green New Deal [un « New Deal » vert] global. Comment celui-ci se déclinerait-il ?

Au niveau des États, ce Green New Deal doit combiner des mécanismes pour réduire les inégalités, créer des emplois, alléger les souffrances économiques auxquelles font face de nombreuses familles, et des mécanismes pour socialiser les ressources. Concrètement, il faut renforcer la propriété collective plutôt que la propriété privée, par exemple à travers davantage de logement social possédé collectivement par l’État, avec des nationalisations d’entreprises pour avoir plus d’entreprises publiques, et en développant les coopératives. Tout cela est nécessaire face au modèle actuel basé sur le principes de la maximisation du profit placé au-dessus de toutes considérations de soutenabilité.

Aussi longtemps que la propriété privée dominera l’économie, l’impératif de maximiser le profit passera devant les besoins des travailleurs et devant l’environnement. Socialiser est donc un aspect essentiel du Green New Deal. Il faut aussi des mécanismes de décarbonisation des réseaux de transport et d’énergie, dans la rénovation des logements pour les rendre plus économes en énergie, avec des investissements dans la recherche et le développement des technologies vertes… Tout cela exige certes des ressources financières mais crée aussi des emplois. Ce Green New Deal doit être global car nous vivons dans une période de forte crise de la dette dans les pays du Sud. Du fait de cette dette, un grand nombre de ces pays ne sont aujourd’hui pas en mesure de mettre en place les équipements dont ils ont besoin pour combattre le virus et pour une relance économique soutenable.

Comment parvenir à une politique de Green New Deal au niveau international ?

Un Green New Deal serait très difficile à mener au sein des institutions internationales existantes, sauf peut-être au sein de l’ONU. Cela serait très compliqué à imposer au niveau de l’Union européenne, du Fonds monétaire international, de l’Organisation mondiale du commerce. Ce sont des organisations qui empêchent des États du Sud à avoir accès aux financements dont ils ont besoin pour faire face au changement climatique par exemple. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’un réseau de mouvements et de gouvernements de gauche qui pourrait faciliter les transferts de savoir et peut-être mettre en place une sorte de banque d’investissements qui soutiendrait des prêts aux États du Sud.

Ce serait un peu comme un nouveau « nouvel ordre économique international », un réseau initié par des pays du Sud dans les années 1970 pour faciliter l’émergence de structures financières pour les protéger des puissances étrangères et leur permettre d’emprunter [2]. À l’époque, cela avait été démoli par les États-Unis. Ce niveau de coopération et de solidarité sera très difficile à mettre en œuvre. C’est pourquoi, s’il existe des gouvernements de gauche au Nord, ils devront soutenir ces politiques en matière d’économie internationale. Une des choses qui pourrait être faite, même si c’est difficile, ce serait une annulation de la dette du Sud. Il faut vraiment se mobiliser pour ça aujourd’hui.

Comment mener une planification de l’économie qui soit plus démocratique et pas seulement étatique ?

Cela va de pair avec la socialisation de l’économie. Avec la propriété privée, vous avez de la planification privée.

Les banques, les institutions financières, les banquiers centraux décident de l’allocation des ressources sans que leurs décisions soient réellement basées sur les intérêts de la société dans son ensemble. L’idée, derrière la planification démocratique de l’économie, est de placer les ressources entre les mains d’un contrôle social et d’une propriété publique, avec des processus démocratiques pour déterminer comment ces ressources seront utilisées. Par exemple, au conseil d’administration d’une banque publique nationale d’investissement pourraient siéger des représentants syndicaux élus, des citoyens élus, peut-être aussi des politiques… Il s’agit d’étendre les principes de la démocratie dans l’économie.

Après la crise financière de 2008, la critique du capitalisme a pris de l’ampleur, mais cela n’a pas vraiment abouti à des changements politiques. Comment la crise actuelle pourrait-elle avoir une issue différente ?

La gauche avait globalement peu de pouvoir après 2008. Mais nous avons depuis vu l’émergence de nouveaux mouvements qui ont remis publiquement en cause les politiques d’austérité mise en places par les gouvernements après la crise financière. Ces mouvements n’ont pas remporté de réelles victoires politiques, mais ils ont réussi à remettre en question l’austérité dans le débat public. À tel point qu’aujourd’hui, ce sera beaucoup plus difficile pour les gouvernements de programmer des coupes budgétaires comme cela a été fait après la crise de 2008. L’idée que la gauche devrait populariser aujourd’hui est cette revendication du Green New Deal, pour que dans les dix prochaines années, cela devienne aussi incontournable que la lutte contre l’austérité.

Notes

[1] Économiste britannique, membre du parti travailliste, Grace Blakeley est l’autrice de The Corona Crash-How the pandemic will change capitalism, paru chez Verso books en septembre 2020.

[2] Le Nouvel Ordre Économique International était un programme exigé par le mouvement des pays non alignés et signé en 1974 à l’ONU sous la forme d’une charte en vue de combler l’écart entre les États industrialisés et le Sud : stabilisation des prix des matières premières et amélioration des termes d’échange, renforcement de la coopération au développement, augmentation des pays du Sud dans la production mondiale et le commerce international.

Bizitzaren aldeko ekonomia batera jotzeko bide-orria
Ivan Miró, soziologo eta kooperatibista. Critic-en argitaratua
https://mrafundazioa.eus/eu/artikuluak/bizitzaren-aldeko-ekonomia-batera-jotzeko-bide-orria

2014an, Azken Deia (Darrera crida) manifestuak honakoa adierazi zuen: « Baliabide naturalak eta energetikoak agortzearen kontura eta Lurraren oreka ekologikoak apurtzearen kontura lortu da gure ekoizpen eta kontsumo maila ». Zazpi urte geroago, pandemia batean murgilduta gaude, izaera sistemikoa duen krisi planetario baten ondorioz. Nola egin norabide aldaketa erradikal bat, bizitza bera suntsitzen ez duen bizitzarantz? Kapitalismo globala abolituko duten (beharrezko) iraultza politiko handien eta kapitalismo intimoa deseraikitzen duten (ezinbesteko) iraultza pertsonal txikien artean, nola aktibatu kolektiboki Demokrazia Ekonomikoaren eta Trantsizio Ekosozialaren bidea? Nola egin Bizitzaren aldeko Ekonomia bat?

Ingurumenaren aldetik suntsituta dagoen planeta, jendarte pobretuak, balantzaka dauden ekonomiak, osasun hautsiak, gutxi batzuen zerbitzura dagoen hazkunde ekonomikoa. Pandemia bat, Covid-19, arimarik, etikarik eta etorkizunik ez duen kapitalismo globalaren itzalak islatzen dituena. Krisi hirukoitza — ingurumenekoa, osasunekoa, ekonomikoa —, gizateria desberdintasunak sortuz zauritzen duena, mendebaldean behintzat gainditutzat jotzen ziren hauskortasunetatik biluztuz, eta erabakitzera bultzatzen duena: bide gurutzean.

Lehen bidea, Walter Benjaminen arabera, Aurrerapenaren Hurakanak irudikatzen duena da, Historiaren Aingeruak bultzatzen duena: hain eroa dagoen kapitalismoa eta hegoak hain korapilatuta dituena, non ezin baita gelditu, atzean hondakinak uzten dituen arren. Gaur egun irtenbide teknologiko eta berde baten alde egiten duen kapitalismoa, bere kontraesan sozial eta ekologikoetatik abiatuta metatzen jarraitzeko. Bigarren bide bat: Bertolt Brechtek « basakeriatik jaiotzen den basakeria » moduan definitzen duena, edo krisian dagoen kapitalismotik jaiotzen den faxismoa.

Horiek guztiak erantzun autoritario eta libertizidak dira , eta fikziozko orden garbi batera itzularazi nahi gaituztenak, « materiarik hurbilen dauden izakiak » sakrifikatuz: migratzaileak eta errefuxiatuak, disidente politikoak eta sexualak, arrazoi nazional, kultural, erlijioso edo sozialengatik gutxitutako herritarrak. Estrategia horrek, askotan, baliabide naturalez jabetzea bilatzen du, edo produkzio- eta erreprodukzio-lanaren indarra diziplinatzea, kapitalismoaren nagusitasuna bere horretan mantentzearen izenean. Klasekoa, patriarkala, arrazializatua eta koloniala den kapitalismoa.

Azkenik, bidegurutze faltsuen artean, James Lovelock eta Lynn Margulisen Gaiak irudikatutako hirugarren ibilbide bat dago: planeta konplexu bat, bere biosfera eta atmosferarekin, bere lur eta ozeanoekin, bizitzarako ingurune fisiko eta kimiko ezin hobea sortzen eta birsortzen duena. Azken hori da bide bakarra, Bizitzaren ugalketa emantzipatzailea bermatuko duten prozesu politiko, ekonomiko eta sozialak eragingo dituena.

2014an, Azken Deia (Darrera crida) manifestuak honakoa adierazi zuen: « Baliabide naturalak eta energetikoak agortzearen kontura eta Lurraren oreka ekologikoak apurtzearen kontura lortu da gure ekoizpen eta kontsumo maila ». Zazpi urte geroago, pandemia batean murgilduta gaude, izaera sistemikoa duen krisi planetario baten ondorioz. Nola egin norabide aldaketa erradikal bat, bizitza bera suntzitzen ez duen bizitzarantz? Kapitalismo globala abolituko duten (beharrezko) iraultza politiko handien eta kapitalismo intimoa deseraikitzen duten (ezinbesteko) iraultza pertsonal txikien artean, nola aktibatu kolektiboki Demokrazia Ekonomikoaren eta Trantsizio Ekosozialaren bidea? Nola egin Bizitzaren aldeko Ekonomia bat?

Demokrazia ekonomikoa eta trantsizio ekosoziala

Proposamenak paradigma berri bat dakar: gizarte onura dakarren aniztasun ekonomikoa sustatzen du, berrorekatu egiten dena: publikoa, kooperatiboa, soziala, komunitarioa, ugaltzailea, tokikoa. Ez du irabazia lehenesten; izan ere, ekonomiak gizarte osoaren premiak asetu behar ditu lehentasunez, eta osasuna, errenta, zaintza, etxebizitza, elikadura, hezkuntza, kultura, energia-hornidurak eta gizarte-babesa modu unibertsalean eman behar ditu, bizitzaren duintasunerako ezinbestekoak diren ondasunak eta zerbitzuak bermatuz.

Horretan guztian, ekonomiaren plangintza estrategiko, demokratiko eta partaidetuaren alderdi bat ere badago: sektore publiko sendo baten alde, kolektiboki kudeatutua dagoena eta aberastasuna eta oinarrizko zerbitzuak birbanatzera bideratua; jarduera ekonomikoen birkokatzean, demokratizazioan eta trantsizio ekosozialean oinarritutako ekoizpen-eredu bat, eta zaintzak unibertsalki bermatuko eta demokratizatuko dituen ugalketa-eredu bat. Eta proposamen taktiko bat: El Pacte català per una Economia Per la Vida, eragile sozioekonomiko anitzen artean, eredu ekonomiko berriaren ildo nagusiak finkatuko dituena eta politika ekonomiko anitzak eta eraldatzaileak gainbegiratu eta ebaluatuko dituzten organo nazional eta munizipalak sortuko dituena.

Zein norabidetan? Birlokalizazio ekonomikoa: industria sektoreari dagokionean, gizartean eta ingurumenean eragin positiboa izatera bideratuta egon behar du, batez ere zenbait arlotan, hala nola energia berriztagarrietan, garraio publikoan, ehungintzan, kontsumo-ondasun iraunkorretan edo hondakinen kudeaketan. Azpiegiturak mankomunatu, okupazioak duindu eta plataforma-kapitalismoari aurre egingo dion merkataritza-, banaketa- eta logistika-sektorea. Ziklo motzetara eta elikadura-subiranotasunera bideratutako nekazaritza-sektorea. Tokiko-garapen endogenora bideratutako zerbitzuak. Birlokalizazio ekonomikoa eraikuntzaren sektorearentzat ere bai: etxebizitzak ekologikoki eraberritzeko tresna gisa funtzionatuko duena. Lurralde-antolamendu berri bat, etxebizitza eta klima larrialdien aurrean erresilientea dena. Kataluniako subiranotasun ekonomikoa handitu beharra dago, batez ere elikadura, energia, teknologia eta finantza arloetan.

Baita ekonomia-, ekoizpen- eta ugalketa-egituraren demokratizazioa ere. Lan-baldintzak hobetzea, batez ere funtsezko sektoreetan, hala nola soziosanitarioan, merkataritzan, banaketan edo nekazaritza-ekoizpenean. Oinarrizko zerbitzuen eta sektore estrategikoen nazionalizazioa eta udalgintza. Autonomoen eta ETEen arteko harremanak saretzea. Ekonomia sozial eta solidarioaren Legea onartzea. Jabegoa eta kudeaketa publikoak izango dituen eredu soziosanitarioak, hezkuntza eta zaintza ereduak bultzatzea. Irabazi-asmorik gabeko erakundeekin, ekimen komunitarioekin edo kooperatibekin zerbitzuak hitzartuko dituena. Etxeko eremuan: lan erreproduktiboaren demokratizazioa eta erantzunkidetasuna, bai eta etxeko langileen lan-eskubideak eta erregularizazioa ere.

Hirugarrenik: ekonomiaren trantsizio ekosoziala. Turismo-, automobil- edo higiezin-industriaren birmoldaketa planifikatu baterako, oinarrizkoak dira banka publikoa bezalako tresnak. Industriaren partaidetza publikoa, merkataritza-sozietateak kooperatiba bihurtzea, finantza etikoei laguntzea eta langileek trantsizioaren kostua ez kargatzeko neurriak hartzea ere halakoxeak dira. Yayo Herrerok dioenez, « Justizia sozialaren ikuspuntutik pentsatuta ez dagoen neurri ekologiko orok desberdintasun gehiago sortzeko arriskua du ». Halaber, sektore publikoaren eta ekonomia sozial eta solidarioaren artean batez ere, sektore estrategiko ekosozialak hedatu behar dira, Eva Vilasecak proposatutakoak kasu: trantsizio energetiko berriztagarria, autogenerazioan eta ekoizpen deszentralizatuan zentratua; mugikortasun eta logistika jasangarria; agroekologia eta elikadura-subiranotasuna; ekonomia zirkularra, ekoizpen- eta kontsumo-zikloak edo uraren kudeaketa itxiz. Baita ezagutzaren, kulturaren edo elkarlaneko komunikazioaren gizarte-ekonomia sustatzea ere.

Ekonomia Anitz Eraldatzaileak, Demokrazia Ekonomikoa eta Trantsizio Ekosoziala helburu dituenak, ekonomia berrantolatu nahi du, eredu sozial eta ekologikoki bidezkoetarantz. Estrategia konplexua da nahitaez, krisi global ekologiko eta sozioekonomiko bati aurre egin nahi baitio; berrasmatzeko gaitasun handia eta lobby handiekin konplizitate politikoak dituen kapitalismo hegemonikoari. Hori posible egiteko, aliantza zabalak, ikuspegi estrategikoa, muskulu sozioekonomikoa eta mobilizazio sozial sendoak beharko dira.