Articles du Vendredi : Sélection du 2 décembre 2022

Les coupures d’électricité non ciblées, ce sont les inégalités aggravées
Maxime Combes , Economiste, travaillant sur les politiques climatiques, commerciales et d’investissement
https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/011222/les-coupures-delectricite-non-ciblees-ce-sont-les-inegalites-aggravees

Le gouvernement prévoit de possibles coupures d’électricité cet hiver : j’ai vraiment hâte de voir comment seront justifiées l’annulation de trains et la fermeture d’écoles pendant que les remontées mécaniques de Megève ou Courchevel continueront à fonctionner. Non ciblées sur les activités « non essentielles », ces coupures d’électricité pourraient aggraver les inégalités.

Le gouvernement prévoit de possibles coupures d’électricité cet hiver. Dans de nombreux d’articles de presse du jour, vous lirez que ces coupures pourraient concerner jusqu’à 60% de la population. Vous y lirez aussi qu’il pourrait être « déconseillé de monter dans un ascenseur ou de prendre sa voiture en cas de coupure en soirée ». « Ascenseur et feux de circulation pourraient ne pas fonctionner ». «  Pour éviter que des trains ne soient bloqués deux heures au milieu d’une voie », la SNCF pourrait supprimer des trains, car le système de signalisation, relié au réseau général, pourrait être coupé.

Mieux. Des écoles pourraient être fermées le matin. Et vous n’avez pas la garantie à ce stade que les numéros d’urgence seront accessibles partout et tout le temps. Rassurez-vous néanmoins puisque les hôpitaux, prisons, casernes de pompiers, gendarmeries, commissariats et voisins immédiats de ces édifices resteront alimentés : vous ne pourrez peut-être pas appeler les secours, mais vous pourrez courir aux urgences. On nous promet que les coupures pourraient avoir lieu entre 8 heures et 13 heures et entre 18 heures et 20 heures mais qu’elles ne dureront pas plus de deux heures consécutives et qu’« une même zone ne sera pas délestée deux fois de suite ».

Hors infrastructures vitales et de sécurité, il semble donc n’y avoir aucune réflexion sur l’utilité sociale, économique et écologique des activités qui pourraient ne plus être alimentées.

J’ai hâte. Oui, j’ai hâte de voir comment seront justifiées l’annulation de trains et la fermeture d’écoles pendant que les remontées mécaniques de Megève ou Courchevel continueront à fonctionner.

Hâte de voir comment allons-nous accepter de ne pas avoir de courant pour réchauffer la soupe à 19 ou 20 heures pendant que des panneaux publicitaires lumineux continueront à fonctionner dans les gares et nos centre-villes.

Hâte de voir la piscine en plein air chauffée à 28°C du Lagardère Paris Racing dans le 16ème à Paris (quartiers riches) continuer à distraire ses membres sélectionnés quand les ascenseurs des tours des quartiers populaires d’Aubervilliers, Bobigny, Clichy-sous-Bois, Grigny seront arrêtés.

Hâte aussi de voir l’aéroport de Roissy-CDG continuer à fonctionner quand la Ligne 13 du métro à Paris sera mise à l’arrêt.

Hâte enfin de voir comment sera justifiée l’absence de courant en début de soirée dans une petite ville pendant que le stade de foot, le gymnase et le cours de tennis de la ville d’à-côté pourront continuer à éclairer des mecs tapant dans un ballon ou une balle. (précision : taper dans un ballon, c’est cool).

J’ai hâte, oui. Vraiment hâte, tellement je n’en reviens pas. Tellement tout cela me met en colère. Pour trois raisons au moins :

1) Ce possible rationnement imposé de l’accès à l’électricité que nous allons devoir supporter ne vient pas de nulle part. Il serait trop facile d’en reporter la seule responsabilité sur Vladimir Poutine et sa guerre en Ukraine. Que l’on soit clair : Poutine est un criminel et cela fait des années que nous le savons. Mais ce rationnement imposé à des populations qui ne sont pas préparées est directement le résultat de l’incurie de gouvernements actuels et passés qui ont été incapables de mettre en oeuvre une politique de transition énergétique qui aurait réduit nos besoins et nous aurait affranchi de nos dépendances fossiles et géopolitiques.

On ne le rappellera jamais assez : si les objectifs du Grenelle de l’Environnement (2008) en matière d’isolation des bâtiments avaient été tenus, nous économiserions l’équivalent du gaz que nous importions de Russie avant le début de la guerre en Ukraine. Quand on constate que le gouvernement vient de rejeter les propositions visant à augmenter les crédits dévolus à la rénovation énergétique des bâtiments, avec pour conséquence le fait qu’on va moins isoler de logements en 2023 qu’en 2022, on comprend qu’aucune leçon n’en a été manifestement tirée.

2) Puisque ces mesures de rationnement imposé semblent inéluctables, leur mise en œuvre devrait s’appuyer sur un débat public démocratique de qualité pour savoir où, quand et comment les appliquer. A la place, nous avons l’alliance d’une technocratie d’Etat et d’un gouvernement enfermé dans sa tour d’ivoire en charge de prendre des décisions qui ont des répercussions sur l’ensemble d’entre nous et pour lesquels ils n’ont reçu aucun mandat. Quelle légitimité auront ces décisions ?

3) Ce plan de rationnement de l’électricité vient après un plan de sobriété fondé sur des engagements volontaires et des incitations non contraignantes, qui faisait l’impasse sur l’essentiel : stopper les productions superflues ; réduire les inégalités ; financer les services publics (transports…) et isoler les logements. Nous l’avions résumé ainsi : 1) La sobriété sans égalité, c’est l’austérité pour les plus pauvres ; 2) La sobriété sans interdiction des activités nocives, c’est une politique de classe qui s’affirme ; 3) La sobriété sans services publics, c’est l’austérité pour la majorité ; 4) La sobriété sans isolation généralisée, c’est la précarité énergétique prolongée.

Impréparation. Incurie. Eloignement. Illégitimité. Contradictions et impasses multiples : n’avons-nous pas déjà vu ce film ? En est-on réduit à espérer que l’hiver ne soit pas trop froid ?

Fallait pas fermer Fessenheim !
Bon Pote
https://bonpote.com/fallait-pas-fermer-fessenheim

Après avoir accusé les Chinois, les Africains, les écolos et la Covid, il semblerait désormais que pour certaines personnes, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim soit l’unique responsable de la crise énergétique et du changement climatique.

“Concernant les canicules en France”… “Fallait pas fermer Fessenheim !

“Pour la sécheresse la plus importante en France depuis au moins 1959 il faudrait peut-être…” “Fallait pas fermer Fessenheim aussi !”

“Mais pour les jets privés, vous êtes d’accord que…” “Vos mesurettes qui jalousent les riches là, c’est rien par rapport à la fermeture de Fessenheim ! #Escrologie”

Vous l’aurez compris, tout est de la faute de la fermeture de Fessenheim. Il serait moins confortable et vendeur d’admettre que la situation actuelle, tant sur le plan énergétique qu’écologique, est plus complexe que cela.

La fermeture de Fessenheim est un choix politique

Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler que la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est un choix politique. Contrairement à ce que répètent les membres du gouvernement Macron en pointant la responsabilité du gouvernement Hollande, ils avaient tout à fait le choix de prolonger la centrale nucléaire au début du premier mandat. Ce choix politique s’est fait malgré l’avis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), “qui assure au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, pour protéger les personnes et l’environnement des risques liés aux activités nucléaires civiles“.

La première erreur, grossière, est d’avoir un gouvernement qui passe son temps à mentir et ne reconnait jamais ses torts. En novembre 2018, Edouard Philippe, alors Premier ministre, déclarait très fièrement à l’Assemblée Nationale vouloir fermer Fessenheim… avant de déclarer “qu’il aurait aimé ne pas avoir à fermer Fessenheim” le 16 septembre 2022. Même son de cloche chez Agnès Pannier-Runacher au micro de France Inter le 30 août 2022, pointant du doigt la responsabilité du gouvernement Hollande.

Cerise sur le gâteau, François Hollande lui-même a déclaré en mars 2022 au sujet de notre dépendance aux énergies fossiles qu’”avant de réfléchir à de nouveaux réacteurs, prolongeons les centrales existantes et améliorons leur maintenance pour produire plus et plus longtemps“. Un volte face à la hauteur du personnage, mais qui ne nous sauvera pas de la crise énergétique actuelle. Une politique énergétique se pense sur le long terme, contrairement aux intérêts électoralistes court- termistes. Nous gagnerions du temps si nos politiques reconnaissaient leurs erreurs. Mais c’est rarement une bonne idée si vous souhaitez être réélu(e)e ou si vous êtes encore au pouvoir.

Fermer Fessenheim, une erreur ?

Pour savoir si fermer Fessenheim était une erreur, il faut définir le cadre. Ce cadre, c’est celui proposé par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC; réévaluée en 2020) qui détermine le cadrage de référence des “Futurs énergétiques 2050” de RTE (Réseau de Transport d’Electricité). La SNBC repose en premier lieu sur l’efficacité énergétique : elle prévoit que la consommation énergétique finale de la France diminue de 40% en trente ans. Une baisse de consommation énergétique, MAIS une augmentation de la consommation électrique très forte, pour atteindre 645 TWh selon la trajectoire de référence de RTE.

En partant de ce postulat, la fermeture de Fessenheim était une erreur car aucun changement structurel n’a été lancé pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et faciliter la sobriété des Françaises et Français. La France a de grandes difficultés sur sa production électrique pour répondre à la demande et se retrouve obligée de “rouvrir une centrale à charbon à Saint-Avold pour éviter les coupures d’électricité cet hiver“.

Quand vous vous retrouvez à agir dans l’urgence et sans planification, c’est souvent au dépend du climat et des ménages les moins aisés. Rouvrir une centrale de charbon en 2022 est catastrophique, même si ce n’est que pour 1% de la production électrique. Cet article rappelle entre autres qu’en comparaison, cela émet plus de 100 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le nucléaire.

Nous pourrions également dire que c’est une erreur car la France a accumulé un retard conséquent sur les ENR, en étant le seul pays de l’Union Européenne a avoir manqué ses objectifs. C’est pourtant un pré-requis obligatoire pour baisser significativement nos émissions de CO2, et cela bien avant la publication des scénarios de mix de production à l’horizon 2050 par RTE.

TOUT sauf une surprise

Les tensions sur le réseau électrique sont tout sauf une surprise. C’est annoncé depuis des années par RTE et nous devrions avoir des tensions sur le réseau jusqu’en 2024. Oui, la fermeture de Fessenheim a consommé des marges sur le réseau. Toutefois, Fessenheim n’est pas le seul facteur de cette perte de marge, ni même le plus gros facteur. La fermeture des autres moyens de production fossile, pour le plus grand bien du climat, est la cause du manque de marge de cet hiver.

Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Colombus consulting, confirme pour le Figaro : «Ce qui manquera cet hiver, selon EDF, c’est 5GW, selon RTE, c’est plutôt 11GW. Fessenheim représentait 1,8 GW. En la gardant ouverte, on aurait fait bouger le curseur dans le bon sens, mais cela n’aurait pas tout changé, on aurait quand même eu des problèmes cet hiver ».

Dans un cadre où vous souhaitez sortir le plus rapidement possible des énergies fossiles et une consommation électrique aussi importante, la fermeture de Fessenheim était sans aucun doute une erreur. Mais même avec, l’approvisionnement électrique français serait fragilisé. Alors pourquoi le nom de Fessenheim revient systématiquement ?

Mais pourquoi parle-t-on encore autant de Fessenheim en 2022 ?

Il est particulièrement intéressant d’analyser qui rabâche le sujet de Fessenheim, et qui s’en sert pour justifier ses intérêts, voire l’inaction climatique. Ce sujet est devenu une marotte qu’on ressort à toutes les sauces, peu importe le sujet : jets privés, ENR, mégafeux dans les Landes, etc. Ces mêmes personnes, pour qui habituellement la symbolique n’a aucun intérêt, trouvent en Fessenheim un symbole fort dont la simple évocation permet de “gagner” un débat.

Plus qu’un raisonnement rationnel, cela devient une stratégie politique. Sur l’échiquier politique, c’est notamment repris par la droite et l’extrême-droite, qui ont un programme politique qui va totalement à l’encontre des objectifs climatiques de la France (moratoire sur l’éolien et le solaire, démantèlement des éoliennes existantes, etc.). Ce sujet envahit également les réseaux sociaux (notamment Twitter) et comme cela provoque souvent beaucoup de réactions, le sujet finit par être discuté et débattu dans les médias plus traditionnels comme la presse écrite et la télévision.

Insister autant sur Fessenheim, c’est aussi éviter de parler d’autres sujets : le retard de la France sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre, la rénovation des bâtiments, la sobriété… des sujets qu’on aimerait bien voir être mis en avant par tous les partis politiques. Si les uns accusent les “écolos d’être dogmatiques sur le nucléaire”, que penser de la position de la droite, de l’extrême-droite et de certains éditorialistes lorsqu’ils critiquent avec virulence les énergies renouvelables, parfois en les accusant même de “gâcher le paysage” ?

Le mot de la fin

Evoquer la fermeture de Fessenheim n’est pas forcément un problème. Cela peut parfois être justifié, notamment lorsque l’on compare les besoins du système électrique et les solutions proposées par le gouvernement (couper le wifi, arrêter les emails rigolos…).

Sortir la carte “c’est de la faute de la fermeture de Fessenheim” pour tout justifier est une faute, sauf si cela répond à vos intérêts politiques. Ce n’est pas la fermeture de Fessenheim qui mène à elle seule aux tensions sur le système électrique, et encore moins à l’explosion du coût de l’électricité sur les marchés. C’est le manque de vision et de planification du gouvernement actuel et des gouvernements précédents, qui répondent aux intérêts à court terme, avec toujours les mêmes personnes qui en pâtissent le plus.

En temps de crise énergétique et sans planification, tout moyen de production électrique bas carbone aurait été un vrai plus. Il est temps d’arrêter de polluer les débats en justifiant tout et n’importe quoi avec la fermeture de Fessenheim et d’aller de l’avant.

La transition écologique ne se fera pas sans parler du logement
Gogoeta
Enbata.info

Sarah Coupechoux est responsable Europe pour la Fondation Abbé Pierre. À l’occasion de sa présence pour la conférence Urgence Logement organisée par Alda à Bayonne le 21 novembre dernier et qui a réuni plus de 500 personnes, elle est revenue pour Enbata sur les différents mouvements et types de mobilisations pour le droit au logement en Europe. Une source d’inspiration qui donne un éclairage particulier aux luttes menées au Pays Basque.

Comment la lutte pour le droit au logement s’organise-t-elle ailleurs en Europe ? 

La question du droit au logement est un sujet dont les citoyens s’emparent dans de nombreux pays européens : on observe qu’aux côtés d’organisations institutionnelles, comme la FEANTSA qui lutte contre le sans-abrisme ou Housing Europe qui rassemble les fédérations des bailleurs sociaux, ou d’associations dont c’est le mandat principal, il existe aussi une myriade de mouvements informels, que la crise des subprimes de 2008 a renforcés. Les combats de ces organisations à travers l’Europe ont des traits communs : lutte contre les expulsions de logement, contre la précarité énergétique et la difficulté d’accès à l’énergie, ou contre la financiarisation du logement (dérégulation du marché du logement, hausses de loyer, gentrification, phénomènes de main-mise de certaines villes par des plateformes de location courte durée type Airbnb,…). Par exemple, en Espagne, la PAH (Plataforma de Afectados por la Hipoteca – Plateforme des victimes du crédit hypothécaire) est directement née du mouvement du 15-M (ou mouvement des Indignés). Elle s’appuie sur des “nodos”, des comités locaux dans lesquels les gens qui se retrouvent expulsables parce que dans l’incapacité de rembourser leur crédit peuvent partager leur expérience avec d’autres personnes dans une situation similaire, et s’organiser ensemble pour résister. La rencontre des premiers concernés et des militants plus aguerris, qui les accompagnent en mettant à disposition un savoir-faire militant (en droit, en communication, en mobilisation, etc) est quelque chose que l’on retrouve dans plusieurs mouvements sociaux pour le logement, et qui leur donne véritablement du poids. Car on a besoin de cette voix citoyenne, basée sur des expériences concrètes, pour réussir à faire contrepoids face aux lobbies qui opèrent au niveau européen : par exemple, lors de la consultation organisée par la Commission européenne pour son règlement visant à réguler Airbnb, la Commission nous a demandé de trouver des gens pour participer, car Airbnb avait mobilisé sa communauté en masse et ils s’étaient retrouvés avec 7 000 réponses, uniquement d’hôtes Airbnb !

Certains de ces mouvements sont-ils devenus massifs ? 

Bien sûr, tout dépend des réalités locales, mais il y a plusieurs exemples de mouvements qui parviennent à peser dans les politiques publiques. En Suède, l’Association des locataires, par exemple, compte 500 000 membres, et elle est particulièrement puissante. A tel point que, lorsqu’en 2021 le gouvernement a voulu libéraliser le système d’encadrement des loyers (en Suède, les loyers sont strictement encadrés), il s’est fait renverser par un vote de défiance des députés. A Berlin, en 2021, c’est une initiative citoyenne qui a permis d’obtenir l’expropriation des plus gros bailleurs institutionnels berlinois, et leur municipalisation. Alors que les prix ont doublé depuis les années 2000 et que de grandes firmes immobilières ont racheté une partie du parc locatif, les habitants ont réussi à réunir 349 000 signatures pour l’organisation d’un référendum : faut-il ou non municipaliser ces logements ? Obtenir la tenue d’un référendum, et le remporter, était un coup de maître, qui suppose de mettre en place de gros moyens militants. C’était assez impressionnant à voir : ils avaient des groupes de travail pour essaimer dans les quartiers, pour structurer la mobilisation, pour préparer le matériel de communication, pour préparer le travail juridique, pour réfléchir à la dimension culturelle, aux relations publiques, et même un groupe de travail international pour faire le lien avec d’autres luttes.

La limite des mobilisations sur le logement, c’est qu’elles sont plus faciles quand il y a un ennemi clair à abattre : le crédit hypothécaire pour la PAH en Espagne, les firmes immobilières en Allemagne,… C’est plus difficile de structurer des mobilisations collectives quand les atteintes au droit au logement se font à bas bruit.

En parlant d’ennemi facilement identifiable : où en est la lutte contre Airbnb au niveau européen ?  Les règlements adoptés au niveau local pourraient-ils être mis en péril par la législation européenne ? 

La Commission européenne vient de sortir une proposition de règlement qui, s’il est adopté, obligerait les plateformes à transmettre leurs données aux collectivités qui en ont besoin pour leurs mécanismes d’encadrement, ce qui est une bonne chose. Les discussions devraient avoir lieu au 1er semestre 2023. Là encore, le rôle des mouvements citoyens auprès des députés européens va être essentiel : il faut que l’on parvienne à faire entendre la voix des personnes concernées, que l’on montre l’impact concret de la transformation des logements à l’année en meublés de tourisme permanents qui met des gens sur le carreau

Par rapport à ce tour d’horizon des mouvements d’Europe, comment qualifierais- tu  les dynamiques dans l’Hexagone ? 

C’est difficile de structurer un mouvement massif pour le logement en France qui viendrait du terrain et s’organiserait au niveau national pour répondre à la crise. Des sujets précis le permettent, car ils offrent une lecture plus claire du phénomène : ça a été le cas avec les enfants sans abris à Lyon, la location de meublés courte durée avec Airbnb. A partir de là, le défi est d’aller au-delà, d’entraîner l’opinion publique sur le sujet plus large du logement.

La façon dont Alda travaille est un bon exemple : ce qui fonctionne, c’est de prendre le temps d’écouter les préoccupations des gens et de les mettre au centre de l’organisation, puis de traduire ces besoins en revendications politiques. C’est un bon modèle, mais il ne faut pas oublier qu’ici, il y a une spécificité du territoire en matière d’organisation politique et de lutte.

Alda est d’abord un mouvement de défense des milieux populaires qui oeuvre pour la métamorphose écologique et sociale du territoire. C’est en se rendant compte que le logement était le premier problème qui touchait les milieux populaires que l’association a décidé de mener ses actions contre la crise du logement. Est-ce que la question du logement comme trait d’union entre les enjeux sociaux et les enjeux écologiques est quelque chose qui se retrouve dans d’autres mouvements et mobilisations ? 

Encore assez peu, malheureusement, sauf plus récemment sur la précarité énergétique. Justement, avec le contexte actuel de la flambée des prix de l’énergie et de l’inflation, les organisations commencent à s’intéresser à la question. Mais il faut être conscient que la transition écologique ne se fera pas sans parler du logement.

Cela a été abordé pendant la conférence : on assiste à une multiplication des “congés pour vente” au Pays Basque. Ces congés sont légaux, et pourtant ils mettent à la rue des locataires qui se retrouvent dans l’incapacité à se reloger. Quelle est la position de la Fondation Abbé Pierre à ce sujet ? 

Vu la précarisation de la question du logement, le congé pour vente est une aberration, surtout dans les zones les plus tendues. On octroie aujourd’hui à un propriétaire le droit de priver une personne de son domicile pour faire une plus-value sur sa vente. Le principe même de ce droit doit vraiment être remis en cause et discuté, d’autant qu’il n’est pas indispensable. Revenir ou limiter le congé pour vente, cela ne porte pas atteinte au droit de propriété privée, car on peut vendre son logement même s’il est occupé. Mais faire primer le droit d’un propriétaire à faire une plus-value sur le droit au logement, a des conséquences terribles : humaines, d’abord, car perdre son logement est un traumatisme. Puis, ces ménages vont aller s’ajouter à la déjà très longue file des demandeurs de logements sociaux : c’est la puissance publique qui va devoir trouver une solution de relogement, dans des zones où bien souvent il y a un manque de logement. C’est pourquoi ce principe est inacceptable et mérite d’être réformé.

Mugak dituen planeta bat
Iñaki Petxarroman
www.berria.eus/paperekoa/1951/023/003/2022-11-27/mugak-dituen-planeta-bat.htm

Duela 50 urte, berez, munduari beste modu batez begiratzeko aukera eman zuen txosten bat kaleratu zuten hainbat ikertzailek: The limits to growth (Hazkundearen mugak).

Bigarren Mundu Gerraren osteko bizkortze handiaren ostean, beheraldi batean kaleratu zuten liburua, eta, lehen aldiz, muga biofisikoak dituen planeta baten ideia ekonomialarien eta agintarien mahai gainean jarri zuten.

Kritika gogorrak jasan zituzten, baina, 50 urte geroago, aipatu zituzten hainbat ondorio iragarri izanaren meritua aitortu behar zaie. Hazkundeak jarraitu du, bai, baina azken hamarkadetan gero eta maizago datoz, arrazoi batengatik edo bestearengatik, krisi sozioekonomikoak eta politikoak.

Azken hamarkadan gertatu dira inoizko krisi finantzariorik latzena, mundu mailako pandemia gogor bat, materialen eta energiaren krisi sakon bat eta planeta osoan eragina duen gerra bat Europan.

Hazkunde etengabea planetaren mugak zeharkatzen ari dela erakusten dute krisiek, adituek diotenez, eta aurreikuspenen arabera, gainera, 50 urte barru Lur planetatik eskuratu nahiko dugu egun eskatzen diogun energia eta material kantitatea halako bi.

Bost hamarkada horietan amaituko da Meadows txostenak aurreikusten zuen 100 urteko epea. Orain tokatzen da erabakitzea zer mundu izango den orduan.