« C’est une catastrophe ce qu’il se passe en Antarctique ouest » : pourquoi la fonte du glacier Thwaites inquiète les scientifique
Benoît Jourdain
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A terme, toute la question est de savoir quand ce glacier géant va disparaître et entraîner une réaction en chaîne qui fera monter le niveau de la mer de plusieurs mètres.
Un compte à rebours a débuté en Antarctique ouest. Et pour les scientifiques, l’issue ne fait plus aucun doute : cette partie du continent blanc est vouée à disparaître dans les années à venir.
Le glacier Thwaites, l’un des géants de la zone de la mer d’Amundsen qui fait 120 kilomètres de large, 600 de long et atteint 3 km de profondeur par endroits, est de plus en plus instable. « Il fait à peu près la taille de la Floride », résume à franceinfo Jérémie Mouginot, chercheur au CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement à Grenoble. Un « monstre » responsable, chaque année, de 4% de la montée du niveau de la mer dans le monde, estime un communiqué de la Nasa (en anglais).
« Ce glacier se retire d’à peu près un demi-kilomètre par an, depuis une bonne vingtaine d’années », précise Eric Rignot, professeur en sciences de la Terre à l’université de Californie à Irvine, chercheur au Jet Propulsion Laboratory, et coauteur d’une étude (en anglais) publiée le 30 janvier.
Le niveau des mers pourrait monter de trois mètres
Le réchauffement climatique joue un rôle avéré dans cette fonte du glacier Thwaites. Sous l’effet des eaux profondes qui se réchauffent, la ligne d’échouage recule. « C’est l’endroit où le glacier est en contact avec le sol », explique Jérémie Mouginot, qui fait partie du panel de scientifiques responsables de l’étude. « Et quand on transforme de la glace posée en de la glace flottante, on la rend plus instable », observe Emmanuel Le Meur, maître de conférences à l’université Grenoble-Alpes.
Ces mouvements de glace font craindre un « scénario catastrophe », reconnaît Eric Rignot. A force de reculer, cette ligne d’échouage entraînerait le détachement du glacier et sonnerait le début d’une réaction en chaîne : « Thwaites et le glacier voisin, Pine Island, vont entraîner le reste de l’Antarctique occidental ».
L’Antarctique occidental est condamné, à long terme, à disparaître.
Eric Rignot, professeur en sciences de la Terre à l’université de Californie
Cette disparition causerait une hausse du niveau de la mer de plus de trois mètres, ce qui aurait des conséquences sur tous les littoraux du globe. « Ce n’est pas la peine d’être scientifique pour s’en rendre compte », ajoute Emmanuel Le Meur. Pour les trois chercheurs, le processus enclenché est irréversible.
« On va dans le mur, mais à quelle vitesse ? »
Observateur privilégié de ce glacier depuis trois décennies, Eric Rignot a conscience que « c’est impossible à arrêter ». Mais il pense que l’être humain peut encore influer sur la fonte de ces glaces. « Si on arrive à revenir à une période un petit peu plus froide par exemple, il est tout à fait concevable que le glacier continue à se retirer mais de manière très, très lente », dit-il. Pour cela, il faudrait considérablement réduire les émissions de gaz à effet de serre, « c’est-à-dire avoir des économies, des modes de vie de moins en moins tributaires de ces énergies fossiles que sont le pétrole et le charbon », avance Emmanuel Le Meur.
« J’ai toujours en tête cette phrase du spécialiste du climat Jean-Marc Jancovici, conclut-il. ‘Le problème, ce n’est pas le fait qu’on aille dans le mur ou pas. On va dans le mur ! Le problème, c’est à quelle vitesse on y va, à 50 km/h ou à 5 km/h ?' »
Inaction climatique : la stratégie du gouvernement pour récupérer l’Affaire du siècle
Marina Fabre
www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/inaction-climatique-la-strategie-du-gouvernement-pour-recuperer-l-affaire-du-siecle-146929.html
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L’Affaire du siècle se règlera devant les tribunaux. Le gouvernement a répondu, dans les délais impartis, aux quatre ONG l’accusant d’inaction climatique, et se défend d’être à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Sa réponse n’a pas convaincu les associations et plusieurs experts qui pointent « un coup de communication » et « une récupération politique ».
Le gouvernement ne pouvait pas rester lettre morte face à la pétition la plus populaire de l’histoire de France. Le 18 décembre dernier, quatre ONG, Greenpeace, Oxfam, la Fondation Nicolas Hulot (FNH) et l’association Notre affaire à tous, ont décidé d’attaquer l’Etat pour inaction climatique. Une « demande préalable » accompagnée d’une pétition, signée, en quelques jours, par plus de deux millions de personnes. L’État avait deux mois pour répondre à la demande des ONG et il l’a fait, à quelques jours seulement de la date butoir et au lendemain de la rencontre entre le Premier ministre Édouard Philippe et les ONG à Matignon.
Dans sa réponse, rendue publique le vendredi 15 février, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire salue « cette mobilisation inégalée » et dit partager « l’impatience, l’aspiration à aller plus vite, plus loin, plus fort pour le climat ». Il atteste, dans une note argumentaire de 10 pages, que « l’État français est parmi les plus actifs pour lutter contre le dérèglement climatique ». Et ajoute : « Le gouvernement actuel est sans doute celui qui a poussé l’ambition le plus haut en fixant dès le début du quinquennat l’objectif d’atteindre zéro émission nette de CO2, soit la neutralité carbone, d’ici à 2050 ».
« C’est un coup de communication »
Des arguments qui n’ont pas convaincu les ONG. « C’est un coup de communication », réagit Antonin Laurent, chargé de mission Notre Affaire à tous. « Le gouvernement se rend compte que l’Affaire du siècle est un phénomène de société, il s’est donc senti obligé de répondre mais derrière, il n’y a rien de concret ». « Le gouvernement veut transformer l’essai », analyse l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement, « il récupère notre Affaire à tous, on a le sentiment qu’il n’est pas visé. Sa réponse est à côté de la plaque, on lui demande de respecter ses objectifs, il répond par de nouveaux objectifs et une compilation des lois, stratégies et programmations déjà annoncées… La question est de savoir quels sont les moyens de les atteindre ».
L’État choisit ses batailles
Rien ne laissait présager une réponse du gouvernement. D’une part, dans une affaire similaire mais moins populaire, celle du maire de Grande Synthe, Damien Carême, qui a attaqué l’État pour « non respect de ses engagements climatiques », le gouvernement a décidé de garder le silence. D’autre part, François de Rugy a toujours émis des doutes sur le fond de l’affaire. « Ce n’est pas dans un tribunal que l’on va baisser les émissions de CO2 », déclarait-il lors de ses vœux au monde de l’écologie le 16 janvier dernier. « Dès le début, lorsque François de Rugy et Brune Poirson (secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, ndr) ont publié des vidéos félicitant les signataires de leurs engagements, on a compris qu’ils ne se sentaient pas responsables », glisse une militante.
« L’État n’est pas le seul responsable du réchauffement climatique »
Derrière ces accusations d’instrumentalisation, le fond de l’affaire devra lui être débattu devant les tribunaux. Or, « l’État n’est pas le seul responsable du réchauffement climatique, les responsabilités sont plurielles », nuance Arnaud Gossement, « Si aujourd’hui il y a une envolée des émissions de gaz à effet de serre, c’est essentiellement lié à la vente de véhicules neufs qui sont de plus en plus lourds. C’est clairement la responsabilité d’une part, des constructeurs automobiles, d’autre part des consommateurs. Il ne faut pas simplifier le problème ». Ce bras de fer juridique semble plus difficile à emporter que la bataille de l’opinion publique. « Le vrai challenge sera de montrer le lien de causalité entre les actions de l’État et le réchauffement climatique. Car l’État n’émet pas directement de gaz à effet de serre mais a les moyens de faire agir les acteurs », explique Clémentine Baldon, avocate de la FNH. Les ONG devraient déposer leur recours devant le tribunal administratif de Paris mi-mars.
2e leçon des jeunes au gouvernement : il faut la décroissance énergétique
Les Camilles de la grève de la jeunesse pour le climat
https://reporterre.net/2e-lecon-des-jeunes-au-gouvernement-il-faut-la-decroissance-energetique
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Alors que s’installe en France le mouvement des jeunes pour le climat, une partie d’entre eux lancent au gouvernement, dans cette tribune, un deuxième « ultimatum punitif » : la décroissance énergétique ou une large participation à la manifestation du vendredi 22 février.
Ce texte a été écrit par les Camilles du groupe « revendications » constitué à la suite de l’assemblée générale (AG) interfac rassemblée vendredi 8 février 2019 et comportant des étudiant.e.s et lycéen.ne.s de divers établissements de la région parisienne. Cette AG a été organisée par plusieurs associations étudiantes parisiennes écologistes en vue de lancer le mouvement de grève pour l’environnement de la jeunesse reconduite chaque vendredi à partir du 15 février.
Le 12 février 2019, Reporterre publiait leur manifeste pour le climat et leur premier ultimatum : déclarer l’état d’urgence écologique et sociale afin de débloquer un plan interministériel à la hauteur des risques encourus. Leur second ultimatum, ci-dessous, concerne l’énergie.
Puisque notre gouvernement s’acharne à demeurer inerte devant la catastrophe écologique, nous, lycéen·ne·s et étudiant·e·s, avons décidé de lui poser une série d’ultimatums punitifs. La semaine dernière, en guise de première leçon, nous avions demandé le respect immédiat des Accords de Paris (réduction des émissions de gaz à effet de serre de 4 % par an minimum) et l’inscription dans la Constitution, à l’article premier, du fait que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale, solidaire et écologique ». Pour châtier le mutisme de ce mauvais élève, nous étions plus d’un millier à faire la grève et à nous réunir devant le ministère de la Transition écologique et solidaire vendredi 15 février. Alors que François de Rugy se félicitait dans la presse que la jeunesse manifeste devant son ministère pour « marcher main dans la main » avec lui, la présence policière démesurée laissait penser que nous dérangions quelque peu. Il ne fait aucun doute que cette réponse par voie de police a convaincu tous les jeunes présent.e.s de la compétence et de l’efficacité du ministère en matière écologique.
Cependant, nous ne désespérons pas encore de voir remonter les notes de ce gouvernement. Pour ce second ultimatum, nous avons choisi le thème de l’énergie. Notre système économique mondialisé consomme une quantité d’énergie inconcevable pour produire et faire circuler les marchandises, les informations, les capitaux et les humains au sein d’une course folle et insensée pour la création de richesse. Afin de produire cette énergie, nous mobilisons essentiellement des ressources non renouvelables : pétrole, charbon, gaz, uranium… Il devient évident que leur raréfaction prochaine causera des crises à répétition et un appauvrissement généralisé. De plus, les énergies fossiles contribuent à une augmentation des températures dont nous ignorons encore l’ampleur des conséquences — tout ce que nous savons, c’est qu’elles seront désastreuses. Chaque baril de pétrole extrait et chaque conteneur d’uranium enfoui est un pas en avant dans le bourbier où nous enfonçons les générations futures : ne pas agir est criminel. La solution au problème de l’énergie que présentent habituellement les institutions est d’une remarquable hypocrisie : « Il suffit d’investir dans les énergies renouvelables pour que celles-ci se substituent aux énergies fossiles, et le tour est joué ! Pour le reste, business as usual ! ». Or on sait aujourd’hui deux choses :
- Les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse…) ne sont pas la panacée : bien souvent, elles emploient des ressources non renouvelables (métaux, terres rares…) et leur conception peut être à la fois très énergivore et chimiquement polluante ;
- Ces énergies « vertes » ne font actuellement que s’ajouter aux énergies fossiles au lieu de s’y substituer. Par conséquent, la consommation énergétique globale augmente en valeur absolue. On ne viendra pas à bout du problème énergétique sans diminuer la consommation d’énergie globale, que celle-ci soit fossile ou renouvelable.
Nous n’exigeons pas davantage d’énergies renouvelables, mais la décroissance énergétique
C’est pourquoi nous n’exigeons pas « davantage d’énergies renouvelables », mais la décroissance énergétique. Nous exigeons qu’un plan contraignant soit mis en place immédiatement avec pour objectif de diviser au minimum par quatre notre consommation énergétique d’ici à 2050 [1]. Dans ce cadre seulement, une transition vers 100 % d’énergies renouvelables, produites de manière décentralisée, les plus propres en fonction des territoires est un objectif à poursuivre. Enfin, ce plan signera aussi la fin du nucléaire pour 2030 [2], avec un calendrier rapide pour fermer les centrales nucléaires. Le nucléaire est une énergie infecte, depuis le pillage colonialiste de l’uranium, au Niger notamment, jusqu’à la production de millions de tonnes de déchets que devront gérer les générations futures pour plusieurs millénaires, en passant par le risque de prolifération nucléaire. Nous ne voulons pas de ces centrales, qui représentent un danger intolérable pour la société, comme le rappelle tristement la situation actuelle au Japon depuis Fukushima et les innombrables incidents techniques en France. Nous ne voulons pas du pharaonique projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, qui a été imposé sans véritable débat démocratique, et dont la sûreté est mise à mal par les économies réalisées sur le coût du stockage.
Vendredi 15 février 2019 devant le ministère de la Transition énergétique, à Paris.
Face à la catastrophe, l’échec n’est donc pas une option. Nous saurons vous le rappeler incessamment. En l’absence de réponse satisfaisante du gouvernement dans les délais convenus d’ici au prochain jour de grève, vendredi 22 février, nous, la jeunesse, rejoindrons massivement la marche pour l’environnement du 22 février, qui sera aussi le jour de la venue en France de Greta Thunberg, et y poursuivrons nos actions de désobéissance.
[1] Le scénario négaWatt permet d’atteindre la neutralité carbone en 2050, non grâce à des technologies encore à l’état embryonnaire, comme la capture et le stockage de carbone, mais par une réduction de la consommation d’énergie primaire via de la sobriété et des gains d’efficacité énergétique lors de la production et de la consommation d’énergie. Ce scénario recommande une réduction de 66 % — soit une division par 3 — de la consommation primaire d’énergie : « Les deux premiers piliers de la démarche négaWatt, la sobriété et l’efficacité énergétique, permettent de réduire de 66 % les consommations d’énergie primaire en 2050. »
Rappelons par ailleurs un calcul effectué par Jean-Marc Jancovici : « Admettons […] que ce soit une division par 3 qui soit notre objectif (et cela le sera un jour). Si dans le même temps, nous nous fondons sur une population de 9 milliards d’individus, cela signifie que nous aurons alors à notre disposition […] environ 250 kg équivalent carbone par habitant et par an, ou encore 10 % de ce qu’un Français émet aujourd’hui […]. »
[2] Le scénario négaWatt permet de mettre fin à la production d’énergie nucléaire en France autour de 2035, nous souhaitons être plus ambitieux.
L’épargne doit financer la transition écologique et sociale et non les énergies fossiles
Attac et 350.org
www.francetvinfo.fr/meteo/climat/tribune-lepargne-doit-financer-la-transition-ecologique-et-sociale-et-non-les-energies-fossiles_3196509.html
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Dans une tribune portée par Attac et 350.org., publiée mardi sur franceinfo, 25 économistes apportent leur soutien à une proposition de loi en faveur de la transparence dans l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique.
Un projet de loi en faveur de la transparence dans l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique va être présenté en commission des finances de l’Assemblé nationale mercredi 20 février. L’objet principal de ce texte vise à contraindre les banques à plus de transparence en matière d’utilisation de l’épargne populaire des Français, afin notamment de flécher l’épargne du LDDS (livret développement durable et solidaire) à destination exclusive de projets réellement durables et solidaires. Dans une tribune portée par Attac et 350.org., publiée mardi 19 février sur franceinfo, 25 économistes apportent leur soutien à cette proposition de loi et appellent « à la fin de tout investissement dans les projets de production et d’infrastructures de combustibles fossiles, et à une hausse significative du financement des énergies renouvelables. »
Une proposition de loi « Transparence sur l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique » sera soumise au vote de l’Assemblée nationale le 7 mars 2019. Soutenue par de nombreux acteurs de la société civile, cette proposition de loi dispose notamment que les sommes versées par les épargnants sur les livrets dont les dépôts sont centralisés dans le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations ne puissent être utilisés pour le financement d’activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures et de charbon. Ce qui paraît accompagner une dynamique nécessaire alors que les émissions de CO2 issues de la combustion des énergies fossiles sont reparties à la hausse dans le monde, y compris en France.
Des ONG ont démontré que, depuis la COP21, sur 10 euros de financement accordés par les banques aux énergies, 7 euros vont aux énergies fossiles, contre 2 seulement aux renouvelables, tandis que les banques françaises ont augmenté de 52% leurs soutiens aux entreprises qui prévoient la construction de nouvelles centrales à charbon.
Pour réussir à réduire drastiquement l’intensité carbone de nos systèmes économiques, la question du financement est essentielle et impose de cesser de financer les combustibles fossiles. L’article 2 de l’Accord de Paris y fait explicitement référence.
Poursuivre les investissements dans les combustibles fossiles pose également un risque financier de nature systémique. En 2017, l’Agence Internationale de l’Énergie a estimé que la mise en œuvre des nouvelles politiques climatiques et l’orientation massive vers les énergies renouvelables à l’oeuvre conduiront à la surévaluation de 1 000 milliards de dollars d’actifs pétroliers et de 300 milliards de dollars d’actifs gaziers dans le monde. Les investisseurs publics et privés ont donc la responsabilité urgente et l’obligation morale de mettre fin à l’exploitation des combustibles fossiles. Ces « actifs bloqués », parmi d’autres risques financiers liés au dérèglement climatique, sont l’une des raisons qui ont déjà poussé plus de 1 000 investisseurs clairvoyants à se débarrasser de leurs actifs charbonniers, pétroliers et gaziers.
Renforcer la transparence
La campagne citoyenne, initiée par 350.org et Attac sur ce sujet, démontre également l’absence de transparence sur l’utilisation de ces fonds, notamment celui du Livret de développement durable et solidaire (LDDS). Les ONG dénoncent une publicité mensongère de la part des banques sur le terme « durable et solidaire » car seule une faible partie des dépôts du LDDS est réellement affectée au financement de la transition écologique et solidaire, tandis que des investissements fossiles ont été identifiés. Le ministre Bruno Le Maire a lui-même reconnu publiquement qu’il y a « tromperie » à ce sujet et a appelé à deux reprises à y mettre un terme.
La mise en œuvre impérative de la transition énergétique nécessite de renforcer la transparence, dans le prolongement des mesures, qui apparaissent insuffisantes, prises notamment dans la cadre de la loi sur la transition de 2015, et du Plan d’action de la Commission européenne sur la finance verte de 2018.
La proposition de loi stipule ainsi que les banques soumettent au ministre de l’Economie et des Finances, ainsi qu’au Parlement, un reporting trimestriel et détaillé de leurs concours financiers accordés aux énergies renouvelables à partir des ressources collectées sur le Livret A et le LDDS. Elle propose aussi un reporting public des banques, pays par pays, de l’ensemble des financements d’entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures et de charbon. De même, la proposition de loi prévoit une obligation de transparence des investisseurs institutionnels destinée à vérifier que leurs opérations soient conformes aux critères de respect des objectifs sociaux et environnementaux.
Nous, signataires de cette tribune, appelons à la fin de tout investissement dans les projets de production et d’infrastructures de combustibles fossiles, et à une hausse significative du financement des énergies renouvelables. Dans cette perspective, nous apportons notre soutien au projet de loi « Transparence sur l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique ».
* Liste des premiers signataires :
Philippe QUIRION, économiste, directeur de recherche au CNRS – Dominique PLIHON, professeur émérite à l’université Paris XIII, directeur du pôle économie financière au Centre d’économie de l’université de Paris Nord (CEPN) – Katrin MILLOCK, professeur associé à l’Ecole d’Economie de Paris, chargée de recherche CNRS – Denis DUPRE, enseignant-chercheur en éthique, finance et écologie, Université de Grenoble-Alpes – Charlotte GUNENARD, économiste, directrice de l’Institut d’études du développement de la Sorbonne de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Eve FOUILLEUX, directrice de recherches au CNRS – Jacques GÉNÉREUX, maître de conférences, Sciences Po – Nicolas BOULEAU, ancien directeur de recherches et professeur à l’Ecole des Ponts ParisTech, chercheur associé au CIRED, président du conseil scientifique de la Chaire Energie et prospérité – Aurore LALUCQ, économiste, co-directrice de l’Institut Veblen – Thomas Coutrot, membre d’Attac, cofondateur des Economistes atterrés – Pascal PETIT, directeur de recherche au CNRS – Léo CHARLES, maître de conférence, Université Rennes 2 – Geneviève AZAM, maître de conférences en économie et chercheuse à l’université Toulouse-Jean-Jaurès – Laura MICHEL, maître de conférences, Université de Montpellier – UMR CEPEL – Faridah DJELLAL, professeur des Universités Classe exceptionnelle, CLERSE, Université de Lille – Aurélie TROUVÉ, économiste, maître de conférence, AgroParisTech – Alain KARSENTY, économiste, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Véronique GILLE, économiste, chargée de recherche IRD à DIAL, LeDA, Université Paris-Dauphine – Claude HENRY, économiste, professeur de développement durable à Sciences Po Paris et à l’Université Columbia – Jean-Pierre PONSSARD, directeur de recherche émérite au CNRS – Maxime COMBES, économiste – Michel HUSSON, économiste à l’Institut de recherches économiques et sociales – Jean GADREY, professeur honoraire d’économie, Université de Lille – Cédric DURAND, économiste, Université Paris 13 – Dominique MÉDA, directrice de l’IRISSO, Dauphine.
Rester sous les 1,5 °C : voici comment nos vies pourraient changer
Charles Adrien Louis et Guillaume Martin
https://reporterre.net/Rester-sous-les-1-5-oC-voici-comment-nos-vies-pourraient-changer
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Les scientifiques du climat ont appelé à prendre les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5 °C avant 2030. Les auteurs de cette tribune expliquent quels changements profonds de nos manières de faire cela implique.
Charles Adrien Louis et Guillaume Martin, du cabinet B&L évolution, sont coauteurs de « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5 °C ? » Cette étude détaille des mesures permettant de rester sous le seuil de 1,5 °C d’augmentation de la température par rapport à l’ère pré-industrielle.
La sortie du rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sur les 1,5 °C en octobre dernier montre qu’il est nécessaire et même vital de prendre des mesures « ambitieuses », « drastiques », « profondes ». Est-ce réellement faisable ? Peut-on encore espérer rester sous les 1,5°C ? S’aligner sur une trajectoire 1,5 ° C signifie que l’empreinte carbone de la France doit passer de 10,5 tonnes de CO2 par habitant en 2017 à 3,7 tonnes de CO2 en 2030, ce qui implique des changements profonds dans tous les secteurs.
Côté logement, rénover en haute performance environnementale 1 million de logements par an, limiter les constructions neuves à de l’habitat collectif avec une surface par habitant de 30 m², restreindre la température moyenne des logements non rénovés à 17 °C participeraient à réduire de 38 millions de tonnes équivalent CO2 nos émissions de gaz à effet de serre annuelles en 2030.
Sur le plan des transports, pour réduire de 132 à 31 millions de tonnes équivalent CO2 nos émissions, il faut en particulier stopper les lignes aériennes internes disposant d’une alternative par la route ou le fer en moins de 4 h, interdire les poids lourds en zone urbaine, limiter à 110 km/heure la vitesse sur autoroute.
Une soixantaine de mesures qui nous confrontent directement à nos modes de vie
Nos modes de consommation seront également visés : il s’agit de diviser par un peu plus de trois notre consommation de viande, d’interdire à la vente les téléviseurs de plus de 40 pouces, de diviser par trois le flux vidéo consommé par personne, de limiter à 1 kg de vêtements neufs mis sur le marché par personne et par an… au total, une soixantaine de mesures qui nous confrontent directement à nos modes de vie, à ce qui semble acquis pour toujours, mais que le réchauffement climatique questionne.
L’exercice n’est pas évident. La contrainte de temps liée à l’objectif — réduire de 63 % en douze ans les émissions de gaz à effet de serre — est très resserrée. Elle empêche de pouvoir viser sereinement un renouvellement par la technique ou toute mesure de long terme, comme l’action sur la démographie. Elle demande des mesures « radicales », dont beaucoup peuvent paraître restreindre des libertés, comme l’interdiction des vols long-courriers non justifiés ou le rationnement de certains produits de consommation tels que le café. Mais elles ne le sont que si notre conception de la liberté est de consommer toujours plus, que si nous restons contraints par nos raisonnements du passé.
Pour rester sous la barre du 1,5 °C d’augmentation, il s’agit notamment de diviser par un peu plus de trois notre consommation de viande, selon l’étude.
Cet exercice nous confronte à nos modes de vie actuels et nous oblige à les reconsidérer. Prenons l’exemple de la limitation à 1 kg de vêtements neufs mis sur le marché par personne et par an. Est-ce réellement une contrainte ? Cela nous oblige simplement à repenser l’usage que nous faisons des vêtements, à les rendre plus durables, les échanger, continuer de développer le marché de seconde main… Nous consommons aujourd’hui en moyenne près de 20 kg de vêtements neufs par an et par personne en France, ce qui a un coût social et environnemental énorme. Où est la liberté pour les ouvriers du textile qui travaillent dans des conditions peu enviables ? Où est la liberté pour les habitants de territoires pollués par cette industrie ?
La liberté de quelques-uns justifie-t-elle la privation de liberté de tant d’autres ? Évidemment, nous répondons différemment si nous faisons partie des quelques-uns que si nous faisons partie des autres.
Si nous n’avons pas besoin de voiture pour assurer notre accès à des services essentiels, nous envisageons assez facilement de réduire l’accès à un véhicule individuel, alors que si nous en dépendons au quotidien, nous voyons directement la privation de liberté qu’une telle mesure impliquerait.
Chaque dixième de degré compte, chaque tonne de CO2 émise compte
Mais, à un niveau plus collectif et global, c’est l’inaction actuelle et le dérèglement climatique en cours qui seront liberticides. Des rationnements alimentaires à la suite de pertes de rendement agricole, la prolifération de maladies, la contrainte de déplacements imposés par des conditions météorologiques invivables, l’obligation de rester confiné dans une salle climatisée en cas de forte chaleur, la perte de son habitat et de tout ce qu’on possède à la suite de phénomènes météorologiques extrêmes, vont priver des millions de personnes de leurs droits fondamentaux.
Notre étude n’est pas une utopie ni un programme politique. Ce n’est qu’un constat, le constat que tout le monde est d’accord pour limiter le changement climatique bien en dessous de 2 ° C mais que nous ne prenons absolument pas la mesure du changement qu’il faudrait enclencher. Pourtant nous ne tricherons pas avec le changement climatique. La véritable utopie c’est de croire que nous pouvons continuer sur notre trajectoire sans remettre en question nos modes de vies, sans s’interroger sur nos véritables besoins, nos véritables libertés.
L’aspect apparemment inapplicable de ce paquet de mesures compris dans notre étude ne peut pas être un prétexte à l’inaction, mais doit inviter à réfléchir à la manière de lever ces contraintes. Il peut sembler difficile de croire à un changement aussi drastique, tant les limites économiques, techniques ou culturelles de nos sociétés sont fortes et nous empêcheront de limiter le réchauffement à 1,5 °C voire 2 °C.
Pourtant, chaque dixième de degré compte, chaque tonne de CO2 émise compte. Nous faisons donc face à un double défi : éviter l’ingérable, en mettant en œuvre immédiatement toute action permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et gérer l’inévitable, en pensant dès aujourd’hui l’adaptation massive de nos sociétés à l’absorption des chocs provoqués par les changements climatiques. Quoi qu’il en soit, les petits pas ne suffiront pas, il nous faut chausser les bottes de sept lieues.
Emparez-vous de ce document à l’échelle de vos territoires, de vos entreprises ou de vos cercles personnels afin que de véritables actions à la hauteur des enjeux soient mises en œuvre, partout, quitte à bousculer les habitudes sociales, culturelles ou économiques qui caractérisent notre quotidien.
Zortzi emakume kementsu ezagutu ditut
Onintza Irureta Azkune @oirureta
www.argia.eus/albistea/zortzi-emakume-kementsu-ezagutu-ditut
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ELA sindikatuak Argia komunikazio proiektuari liburua elkarlanean argitaratzea proposatu zion 2017ko hondarrean. Bizkaiko egoitza pribatuetako langileek 378 egun greban egin zituzten. Ia bi urtez luzatu zen borroka luze eta gogorra, eta irabazi egin zuten. Sindikatuak Argiako kazetariren batek idaztea nahi zuen. Erredakzioan niri eskaini zidaten gozokia eta nik oparia gustura asko hartu. ONINTZA IRURETAREN HITZALDIA, BAIONAN, MRA FUNDAZIOAN OSTEGUNEAN 3/7AN 20:00ETAN!
Greba handiko protagonistak emakumeak dira, emakume langileak, egoitzetan gerokultora lanean ari direnak, era arruntean zaintzaileak deituak. Emakume haiek informazio preziatua zuten niri emateko, nik liburua mamiz janzteko, baina informatzaile huts baino askoz gehiago izango ziren liburuan. Kalean, lantokian eta sindikatuan ia bi urtez bizi eta pairatu zutena erraietatik aterata kontatuko zidaten, haietako bakoitzak greba bere erara azalduko zuen.
Soraya García egoitzen sektoreko ordezkari sindikal liberatua da. Hark proposatu zizkidan elkarrizketatuko nituen zortzi emakume grebalariak. Ondo baino hobeto ezagutzen ditu zortziak: Aitziber Tolosa Contreras, Ainhoa Menéndez Llamosas, Kontxi Rodríguez Palacios, Marisol Rueda Espinha, Maribel Sampedro Martínez, Marina Costa Bonome, Lara Góngora Góngora eta Verónica Aguado Otero.
Nik ez nuen haietako inor ezagutzen, eta izenen zerrendari begira haien borrokak eta bizitzak irudikatu nahian hasi nintzen, alferrikako ariketa bazen ere. Zenbat urte ote daramatzate gerokultora lanean? Zein adin ote dute? Noiztik daude zailduta lan gatazketan edo borroka feministetan? Edo hasiberri xamarrak ote dira sindikalgintzan?
Ez dute grebari buruz soilik hitz egin nahi
Telefonoa hartu eta deika hasi naiz. Bilbo inguruko kafetegi baketsuak bisitatuko ditudala otu zait, elkarrizketa luze eta lasaiak egiteko, elkarrizketatuak ahalik eta erosoen egon daitezen. Hortxe lehenengo ustekabea: zortzitik zazpi ELAko Bilboko egoitzan elkarrizketatu ditut, ederki asko ezagutzen duten 5. solairuan; Sorayari bisita egin eta zezenari adarretatik heldu.
Lehen bi-hiru elkarrizketetan izerdi hotza atera zait. Sorayak hala esan dit: “Zuk grebari buruz galdetu, greba, greba eta greba, kontatu dezatela nola bizi izan duten”. Grebaz hitz egin? Bai horixe, hala egin dute, baina minutu asko behar izan dituzte lantokiko egoeraz hitz egiteko. Gauza asko daukate kontatzeko eta premia dute barruak husteko: egoitzako zuzendariarekin edo arduradunekin izandako harreman zail eta gaiztoak, lankideekin izan dituzten eta dituzten harreman on eta ez hain onak, zaintza lanaren neke fisikoa, akidura psikologikoa… Bi-hiru elkarrizketa horiek eginda konturatu naiz alferrik ari naizela grebaz bakarrik hitz egiteko tematzen, grebak adina eragindako minak, beldurrak, pozak, elkartasuna, nekea, itxaropena… bizi dituzte urtez urte lantokian, haien egoitzan. Grebaren garaipenaz hitz egin nahi dute, baina eguneroko makurraz ere bai. Eta ez diegu gehiegi galdetu bizitza pertsonalaz, baina 2016ko grebako Maribel, Marina, Aitziber… ezin dira ulertu haien biografia zantzu batzuk izan gabe. Batzuetan eskatu gabe kontatu dizkigute.
Makurrak makur, irribarrea ezpainetan
Elkarrizketa egin aurretik tonua irudikatzen saiatu naiz. Negar zotinka aritzeko moduko solasaldiak izango ote dira? Haserre bizian jarriko ote dira? Biraoka izendatuko ote dituzte haien lantokietan eta patronalean aginte makila duten gizon eta emakumeak? Hara, beste ustekabea. Irribarrea aurpegian hitz egin dute ia elkarrizketa guztian. Batek irribarre zabalez kontatuko dit bere garaian ia-ia ordezkari sindikal izatea lortu zuela, baina hori gertatu baino lehen zuzendariak kalera bota zuela. Beste batek, munduko gauzarik normalena balitz bezala esango dit txiza egitera joateko erreparoz ibiltzen zela, lan zama galanta zuelako eta atsedenerako aukerarik ere ez zutelako. Beste batek aitortuko dit greba egunetan etxean kulero garbiak aurkitzea zaila zela. Nire artean: Emakume hauek ez al dira konturatzen zenbat zapalketa, errespetu falta, prekarietate, matxismo… bizi izan duten hainbeste urtean? Nola azaldu ditzakete halako bizipenak egonarriz eta irribarrez?
Ez dira emakume inozenteak, ez, ausartak eta borrokalariak dira. Badakite emakume eta langile izateagatik urte luzetako zapalketa pairatu dutela eta oraindik pairatzen segitzen dutela. Baina, irribarrerik gabe nola egin aurre halako egoerei? Den-dena ez da irribarrea. Baten baino gehiagoren soslai alaiak begi bustiek ilunduko dituzte une labur batez… eta isilune baten ondotik berriz piztuko da aurpegia. Aurpegi alaia, eta kemenez betea.
Bitxia da. Elkarrizketatzaileari ez zaizkio begiak bustiko kontakizunaren unerik mingarri eta gogorrenetan. Aldiz, emozioak gorenera helduko dira emakumeen elkartasun indartsuaz hitz egin diotenean, ahalduntze prozesu baten kontakizuna egin diotenean, grebaren garaipena kontatu diotenean. Haiei begira nago, entzuten, eta nire artean: A ze emakume puskak!