Articles du Vendredi : Sélection du 20 novembre 2020


Le réchauffement climatique, une menace bien plus grande que le Covid, selon la Croix-Rouge
AFP
www.liberation.fr/depeches/2020/11/17/le-rechauffement-climatique-une-menace-bien-plus-grande-que-le-covid-selon-la-croix-rouge_1805820

Il est «urgent» d’agir face au réchauffement climatique, qui est une catastrophe «de plus grande ampleur» que le Covid-19 et contre lequel il n’y a en plus pas de vaccin, a alerté la Croix-Rouge mardi.

Les changements climatiques n’attendent pas que le Covid-19 soit maîtrisé pour continuer à emporter des vies, observe la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) dans un rapport sur les catastrophes dans le monde depuis les années 1960.

Selon cette organisation basée à Genève, plus de 100 catastrophes ont eu lieu entre mars – quand la pandémie de coronavirus a été annoncée par l’Organisation mondiale de la santé – et septembre, et plus de 50 millions de personnes ont été touchées.

«Bien sûr, le Covid est là, il affecte nos familles, nos amis, nos parents et (…) c’est une crise très, très grave à laquelle le monde est confronté actuellement», a reconnu le secrétaire général de la FICR, Jagan Chapagain, en conférence de presse.

Mais, «à notre avis, le changement climatique aura un impact plus important à moyen et long terme sur la vie humaine et sur la Terre» que le Covid-19, qui a fait au moins 1,3 million de morts depuis fin 2019, a-t-il affirmé.

D’autant que «si nous avons de la chance, nous aurons un vaccin contre le Covid l’année prochaine et si tout va bien dans quelques années, nous devrions être en mesure de gérer l’impact du Covid-19», a-t-il dit, en constatant avec amertume: «malheureusement, il n’existe pas de vaccin contre le changement climatique».

«Il faudra une action et des investissements beaucoup plus durables pour réellement protéger la vie humaine sur cette Terre», a-t-il conclu, appelant chaque individu à agir.

Déjà, observe la FICR, la fréquence et l’intensité des phénomènes climatologiques augmente considérablement, avec davantage de tempêtes de catégorie 4 ou 5, davantage de vagues de chaleur battant des records de températures et davantage de fortes pluies, entre bien d’autres extrêmes.

Rien qu’en 2019, il y a eu 308 catastrophes déclenchées par des aléas naturels, tuant environ 24.400 personnes dans le monde. 77% étaient des catastrophes climatiques ou météorologiques.

Le nombre des catastrophes climatiques et météorologiques augmente depuis les années 1960, et a progressé de près de 35% depuis les années 1990.

La proportion des catastrophes attribuables à des phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes a, elle aussi, nettement augmenté pendant cette période, passant de 76% dans les années 2000 à 83% dans les années 2010.

– Notre survie menacée –

Les catastrophes provoquées par des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes ont tué plus de 410.000 personnes ces dix dernières années, en grande majorité dans des pays à revenu faible ou moyen inférieur.

Les vagues de chaleur, suivies des tempêtes, ont été les plus meurtrières.

Face à ce défi qui «menace littéralement notre survie sur le long terme», la FICR appelle la communauté internationale à agir sans plus attendre.

L’organisation estime que quelque 50 milliards de dollars seraient nécessaires chaque année pour répondre aux besoins en matière d’adaptation que 50 pays en développement ont définis pour la prochaine décennie.

«Ce montant est dérisoire au regard de la riposte mondiale aux répercussions économiques de la pandémie», assure la FICR.

L’organisation déplore par ailleurs que nombre de pays hautement vulnérables au changement climatique sont laissés pour compte et ne reçoivent qu’une aide relativement modeste.

Le rapport montre ainsi qu’aucun des vingt pays les plus vulnérables aux changements climatiques et aux catastrophes climatiques et météorologiques, comme la Somalie, figurait parmi les vingt principaux récipiendaires par personne des financements au titre de l’adaptation aux changements climatiques.

Un Budget de l’État 2021 qui n’augure rien de bon pour les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat
RAC
https://reseauactionclimat.org/un-budget-de-letat-2021-qui-naugure-rien-de-bon-pour-les-propositions-de-la-convention-citoyenne-pour-le-climat

Aujourd’hui, le texte du projet de loi de finances pour 2021 sera voté en 1ère lecture à l’Assemblée. Après plusieurs semaines de débats, force est de constater que le PLF, présenté par le Gouvernement comme le premier jalon législatif pour la mise en œuvre des recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat, est un échec.

Aucune des propositions budgétaires portées par les citoyens n’a été complètement adoptée. Les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat mises en avant par le Gouvernement ont été sélectionnées au compte goutte. Quant aux plus structurantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, elles ont été rejetées ou vidées de leur substance, à l’image du malus automobile.

Pourtant, de nombreux amendements favorables au climat ont été déposés et débattus avec conviction, à plusieurs reprises et par plusieurs groupes politiques. En vain pour renverser les rapports de force, là où le Gouvernement a pris position bien en deçà des propositions de la Convention Citoyenne, comme sur le malus poids ou les financements export. Malgré un certain malaise, par exemple sur la mise en place d’éco-conditionnalités pour les grandes entreprises, la majorité parlementaire, sur avis du Gouvernement, a rejeté les propositions essentielles pour la transition écologique et la résilience de notre économie.

Le Réseau Action Climat appelle désormais les sénateurs et sénatrices à se saisir de la dernière chance pour verdir le texte. Les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat doivent être intégrées, notamment :

  • Des financements supplémentaires pour une réelle relance du ferroviaire.
  • Des propositions pour rendre la production agricole moins polluante et plus résiliente.
  • Des moyens additionnels donnés aux collectivités pour la mise en œuvre de politiques ambitieuses pour une transition écologique et solidaire. La mise en œuvre des mesures de la Convention, tout comme les mesures portées dans le plan de relance, dépendent des collectivités qui doivent avoir les moyens suffisants pour faire face aux enjeux écologiques, économiques et sociaux.
  • Des contreparties environnementales aux aides publiques versées aux grandes entreprises et la suppression de toutes les subventions néfastes pour le climat et la biodiversité.

Un texte ainsi enrichi donnera une nouvelle opportunité à l’Assemblée nationale de démontrer sa compréhension de l’urgence de lutter contre la crise climatique.

Plusieurs propositions structurantes issues de la Convention Citoyenne pour le Climat ont été portées lors des débats sur le PLF à l’Assemblée nationale – mais aucune de ces propositions n’a été réellement adoptée.

Le détail en tableau ici

France Nature Environnement – Thomas Lesperrier, Coordinateur du réseau transport :

“Aucune avancée majeure dans le texte, notamment en ce qui concerne les transports. Le rééquilibrage fiscal entre le transport routier d’une part et le fer et fluvial d’autre part ne fait même plus partie des sujets discutés. La baisse de TVA sur les transports du quotidien est écartée… Pourquoi avoir organisé une Convention Citoyenne si toutes leurs propositions sont rejetées ?”

Greenpeace France – Clément Sénéchal, Chargé de campagne politiques climatiques :

« Le Gouvernement et sa majorité demeurent unis dans le déni de l’urgence climatique. Ensemble, ils refusent d’assortir les aides publiques, distribuées sans sourciller aux grandes entreprises, à des éco-conditionnalités pourtant indispensables pour rendre notre économie conforme à l’Accord de Paris. De son côté, l’ISF climatique, qui a fait l’objet de plusieurs amendements transpartisans, dont un signé par une députée LREM, a été balayé d’un revers de manche. C’est donc bien le chantier de la transition juste que le Gouvernement refuse obstinément de démarrer, trahissant par là l’esprit même de la Convention Citoyenne pour le Climat. »

CLER – Réseau pour la transition énergétique – Etienne Charbit, Responsable de projets efficacité énergétique :

“La volonté affichée par le Gouvernement de soutenir davantage les rénovations globales et performantes ne s’est pas traduite dans les faits : la priorité a été donnée à la relance du dispositif existant.

Pour atteindre l’objectif national de rénovation de l’ensemble du parc au niveau BBC d’ici à 2050, il est urgent et indispensable de passer à la vitesse supérieure, tant en termes d’investissements que de qualité des rénovations.”

Réseau Action Climat – Meike Fink, Responsable Transition climatique juste :

“Le projet de loi de finances voté en première lecture à l’Assemblée nationale ne permettra pas de respecter les objectifs climatiques de la France. Alors que le Gouvernement met en avant un plan de relance « vert » et la reprise des mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat, une grande partie du budget échappe à cette règle, en finançant directement des entreprises sans aucune condition écologique et sociale. À cela s’ajoute le rejet systématique d’une grande partie des mesures portées par les 150, et un amoindrissement systématique des quelques mesures retenues.”

Les Amis de la Terre France – Cécile Marchand, Chargée de campagne climat et acteurs publics :

« Face aux lobbys de l’agrobusiness ou des énergies fossiles, le Gouvernement plie et trahit sa promesse vis-à-vis de la Convention Citoyenne pour le Climat. Comme d’habitude, sa majorité parlementaire le suit aveuglément, en remettant l’action à plus tard ou en adoptant des mesures anecdotiques. Le tout en tentant de faire croire qu’ils prennent la crise écologique au sérieux. Cette mascarade est insupportable. »

Oxfam France – Alexandre Poidatz, Chargé de plaidoyer Finance et climat :

“Un budget qui n’aura pas servi la relance d’une nouvelle économie verte. Toutes contreparties écologiques en échange d’aides publiques aux grandes entreprises ont été rejetées. Pire, la majorité a même voté pour le maintien des aides financières de l’Etat, via les financements exports, pour des projets d’énergies fossiles à l’étranger, au-delà de 2035. Comment sauver la planète quand on refuse de faire changer les règles du jeu des grandes entreprises ?”

Fondation Nicolas Hulot – Samuel Leré, Responsable Plaidoyer :

“En refusant d’intégrer les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat dans ce PLF 2021, et plus largement de lui donner une ambition écologique et sociale, la majorité démontre une nouvelle fois son refus de passer des discours aux actes. Par exemple, sur la restauration collective, alors même que le secteur a besoin d’1 milliard d’euros sur trois ans pour atteindre les objectifs de la loi Egalim de servir 50 % produit durable dont 20 % de bio d’ici à 2022, le Gouvernement n’a octroyé que 50 millions d’euros sur 2 ans, soit 5 % des besoins.”

Cyril Dion lance une pétition pour ‘ sauver la Convention citoyenne pour le climat ‘
Reporterre
https://reporterre.net/Cyril-Dion-lance-une-petition-pour-sauver-la-Convention-citoyenne-pour-le-climat

Face aux reculs d’Emmanuel Macron sur leurs 149 propositions, qu’il promettait de reprendre « sans filtre », la colère monte chez les citoyens de la Convention pour le climat. Seuls pour « affronter les lobbies », déçus que nombre de leurs propositions aient été retoquées ou détricotées, certains fatiguent, d’autres montent au front.

Garant du bon déroulement de la Convention, Cyril Dion est également monté au créneau. Le réalisateur du film Demain, qui fut l’un des initiateurs de cette forme inédite de démocratie participative, a décidé de lancer, lundi 16 novembre, une pétition pour « sauver la Convention citoyenne pour le climat ».

« J’ai toujours dit que je m’engagerais si Emmanuel Macron ne respectait pas son engagement de transmettre sans filtre les propositions de la Convention, a affirmé Cyril Dion, contacté par France 24. On se retrouve aujourd’hui exactement dans la situation qu’on redoutait : le gouvernement transforme les mesures pour satisfaire certains intérêts économiques. La parole présidentielle n’est pas respectée. »

Dernier recul en date : le malus au poids pour les véhicules neufs adopté, vendredi 13 novembre, par l’Assemblée nationale. Alors que la Convention pour le climat proposait une taxe de dix euros par kilogramme sur la vente des véhicules neufs à partir de 1,4 tonne, le ministère de la Transition écologique a défendu, dans le cadre du projet de loi de finances, un malus écologique concernant les voitures de plus de 1,8 tonne. Un relèvement du poids qui change tout puisque, selon des chiffres de l’Agence de la transition écologique (Ademe) cités par Libération, la part des voitures de plus de 1.800 kg vendues en 2019 en France représentait 1,74 % du total, quand celle des voitures de plus de 1.400 kg était de 26 %.

La pétition de Cyril Dion a recueilli, mardi 17 novembre à 14 h 30, plus de 164.000 signatures. Le réalisateur a dit à France 24 espérer franchir la barre du million de signataires pour « créer une pression suffisante pour que le projet de loi soit à la hauteur des attentes de la Convention » et évoqué une « tentative de la dernière chance ».

Une avancée historique pour la justice climatique !
L’affaire du siècle
https://laffairedusiecle.net/une-avancee-historique-pour-la-justice-climatique

Ce matin à 9h30, le Conseil d’Etat a rendu une décision véritablement historique pour la lutte contre la crise climatique : il met l’Etat face à ses responsabilités en considérant que les objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés par la loi sont contraignants. Répondant au recours climatique de la commune de Grande-Synthe, que soutient l’Affaire du Siècle, la plus haute juridiction administrative a donné 3 mois à l’Etat pour montrer que les actions mises en place sont suffisantes pour les atteindre.

Décryptage de cette décision qui rebat les cartes de la politique climatique pour la France avec Guillaume Hannotin, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui représente l’Affaire du Siècle dans le dossier de Grande-Synthe.

Le Conseil d’Etat dit en substance à l’État de respecter la loi, en quoi est-ce révolutionnaire ?

En droit, on distingue ce qu’on appelle “du droit mou” et du “droit dur”. Les lois de programmation étaient jusqu’à maintenant du droit mou, c’est-à-dire un droit qui dit beaucoup de choses, mais n’oblige à rien, ce que j’appelle du droit “y’ a qu’à – faut qu’on”, un droit qui fixe des rendez-vous – les plus lointains possibles – qui décrit des trajectoires – bientôt amendées – et qui pose des thermomètres, mais sans jamais prévoir d’obligations ni d’actions … Les objectifs contenus dans ces lois, comme la loi sur la Transition énergétique et la croissance verte de 2015, étaient donc de l’ordre de l’affichage, de l’effet d’annonce politique, éventuellement de l’incitation – mais pas de l’action…

Et là, le Conseil d’Etat dit, qu’au vu de l’urgence climatique, et du droit, ces objectifs doivent être considérés comme obligatoires.  C’est essentiel, car c’est prendre le politique au mot, rendre son sérieux à l’action publique et à la parole politique !

Le Conseil d’Etat montre aussi qu’il a compris que c’est dès maintenant que les objectifs de 2030, 2050, et au-delà, se construisent. L’argument de l’Etat était de dire “On ne peut pas prédire où nous en serons des émissions de gaz à effet de serre dans 10 ans”. Le Conseil d’Etat lui répond qu’on doit regarder aujourd’hui si on prend la bonne direction. Nous sommes en présence de trajectoire et l’objectif de dans 10 ans se construit dès à présent. Si on fonce dans un mur, on n’a pas besoin d’attendre la collision pour affirmer qu’il faut freiner.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Le Conseil d’Etat a donné 3 mois à l’Etat pour montrer qu’il se donne bien les moyens d’atteindre ses objectifs et que les trajectoires prévues et réelles sont cohérentes pour arriver à une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990, d’ici à 2030. Ce qui va se passer, c’est donc une évaluation des politiques publiques mises en œuvre. D’habitude, cet exercice a lieu en commission parlementaire ou à la Cour des comptes. L’énorme différence ici, c’est que le Conseil d’Etat peut aller beaucoup plus loin, puisqu’il a la possibilité, à l’issue de cette évaluation, d’ordonner à l’Etat d’agir, sur des points précis ! C’est donc une décision qui a le potentiel d’amener des changements très concrets.

Pendant ces 3 mois, l’Affaire du Siècle, qui avait déjà soulevé l’insuffisance des actions de l’Etat et le non-respect patent des trajectoires, va pouvoir déposer un nouveau mémoire pour continuer à renforcer le dossier de Grande-Synthe, en s’appuyant par exemple sur l’expertise du Haut Conseil pour le Climat qui constate lui aussi que l’Etat n’en fait pas assez.

Quelles sont les conséquences pour l’Affaire du Siècle et la justice climatique en général ?

Pour l’Affaire du Siècle, cette première décision du Conseil d’Etat dans le dossier de Grande-Synthe est déjà un premier pas vers une victoire. Car là aussi, l’Etat prétendait qu’on ne pouvait rien lui opposer avant 2030, et que de toute façon, il n’était pas vraiment tenu par ces objectifs. Le Conseil d’Etat dit que c’est faux. Or le Conseil d’Etat est la plus haute juridiction administrative en France, cette décision est donc définitive.

Le Tribunal administratif devra donc prendre en compte cette jurisprudence. Mais parce que les deux recours sont différents, et complémentaires, il pourrait aller plus loin et reconnaître par exemple l’obligation générale faite à l’Etat de lutter contre les changements climatiques, ou le sanctionner sur des carences spécifiques (énergies renouvelables, efficacité énergétique, etc), là où le Conseil d’Etat s’est prononcé uniquement sur les gaz à effet de serre.

Enfin, ça ouvre la voie à d’éventuels autres recours, y compris dans d’autres domaines, pour faire condamner par exemple des actions qui vont à l’encontre des objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Le gouvernement a trois mois pour prouver qu’il respecte ses engagements climatiques, une première en France
Stéphane Mandard et Audrey Garric
www.lemonde.fr/planete/article/2020/11/19/climat-le-conseil-d-etat-donne-trois-mois-au-gouvernement-pour-prouver-qu-il-respecte-ses-engagements_6060356_3244.html

Le Conseil d’Etat a donné ce délai à l’exécutif pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée ». Une décision « historique » pour les ONG.

« Un pas de géant, a salué l’ancien ministre de l’écologie Nicolas Hulot sur Twitter. Les objectifs climatiques de la France deviennent contraignants. » Si on n’en est pas encore là, l’Etat va en tout cas devoir rendre des comptes sur ses politiques de lutte contre le changement climatique et ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Dans une décision inédite rendue jeudi 19 novembre, le Conseil d’Etat donne trois mois au gouvernement pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée ». La France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % par rapport aux niveaux de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

En janvier 2019, la ville de Grande-Synthe, dans le Nord (et son ancien maire, désormais député européen Europe Ecologie-Les Verts, Damien Carême), avait saisi le Conseil d’Etat d’un recours visant « l’inaction climatique » de la France. Ce dernier faisait suite au refus du gouvernement de répondre à la demande des requérants de prendre des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs de l’accord de Paris, dont on célébrera le cinquième anniversaire le 12 décembre.

La haute juridiction a jugé recevable la requête de Grande-Synthe – mais pas celle de Damien Carême – estimant la commune littorale « particulièrement exposée aux effets du changement climatique » et en particulier à des risques de submersion.

Une décision « historique »

Le Conseil d’Etat relève que si la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, « elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020 ». Aussi, avant de statuer définitivement sur la requête, la juridiction demande au gouvernement de « justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030 ».

Très attendue, la décision du Conseil d’Etat est qualifiée d’« historique » par les associations de défense de l’environnement et leurs avocats. « Elle est historique dans la mesure où, désormais, on passe à une obligation de résultats, et pas seulement de moyens, en matière de lutte contre le changement climatique », commente l’ancienne ministre de l’environnement, Corinne Lepage, l’avocate de Grande-Synthe.

 « La décision du Conseil d’Etat marque un avant et un après en matière de contentieux climatique, confirme Marta Torre-Schaub, directrice de recherche (CNRS) à l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne et spécialiste du contentieux climatique. A partir de maintenant, le juge contrôle l’action de l’administration pour respecter ses objectifs climatiques et il lui demande de se justifier. »

A l’issue de l’instruction supplémentaire de trois mois, le Conseil d’Etat demandera au gouvernement de se justifier à la barre sur l’efficacité de ses politiques publiques. Si la haute juridiction administrative n’est pas satisfaite des réponses, « elle pourra enjoindre à l’Etat de prendre des mesures pour rectifier la trajectoire, relevant du champ réglementaire, précise Guillaume Hannotin, avocat au Conseil d’Etat et conseil de l’Affaire du siècle. Pour la première fois, l’Etat va devoir rendre des comptes. Le juge considère que les objectifs fixés par les lois de programmation doivent être effectivement réalisés. »

A l’instar des villes de Paris et de Grenoble, les associations de l’Affaire du siècle se sont jointes au recours. Après avoir lancé la pétition éponyme (plus de 2 millions de signatures en un mois), les ONG Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot avaient déposé en mars 2019 un recours devant le tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’Etat.

« C’est une grande nouvelle pour la justice climatique dans le monde, mais aussi pour l’Affaire du siècle, car la décision du Conseil d’Etat obligera le tribunal administratif à nous donner raison sur un certain nombre de points », estime Cécilia Rinaudo, directrice générale de Notre affaire à tous.

L’audience devant le tribunal administratif de Paris ne devrait pas avoir lieu avant le printemps ou l’été 2021, après la décision finale du Conseil d’Etat.

Le ministère de la transition écologique a indiqué qu’il répondra à la demande du Conseil d’Etat, « qui n’est pas un jugement sur le fond mais une demande de preuves d’action ». Assurant mener une « politique offensive en matière de lutte contre le réchauffement climatique », il indique que le plan de relance et le futur projet de loi traduisant les propositions de la convention citoyenne pour le climat « doivent permettre à la France d’atteindre les objectifs climatiques fixés ».

Baisses insuffisantes des émissions de gaz à effet de serre

Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a estimé, en juillet, que la France n’est pas sur la bonne trajectoire pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, jugeant que « les actions climatiques [du pays] ne sont pas à la hauteur des enjeux ni de [ses] objectifs ».

Les émissions de gaz à effet de serre ont en effet baissé de 0,9 % entre 2018 et 2019, alors que le rythme devrait être d’une diminution annuelle de 1,5 %, et de 3,2 % à partir de 2025. Et encore ces objectifs ont-ils été revus à la baisse par le gouvernement, contre l’avis du HCC.

Par un décret paru en avril, le gouvernement, faute d’être parvenu à respecter ses objectifs pour la période 2015-2018, a relevé les budgets carbone (les plafonds d’émissions) pour la période 2019-2023. Les modifications des budgets carbone « prévoient un décalage de la trajectoire de réduction des émissions qui conduit à reporter l’essentiel de l’effort après 2020, selon une trajectoire qui n’a jamais été atteinte jusqu’ici », note le Conseil d’Etat.

Ce dernier considère, en outre, que l’article 2 de l’accord de Paris, qui limite notamment le réchauffement climatique bien en deçà de 2 °C et si possible 1,5 °C, n’a pas d’effet direct sur le droit français, mais qu’il doit être pris en considération dans l’interprétation de ce dernier. « Sur ce point, il s’agit également d’une décision historique », estime Marta Torre-Schaub.

Le Conseil d’Etat a toutefois rejeté plusieurs demandes des requérants. Il a notamment estimé qu’il ne pouvait pas se prononcer sur l’obligation de « priorité climatique ». Il était demandé au juge de considérer que, compte tenu de l’urgence climatique, la lutte contre les effets du changement climatique était une priorité devant primer sur d’autres intérêts. Mais il a estimé qu’il « ne pouvait apprécier le bien-fondé » de cette demande, faute de « précisions suffisantes ».

Cette affaire s’inscrit dans un mouvement d’essor du contentieux climatique à travers le monde. En décembre 2019, l’Etat néerlandais a été définitivement contraint à réduire ses émissions de CO2 dans l’affaire qui l’opposait à Urgenda, une fondation soutenue par 900 citoyens. En février, la justice britannique a également rejeté le projet d’extension de l’aéroport d’Heathrow, faute de prise en compte des engagements climatiques du Royaume-Uni, tandis qu’en août la Cour suprême irlandaise annulait le plan du gouvernement de lutte contre le réchauffement climatique, jugé pas assez détaillé.

‘ Pour éradiquer la pauvreté, il faut donner de l’argent aux pauvres ‘
Entretien avec Denis Colombi, par Alexandre-Reza Kokabi
https://reporterre.net/Pour-eradiquer-la-pauvrete-il-faut-donner-de-l-argent-aux-pauvres

 « Si les pauvres savaient gérer leur argent, ils s’en sortiraient ! » Le sociologue Denis Colombi démonte cette idée reçue et s’élève contre le regard moralisateur que les classes aisées portent sur la manière dont les pauvres dépensent leurs ressources.

Denis Colombi est sociologue et professeur en sciences économiques et sociales au lycée. Il est l’auteur du blog Une heure de peine et du livre Où va l’argent des pauvres (éd. Payot, 2020), dans lesquels il déconstruit le regard moralisateur des classes moyennes ou aisées sur les dépenses des classes pauvres. Il démontre que ceux-ci gèrent l’argent dont ils disposent de façon rationnelle.

Reporterre — D’où vous est venue l’envie de travailler sur l’argent des pauvres ?

Denis Colombi — En 2015, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône a décidé de verser sa prime de Noël aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) sous forme de bons d’achats pour des jouets, « car la prime n’était pas forcément utilisée pour l’enfant ». C’est un discours politique très répandu : les pauvres détournent les aides de leur destination officielle, et les pauvres sont pauvres parce qu’ils gèrent mal leur argent.

Ça m’a irrité, parce que derrière ces fantasmes politiques sur les pauvres et leur gestion de l’argent, les réalités sociologiques disent bien autre chose. Beaucoup de gens parlent des pauvres sans les connaître. Qui fait l’effort d’aller sur le terrain, d’étudier les choses finement ? Des journalistes, des travailleurs sociaux… Et des sociologues. On n’entend pas beaucoup parler de leurs travaux. En tant qu’enseignant au lycée, je voulais donner à voir la réalité qu’ils enregistrent et la diffuser à un public plus large. Mon ouvrage, Où va l’argent des pauvres ?, se veut une défense, en actes, de l’utilité de la sociologie.

Le livre commence par évoquer les personnes sans-abri. Dans la rue, dans les transports, elles sont parfois jugés « suspectes ». Pourquoi ?

Le sans domicile fixe représente la figure la plus familière qu’on a de la pauvreté. Celle qu’on croise la plus fréquemment et qu’on s’efforce de ne pas regarder en face. On nourrit beaucoup de représentations et de fantasmes sur le SDF. Quand il fait la manche, son problème est d’arriver à nous convaincre de lui donner quelque chose. Pour ça, en gros, il a deux stratégies : soit il montre qu’il est en grande détresse, qu’il a vraiment besoin de votre don ; soit il montre qu’il est suffisamment actif et débrouillard pour que votre don soit utile.

Ce faisant, le SDF essaie de s’adapter au regard que l’on porte sur lui et à ce que l’on attend de lui. Il faut qu’il soit suffisamment pauvre pour mériter qu’on l’aide — s’il ne l’est pas assez, ça ne vaut pas le coup — et, en même temps, il doit montrer qu’il ne va pas utiliser cet argent pour boire. C’est une équation impossible à régler. Si celui qui le regarde ne veut pas lui donner d’argent, il trouvera toujours une bonne raison de le faire.

Les gens préfèrent parfois donner en nature parce qu’ils ont peur que l’argent donné soit utilisé d’une façon qui ne les satisfasse pas. Ça montre la très forte sensibilité qu’on a sur la question de l’argent. On pense que l’on sait mieux que le SDF ce dont il a besoin, ce qu’il devrait faire de cet argent. Mais en lui donnant deux euros, peut-on s’attendre à ce que ça le sorte de la pauvreté ? Pourquoi, donc, attacher autant d’importance à la façon dont ils vont être utilisés ? Le SDF a des besoins peut-être très différents des nôtres, parce qu’il ne vit pas dans notre situation.

En janvier 2018, une promotion sur le Nutella dans certains supermarchés avait déclenché des scènes qualifiées « d’émeutes ». Ces comportements avaient été moqués : il était considéré comme « irrationnel » de se battre pour des produits bourrés d’huile de palme. Pourquoi n’est-ce pas si simple ?

Dans l’absolu, ça peut paraître absurde de se bousculer — le terme d’« émeutes » était franchement exagéré — pour du Nutella. Mais il faut essayer de comprendre ce que cette marque représente dans les familles qui ont des budgets limités, qui doivent faire des choix pas toujours faciles. Elles ont un souci souvent très fort : celui des enfants, qu’elles veulent protéger de la pauvreté. Et le Nutella, c’est un petit luxe accessible qui permet de se défaire du stigmate de la pauvreté. L’humoriste Jamel Debbouze jouait un sketch là-dessus : il parlait de son enfance au supermarché Lidl, et de sa mère qui lui achetait du ’Mutella’, du faux Nutella. Il sentait bien que s’il ne pouvait pas manger de Nutella, c’était à cause de sa condition de pauvre.

Dans ce cadre-là, il n’est pas irrationnel de vouloir profiter d’une promotion sur ce produit, de faire la queue pour offrir ce plaisir aux enfants. Parfois, quand il y a beaucoup de monde dans une queue, les esprits s’échauffent, et ça peut dégénérer, comme ça peut dégénérer dans un concert. Rien d’exceptionnel.

Ça n’empêche pas de critiquer le Nutella et l’huile de palme, qui est un désastre écologique. Mais il ne faut pas le faire peser sur les classes populaires qui vont en acheter pour se conformer à certaines normes sociales de consommation. Il est plus pertinent de diriger la critique vers la marque, les fournisseurs d’huile de palme, les entreprises qui l’exploitent, et les gouvernements qui les laissent faire.

Dans votre ouvrage, vous revenez sur le stéréotype xénophobe « les migrants sont censés être pauvres, mais ils ont de quoi s’offrir des smartphones à 700 euros ». Vous répondez que pouvoir se passer d’un smartphone, aujourd’hui, est devenu un privilège…

Nous vivons dans un environnement conçu pour des humains équipés de smartphones. Pour prendre rendez-vous avec les administrations publiques, il faut passer par internet. Ça s’est même aggravé avec le coronavirus. Certains de mes élèves n’ont pu suivre les cours que grâce à leur smartphone. Les gens qui n’en ont pas sont nettement pénalisés.

Pour les plus pauvres, le smartphone est aussi un substitut à l’ordinateur ou aux tablettes. On peut le transporter facilement, se connecter à des accès wifi gratuits, rester en contact avec ses proches. Quand on peut s’en passer, en général, c’est qu’on a les moyens d’avoir un ordinateur chez soi, une connexion internet. En cela, c’est un luxe de pouvoir se passer de smartphones.

Une fois de plus, on peut parfaitement critiquer les smartphones, notamment sur la pollution que leur production implique.

Mais le vrai problème est de savoir pourquoi notre environnement est construit politiquement, économiquement pour des gens qui ont un smartphone. Si on voulait s’en passer, il faudrait que l’espace public et les institutions soient pensés pour que les gens puissent y circuler sans avoir nécessairement cet outil.

L’opinion publique semble plus indulgente avec des gens qui achètent des yachts…

La façon dont les riches utilisent leur argent fait l’objet de beaucoup moins de jugements. Certains excès financiers des plus riches suscitent même une forme d’admiration, ou sont vus comme une forme d’excentricité rigolote qui témoigne d’un certain génie.

Et puis, quand on critique les excès des riches, on le fait plus facilement pour des stars de la chanson ou des footballeurs — comme l’a montré l’affaire du steak recouvert de feuilles d’or de Franck Ribéry. Ils continuent souvent à être perçus comme issus de classes populaires, comme des pauvres qui ont de l’argent et qui donc n’en sont pas dignes.

Les personnes les plus pauvres sont les plus vulnérables face à la crise écologique, alors qu’elles polluent le moins. Pourtant, les classes moyennes ou supérieures ont tendance à pointer le fait qu’elles n’ont pas un mode de vie vertueux, qu’elles ne font pas le tri, qu’elles utilisent des voitures sales. Comment expliquer ce paradoxe ?

Certains discours, lorsqu’on évoque les Gilets jaunes, ont reproché aux classes populaires de ne pas accepter la taxe carbone parce qu’elles seraient culturellement trop attachées à « l’objet » voiture. Mais c’est beaucoup plus intéressant de se plonger dans la question des inégalités sociales et des conditions matérielles de vie. L’attachement à la voiture chez nombre de membres des classes populaires est lié au fait qu’on vit en milieu rural, où il y a de moins en moins de services publics, d’usines, d’associations, où les zones d’activités économiques et les zones de résidences s’éloignent et rendent impossible la mobilité sans voiture individuelle. À ce sujet, il faut lire Ceux qui restent, la très belle enquête de Benoît Coquard sur les campagnes en déclin.

Les voitures, c’est aussi quelque chose d’extrêmement visible. Les classes moyennes et supérieures les prennent plus rarement, mais elles prennent l’avion plus souvent, ce qui pollue considérablement plus. Finalement, c’est un peu comme la consommation de drogue : on sait que la drogue est consommée dans tous les milieux sociaux, mais lesquels sont les plus sanctionnés ? Les classes populaires. Parce qu’il y a plus de contrôles de police, de gendarmerie, parce qu’elles consomment dans l’espace public plutôt que dans l’espace privé… La pollution, c’est un peu la même chose. Celle des classes populaires est plus visible, mais toutes les études montrent bien qu’elle est moins importante que celle des classes supérieures ou des grandes entreprises.

Le gros problème est qu’on a trop cadré le problème écologique en fustigeant des comportements individuels, alors qu’en fait il est d’abord un problème de comportement collectif et d’organisation, à commencer par l’organisation de la production. Ce qui compte, c’est ce qui se passe autour de nous, les collectifs, les organisations, les systèmes dans lesquels on est pris.

Votre livre souligne à quel point les classes moyennes ou supérieures pensent qu’appliquer leurs propres stratégies de gestion de l’argent leur permettrait de mieux s’en sortir que les pauvres dans leur situation. Ont-elles raison de le penser ?

Non ! Dans la plupart des discours politiques prononcés aujourd’hui, on observe un fort ethnocentrisme de classe, cette idée qu’il y a une bonne façon de gérer son argent, et que si tout le monde l’appliquait, tout le monde s’en sortirait. Par exemple, on entend souvent que si les pauvres savaient épargner, se serrer la ceinture pour mettre des sous de côté, ils deviendraient plus riches.

La réalité est qu’on n’a pas idée de la maigreur des budgets dont on parle. Les 10 % les plus pauvres, s’ils épargnaient l’intégralité de ce dont ils disposent une fois payées les factures, le logements, les dépenses alimentaires, parviendraient au mieux à mettre de côté 80 euros par mois. À quel prix ? En abandonnant tout loisir, en n’achetant pas de vêtements. Il faudrait faire des sacrifices énormes pour mettre un pécule finalement faible de côté, qui ne représenterait pas beaucoup sur le chemin vers la sortie de la pauvreté.

D’autre part, il existe une forme d’épargne chez les plus pauvres : on va stocker de la nourriture, des jouets, des vêtements. On épargne sous forme non monétaire parce que laisser de l’argent liquide sur un compte d’épargne, c’est prendre le risque qu’il disparaisse rapidement à cause d’une facture imprévue, d’un PV, des pénalités de la banque pour un découvert. Dans ces conditions, il apparaît plus rationnel de garder la richesse sous forme de biens et d’objets.

La pauvreté ne va donc pas de pair avec une incapacité à gérer. Gérer un budget famélique ne peut pas impliquer les mêmes formes de consommation ou de gestion d’un budget. Dans la littérature sociologique, les ethnographes montrent souvent que les pauvres notent toutes leurs dépenses dans un cahier.

C’est quelque chose qu’on ne fait pas dans les classes moyennes ou supérieures, parce qu’on n’a pas besoin de le faire : même si on a un coup de folie ou un coup dur, ce n’est pas si grave. On ne peut pas se le permettre avec un budget plus petit. Alors on adopte des stratégies différentes et souvent plus exigeantes. Ça ne veut pas dire que les pauvres sont des génies de la finance qui s’ignorent, et que si on leur donnait plus d’argent ils deviendraient les nouveaux maîtres du monde. Mais ça veut dire qu’ils ne gèrent pas « mal » leur argent, au contraire ils font beaucoup plus d’efforts parce que c’est beaucoup plus difficile.

Vous proposez une idée taboue : pour qu’il y ait moins de pauvres, la solution la plus efficace serait de leur donner de l’argent.

Ça peut paraître trivial, mais toutes les expérimentations qui ont été faite en ce sens montrent que ça fonctionne. Tout récemment, il y en a encore eu une au Canada : on a donné 7.500 dollars à des personnes en très grande difficulté. Au bout d’un an, on s’est rendu compte qu’elles allaient mieux, que leurs conditions de vie s’étaient nettement améliorées.

Pourquoi on refuse de le faire ? À cause de plusieurs idées tenaces :

  • « Ils ne sauront pas s’en servir. S’ils sont pauvres c’est qu’ils ont une tare. »
  • « L’argent qu’on leur donne, c’est notre argent. Ce n’est pas vraiment un don, c’est une espèce de prêt donc on doit garder un regard dessus. »
  • « Il faut qu’il y ait des pauvres, sinon qui sera motivé pour occuper un certain nombre d’emplois durs ? »

C’est un très gros tabou politique, qu’à mon avis les travaux scientifiques permettent de démonter. On parle parfois de trappe à pauvreté pour dire que si vous donnez trop d’aides sociales aux pauvres, ils vont préférer toucher les aides sociales plutôt que de travailler. Mais la vraie trappe à pauvreté, c’est la pauvreté elle-même. Quand vous n’avez que très peu d’argent, vous n’avez pas accès aux formes plus enrichissantes de pratiques monétaires. Pour permettre de sortir de la pauvreté, il faut parfois simplement disposer d’un capital de départ. Donnons-leur. Finalement faire confiance aux gens, leur donner la possibilité de prendre des risques, plutôt que de sans cesse vouloir tout contrôler, c’est aussi tellement plus simple en terme d’organisation administrative…

La crise sanitaire et les deux mois de confinement auraient fait un million de pauvres supplémentaires, selon des associations de lutte contre la pauvreté. Que vous inspire le fait de voir ces nouvelles personnes, souvent jeunes, dans les files d’attente des banques alimentaires ?

Ce qui m’a intéressé, ce sont les réactions qu’a suscité cette hausse de la pauvreté. On sait que quand ce genre de situation survient, en général, c’est corrélé à la mise en place de mesures en faveur des plus pauvres, parce que l’opinion publique se sent plus directement concernée. Des mesures sont déjà prises pour venir en aide à ceux qui ont été mis en difficulté par cette situation exceptionnelle.

La question c’est : et après ? Si on arrive à faire en sorte que les gens tombés dans la pauvreté en ressortent, que fera-t-on pour ceux qui étaient déjà pauvres avant, pour cette pauvreté « incompressible » — c’est-à-dire qu’on ne veut pas compresser ? Il ne faudrait pas la considérer comme moins « injuste », et les laisser dans cette situation. Est-ce vraiment de leur faute ? On sait que la pauvreté s’hérite. C’est quelque chose dans lequel on tombe, et il est très difficile d’en sortir… Il y a longtemps eu l’objectif d’éradiquer la pauvreté. Il est politiquement tombé en désuétude, on l’entend beaucoup moins. Cela vaut le coup d’y réfléchir à nouveau…

Klima aldaketa Hego Euskal Herrian
MRA Fundazioa – Argitalpena Ingurumena
https://mrafundazioa.eus/eu/artikuluak/argitalpena-klima-aldaketa-hego-euskal-herrian

Hego Euskal Herrian krisi klimatikoari aurre egiteko neurri egokiak proposatu ahal izateko, krisi honetan eragina duten elementuak aztertu behar dira lehenik. Txosten honetan berotegi efektuko gasen emisioak eta energia sektorea dira aztergai, klima aldaketaren eragile garrantzitsuenetakoak baitira.

(Dokumentu osoa irakurri)

2019an klima aldaketari loturiko adierazleek errekor berriak ezarri dituzte, bai tenperatura igoeran, bai berotegi efektuko gasen emisioetan ere. Munduko Meteorologia Erakundeak argitaraturiko klimaren egoerari buruzko txostenaren arabera, 2019an klima aldaketak ondorio larriak izan zituen munduan milioika pertsonaren osasunean, elikaduran eta etxeetan.

Gainera, itsasoko bizitza eta ekosistema ugari arriskuan jarri zituen. Datuek erakusten dute dinamika jasanezina dela, baina 2020a urte berezia izaten ari da Covid-19agatik, eta mundu mailako pandemia honek ez dio mesederik egin inori, ez eta klima aldaketari ere.

Urtearen lehen seihilekoan mundu mailan eman zen jarduera ekonomikoaren beherakadari esker, berotegi efektuko gasen isuriek modu esanguratsuan egin zuten behera. Aurreikuspenek adierazten dute 2020 honetan berotegi efektuko isurketak murriztu egingo direla 2019rekin alderatuta. Baina koronabirusa geldiarazteko hasierako neurriek (kale hutsak, fabrika asko itxita, autorik gabeko errepideak …) airearen kalitatea hobetu duten arren ezin zaio balio handirik eman. Txinan (isurketen %25eko murrizketa) eta beste herrialde batzuetan pandemiaren ondorioz izandako isurketen murrizketa, aldi baterako gertaerak baitira. Gainera gobernuek krisitik ateratzeko hartzen dituzten neurriak sarritan gehiegizko kontsumoan eta natur baliabideen gehiegizko ustiapenean oinarrituak izaten dira.

Egoera hau frogatzen ari da trafikoaren eta industria kutsatzailearen jarduera murriztea bezalako neurriek berehalako ondorioak dituztela, bai ingurumenean, bai kutsadurak eragindako gaixotasunak jada pairatzen dituzten pertsonen osasunean. Ez da ahaztu behar espainiar Estatuan urtean 16.000 heriotza izaten direla atmosferako kutsadurak eraginda.

Une honetan koronabirusaren inguruan mundu mailako kezka dagoen arren, klima aldaketaren aurkako borrokan ahaleginak ez dira murriztu behar. Koronabirusa aldi baterako izatea espero da, aldi baterako eraginak dituena, baina klima aldaketa urte askoan egongo da hemen eta etengabeko ekintza eskatzen du. Klima aldaketak ere ondorioak ditu pertsonen osasunean eta gure gizarteetan, koronabirusa baino askoz larriagoak sarritan. Epe laburrean eragin ekonomikoa izango du birusak, baina berotze globalak eragindako galerak masiboak eta epe luzekoak izango dira.

Koronabirusaren osasun krisiak berekin ekarri behar du sistema kapitalistaren ekoizpen, banaketa eta kontsumo eredua birplanteatzea, bizitzaren iraunkortasuna erdigunean jartzeko. Klima aldaketak ere hausnarketa eta aldaketa premia bera dakar. Aldaketa erradikalak egiteko aukera da hau, bizitza erdigunean jarriz eta planeta babestuz. Daukagun ekoizpen, banaketa eta kontsumo eredua hausnartzeko eta birpentsatzeko unea.

Hego Euskal Herrian krisi klimatikoari aurre egiteko neurri egokiak proposatu ahal izateko, krisi honetan eragina duten elementuak aztertu behar dira lehenik. Txosten honetan berotegi efektuko gasen emisioak eta energia sektorea dira aztergai, klima aldaketaren eragile garrantzitsuenetakoak baitira.