Articles du Vendredi : Sélection du 20 octobre 2023

Les émissions de CO2 à un niveau record en 2023
Reporterre
https://reporterre.net/Les-emissions-de-CO2-a-un-niveau-record-en-2023

C’est un nouveau record absolu : les émissions mondiales de CO2 devraient encore augmenter en 2023, avec 0,5 à 1,5 % de rejets dans l’atmosphère supplémentaires par rapport à 2022. C’est ce qui ressort d’une étude préliminaire, dont les résultats ont été rendus publics le 17 octobre par le Centre norvégien Cicero pour la recherche internationale sur le climat, affilié à l’université d’Oslo.

L’analyse finale doit être publiée en décembre, mais les chercheurs alertent d’ores et déjà sur cette tendance haussière inquiétante. Il faudrait en effet déjà être sur une trajectoire de baisse des émissions, d’au moins 5 % cette année, si l’on veut respecter l’objectif de l’Accord de Paris de limitation du réchauffement global à 1,5 °C, ainsi que le rappelle auprès de l’AFP Glen Peters, directeur de recherche au centre Cicero.

Les scientifiques ont plusieurs fois espéré apercevoir le pic des émissions mondiales ces dernières années, notamment en 2019, année suivie par un recul des émissions lié à la pandémie de Covid-19. Un nouveau pic a malheureusement été enregistré en 2022 et, a priori, un nouveau record haut se profile donc pour 2023.

« Pour limiter le changement climatique à 1,5 °C sans dépassement ou avec un dépassement limité, le déclin des émissions mondiales de CO2 par rapport à 2019 doit être de : 48 % d’ici 2030, 80 % d’ici 2040 et 99 % d’ici 2050. Nous sommes en 2023 et les émissions continuent de monter ! » résume Glen Peters sur X (anciennement Twitter).

Ces mauvaises nouvelles tranchent avec l’annonce faite en septembre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui prévoyait que la demande en énergie fossile connaisse un pic dans les toutes prochaines années. Une annonce qui laisse sceptique Glen Peters, plutôt « inquiet » que l’on ne fasse « que la moitié du travail » en faisant de gros efforts pour développer les énergies renouvelables, sans pour autant apprendre à se passer des énergies fossiles.

Actuellement, nous émettons plus de 40 milliards de tonnes de CO2 chaque année dans l’atmosphère. Pour avoir 50 % de chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C, et donc éviter les risques accrus de déclencher de dangereux points de bascule climatiques et leurs lots de catastrophes, il nous restait en 2022 un budget de 380 milliards de tonnes à émettre. Il sera atteint d’ici huit ans au rythme actuel.

Energie : «Ni Ben Salmane ni Poutine n’empêcheront le vent de souffler à Dunkerque ou le soleil de rayonner à Toulouse»
Sascha Garcia
www.liberation.fr/forums/energie-ni-ben-salmane-ni-poutine-nempecheront-le-vent-de-souffler-a-dunkerque-ou-le-soleil-de-rayonner-a-toulouse-20231013

Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.

Lors du débat du «Crise énergétique et géopolitique : comment agir ?», le vendredi 13 octobre à Dunkerque,  les deux intervenants (Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe à l’Institut de l’économie pour le climat et Damien Carême, eurodéputé EE-LV)se sont unis autour de la nécessité pour l’Union européenne de se libérer de sa dépendance au gaz et de se tourner vers le renouvelable.

Si la dépendance de l’Union européenne au gaz russe a été illustrée par la guerre en Ukraine, elle ne date pas d’hier.

Pendant de longues minutes, Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe à l’Institut de l’économie pour le climat, raconte de ce «choix» délibéré des pays européens, qui a amené depuis deux ans à une augmentation du prix de l’énergie. «Cette crise, on aurait pu l’éviter», lance-t-il. Si le choix de se tourner vers le gaz à l’étranger pouvait se justifier par des prix compétitifs, aujourd’hui, l’argument ne tient plus, expose à ses côtés Damien Carême, eurodéputé Europe Ecologie-les Verts. «C’est un manque d’anticipation politique et stratégique depuis des décennies sur le territoire européen, raconte l’élu. C’est assez absurde qu’on en arrive là aujourd’hui.»

Sur scène, le duo se complète. «On est dépendants de beaucoup de pays pour satisfaire nos besoins en énergie. On aurait pu investir plus massivement dans les énergies renouvelables et dans la sobriété, plutôt que de faire le choix d’aller vers des énergies pas chères», poursuit Damien Carême. «La bonne nouvelle, c’est que nous avons plein d’alternatives à ce gaz importé», répond Thomas Pellerin-Carlin. Les alternatives, ce sont bien entendu les énergies renouvelables. Moins chères et implantées sur le territoire, elles permettraient à la France de redevenir souveraine énergétiquement. «Aujourd’hui, les Russes peuvent nous couper le gaz, les Iraniens et les Saoudiens peuvent couper notre approvisionnement en pétrole. Mais ni Mohammed ben Salmane ni Vladimir Poutine ne pourront empêcher le vent de souffler à Dunkerque ou le soleil de rayonner à Toulouse», argumente Thomas Pellerin-Carlin. Et Damien Carême d’acquiescer : «Il est temps de mettre les moyens, et de prendre la bonne direction, car dans quelque temps, on ne l’aura plus.»

La transition écologique demeure trop coûteuse pour les classes moyennes et les plus modestes
Audrey Tonnelier
www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/19/la-transition-ecologique-demeure-trop-couteuse-pour-les-classes-moyennes-et-les-plus-modestes_6195387_823448.html

Malgré les aides publiques, la rénovation thermique d’un logement ou l’achat d’une voiture électrique représente plus d’une année de revenus pour la plupart des Français, selon une étude de l’Institut de l’économie pour le climat.

Le sujet est au cœur des réflexions sur l’acceptabilité de la transition écologique. Il sous-tendait le rapport remis en mai à Matignon par l’économiste Jean Pisani-Ferry et l’inspectrice des finances Selma Mahfouz sur « les incidences économiques de l’action pour le climat » : comment faire en sorte que tous les citoyens, y compris les plus modestes, aient les moyens financiers d’opérer les changements nécessaires à la réduction de leur empreinte carbone ?

Pour approfondir cette question, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), un think tank sur l’économie de la transition écologique fondé par la Caisse des dépôts et l’Agence française de développement, a publié, jeudi 19 octobre, une étude intitulée « La transition est-elle accessible à tous les ménages ? ». Dans ce travail d’une soixantaine de pages, que Le Monde a pu consulter, l’I4CE, dont les experts avaient contribué au rapport Pisani-Mahfouz au printemps, a passé au crible les aides publiques existant dans les deux secteurs où les ménages doivent supporter directement les coûts de la transition : la rénovation énergétique des logements et la mobilité électrique.

« Dans le débat public français, depuis les “gilets jaunes”, si on veut parler de transition climatique, on doit donner à chacun la possibilité de la mettre en œuvre », résume Charlotte Vailles, chercheuse de l’I4CE et l’une des autrices de l’étude. « Attendre des ménages qu’ils agissent en faveur de la transition s’ils n’ont pas accès aux solutions – voiture électrique, transports en commun, isolation du logement, changement de chauffage… – génère un rejet des politiques de transition et nous conduit collectivement dans l’impasse », peut-on lire dans l’étude. Or les manques sont encore nombreux.

Des aides qui ont augmenté depuis 2008

Les autrices du rapport ont croisé les données de revenus des ménages – en fait le revenu fiscal de référence, à partir duquel sont attribués les bonus écologiques et autres crédits d’impôts – et les subventions existant aujourd’hui. A la fois pour réaliser les travaux les plus courants en matière de performance énergétique (isolation des murs, du toit, changement du mode de chauffage…) dans six logements types, et pour acquérir un véhicule électrique et une borne de recharge individuelle.

Premier constat : les aides ont beaucoup augmenté depuis leur création et sont de plus en plus corrélées aux revenus des ménages.

Pour la rénovation d’une maison individuelle et l’achat d’une voiture électrique neuve, ainsi que d’une borne de recharge, leur montant maximal est passé depuis 2008 (date de mise en place des premiers bonus) de 20 000 à 50 000 euros, selon l’étude. A logement et voiture donnés (c’est-à-dire pour la rénovation et l’achat d’un même type de biens), les aides sont deux fois plus élevées pour les 30 % de ménages les plus modestes que pour les 20 % les plus aisés. Toutefois, le « reste à charge », c’est-à-dire la différence entre ce que les ménages financent par apport personnel et les aides auxquelles ils peuvent prétendre, se compte encore en dizaines de milliers d’euros.

Ainsi, dans le cas de la rénovation thermique, pour un couple appartenant au troisième ou quatrième décile de revenus (13 400 à 24 400 euros de revenu fiscal de référence, correspondant peu ou prou aux classes moyennes populaires), il faut compter 25 000 à 45 000 euros pour rénover son logement, selon qu’il s’agit d’un appartement, d’une maison rurale chauffée au fioul ou d’un pavillon des années 1970. Au total, « pour la plupart des logements, le reste à charge d’une rénovation performante représente plus d’une année de revenus pour les ménages modestes et ceux des classes moyennes », note l’étude.

Pour les 10 % les plus modestes (moins de 3 000 euros de revenu fiscal de référence pour un couple), le coût à supporter représente dix ans ou plus de revenus. La possibilité de contracter un éco-PTZ (prêt à taux zéro), dont le plafond a été rehaussé à 50 000 euros depuis 2022, change la donne, nuance l’étude : dans la plupart des cas, cela permet de rentabiliser l’investissement de rénovation dans l’année suivant les travaux. Mais cela reste un calcul théorique, qui omet les comportements des propriétaires concernés.

« Démarches administratives complexes »

« Des freins demeurent : les démarches administratives sont complexes, et le taux d’endettement induit, qui s’ajoute à l’endettement pour l’achat du logement, dépasse souvent le maximum acceptable par les banques », note Charlotte Vailles. De plus, « les ménages voient davantage l’ampleur de l’investissement que les économies que cela leur permettra de réaliser ensuite », prévient la chercheuse d’I4CE.

Afin de contenir le taux d’endettement à un seuil acceptable par les banques, une augmentation des aides de plus de 20 % serait nécessaire pour les ménages modestes et la première moitié des classes moyennes, a calculé l’I4CE. « Cette hausse pourrait entre autres être financée par un rebasculement d’une partie des aides des ménages les plus aisés, sans compromettre pour ces derniers l’accessibilité économique de la rénovation », recommande l’étude.

Ce problème de trésorerie se pose aussi pour le passage à un véhicule électrique. En fonction des modèles, le reste à charge varie entre environ 10 000 et 40 000 euros. « Pour une citadine standard, il est compris entre 26 000 et 28 000 euros pour les ménages des classes moyennes », soit là encore, le plus souvent, plus d’une année de revenus. Conséquence : même si une fois réalisé, le passage à l’électrique diminue en moyenne de moitié le budget voiture d’un ménage (plus de 150 euros par mois en moins, aux prix de l’énergie du premier semestre 2023), l’investissement initial est trop élevé.

« Avec les prix de l’énergie en vigueur au premier semestre 2023, et pour un modèle donné de citadine standard, une hausse des aides entre 10 % et 50 % serait nécessaire pour les ménages modestes et le début des classes moyennes, afin que les économies d’énergie couvrent le loyer du leasing », selon l’I4CE. La mise en place à partir de 2024 du leasing social – location d’une voiture électrique pour 100 euros par mois, promesse de campagne d’Emmanuel Macron –, pourrait faciliter le passage à l’électrique. Mais embarquer durablement tous les Français dans la transition écologique nécessitera davantage de moyens.

Changement climatique et précarité des conditions de travail : un cocktail périlleux
Par le Collectif de Saisonnier.e.s, El Eco Saisonnier1, accompagné de la chercheure-intervenante Fabienne Goutille2
https://blogs.mediapart.fr/elecosaisonnier/blog/141023/changement-climatique-et-precarite-des-conditions-de-travail-un-cocktail-perilleux-0

Six saisonnier·es sont décédé·es lors des 15 premiers jours de vendanges dans l’Est de la France (4 en Champagne, et 2 en Beaujolais). Âgé·es de 19 à 60 ans, ils ont tous été victimes d’arrêts cardiaques dans le contexte d’une canicule sans précédent, qui semble en avoir été le facteur principal.

6 saisonnier·es viennent de décéder lors des 15 premiers jours de vendanges dans l’Est de la France (4 en Champagne, et 2 en Beaujolais). Âgé·es de 19 à 60 ans, il ont tous été victimes d’arrêts cardiaques dans le contexte d’une canicule sans précédent, qui semble en avoir été le facteur principal.

En premier lieu, nous exprimons nos condoléances les plus sincères à leurs familles, amis et collègues. Cela ne devrait jamais arriver. Qu’ils reposent en paix.

En deuxième lieu, même si ce n’est pas l’objet central de cet article, nous tenons à exprimer notre solidarité avec les saisonnier·es victimes présumées de traite humaine lors des vendanges, et dans l’agriculture en général. Toute notre admiration et soutien à celles et ceux qui ont eu le courage d’en parler et de dénoncer la situation.3

Ce drame n’est malheureusement pas le premier, et ne sera pas le dernier vu les conditions de vie au travail et hors-travail des saisonnier·es agricoles. Chaque année des ouvriers souffrent et meurent dans l’indifférence ou l’invisibilisation générale. Pourtant ces travailleurs sont des êtres humains, méritant, comme tout à chacun, de travailler dans des conditions dignes et en sécurité. Ils sont indispensables au fonctionnement de l’agriculture et à ses rendements qui lui procurent la place de deuxième secteur excédentaire français.

Comment dans un secteur comme la viticulture peut-on faire face à un constat si macabre ?

Combien de temps faudra-t-il pour que les institutions protègent celles et ceux qui font vivre l’agriculture française ?

La vie des saisonnier·es mérite d’être préservée !

Face à la situation et à la réponse du Syndicat Général de Vignerons (SGV)4 relayée par les médias (illustrée ci-contre), nous prenons la parole, pour témoigner et alerter des dangers qui menacent la vie des saisonnier.e.s au travail. Si les saisonnier·es avaient autant d’influence sur l’organisation des vendanges que le suggère le SGV, ils et elles auraient probablement déjà obtenu de meilleures conditions de vie, de logement, de travail et de rémunération.

En réalité, la précarité des saisonnier.e.s liée à leurs statuts (contrats TESA ou contrats temporaires, travailleurs/euses détaché.e.s), à leurs conditions d’hébergement (hébergement en plein air et non sécurisé, sans logement fixe, logement éloigné du lieu de résidence habituel, logement dépendant de l’employeur) et de vie (barrière de la langue, difficulté d’accéder au système médical et juridique français, etc.) ne permet pas de revendiquer quoi que ce soit sans risquer gros (une mise à pied, un licenciement, une perte de logement).

Le milieu agricole dispose de flexibilités pour garantir la productivité et limiter les pertes, par exemple en augmentant le temps de travail hebdomadaire autorisé dans le Code du travail (de 48h à 60h par semaine, voir 72h en Champagne5, journées de travail supérieures à 10h, augmentation du nombre de jours de travail successifs et réduction du temps de repos). Dans certaines régions, les employeurs agricoles vont jusqu’à obtenir des dérogations pour louer ou fournir des logements ne répondant pas aux normes du Code rural (dortoirs pour 10 personnes, logement sans eau, camping sans ombre, etc.)6. Parfois encore, les accès aux terrains communaux sont interdits7, ce qui entraîne le développement de campements de fortune qui mettent les saisonnier.e.s en situation de risques.De l’autre côté, pour les saisonnier·es, aucune dérogation et ou mesure protectrice (arrêté préfectoral par exemple) n’impose un arrêt du travail pendant les heures les plus chaudes. Une mesure protectrice globale viendrait protéger la santé, le travail et l’emploi, sans entraîner de risque de pénalités économiques ou de licenciement pour les travailleurs les plus précaires. Cela demanderait que les institutions soient dotées des moyens nécessaires pour protéger le travail et la vie des saisonnier.e.s.

La prévention et l’information dirigée aux saisonnier.e.s n’arrive pas toujours jusqu’aux personnes concernées. Les messages d’alerte et de prévention aux exploitants sont également insuffisants.

Les informations ci-dessous devraient pouvoir être connues de toutes et tous.

Les risques physiologiques liés à la chaleur qui sont connus ne peuvent plus être ignorés

  • Risque de décès plusieurs jours après l’exposition : En cas de fortes chaleurs ou de canicule et soumis à un effort physique intense, les effets sur le corps à court et long terme peuvent être irrémédiables (l’hyperthermie peut créer des lésions cellulaires) et entraîner des symptômes qui peuvent se manifester jusqu’à 10 jours suivant l’exposition (Santé publique France, 2023)8. C’est ce qui est arrivé à l’une des victimes qui, après un malaise au travail, est décédée d’un arrêt cardiaque à son domicile quelques jours plus tard9.
  • L’humidité ambiante, un facteur aggravant : Bien que la température de 34⁰C à l’ombre ne semble pas très élevée, la chaleur sous en climat humide est plus dangereuse que sous un climat sec ; elle oblige le corps à faire un effort supplémentaire pour respirer, et l’humidité ambiante ne permet pas à la sueur de s’évaporer, un processus essentiel pour réguler la température corporelle10 (INRS, 2022).
  • Différence entre température annoncée (ou mesurée) et température ressentie : Il faut rester aussi vigilant sur la température qui peut être réellement ressentie, car les températures annoncées par les chaînes météo sont calculées à l’ombre : 34⁰C à l’ombre signifie qu’il peut facilement faire plus de 40⁰C au soleil, surtout si le sol n’est pas recouvert d’herbe ou de végétation sèche (avec de la terre nue ou, pire encore, du goudron) (Ibid.).
  • Une adaptation différente pour chacun : Le corps d’une personne vivant dans une région fraîche est, en général, moins habitué et résistant à la chaleur que celui d’une personne qui habite dans une région plus chaude.
  • 3 jours à risques avant l’acclimatation : Il faut 3 jours de fortes chaleurs consécutives pour lancer une alerte orange canicule, donc des mesures de prévention des risques. Ce sont justement ces jours durant lesquels le corps sera le plus vulnérable, le temps qu’il s’adapte à la chaleur (8-12 jours pour une acclimatation complète) (Ibid.).

D’après notre échange avec la DREETS, 40⁰C c’est la température à partir de laquelle l’Inspection du travail peut appliquer une décision administrative de fermeture d’une entreprise, dans un lieu clos. Cela s’applique aux boulangeries, aux usines ou aux serres, mais pas aux vignobles ou à d’autres travaux en plein air, car il ne s’agit pas de lieux fermés. Bien que l’INRS indique qu’à partir de 28⁰C, il existe des risques liés à la chaleur dans les travaux physiques à l’extérieur, et que 33⁰C dans les serres est considéré comme un risque suffisant (Ibid.), il n’existe toujours pas de procédure similaire visant à protéger la santé des travailleurs agricoles. En effet, le code du travail ne précise pas la température à partir de laquelle un arrêt de travail peut être exigé dans les travaux agricoles extérieurs.

Pour limiter ces problèmes, la France pourrait à l’instar de l’Espagne, un pays accusant de hautes températures, fixer une limite légale de température pour le travail physique en extérieur. A savoir que cette limite a entraîné dans certaines régions un décalage des horaires de travail avant le lever du jour, par exemple dans des provinces comme Valladolid et certains domaines français11.

Le travail sous fortes chaleurs n’est pas le seul responsable de la vulnérabilité des saisonnier.e.s. La préservation de leur santé passe aussi par leurs conditions de logement ; pour permettre au corps de récupérer, il est absolument nécessaire de pouvoir se reposer au sein de logements tempérés. Avec les températures actuelles qu’accuse le monde agricole français, les possibilités d’hébergement destinées aux saisonnier·es ne peuvent plus se limiter à des campings nus, parfois dépourvus d’ombre et de services de base tel que l’accès à l’eau12. Or, aujourd’hui encore, et dans des régions prestigieuses au niveau viticole, prolifèrent des offres de logement indignes que l’on fait payer à des saisonnier.e.s expulsés de campements de fortune (terrains sans électricité et/ou sans ombre pour plus de 240 euros par mois)13.

Les communautés de commune devraient pouvoir être soutenues par l’État pour offrir des conditions dignes à cette main d’œuvre saisonnière nécessaire à la France. Mais si divers employeurs, même modestes, y parviennent, pourquoi certaines grandes entreprises n’accueillent pas encore dignement les ouvriers?

Combien faudra-t-il encore de morts ? Au moins 6 morts suite aux fortes chaleurs en 2023, et 6 décès provoqués par le froid ces dernières années. El Eco saisonnier a également eu connaissance de plusieurs hospitalisations graves suites à des conditions de travail et d’accueil délétères

De manière générale, les conditions de travail, d’accueil et de rémunération des saisonnier.e.s doivent et auraient déjà dues être améliorées. Face au changement climatique, il faut impérativement accélérer cette réparation, cela implique aussi des évolutions dans les méthodes de travail et dans le modèle agricole actuel.

En attendant que les institutions mettent en place des mesures efficaces pour protéger les ouvriers agricoles en cas de forte chaleur, El Eco Saisonnier choisit d’agir avec sa communauté élargie de recherche. C’est ainsi qu’il est entré en relation avec l’Inspection du travail. L’encadré ci-dessous retrace les principales procédures et actions envisageables pour faire face à un employeur qui ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés notamment au regard de températures extérieures.

Ces procédures restent fastidieuses à mettre en place en cas d’urgence et nécessitent une fine connaissance du Code du travail, sans vous prémunir complètement d’un licenciement. Elles ne remplacent pas l’efficacité des campagnes de prévention et d’information de la population et des employeurs. Mais, dans tous les cas, et selon le Code du travail, en cas de trop fortes chaleurs, tous les travailleurs doivent pouvoir se mettre à l’ombre, s’hydrater et cesser le travail si nécessaire. Nos vies valent plus que quelques grappes de raisin !

Concernant le travail physique en extérieur,

Mesures de précaution à suivre par les employeurs en cas de canicule : ALERTE ORANGE/ROUGE

  • Changer les horaires de travail pour éviter les heures les plus chaudes
  • Assurer une quantité suffisante d‘eau fraîche
  • Réduire le rythme de travail
  • Faire des pauses plus fréquentes et/ou plus longues avec une petite installation d’ombrage, s’il n’y a pas d’arbres à proximité de la parcelle.

En cas de non-respect de ces mesures, vous pouvez avertir l’inspection du travail (en cas d’alerte orange il suffit de l’appel d’une seule personne). Pour entamer cette procédure, il est recommandé de le faire par téléphone. Il n’est pas nécessaire d’avoir un niveau de français élevé pour le faire ; il suffit de dire : “mon patron ne respecte pas les mesures de précaution en cas de canicule“, suivi du nom et du prénom de l’employeur (ou entreprise), et de la personne qui signale (qui reste confidentiel).

Dans un premier temps, l’inspection du travail peut intervenir et mettre en demeure l’entreprise d’arrêter le travail jusqu’à la mise en place de ces mesures. Il y a encore des employeurs qui ne sont pas conscients des dangers du travail sous une telle chaleur mais, en général, ils réagissent et ne sont pas sanctionnés (régularisation à l’amiable). En cas de non-respect de cet avertissement, l’inspection du travail informe l’employeur de son infraction (“verbalisation” ou “procès-verbal”) et la plainte est ensuite transmise au procureur de la République, et il sera confronté à des sanctions lourdes.

La loi ne permet pas de renvoyer une personne qui demande de ralentir la cadence de travail (que ce soit pour vous, ou un collègue qui refuse de reconnaître qu’il fait trop d’effort), cela irait à l’encontre du droit à la préservation et peut être considéré comme un ABUS DE DROIT ; bien que l’employeur ne puisse pas être contraint de vous réintégrer au travail, il devra vous verser une indemnité.

Une autre mesure possible consiste à appliquer son DROIT DE RETRAIT. Il peut être compliqué de l’appliquer en cas de canicule, car le Code du travail ne fixe pas un seuil de température et d’humidité maximales et les premiers symptômes de coup de chaleur, d’insolation, de descente de sodium, … ne sont pas suffisamment forts pour être considérés comme un “risque grave et imminent”. Cependant, en cas d’apparition d’un symptôme, l’inspection du travail nous encourage à recourir au droit de retrait et à nous mettre immédiatement à l’ombre, à boire et à cesser toute activité physique. L’employeur N’A PAS LE DROIT DE VOUS EMPÊCHER D’ARRÊTER LE TRAVAIL, et s’il le fait, cela doit être signalé à l’inspection du travail (il est préférable que vous ayez des témoins). La procédure du DROIT DE RETRAIT est la suivante :

1- SE METTRE EN SÉCURITÉ.

2- Informer l’employeur verbalement et PAR ÉCRIT (email) que vous bénéficiez du droit de retrait.

3- Informer l’INSPECTION DU TRAVAIL dès que possible, en envoyant une copie du courriel que vous avez envoyé à l’employeur.

Aidez le/la collègue qui se sent mal à prendre le droit de retrait et à suivre cette procédure (compliquée à mettre en place en cas de malaise). Accompagnez-le/la jusqu’à la disparition des symptômes, si l’employeur ne le/la prend pas en charge. Appelez le 15 en cas de syncope, convulsions ou si les symptômes persistent*.

PRENEZ SOIN de vous, de vos collègues ET ÉCOUTEZ VOTRE CORPS !

*Plus d’informations dans le guide de l’INRS : https://www.inrs.fr/dms/inrs/GenerationPDF/accueil/risques/chaleur/Travail%20%C3%A0%20la%20chaleur.pdf

1 El Eco saisonnier est une plateforme d’informations destinées aux travailleurs agricoles saisonniers en France, notamment aux étrangers. Cette initiative a été lancée début 2023 sur la base des questions et problèmes régulièrement soulevés dans les groupes WhatsApp saisonniers.

http://elecosaisonnier.wordpress.com

Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100090059473708

2 Chercheure-intervenante en sciences humaines et sociales, au laboratoire EPICENE (Université de Bordeaux) et associée à l’équipe ETTIS (INRAE) avec qui elle a accompagné depuis 2022 les saisonnier.e.s agricoles au sein de groupes WhatsApp

3 https://fr.euronews.com/2020/07/03/traite-d-etres-humains-les-vignobles-de-champagne-cote-face

4 Témoignage du président du SGV Maxime Toubart dans les deux articles suivants :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/epernay/canicule-quatre-morts-suite-a-des-arrets-cardiaques-dans-les-vignes-en-champagne-c-est-dramatique-2837759.html

https://www.vitisphere.com/actualite-100142-plusieurs-morts-pendant-les-vendanges-en-champagne-et-dans-le-beaujolais-.html

5 https://maisons-champagne.com/fr/professionnel/convention-collective-du-champagne/b-le-contrat-de-travail/article/b-394-duree-maximale-du-travail-hebdomadaire

6 https://www.lunion.fr/id514321/article/2023-08-25/champagne-les-vignerons-obtiennent-lallegement-des-normes-dhebergement-pour-les?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR2Sv8uQVynytFz5GFqMVEgzODI74wRTSpfqg4CcizrT64jQHieqai8pWq4

7 https://actu.fr/grand-est/montmirail_51380/marne-a-lapproche-des-vendanges-cette-ville-se-prepare-au-bras-de-fer-annuel-avec-les-gens-du-voyage_60027227.html?fbclid=IwAR1dGgD2mxPqkpXc_It_M3rRZ-TkGV3pesQ3tb8i4lLwQUjuzVAsUlMx6NI

8 https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/fortes-chaleurs-et-canicule-un-impact-sur-la-mortalite-important-necessitant-le-renforcement-de-la-prevention-et-de-l-adaptation-au-changement-cl

9 https://www.cgtchampagnereims.fr/?p=20779&fbclid=IwAR2C0MKqhDpJOFaxm2pdmmA3t6dAtBa6W4x5RulB0INSpvV8e13CUVmdl5Q

10 https://www.sante-et-travail.fr/ete-meurtrier-saisonniers-vignes https://www.inrs.fr/dms/inrs/GenerationPDF/accueil/risques/chaleur/Travail%20%C3%A0%20la%20chaleur.pdf

11 https://www.lunion.fr/id520892/article/2023-09-15/dans-la-marne-une-vendange-3-heures-du-matin-pour-echapper-la-chaleur?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR04w3SLgHsR9WCc1SizQpb5KOaXsjgqpHx0VB8t-FLUUwOHG9F82OiE0E4

12 https://www.cgtchampagnereims.fr/?p=20757

13 https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/vendanges-squats-hebergements-illegaux-drones-ambiance-tendue-autour-de-l-accueil-des-saisonniers-en-bourgogne-2841353.html?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR2ehYE6rA46Qx23V04A8POVSp-3f-5va7lNIvN5yRYo_AjesrVIZS8GWRU#Echobox=1695055501-11

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/un-village-ephemere-pour-loger-les-vendangeurs-une-premiere-en-france-2836535.html?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR2ZpOT0LAJupKU9jYvl0Z1nWut53tQe4Joo4yq7nZZMNdJ-jVx83PKEiIY#Echobox=1694245134-12

A69 autobidearen lanekin jarraituko duela iragarri du Frantziako Gobernuak
Mattin Azpiroz Pagola
www.argia.eus/albistea/a69-autobidearen-lanekin-jarraituko-duela-iragarri-du-frantziako-gobernuak

Autobidearen lanak etetea lortu zuten hiru lagunek egarri greba hasi eta 24 ordutara. Gaia berraztertzeko bilkuraren ondoren, ordea, gobernuak proiektua “bururaino eramatea” erabaki du.

Joan den astean grebalariek A69 autobidearen lanak etetea lortzea “garaipenaren hastapena” zela adierazi zuen ingurumen ekintzaile Thomas Brailek. Hala ere, ostiraleko bilkuran zer erabakiko zen ikusteko zegoen. Azkenean, Gobernuak iragarri du Tolosa-Castres autobidearen proiektua berretsi dutela: “Azken bururaino eramango dugu proiektua”.

Dozena bat lagunek gose greba hasi zuten joan den irailean, eta pasa den astean hiru grebalarik egarri greba hasi ostean lortu zuten obrak etetea ostiralera arte, behintzat. Egun horretan hartu zuten tokiko hautetsiak biltzen dituen bilkuran behin betiko erabakia. Bertan, A69aren aldekoak, proiektuaren aurkako kolektiboak, zientzialariak eta botere exekutiboak elkartu ziren.

“Legezko ordezkariak diren tokiko hautetsien gehiengo oso zabal batek autobidearen aldeko legea berretsi du”, adierazi du Garraio ministro-orde Clément Beaunek ohar baten bidez. Halaber, bilkuran izandako “elkarrizketa sakon” baten ondoren “indarra legearen eta zuzenbide estatuaren esku” geldituko dela adierazi du.

Bestalde, Tarneko departamenduko kontseiluko lehendakari Christophe Ramondek adierazi du autobidea “behar-beharrezkoa” dela: “Familiek auto bat edo bi behar dituzte egunerokotasunean, gure lurralde menditsuetan ibilgailu bat izatea ezinbestekoa da mugitzeko”.

Proiektuaren aurka hainbat auzibide abiatu dira, oraingoz arrakastarik gabe. Gobernuak adierazi du “zuzenbide araua errespetatua izan dela” prozeduraren urrats guztietan: “Epaileak orain arte baztertu egin ditu proiektuaren aurka jarritako auzi guztiak, baita obrak eteteko eskaera ere. Etete-helegite guztiak aintzat hartu dira eta baztertuak izan dira”, argudiatu du gobernuak.

Autobidearen kalteak

Hainbat talde ekologistek salatu dute A69 autobidea “biodibertsitatearentzat guztiz kaltegarria” izango dela. Brailek azpimarratu du proiektuarekin aurrera jarraitzeak ehun urte inguruko pinuak eta platanondoak erauztea ekarriko duela, besteak beste.