Articles du Vendredi : Sélection du 20 mai 2011

Demain une monnaie basque… ?

Txetx Etcheverry
Enbata-Alda ! 19.05.11

Ressources de métaux :
on va droit dans le mur !

Blogeur associé SuperNo
www.marianne2.fr/Ressources-de-metaux-on-va-droit-dans-le-mur-_a204772.html – 20.04.2011

Vers «une catastrophe juridique internationale»? 2/2

Anne Crignon
Le Nouvel Observateur 13.05.11

Cosima Dannoritzer: « Sakelakoa urtero aldatzeak ez gaitu zoriontsuago egiten »2/2

Lander Arbelaitz
Argia 03.04.11

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Demain une monnaie basque… ?

Txetx Etcheverry
Enbata-Alda ! 19.05.11

Demain, une monnaie basque, écologique et solidaire ? Telle est une des questions qui ont été posées lors du Forum sur les alternatives au capitalisme qui s’est tenu en Iparralde tout au long de la seconde quinzaine d’avril.

Parmi toutes les expériences et alternatives qui ont été présentées et étudiées pendant ce Forum organisé par Bizi ! et la Fondation Manu Robles-Arangiz, celle des monnaies locales complémentaires me semble répondre parfaitement tant à la culture militante qu’aux besoins et potentialités du Pays Basque.

L’exemple de l’Abeille

La monnaie locale étudiée était l’Abeille, née en janvier 2010 sur Villeneuve-sur-Lot, et qui fonctionne sur un territoire comptant 120 000 habitants.

Deux de ses fondatrices, Françoise Lenoble et Brigitte Balavoine, ont expliqué à Ezpeleta comment avait été créée cette monnaie, comment elles fonctionnait et ce qu’elle permettait.

Un lot de billets -infalsifiables- d’1, 2, 5, 10 et 20 abeilles est édité, échangeables contre leur équivalent en euros. Les particuliers qui procèdent à cet échange ne peuvent plus faire l’échange inverse. Les entreprises, commerces, associations, municipalités, producteurs, artisans, indépendants divers qui adhérent à la Charte de la monnaie locale peuvent recevoir ces billets comme moyen de paiement.

Eux par contre peuvent les échanger contre des euros mais en perdant dans ce cas là 2% de leur valeur.  Ils sont donc incités à les remettre en circulation.

L’association Agir pour le Vivant gère toutes les décisions relatives à cette monnaie, ainsi que l’habilitation des structures et personnes (du restaurant au kiné en passant le paysan ou la piscine municipale…) pouvant recevoir cette monnaie comme moyen de paiement.

Relocalisation de l’économie

Le premier effet évident de cette monnaie locale est la relocalisation d’une partie du pouvoir d’achat : les Abeilles qu’on dépense chez le coiffeur pourront servir à ce dernier à s’acheter son pain auprès du boulanger artisanal local ou à aller au restaurant du coin, mais pas à s’acheter un costume par internet ou se payer ses vacances au Canada. C’est un effet matériel direct, mais également un effet psychologique et indirect : l’utilisateur est amené à prendre conscience sur ce qui est local et ce qui ne l’est pas parmi ses achats. L’objectif est la redynamisation du tissu économique local : petit commerce, artisanat, productions locales, agriculture de proximité, etc. On participe également directement à enlever un certain volume d’argent aux circuits de la spéculation internationale, de l’économie globalisée.

Réorientation de l’économie

Dans le même temps, la monnaie locale permet de réorienter une partie de la consommation et de la production.

Pour être habilitées à recevoir cette monnaie locale, les entreprises doivent en effet obéir à un cahier des charges, édictant un certain nombre de règles d’inéligibilités : entreprises très polluantes ou connues pour leurs pratiques sociales déplorables, grandes chaînes internationales, agriculture industrielle, producteurs ou commerçants ne se fournissant pas auprès d’autres producteurs locaux.

Le boulanger artisanal local sera ainsi doublement incité à trouver le producteur de farine bio qui est lui même habilité à recevoir des Abeilles afin de se débarrasser de celles qu’il a reçues et afin de respecter lui même le Cahier des charges. Le restaurateur sera tenté pour les mêmes raisons de faire une partie de ses courses auprès des paysans locaux habilités par le cahier des charges des Abeilles, et donc pratiquant une agriculture paysanne et durable, ou faisant dans la transformation fermière et les chartes de qualité.

Les règles qui vont composer le Cahier des charges (et qui peuvent évoluer dans le temps) vont peu à peu avoir une influence sur le type d’économie locale d’autant plus importante que l’usage de la monnaie locale s’étend. Les entreprises auront en effet intérêt à s’adapter pour ne pas perdre cette clientèle grandissante, ce pouvoir d’achat local au profit d’autres entreprises qui sont elles aux normes relocalisatrices, écologiques et sociales promues par le Cahier des charges.

Si l’expérience de l’Abeille à Villeneuve-sur-Lot est toute récente et touche une cinquantaine de petits producteurs ou commerçants, la monnaie locale « Chiemgauer » existe depuis déjà 7 ans dans la région du Chiemgau en Allemagne et est aujourd’hui utilisée par plus de 600 entreprises différentes.

Réappropriation de l’économie et du politique

Pour les gens qui gèrent cette expérience originale, il s’agit d’un exercice très concret de réapprentissage de l’économie et du politique, à échelle humaine et facilement compréhensible. On comprend en effet ainsi ce qu’est une monnaie, à quoi correspondent la dette, les banques, la création et la circulation de la monnaie, la spéculation, le capitalisme financier, etc. On est appelé à prendre un certain nombre de décisions politiques de première importance : combien de monnaie crée-t-on par rapport au fonds de garantie que l’on a réellement ? Quelles règles fixe-t-on quant à sa circulation, à son épargne, à son accumulation ? Où met-on la barre du Cahier des charges et que veut-on comme type d’économie, de production, de consommation, de loisirs, de rapports sociaux, de distribution, de société ?

La construction d’une communauté

Bien évidemment, le choix du territoire qui sera celui où la monnaie en question sera valable est fondateur d’une communauté de projet, d’une identité collective, bref d’un Pays -ouvert et intégrateur, à taille humaine, acteur de son présent et de son avenir, solidaire du reste du monde et des générations à venir- au sens où nous l’entendons ici.

Une monnaie locale de ce type pourra venir compléter à merveille  l’ensemble des outils dont le Pays Basque s’est déjà doté pour se construire d’une manière plus humaine, plus juste, plus solidaire, plus autogérée et plus durable. Elle permettra à chacun(e) de marquer par des gestes concrets et quotidiens son appartenance à cette communauté de projet, à ce pays en construction.

Alors, demain une monnaie basque, écologique et solidaire ? Une première réunion aura lieu le mercredi 15 juin à 19h00 à la Fondation MRA, 20 rue des Cordeliers pour étudier la faisabilité d’un tel projet, définir par où commencer (une province, Iparralde ou Euskal Herria) et voir quelles seraient les associations, structures, mouvements qu’il conviendrait d’inviter dès le départ à travailler sur le processus de création de cette monnaie, ainsi qu’au contenu du Cahier des charges sur lequel elle se reposera.

Ressources de métaux :
on va droit dans le mur !

Blogeur associé SuperNo
www.marianne2.fr/Ressources-de-metaux-on-va-droit-dans-le-mur-_a204772.html – 20.04.2011

En assistant au Contre-Grenelle 3, SuperNo a été impressionné par la conférence de Philippe Bihouix, spécialiste des métaux, dont les conclusions sont alarmantes : les métaux, comme le pétrole, vont être amenés à disparaître dans les années à venir. Et ce ne sont ni les énergies renouvelables, ni le recyclage qui sont à même de prendre le relais.

Les 21 interventions du Contre-Grenelle 3 (qui s’est tenu samedi 2 avril dernier à Vaulx-en-Velin) ont été vraiment très variées. Historien, sociologue, politologue, économiste, enseignant, philosophe, géographe, médecin, journaliste, écrivain, éditeur, paysan, artiste… et ingénieur !
Il se trouve que ma sensibilité s’accorde bien avec le discours de ces derniers, surtout quand ils sont clairs et vulgarisateurs. Tel était assurément le cas de Philippe Bihouix, centralien, spécialiste des métaux, et qui après avoir notamment travaillé chez Bouygues, est désormais directeur de la filiale logistique de la SNCF, Geodis. Un parcours qui n’est en rien décroissant, mais au cours duquel il a certainement été aux premières loges pour prendre conscience de la réalité. C’est d’autant plus méritoire que d’autres sont sans doute dans la même position, mais s’en foutent complètement tant qu’ils ont un boulot valorisant, un gros salaire et la perspective d’un gros paquet de stock options qui les met de toute façon à l’abri pour le restant de leurs jours.
Avant de reprendre le détail de son intervention, je tiens à évoquer le sujet qui est « la mère de tous les autres » : le pic de pétrole. Cela fait 4 ans que je vous abreuve, voire que je vous saoule avec ça, mais les faits sont têtus : il semble désormais admis par tout le monde que le pic s’est probablement déjà produit, diverses sources citent l’année 2010, et que désormais, donc, le compte à rebours est engagé, avec son lot de drames probables.

Il y a encore quelques divergences sur la suite du scénario. Les plus optimistes voient la production se maintenir quelques années au niveau actuel avant d’entamer son inexorable déclin, d’autres voient ce déclin commencer rapidement… A la limite peu importe, le plus important est que tous les gens raisonnables considèrent que la production mondiale de pétrole aura baissé de moitié par rapport à la production actuelle entre 2025 et 2030. Et qu’il n’y en aura plus, ou tout comme, d’ici 2050.
Comme notre prospérité est, bien plus qu’on le croit, assise sur le pétrole (il ne sert pas qu’aux bagnoles, aux camions, aux bateaux, aux avions, au chauffage et à la production d’électricité, même si c’est déjà beaucoup, mais il est également indispensable pour faire du plastique, des engrais, des médicaments… etc.)

Les politiciens qui continuent à promettre de la «croissance» à tout va et persistent à baser leur politique dessus sont prévenus : ce sont donc au choix des menteurs ou des irresponsables, l’un n’excluant pas l’autre.
J’en étais donc là de ma réflexion lorsque j’ai entendu Philippe Bihouix. Et ce qu’il a raconté m’a achevé.
Il a commencé son intervention en parlant de la terre arable. (Pas « arabe », hein, Guéant, « arable »). La terre qui sert à faire pousser des plantes qui nous nourrissent, ou qui nourrissent les animaux dont nous nous nourrissons. Ben oui, la terre, qui se transforme en boue quand il pleut. Figurez-vous qu’en France, en l’espace de 10 ans, nous avons englouti 1% de son étendue, soit la surface d’un département. Le responsable, c’est ce qu’on appelle « l’étalement urbain ». Facilement observable lorsque comme moi on habite à la lisière d’une agglomération : en quelques années, les champs disparaissent, remplacés par des routes, centres commerciaux, marchands de bagnoles, supermarchés hard-discount, lotissements, entrepôts, entreprises… La ville s’étale, la terre disparaît.
Et ce n’est pas tout, la terre est aussi naturellement érodée par la pluie et le vent, et sa « vie intérieure » détruite par les saloperies de l’agrochimie. Nous « mangeons » une tonne de terre pour une tonne de nourriture produite : à ce rythme, il en reste pour une durée de 25 à 75 ans…
Ensuite ? On devra cultiver « hors sol », comme les tomates d’Almeria… Putain, qu’est-ce qu’on va se régaler ! D’autant que la culture hors-sol nécessite bien plus d’énergie, énergie qu’au risque de me répéter nous n’aurons plus.
Vous êtes proches de la nausée ? Allez vite chercher un sac en papier, car ce n’est pas fini. Philippe Bihouix est un spécialiste des métaux, il a même co-écrit un livre sur le sujet, il ne pouvait pas laisser passer l’occasion d’en parler. En bref, pour bon nombre de métaux, c’est un peu comme pour le pétrole : l’affaire de quelques dizaines d’années tout au plus. C’est logique : les métaux sont comme le pétrole : ce sont des ressources non renouvelables, que l’on pille avec un acharnement absolu depuis une durée ridiculement faible en regard de l’histoire humaine, et qui vont donc disparaître avec notre génération.
Chaque métal aura donc son pic. Tiens, par exemple l’or a déjà passé le sien. Ça ne s’est pas vu, car l’or dort davantage dans les coffres des banksters ou sous le matelas de Madame Bettencourt qu’il n’est utilisé dans l’industrie, et qu’il y a de très gros stocks. Mais si Philippe Bihouix vous dit qu’il ne reste que 10 à 20 ans de production pour l’antimoine, le zinc ou l’étain, et de 30 à 60 pour le nickel ou le cuivre, ça vous fait quoi ? Pire, comme pour le pétrole, ce qui reste est de plus en plus difficile à extraire. En 1930, le minerai de cuivre en contenait 1.8%, aujourd’hui c’est 0.8. On imagine aisément qu’il faut donc 2 fois plus d’énergie pour le produire, et que ça coûte beaucoup plus cher.

Les bisounours vous diront : bah, le métal, ça peut se recycler ! En partie, oui, mais que faites-vous du métal incorporé dans une peinture, par exemple ? Du zinc en fine couche qui sert à protéger l’acier ? Du platine utilisé comme catalyseur chimique ? Du cuivre de la bouillie bordelaise ? Sans parler des alliages… Et ce serait également oublier que recycler le métal nécessite beaucoup d’énergie, denrée que nous n’aurons plus non plus… Et d’autant moins que le nucléaire vient de se discréditer définitivement.

Un bisounours, ça ne rend pas facilement les armes. Aiguillonné par un Allègre, ça peut même donner des idées assez extravagantes : « Bah, yaka mettre plein de panneaux solaires dans le Sahara, et voilà ! ». Philippe Bihouix s’est amusé à faire le calcul. Alors oui, en théorie, on peut utiliser une partie du Sahara pour produire suffisamment d’électricité pour le monde entier. Seulement voilà, il y a quelques « détails » qui clochent : pour ce faire, il faudrait environ 2000 ans de la production actuelle de panneaux solaires… Qui seront d’ailleurs foutus au bout de 40 ans, il faudra donc tout recommencer… Et construire un panneau solaire, ça nécessite des métaux (gallium, indium, selenium, cadmium, tellure), de l’énergie, beaucoup d’énergie… Vous voyez le problème ?
Autre problème, que Philippe Bihouix n’a pas signalé, sans doute tenu par ses 10 minutes, c’est qu’il n’est pas très malin de concentrer en un seul lieu une usine de production d’énergie dont dépendrait l’avenir de l’humanité… Imaginez qu’un malfaisant (Un Ben Laden, un Saddam, un Kadhafi, un Ahmadinejad ou un <mettez ici le nom du méchant qui vous fait le plus peur>) s’amuse à balancer allègrement bombes et missiles sur la zone, vous voyez la cata ?

Le même raisonnement s’applique si on remplace « panneau solaire » par  « éolienne ». Savez-vous qu’il faut 3 tonnes de cuivre pour faire une éolienne moyenne ?

Plus d’énergie, plus de terre, plus de métaux : n’importe quel gamin de moins de 5 ans, même un peu demeuré, arriverait évidemment à la conclusion que nous allons droit dans le mur. Il semble donc que ceux qui nous dirigent soient plus cons que des gamins de 5 ans. Aveuglés par la « nécessité » de préserver par dessus tout les intérêts des banksters et des multinationales, ils font comme s’il n’y avait pas de problème. Pire, ils disent que c’est dans notre intérêt : en dessous de 2% de la sacro-sainte croissance, « notre économie ne crée plus d’emplois ». Le prix du pétrole augmente ? « Bah, c’est une simple crise, c’est la spéculation, ça passera ».
Et puis, « yaka acheter une bagnole qui consomme moins ». Et puis, quand y’aura plus de pétrole, « yoraka acheter une voiture électrique ». A ce sujet, rappelons que l’estimation du pourcentage de voitures électriques à l’horizon 2020 est d’environ… 3%. Pas de doute, nous sommes sauvés ! Les métaux, la terre : personne n’en parle en dehors du Contre-Grenelle. Mais putain, il faut se réveiller, bordel, il y a un mur en face de nous, et on fonce droit dedans en klaxonnant !
Que faire pour sortir de ce merdier ? Toute la classe politique française, de l’UMP au P« S », en passant par le « Centre », le FHaine, le PCF ou même Lutte Ouvrière, ne jure que par la «Croissance ». Chez les « Verts » de Cohn-Bendit , on souhaite la « croissance verte ». Il y a sans doute quelques politiciens plus clairvoyants ou moins irresponsables au NPA ou au Parti de Gauche qui ont compris le problème. Je doute toujours qu’ils soient majoritaires.

La solution, personne n’en sera supris, a pour préalable la sortie du cercle infernal de la «croissance». Et ça urge ! Comme on l’a vu, pas plus tard que dans une génération, la donne aura complètement changé.
Philippe Bihouix emploie une métaphore automobile, celle du « survirage ». Dans certaines bagnoles en effet, il suffit de donner un petit coup de volant et un petit coup de frein pour que la bagnole amplifie d’elle-même le mouvement, modifie sa trajectoire et amorce un tête à queue qui à la fois la freine, évite un obstacle et la remet dans le bon sens.

Pour la terre arable, il n’y a pas à tortiller : « un moratoire immédiat et absolu doit être décrété sur l’artificialisation des sols : autoroutes, routes, parkings, nouvelles friches industrielles ou « zones d’activités », voies ferroviaires à grande vitesse, lotissements, doivent être bannis ».

« il faut donc repenser les objets, pour augmenter considérablement leur durée de vie, (les rendre réparables ou réutilisables), pour faciliter leur recyclage en fin de vie, pour n’utiliser qu’avec parcimonie les ressources les plus rares. Ici, le « c’était mieux avant » prend tout son sens. » Il est évident que c’est exactement l’inverse, l’obsolescence organisée par le marketing, qui est la réalité.
« On utilise des aciers alliés toujours plus complexes dans les voitures pour gagner un peu de poids et quelques grammes de CO2 émis par kilomètre, alors qu’il suffirait de réduire la vitesse maximale à 90 km/h pour gagner 30 à 40%… Sans parler d’enfourcher son vélo, bien sûr… »… Et sans parler de transports en commun, de covoiturage ou de télétravail…
« Si on baisse la demande en matières premières par exemple, on accélérera la baisse de la demande énergétique ; l’agriculture biologique pour conserver la productivité des sols diminuera les besoins en intrants, et en conséquence en énergie ; la restauration des sols et des rendements baissera la pression sur les forêts tropicales etc. »
« Tournons le volant par un ensemble de mesures cohérentes (réglementaires, fiscales, douanières), et tout pourrait s’enchaîner très rapidement. »
« Il faudra par contre des mesures exceptionnelles sur les questions sociales, car on ne pourra effectivement supprimer très vite les nombreuses activités industrielles et commerciales nuisibles qu’à condition d’assurer les moyens d’existence des gens en place et une équitable répartition des efforts. »
Il ne reste plus qu’à trouver des dirigeants qui adopteront ce programme…

Et ce sera certainement le plus difficile… Hé, m’sieur Bihouix, vous ne feriez pas de politique, par hasard ?

Vers «une catastrophe juridique internationale»? 2/2

Anne Crignon
Le Nouvel Observateur 13.05.11

Comment empêcher les multinationales de causer des ravages écologiques et humains à l’autre bout de la planète? Par exemple en révisant la notion de responsabilité, au cœur même du Code civil.

C’est ce que proposent les avocats William Bourdon et Yann Queinnec, dans cahier de 46 propositions juridiques de haute volée publié par leur association: Sherpa.

Que cessent les ravages engendrés par l’activité des multinationales dans les filiales lointaines: telle est la mission de Sherpa, association créée en 2002 par deux avocats: William Bourdon et Yann Queinnec. A l’appui de cette utopie réaliste – Sherpa a déjà fait plier quelques puissances comme Total et Areva – un cahier de 46 propositions paraît, préfacé par Mireille Delmas-Marty.

C’est une réflexion juridique de haute volée, au service de deux objectifs. Rendre la société mère d’un groupe responsable de l’action de ses antennes étrangères et permettre aux petites mains, à l’autre bout du monde, de saisir la justice, quand advient l’un des crimes les plus fréquents: rejets toxiques dans les rivières ou les rizières, déforestation sauvage et mise en péril de la vie de villageois, cancers par inhalations pétrochimiques. Les pays où s’effectuent l’acquisition de matières premières, la transformation, l’assemblage, le transport et autres sous-traitances, sont le terrain de jeu des plus forts, lesquels usent et abusent du laxisme des législations locales.


Le Nouvel Observateur.- Vous vous confrontez au  problème crucial des fournisseurs. Les multinationales leur sous-traitent une  partie de leur activité en fermant les yeux sur le respect ou non d’une certaine éthique par ailleurs revendiquée haut et fort et publiquement, ce qui est une forme de publicité mensongère.

W. Bourdon.- Pas une seule entreprise connue du grand public qui ne soit dotée aujourd’hui d’un code de conduite et n’exprime des engagements de développement durable. On est prié de croire que tout va bien dans des chaînes d’approvisionnement qui peuvent concerner des dizaines d’entités dans plusieurs pays différents. Cette situation entraîne la généralisation des pratiques de délégation contractuelle des engagements éthiques du donneur d’ordre à l’égard de ses sous-traitants et fournisseurs. Cela revient à faire peser leurs propres engagements sur d’autres, sans garantie que ces derniers disposent des moyens de les respecter effectivement. La dimension prévention est largement occultée.

Y. Queinnec.- Depuis 2008, un article du code de la consommation qualifie la violation d’un code de conduite de «pratique commerciale trompeuse». Il n’a pas été exploité à ce jour. Les équipes de Sherpa s’y emploient. L’enjeu est le suivant: démontrer que ces engagements fondent en partie le consentement des consommateurs à acheter. Tout dépend du degré de précision et de clarté desdits engagements. Or là est la difficulté, les entreprises prenant le soin de rester très génériques dans le style «nous oeuvrons pour les générations futures». Si on observe les premières décisions d’annulation de contrats par des entreprises qui reprochent à l’autre partie d’avoir violé son code de conduite, un pas reste à franchir pour les consommateurs.

N.O.- Aujourd’hui une société peut toucher les profits de ses filiales sans être comptable de leurs ravages éventuels sur les hommes et la nature. Qu’est-ce qui vous permet de penser que ces crimes puissent être sanctionnés et donc cesser un jour?

Y. Queinnec.- On observe que la pression de toutes les parties prenantes des entreprises, c’est-à-dire consommateurs, ONG, acheteurs publics, investisseurs éthiques, ne cesse de croître.

W. Bourdon.- Comme nous l’évoquions tout à l’heure, Sherpa œuvre à ce qu’un jour les profits réalisés dans les filiales au mépris des principes fondamentaux du droit du travail et de protection de l’environnement seront appréhendés comme du recel.

Evidemment, il y aura toujours des acteurs du marché dont l’éthique restera extérieure à leur stratégie. Je pense aux hedge funds qui n’utilisent pas le drapeau de l’éthique pour prospérer et qui s’efforcent de prendre le contrôle de certains fleurons de l’industrie. Les évolutions à venir vont se jouer sur les enjeux de pouvoir entre investissement socialement responsable et les fonds de pension. La gestion responsable de l’épargne des citoyens est au cœur des enjeux de la financiarisation de l’économie.

N.O.- Tout au long du cahier de propositions, pourquoi employer le terme d’entreprise transnationale (ETN) au lieu de multinationale?

Y. Queinnec.- De manière générale on parle indifféremment d’«entreprises», de «sociétés» ou de «firmes»; elles peuvent être qualifiées de «multinationales», de «transnationales» ou même parfois de «mondiales». Les Nations Unies semblent préférer le terme de «sociétés transnationales» alors que d’autres parlent «d’entreprises multinationales». Nous avons retenu le terme «d’entreprise transnationale» (ETN), le mot «entreprise» revêt un caractère juridiquement plus neutre que celui de «société». Le qualificatif de «transnationale» permet quant à lui de traduire l’idée d’une stratégie à la fois infra-étatique et trans-étatique qui caractérise ces acteurs.

Certaines ONG par pureté ne veulent entendre parler de discussion avec le grand capital

N.O.- Sherpa œuvre en vue de ce que vous appelez une «solution radicale». Peut-on y croire?

W. Bourdon.- Si la radicalité c’est l’intransigeance sur les principes et la radicalité de l’imagination, oui! Nous sommes parfaitement conscients du facteur temps. Nous devons d’ailleurs faire avec le temps de la justice, souvent bien long dans le type de dossiers transnationaux traités par Sherpa et sans garantie de succès. Nous avons conscience que certains changements que nous appelons de nos vœux n’interviendront pas avant vingt ans. Dire le contraire ne serait pas responsable, nous ne sommes pas des marchands d’illusions!

Mais devant l’urgence de certaines situations, la responsabilité des ONG c’est aussi de mesurer l’intérêt de la médiation quand elle est possible et son intérêt partagé. D’ailleurs à l’envers de l’angélisme de certaines d’entre elles qui par «pureté» ne veulent pas entendre parler de discussion avec le «grand capital», Sherpa considère que, face à cette complexité des situations et à l’hétérogénéité des acteurs, il est impératif de trouver des solutions adaptées.

Y. Queinnec.- A mesurer la faiblesse des leçons tirées des causes de la crise financière et de l’explosion de la plateforme BP dans le golfe du Mexique, sans parler de Fukushima, je trouve de plus en plus difficile de croire que l’homme a besoin de catastrophes pour avancer. Pourtant, peut être est-ce le moment d’organiser une catastrophe d’un genre nouveau.

N.O.- Et quelle genre de catastrophe pensez-vous organiser?

Y. Queinnec.- Une catastrophe juridique internationale. Il est aujourd’hui envisageable -ce n’était pas vrai il y a encore cinq ans- de monter une opération d’un nouveau genre: identifier dix dossiers couvrant dix types de violations (environnement, droits humains, corruption, etc.) et dix secteurs d’activité (alimentation, électronique, textile, énergie extractive, banque, assurance, etc.). Déposer dix plaintes judiciaires dans dix pays différents sur dix jours ouvrés à raison d’une plainte déposée par jour. La qualité des dossiers, la sélection des entités visées (entreprises mais aussi institutions publiques) et la mobilisation médiatique créeraient sans aucun doute un rapport de force intéressant, non?

N.O.- Ca réveillerait l’opinion, ça c’est sûr.

Y. Queinnec.- Et je pense sincèrement que c’est possible! C’est trois ans de préparation. Les compétences requises existent dans la société civile, tout comme les moyens techniques et financiers pour les mobiliser.

Regardez, le mois dernier, Total est parvenu à bloquer un projet de résolution présenté par Greenpeace et la société de gestion Phitrust sur l’impact des risques environnementaux des projets de sables bitumineux au Canada [Yann Queinnec est administrateur de Greenpeace France. NDLR]. Greenpeace et la société de gestion d’actifs Phitrust étaient parvenues à réunir près de 1% du capital social de Total, soit 1 milliards d’euros! Mais au dernier moment Total a dissuadé deux actionnaires de s’associer à cette initiative. Or nous apprenons que le chantage utilisé par Total, qui est, en gros, «si vous soutenez ce projet vous pouvez faire une croix sur tout business entre nous», ont véritablement scandalisé les acteurs de l’investissement éthique mais aussi d’autres plus business as usual.

Tous perçoivent les risques de telles attitudes qui tournent le dos à l’avenir. M. de Margerie [P.D.-G. de Total, NDLR] devrait savoir que cela ne va faire que renforcer les initiatives d’actionnariat militant. En croyant servir l’intérêt de ces actionnaires, il les expose! Cette opération était une première du genre en France. Rendez-vous à l’AG de 2012.

N.O.- Qui parmi le personnel politique soutient Sherpa aujourd’hui? Y a-t-il un député pour  porter votre cahier de propositions devant l’Assemblée Nationale?

Y. Queinnec.– Le PS et Europe Ecologie les Verts ont repris nos propositions dans leur programme pendant la campagne des européennes sur la responsabilité des sociétés mères et l’obligation de reporting social et environnemental annuel; ils ont été à l’écoute de nos idées pendant les navettes parlementaires des projets de loi Grenelle et certains ont courageusement porté des propositions d’amendements. Sherpa a par ailleurs co-rédigé la note de Terra Nova sur la responsabilité sociétale des entreprises – dite RSE. Les enjeux autour de la RSE commencent à être compris par l’ensemble des formations politiques. La volonté politique manque encore. Bertrand Pancher, député UMP de la Meuse et rapporteur de la loi Grenelle, déclarait récemment à propos des arbitrages pro-Medef sur la rédaction de décrets d’application: «C’est le monde d’hier contre celui de demain».

N.O.- Quelles sont les plus belles avancées obtenues par Sherpa?

Y. Queinnec.- En 2002 Sherpa a déposé une plainte contre TOTAL France et ses dirigeants. Elle visait des faits impliquant un consortium dans lequel TOTAL détenait des participations. Ce consortium avait bénéficié du travail forcé d’ouvriers travaillant à la construction d’un gazoduc sur la frontière thaïlandaise. La décision d’ouverture d’une enquête a constitué une première judiciaire en Europe. Ce dossier s’est soldé en 2005 par la création d’un fonds de solidarité de 5,2 millions d’euros qui a permis l’indemnisation des victimes et le financement de projets collectifs ayant bénéficié à environ 100.000 personnes (habitat, santé, éducation, activités agricoles et d’élevage, etc.) sous le contrôle d’organisations humanitaires. Sur le volet lobby, Sherpa a porté pendant le Grenelle une mesure qui a été intégrée au Code Monétaire et Financier (article 214-12). Toutes les sociétés de gestion (SICAV et OPCVM) doivent prendre en compte dans leur stratégie d’investissement des objectifs sociaux et environnementaux. Si elles le font, elles sont tenues de préciser sur quels critères et si elles ne le font pas, d’indiquer pourquoi. Dépourvue de sanction et d’incitation fiscale, c’est néanmoins la seule mesure visant les investisseurs privés issue du Grenelle. Intégrée dans une loi adoptée au cœur de la crise financière, on aurait pu attendre mieux!

W. Bourdon.- Le dossier Areva est aussi emblématique. Nous avons pris la décision après cinq années d’enquêtes sur les conditions de travail de mineurs travaillant pour les filiales d’Areva au Niger et au Gabon, d’accepter d’entrer en négociation avec Areva. L’accord signé en juin 2009 constitue un précédent dans cette industrie, conduisant à la création d’observatoires sanitaires sur tous les sites miniers d’Areva.

Ces observatoires impliquent l’ensemble des parties prenantes: les syndicats, les ONG, Areva et les autorités sanitaires; et elles ont pour objectif le suivi médical des salariés, leur traitement et leur indemnisation. Areva s’engage à prendre en charge l’ensemble des frais si les autorités sanitaires ne le font pas. Autre point inédit, Areva s’est engagée à établir un point sanitaire zéro pour tous ces nouveaux projets miniers; ce qui permettra d’avoir une situation de référence pour mesurer l’impact de l’extraction de l’uranium sur les hommes et l’environnement.

N.O.- Et où en est l’exécution de cet accord?

W. Bourdon.- La situation politique au Niger n’a pas permis sa mise en œuvre jusqu’à maintenant. Au Gabon, si les choses avancent,  il y a des résistances. Et nous nous posons la question de la survie de cet accord. Mais une autre victoire, très emblématique, est celle obtenue récemment dans le dossier dit des Biens mal acquis ou «BMA».

Cette affaire vise plusieurs chefs d’Etats, leurs clans ainsi que toutes personnes ou organisations ayant contribué à des détournements de fonds publics présumés. Malgré une enquête préliminaire menée suite à notre plainte déposée en 2007 et confirmant la possession sur le sol français d’importants patrimoines (immobilier, voitures, comptes bancaires), sans rapport avec les émoluments officiels des personnes visées, le ministère public a fait barrage à toute ouverture d’instruction. En novembre 2010, la chambre criminelle de la Cour de Cassation nous a donné raison en jugeant recevable l’ONG Transparence International (que nous avons convaincue de se constituer partie civile).

Les juges d’instructions sont maintenant au travail. Il s’agit d’un précédent international, c’est la première fois qu’une ONG dédiée à la lutte contre la corruption est jugée recevable pour poursuivre pénalement des chefs d’Etats en exercice dans un Etat tiers. Il faut signaler également toutes les victoires invisibles. Dans le secteur forestier par exemple, nos actions ont conduit à des changements de comportement de certains acteurs. Ces succès en creux ne sont par les moindres.

N.O.- Un échec?

W. Bourdon.- Le dossier du Probo Koala. Cette catastrophe environnementale et sanitaire survenue en Côte d’Ivoire en septembre 2006  a provoqué la mort de 10 personnes; 69 ont été hospitalisées et 7000 intoxiquées. Notre plainte au nom de plusieurs dizaines de victimes ivoiriennes n’a pas été jugée recevable par la justice française alors que les dirigeants de Trafigura impliqués étaient de nationalité française. Nous avions été très audacieux sur le plan juridique. Nous nous sommes trouvés confrontés une fois de plus à la frilosité du parquet.

Y. Queinnec.- Ce dossier est emblématique à plus d’un titre. Il illustre les méandres du secteur des hydrocarbures. L’équipage du Probo Koala est russe, le navire est immatriculé au Panama, il appartient à une compagnie grecque et fut affrété par la société hollandaise et suisse Trafigura. L’affaire  n’a pas à ce jour connu d’épilogue judiciaire: le gouvernement ivoirien a renoncé aux poursuites en contrepartie du versement de 152 millions d’euros par Trafigura. La procédure initiée en Angleterre et fédérant 30.000 victimes s’est conclue en septembre 2009 par une transaction accordant 1.500 euros par victimes. Celle initiée aux Pays-Bas s’est soldée aussi en avril 2011 par une décision d’irrecevabilité. Quant à la mise en cause des Etats membres de l’Union, qui ont laissé ce navire poison quitter l’Europe, on n’en parle même pas. Cet échec montre le besoin, dans une telle affaire, de mobiliser un pôle de santé publique  internationale.

N.O.- Y a-t-il une  difficulté inattendue à laquelle Sherpa se soit heurtée?

W. Bourdon.- Nous avons mésestimé l’usage d’internet comme vecteur de propagande. J’ai personnellement été victime de campagnes de dénigrement sur ma fiche wikipedia par exemple. Ces opérations liées particulièrement aux enjeux du dossier des «Biens mal acquis» visant plusieurs chefs d’Etat démontrent que lorsqu’on s’approche de la corruption, il faut être un anti-naïf et aussi… ne jamais sous-estimer la capacité du marché à s’adapter aux critiques…

Cosima Dannoritzer: « Sakelakoa urtero aldatzeak ez gaitu zoriontsuago egiten »2/2

Lander Arbelaitz
Argia 03.04.11

Cosima Dannoritzer zuzendariak dokumental bikaina egin du zaharkitzapen programatuaz / Lander Arbelaitz

Hiru urte egin zituen zaharkitzapen programatuari buruzko dokumentala egiten. Ikusteak derrigorrezkoa behar lukeen lan honek erakusten du zer nolako iruzurrean bizi garen. Milaka produktu egiten dira, une jakin batean huts egiteko planifikatuta. Orduan, berria erosten dugu.

Cosima Dannoritzer (Dortmund, Alemania, 1965) dokumentalgilea bere azken dokumentala aurkezten dabil mundu osoan: Comprar, tirar, comprar gazteleraz edo Prêt à jeter frantsesez. Bertan argi erakusten du zaharkitzapen programatua oso sartuta dagoela egungo gizartean. Dena den, sistema era askotan legitimatzen dugu guk ere. Donostiako Cristina Enea Fundazioak ekarrita, proiekzioaren aurretik harrapatu dugu

Gaur egun, adibide bat jartzearren, informatikarekin lotutako edozer, hautsiko direla jakinda egiteaz gain, ezer esan gabe saltzea ez al da gizarteari iruzurra?

Zaharkitzapen programatua iruzurra da. Gauza bat bizitza mugatu batekin sortu, ezer esan gabe saldu, eta nik dirua xahutu ostean, hautsi egiten bazait, nola ez da ba izango iruzurra? Horrengatik ez dute ezer esaten, badakitelako esango balute, nahiz eta garestixeagoa izan, hiru aldiz gehiago irauten duen produktu bat aukeran izanda, hori erosiko genukeela ia denok. Eta ez gaituzte gu bakarrik engainatzen. Iruzurra planetari ere egiten diote. Adibide berera itzulita, epe berean hiru aldiz erosi behar badut gauza bat hautsi egin delako, bat erosita baino askoz zabor gehiago sortzen ari naiz, inguru guztiak hondatuz.

Noiz arte iraun dezake honek?

Dokumentalean Deshazkundearen Teoria defendatzen duen Serge Latouchek zera dio: “Ezin da hazkunde mugagaberik izan planeta mugatu batean”. Ez dugu Einstein izan beharrik hori ulertzeko. Hasiera batean zaharkitzapenaren ideiak ona zirudien. Dena gora zihoan eta prezioak behera, lan asko zegoen… baina konturatu gara ez duela etorkizunik. Denbora kontua da lehengaiak xahutzea, eta beste gauza batzuk aurkitu behar ditugu egoera horri aurre egiteko.

Kontsumo arduratsua defendatzen duzu zuk.

Kontsumoak ez garamatza zoriontasun absolutura. Zenbaitek aspaldi ateratako ondorioa da hau. Gure aurrekoak baino askoz gehiago kontsumitzen dugu, eta zoriontasun maila ez da horrenbeste igo. Beste ikerketa batzuek diote, duzuna baino askoz diru gehiago edukiko bazenu ere, zoriontasunaren hazkundea ez litzatekeela proportzionala izango.

Kontsumo arduratsua benetan behar dugunarekin batera doa. Etxea, jana, lana –ahal izanez gero interesgarria–, lagunak, bidaiatzeko aukera, osasun sistema ona… Horiek dira lehen mailako beharrak. Parametro horiekin kontsumitu behar genuke, eta horiek ongi kunplituta edukitzen saiatu. Urtero sakelako telefonoa aldatzeak ez gaitu zoriontsuago egiten.

Eta zer egin dezakegu?

Hori da niri gehien interesatzen zaidan eztabaida. Adibidez, urtero beharrean, bi urtean behin aldatuko bagenu sakelakoa, erdira jaitsiko genuke gure txatarra elektronikoa. Zerbait hondatu bazaizu konpontzen saiatu, berri bat erostea hobe dela dioten saltzaileen aurrean insistitu, diru gehixeago gastatuta norberarentzat bakarrik izan beharrean, elkarbanatuta erosi gailu hobeak… Zenbait modan sartuta daude, beste batzuk politikan, zuzenbidean… eta eremu horietatik ere gauzak egin daitezke. Baita sare sozialetan ere. Webguneren batean erosten ditugun gauzek zenbat iraun diguten jarriko bagenu, ikaragarria litzateke datu-basea.

Horrela kontatuta oso erraza dirudi, baina ez al duzu uste arazoa guretzat handiegia dela pentsatzen dugula?

Hori pentsatzea oso erraza da. Enpresak oso indartsuak direla, politikariek ez dutela ezer egiten, eta pertsona indibidual gisa ez garela ezer… Denok gure objektuekin luzaroago iraungo bagenu, biderkatu egingo litzateke efektua eta askoz zabor gutxiago izango genuke. Dokumentalean iPodaren kasua aipatzen da. Fabrikatu zituzten lehenak 18 hilabete bakarrik irauteko zeuden prestatuta, eta bateria xahutzean berriak erostea bilatzen zuten. Kasua Youtuben zintzilikatutako bideo batekin hasi zen zabaltzen. Frustratuta zeuden bi gazte ziren, eta bideoa egin zuten musika dibertigarri batekin, jendea informatzeko. Bost milioi pertsonak ikusi zuten eta azkenean salaketa kolektibo bat egin zuten, baita emaitza oso positiboak lortu ere: Bateria aldatzeko zerbitzua jarri behar izan zuten, garantia luzatu…

Harrigarria da, niri hori gertatu baitzitzaidan. Bateriagatik hondatu zitzaidan garantia bukatu eta hilabete batzuetara… eta berria erosi behar izan nuen.

Bai, hori zen Apple-ekoek bilatzen zutena. Lehen aipatutako bideoan ikusten da egileak nola deitzen duen eta nola azaltzen dioten ezetz, ez dutela bateria aldaketarik egiten. Azkenean, berria erosteko esaten diote, merkeago aterako zaiola beste ezer egitea baino. Ezin konpondu ahal izateko diseinatu zituzten. Diseinuak ere lagundu behar luke konponketarako, eta noizbait zaborretara bota behar bada, parteak ezberdindu eta birziklatzeko erraztasunak eman, bestela zaborrez beteko dugu dena.

Eduki al duzu arazorik dokumental hau egiteagatik?

Ez. Pelikularen bateko protagonista banintz, orain deitu egingo lidakete esateko “desagertaraziko zaitugu”, baina ez, ni ongi nabil. Batzuk esan didate ez daudela nirekin ados, adibidez, 1.000 orduko bonbilaren kasuan oreka perfektua dela material eta elektrizitate kontsumoaren artean, eta dena ez da hain erraza… Eta ni ez nagoenez ados horrekin, erantzun egiten diet, baina ikusi, kritikatzen nauten horiek ere eztabaidan sartzen ari dira, beste batzuek erantzuten dietelako eta abar.

Uste duzu arazoa presente izanda ere, gelditu daitekeela ekonomiaren motore sekretu hori?

Nik uste hasi dela aldatzen gauza. Hasi dira irauten duten produktuak egiten, aldizkari batzuk zein produktuk irauten duten aipatzen dute, jendea gaiaz hizketan hasi da… Krisia ere hemen da eta ezin dugu lehen adina erosi. Ez badugu aldaketa orain prestatzen, lehengaiak xahutzen direnean egin beharko dugu. Batzuk konturatu dira kontsumoak ez duela zoriontasuna ekartzen, eta horrenbeste lan egitea eros-ahalmenari begira bizitzeko, ez zaiela horrenbeste interesatzen. Batzuk nahiago dute lan gutxixeago egin, diru gutxixeago edukiz gutxiago erosi, baina denbora gehiago eduki beren intereseko gauzak egiteko edo lagunekin egoteko. Psikologia aldatzen ari dela uste dut.

Eta krisiak eraginik izan al du? Diru gutxiago dugu, baina horrenbeste planekin ongi dagoena ere aldatzera bultzatzen gaituzte…

Gehiago erostea nahi dute eta ia errudun sentiarazten gaituzte aurreko urtean bezainbeste ez badugu erosi. Askoren arazoa da, pentsatzen dutela sistemak berdin jarraitu behar duela, eta kontua da mugara heldu garela. Krisia hemen dago, baina denok denetik dugu. Zergatik jarraitu behar dugu erosten eta ditugun gauzak ordezkatzen? Krisiak pentsarazi behintzat egiten digu.

Ghanan izan zinen dokumentalerako zabortegi bat grabatzen. Nola deskribatuko zenuke han ikusi zenuena?

Bertakoek esan zigutenez, ikusi genuen eremua, lehen oso gune naturala zen, erreka bat zuena arrain askorekin. Arrantzale herri bat gertu zeukan. Orain, ordea, infernua dirudi. Ez du amaierarik, leku guztietan ordenagailuak eta ordenagailu puskak ikusten dira. Kea ikusten da puntu batzuetan, plastikoari su emanez metal bila dabiltzanek eragindako kea da. Inolaz ere nahi ez dugun zerbait, kontsumo gizartearen alde iluna inondik ere. Urrun denez, ez gaitu kezkatzen askotan. Baina bai, ikaragarria da eta askotan euria gogotik egiten duenez, material toxikoa lurrak xurgatzen du, gero itsasoan amaitzeko. Zikloa da. Etorkizuna horrelakoa izango da ez bagara kontuarekin ibiltzen. Horrelako leku asko izango ditugu.

Arlo honetan, ba al da eredugarritzat hartu behar genukeen herrialderik?

Herrialde ezberdinetatik gauza ezberdinak ikasi behar genituzke. Ikas dezakegu Indiatik adibidez, han pentsaezina baita zerbait matxuratu delako botatzea. Konpondu egiten dute eta erreminta gutxirekin gainera. Ghanatik ikas dezakegu urtero telefonoz aldatu gabe bizi gaitezkeela. Alemaniatik ikas dezakegu nola garbigailuak adibidez partekatzen dituzten eraikin osoentzat eta ongi bizi direla. AEBetako zenbait kasu legaletatik asko ikas dezakegu, non kontsumitzaileak elkartu eta kereilak jartzen dituzten. Espainian Interneten jendeak informazioa trukatzen du amorru eta energia handiz. Frantzian deshazkundearen mugimenduak alderdi politikoa du… Ez dugu denok dena egiten hasi beharrik, bakoitzak aurkituko du zerbait berak egin dezakeena eta hori egitea baliotsua litzateke denontzat.