Articles du Vendredi : Sélection du 1er juin 2018

Nicolas Hulot doit-il quitter le gouvernement ?

L’édito politique de Thomas Legrand
www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-01-juin-2018

Loi agriculture et alimentation : une défaite environnementale

Editorial
www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/01/loi-alimentation-une-defaite-environnementale_5308070_3232.html

Hubert Reeves : «Il ne faut surtout pas se retrancher dans le pessimisme»

Aude Massiot
www.liberation.fr/planete/2018/05/23/hubert-reeves-il-ne-faut-surtout-pas-se-retrancher-dans-le-pessimisme_1652006

Procès climatique : une lame de fond européenne

Aude Massiot
www.liberation.fr/planete/2018/05/28/proces-climatique-une-lame-de-fond-europeenne_1654544

Yamal LNG : comment les intérêts de l’industrie pétrolière continuent à primer sur la sauvegarde du climat… et même sur les sanctions commerciales

YOlivier Petitjean
http://multinationales.org/Yamal-LNG-comment-les-interets-de-l-industrie-petroliere-continuent-a-primer

Bai Margaret, posible da

Xabier Letona @xletona
www.argia.eus/argia-astekaria/2601/irunea-alternatiben-herria

Nicolas Hulot doit-il quitter le gouvernement ?

L’édito politique de Thomas Legrand
www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-01-juin-2018

Le ministre de la Transition écologique et solidaire est-il utile à la cause qu’il défend ?

On a épuisé toutes les facettes de la métaphore du vivarium (les couleuvres et autres reptiles de la famille des squamates) ingurgités. Nicolas Hulot est-il utile à la cause qu’il défend ? C’est la seule question qui vaille. Il aura échoué à changer la pensée productiviste du couple exécutif. Il aura échoué à désintoxiquer du carbone les anciens socialistes et LR qui l’entourent. Il n’aura pas réussi à débrancher la perfusion FNSEA du ministère de l’Agriculture. Le bilan de Nicolas Hulot est globalement négatif. L’abandon de Notre-Dame-des-Landes est dû aux zadistes pas au ministre. Nicolas Hulot n’a pas su imposer de contenu au slogan « make our planet great again » d’Emmanuel Macron.

Donc doit-il partir ?

Eh bien en dehors de l’usure personnelle, de ce sentiment permanent d’être le con du dîner autour de la table du conseil des ministres, c’est Nicolas Hulot, lui-même qui  peut le mieux juger si au moins, il limite les dégâts… si, grâce à sa présence, à son poids politique (c’est-à-dire sa seule popularité), sa capacité d’influence opère quand même un peu.

Est-ce que les projets, trop maigres, trop peu audacieux, seraient encore plus maigres et encore moins audacieux sans lui ? En résumé, avance-t-il toujours ? Même à petits pas… Parce qu’après tout… les écologistes, qui sont des gnomes politiques, qui généralement se noient dans leurs propres divisions, défendent quand même des causes qui, en ce moment dans le monde, ont le vent en poupe. Mais ces causes qui progressent en influence ne savent pas s’incarner en offre de pouvoir crédible. Au contraire du nationalisme, autre cause en vogue dans le monde… qui trouve, lui, les voix de la représentation et accède au pouvoir un peu partout.

Si l’on raisonne simplement du point de vue de l’influence sur le cours des choses, on peut considérer que les écologistes, (des zadistes les plus extrêmes aux ministres les plus conciliants) ont plutôt intérêt à rester là où ils sont, à influer du mieux qu’ils peuvent. Même minoritaires et marginalisés, ils sont plus efficaces dedans que dehors.

Préférer l’influence au pouvoir direct est certainement la meilleure stratégie pour l’écologie. La limite étant le « greenwashing ». Et dans ce cadre, seul Nicolas Hulot peut évaluer la situation, déterminer si sa présence en fait est un moindre mal ou cautionne des reculs, des avancées en trompe l’œil. Aujourd’hui, il présente un plan pour développer l’hydrogène pour les transports… mais sans financement. Est-ce un trompe l’œil ? Aujourd’hui on apprend que Fessenheim fonctionnera au moins jusqu’en 2019. Recul ou moindre mal ? Certains aspects de la loi littoral pourraient être remis en cause… ce serait un recul évident. Enfin Nicolas Hulot autorise, « pas de gaité de cœur » dit-il, la bioraffinerie Total de La Mède… qui importe de l’huile de palme. Il valide un deal compliqué, selon lequel, à terme, l’utilisation de l’huile de palme baisserait, dit le ministre.  On arrive sans doute, là, au bout de la logique des « petits pas »… pour entrer clairement dans celle de la caution. Le départ de Nicolas Hulot du vivarium et du gouvernement est maintenant dans la logique des choses.

Loi agriculture et alimentation : une défaite environnementale

Editorial
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Glyphosate, publicité alimentaire, poules en batteries… le projet de loi, voté par l’Assemblée le 30 mai, est resté sourd aux attentes de la société civile et loin des promesses du président Macron. Deux poids et deux mesures : ainsi peut se résumer le projet de loi agriculture et alimentation adopté en première lecture par l’Assemblée nationale mercredi 30 mai. D’un côté, un volet économique destiné à rééquilibrer le rapport des forces entre les agriculteurs et la grande distribution, afin d’assurer au monde agricole des revenus décents. D’un autre côté, un volet sanitaire et environnemental, visant notamment à promouvoir une alimentation plus saine et des modes de production plus respectueux des attentes et des inquiétudes des consommateurs.

Or, si le texte adopté par les députés a, peu ou prou, répondu aux revendications des agriculteurs (et notamment de leur principal syndicat, la FNSEA), il est manifeste qu’il est d’une extrême frilosité sur le volet environnemental. En effet, les parlementaires ont fait preuve d’une complaisance inédite pour les intérêts économiques de l’agroalimentaire et d’une surdité tout aussi remarquable aux revendications de la société civile.

Une forêt de renoncements

Le rejet de plusieurs amendements gravant dans la loi l’engagement présidentiel d’interdire l’usage du glyphosate, cet herbicide soupçonné d’avoir des effets cancérigènes, d’ici à 2021 est le signe le plus spectaculaire de cette pusillanimité. Mais il n’est que l’arbre qui cache une forêt de renoncements. L’interdiction de diffuser des publicités pour l’alimentation transformée, facteur d’obésité chez les enfants ? Rejetée. L’interdiction des élevages hors sol de poules pondeuses en cage, autre promesse de campagne d’Emmanuel Macron ? Rejetée. L’interdiction des pratiques brutales dans la production animale, la castration à vif, le broyage de poussins vivants ? Rejetée. La vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs, qui permettrait de protéger autant les personnels, soumis à des cadences intenables, que les animaux ? Renvoyée à des expérimentations. Même l’interdiction des épandages de pesticides à proximité des lieux de vie a été écartée. Tout comme le projet d’établir, sur un autre dossier, un Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Même l’interdiction de l’épandage aérien des pesticides est remise en cause – au mépris du droit européen.

Les artisans du projet de loi peuvent mettre en avant quelques avancées, comme la séparation des activités de vente de pesticides et de conseil technique sur leurs usages, ou la libre commercialisation des semences paysannes. Mais celles-ci pèsent bien peu face au manque d’ambition général du texte.

Pourtant, les alertes des scientifiques se multiplient, qui dénoncent le modèle agricole dominant comme un facteur majeur d’érosion de la biodiversité, de dégradation de l’environnement et de l’émergence de sérieux problèmes sanitaires. Le gouvernement et le Parlement n’en ont cure, à l’évidence. Or c’est, précisément, ce modèle qui a contribué à décourager les agriculteurs, à vider les campagnes et à dévitaliser les territoires.

Les lobbys de l’agro-industrie ont donc, jusqu’à présent, très efficacement défendu leurs intérêts. Leur succès entérine, en quelque sorte, la défaite de Nicolas Hulot, ministre d’une transition écologique et solidaire de plus en plus évanescente. Mais il témoigne aussi du grand écart entre les déclarations du président de la République (du tonitruant « Make Our Planet Great Again » au cri d’alarme lancé, le 24 mars, sur l’érosion catastrophique de la biodiversité) et la politique effective du gouvernement.

Hubert Reeves : «Il ne faut surtout pas se retrancher dans le pessimisme»

Aude Massiot
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Le scientifique franco-canadien lance un appel au «réveil vert» de l’humanité alors que sort en France le documentaire «la Terre vue du cœur» auquel il a participé.

Le documentaire la Terre vue du cœur de la réalisatrice canadienne Iolande Cadrin-Rossignol, qui sort en France mercredi, voyage à travers l’écologie planétaire et interpelle sur les menaces que l’homme fait peser sur elle. A cette occasion, l’astrophysicien franco-canadien Hubert Reeves explique la nécessité pour l’humanité de s’engager le plus rapidement possible pour protéger la biodiversité dont dépend la survie de l’espèce humaine.

Pourquoi avez-vous participé à ce documentaire, «la Terre vue du cœur» ?

L’objectif principal du film est donné dans son titre. On commence à connaître les menaces qui pèsent sur la Terre. Elle risque de devenir inhabitable à cause des pressions humaines. Même la présence de l’humanité sur Terre est devenue incertaine. Face à ce danger, l’éveil de la mobilisation se joue au niveau du cœur. Il faut que les individus se sentent concernés individuellement par ces enjeux. La sixième extinction de masse à laquelle nous assistons avance à une vitesse encore jamais vu dans l’histoire de la planète. Cela va provoquer des bouleversements mondiaux majeurs qui auront un impact irrémédiable sur nous.

Devant cet état des lieux catastrophique, avez-vous de l’espoir que nous puissions rétablir la situation ?

Un avenir meilleur est possible, grâce aux prises de conscience citoyennes que l’on voit émerger partout dans le monde. Il ne faut surtout pas dire que tout est foutu. Sinon ce sera foutu. L’avenir est ouvert, inconnu. Personne ne sait si l’homme va réussir à redresser la situation. Je veux croire que cette fois, il va réussir à faire les bons choix.

Malgré les alertes scientifiques, la mobilisation semble rapidement retomber. Comment contrer cette inertie ?

Il faut mobiliser les gens en faisant appel à leurs émotions. Tout le monde ne réalise pas que l’espèce humaine est elle-même menacée. Mais l’état de la situation nous apparaît de plus en plus clairement grâce aux données scientifiques. Cela devrait provoquer une réaction humaine universelle. Ce qu’on appelle «le réveil vert» est très important : de nombreuses personnes sensibilisées sont déjà à l’œuvre. Il ne faut surtout pas se retrancher dans le pessimisme.

Comment les citoyens peuvent agir face à un problème si global ?

L’écologie rassemble un million de petits problèmes. Les gens doivent être en alerte et se demander «Comment je peux innover, agir ?» Cela ne va pas être simple. On ne retrouvera jamais notre planète telle qu’elle existait à l’époque préindustrielle. Le plus important aujourd’hui est de créer la prise de conscience et l’éveil qui mènent à la volonté d’agir.

Les actions citoyennes, pour réussir, doivent être relayées au niveau politique…

Oui, beaucoup de pays comme la France, le Canada et certaines villes américaines sont très actifs sur le sujet. Mais ces actions ne sont ni assez rapides ni à la hauteur des bouleversements causés par les humains. Il faut adopter une attitude militaire face à cette situation. On la retrouve dans les jeunes générations. Nous avons une bataille énorme devant nous : garder la planète habitable et préserver la vie. La nature nous a dotés d’une intelligence extraordinaire et nous dit maintenant dans son langage : «Débrouillez-vous avec pour ne pas vous exterminer.»

Procès climatique : une lame de fond européenne

Aude Massiot
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Le 24 juin 2015, pour la première fois, un Etat (les Pays-Bas) était condamné par la justice, après une plainte de l’ONG Urgenda, à prendre immédiatement de plus fortes mesures pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre : les diminuer d’au moins 25% par rapport à 1990 et d’ici fin 2020. Trois ans plus tard, bien que cette décision soit entendue en appel à partir de ce lundi devant la Cour de La Haye, l’affaire Urgenda Foundation vs. The State of Netherlands a inspiré une multitude de procès à travers le monde, et notamment en Europe.

«Cette victoire fut l’étincelle qui a lancé le mouvement mondial de citoyens demandant aux tribunaux de forcer les Etats à passer à l’action sur le climat, assure Dennis Van Berkel, conseiller juridique de l’ONG néerlandaise Urgenda. Les gouvernements savent maintenant qu’ils ne peuvent plus se rendre dans des conférences internationales et déclarer qu’ils prendront des mesures contre le changement climatique sans le faire réellement. Ils peuvent se retrouver devant un juge à expliquer pourquoi ils n’ont pas agi tout en sachant qu’ils devaient le faire.» En Suisse, en Irlande, au Royaume-Uni, en Allemagne, au niveau européen, les procès ont essaimé en quelques années et, même sans aboutir, poussent les gouvernements à agir.

Un outil démocratique

En Belgique, depuis 2014, l’association l’Affaire Climat a réussi à réunir 35 000 codemandeurs dans leur plainte lancée contre les autorités belges. «Nous voulons que les politiques belges de lutte contre le changement climatique cessent d’être incohérentes, déclare Serge de Gheldere, président de l’Affaire Climat. Notre action en justice n’est pas une agression contre l’Etat mais  une utilisation d’un outil démocratique.»

Le gouvernement irlandais fait aussi les frais des velléités judiciaires d’environnementalistes inquiets de son manque d’actions face aux changements climatiques. «La mobilisation des ONG sur le sujet n’a pas permis de provoquer de revirement de la part du gouvernement, explique Sadhbh O’Neill de l’ONG les Amis de la Terre Irlande, à l’origine d’un procès lancé en octobre 2017. Nous attaquons l’Etat car nous avons besoin d’incitations politiques pour changer les comportements.» Le 24 mai, ce sont 10 familles française, européennes, kenyane et fidjienne qui ont attaqué en justice l’Union européenne pour son manque d’actions en faveur d’un climat sain.

Les entreprises les plus émettrices en gaz à effet de serre commencent aussi à être visées. Après le Péruvien Saúl Luciano Lliuya qui a poursuivi le géant allemand de l’énergie RWE pour sa participation au changement climatique, les Amis de la Terre Pays-Bas ont lancé une procédure, début avril, contre Shell, autre monstre de l’industrie des énergies fossiles.

Changement de paradigme

«Bien que les jurisprudences ne soient pas transposables d’un pays à un autre, plus il y aura de procès de ce type en Europe, plus il sera facile de démontrer que les arguments avancés sont pertinents, souligne Sébastien Duyck, avocat au Centre pour le droit environnemental international. Le droit est une affaire vivante. Chaque cas apporte de nouveaux principes juridiques sur lesquels peuvent s’appuyer les juges.»

Un des freins aux actions judiciaires sur le climat a été le manque d’expérience des juges sur les questions de droit environnemental et de changement climatique. Plusieurs initiatives universitaires en Europe visent à les former sur ces enjeux. Pour Emilie Gaillard, maître de conférences à l’université de Caen et spécialiste de droit de l’environnement : «Nous observons un changement de paradigme dans la discipline. Ces actions en justice introduisent aussi une nouvelle entité juridique : le droit des générations futures.»

Un principe qui existe déjà dans le préambule de la Charte de l’environnement française et sur lequel pourrait s’appuyer un hypothétique procès climatique en France. «Le droit doit évoluer en fonction de cette prise de conscience citoyenne pour un meilleur respect de la Nature», reprend la juriste. En France, plusieurs cabinets d’avocats et l’association Notre affaire à tous planchent sur de futurs recours judiciaires qui pourraient aboutir dans les prochains mois.

Yamal LNG : comment les intérêts de l’industrie pétrolière continuent à primer sur la sauvegarde du climat… et même sur les sanctions commerciales

YOlivier Petitjean
http://multinationales.org/Yamal-LNG-comment-les-interets-de-l-industrie-petroliere-continuent-a-primer

Le complexe Yamal LNG, dédié à l’exploitation des vastes gisements de gaz du grand nord russe, a réussi à voir le jour malgré les difficultés techniques et surtout malgré les sanctions commerciales imposées suite à la crise ukrainienne. Ceci grâce à un soutien massif des autorités russes, aidées par la Chine mais aussi… par l’État français, via Bpifrance. Ou comment le grand jeu pétrolier et les intérêts des multinationales continuent à guider la diplomatie. Troisième et dernier volet de notre série d’article autour du projet gazier emblématique de Total.

Inauguré en décembre 2017 dans le Grand nord russe, le gigantesque complexe gazier Yamal LNG est volontiers présenté par ses promoteurs sur le mode de l’exploit technique. Une entreprise « prométhéenne », selon les termes de Jean-Pierre Chevènement. Bombardé « représentant spécial de la France en Russie » par François Hollande et maintenu à ce poste par Emmanuel Macron, celui-ci était présent à l’inauguration officielle du site industriel par Vladimir Poutine, aux côtés de l’ambassadrice de France Sylvie Bermann et des PDG de Total et de Vinci Construction.

Yamal LNG, c’est surtout en effet un investissement stratégique majeur pour de de grandes multinationales hexagonales alliées à Novatek, l’entreprise russe en charge du projet. C’est aussi un symbole des liens à la fois économiques et politiques noués par une partie des cercles d’affaires et de la droite française avec l’oligarchie russe (lire les deux premiers volets de cette enquête ici et ). Et c’est enfin un choix politique : celui d’ouvrir, malgré l’Accord de Paris, une nouvelle frontière d’exploitation des hydrocarbures dans l’Arctique. Le tout – comme nous le verrons – avec le soutien discret, mais décisif, de l’État français.

« Nouveau Qatar » au-delà du cercle arctique

Extraire du gaz dans la péninsule de Yamal, une région isolée où les conditions sont extrêmes avec des températures descendant à -50°C, puis le transporter vers les marchés européens et asiatiques, a effectivement tout de la gageure. Les cuves destinées à stocker le gaz ont été construites par Vinci sur des pilotis dotés d’un système de régulation des températures, pour gérer les variations d’épaisseur du pergélisol (permafrost en anglais). Alors que la construction d’un nouveau gazoduc géant avait un temps été envisagée, le gaz sera finalement commercialisé sous forme liquéfiée, transporté par une quinzaine de bateaux méthaniers brise-glaces, une première mondiale. Trois brise-glaces nucléaires ont en outre été construits par la Russie pour assurer en permanence l’accessibilité des ports méthaniers et la navigabilité des eaux arctiques pour les livraisons d’hydrocarbures.

Du point de vue du Kremlin, le jeu en vaut la chandelle, puisqu’il permet à la fois d’affirmer la puissance russe dans l’Arctique, et d’ouvrir la péninsule de Yamal et ses vastes réserves de gaz à l’exploitation industrielle, avec pour objectif affiché d’en faire un « nouveau Qatar ». Le gisement lié au projet Yamal LNG – qui vient s’ajouter à un autre gisement encore plus important appartenant à Gazprom – recèlerait près de 500 milliards de mètres cubes de gaz, et produirait chaque année l’équivalent des deux tiers de la consommation française, soit environ 26 milliards de mètres cubes.

Et ce n’est que le début. Novatek est déjà en train de lancer un second projet similaire à Yamal LNG, baptisé « Arctic 2 ». À terme, une grande partie de la péninsule pourrait se couvrir de plateformes de forage, de gazoducs et de terminaux méthaniers. Un développement industriel rendu plus facile par le réchauffement des températures globales, et qui contribuera en retour à accélérer ce réchauffement [1].

Une région sacrifiée au changement climatique

À un moment où le débat faisait rage sur les projets de Shell dans l’océan Arctique (aujourd’hui abandonnés), le PDG de Total Christophe de Margerie s’était démarqué en prenant position publiquement contre l’exploitation du pétrole dans la région polaire… mais principalement pour des raisons de réputation. « Du pétrole sur le Groenland, ce serait un désastre. Une fuite causerait trop de dommages à l’image de la compagnie », avait-il déclaré en 2012 au Financial Times. Ce qui n’a pas empêché Total d’acheter massivement pour ses raffineries françaises du pétrole extrait en Arctique par Gazprom (lire notre article).

Si leurs risques pour l’environnement sont clairement moins spectaculaires que ne le serait une marée noire, les développements gaziers dans la péninsule de Yamal sont-il exempts de dangers ? Cette partie du Grand nord russe est essentiellement peuplée d’autochtones Nenets, éleveurs nomades de rennes. C’est aussi une région fragile qui subit déjà de plein fouet les conséquences du réchauffement des températures. De gigantesques cratères ont commencé à se former dans la toundra ces dernières années, que nombre d’experts expliquent par des explosions de méthane ou d’autres gaz liées à la fonte du pergélisol. La multiplication de ces phénomènes crée d’ailleurs un risque pour les installations gazières, et les entreprises concernées ont dépêché des équipes de scientifiques. (Certains experts et certains des habitants traditionnels de la région semblent d’ailleurs établir un lien direct entre ces explosions et les développements gaziers, du fait de la proximité géographique entre les cratères et les sites d’extraction.)

En plus de dégager du méthane et du dioxyde de carbone qui accroissent encore l’effet de serre, la fonte du pergélisol a aussi provoqué une recrudescence de la bactérie anthrax, qui avait disparu de la région depuis les années 1940. Libérée par le dégel, la bactérie a contaminé des milliers de rennes en 2016. Plusieurs dizaines de personnes ont été hospitalisées et un enfant de 12 ans est mort. Le gouverneur a décrété l’abattage d’au moins 100 000 rennes pour contenir la propagation de la maladie – ce que certains éleveurs Nenets ont dénoncé comme une mesure surtout motivée par les intérêts de l’industrie gazière [2].

On constate en effet déjà dans la péninsule une concurrence accrue pour l’accès à la terre. Les forages fragilisent le sol et les zones de pâturage, tandis que les gazoducs qui sillonnent la région gênent les migrations saisonnières des rennes et des éleveurs qui les suivent avec leurs tentes [3]. Selon un rapport réalisé pour le compte d’une ONG allemande, l’arrivée de l’industrie gazière menace la mobilité et donc la capacité d’adaptation des Nenets, conditions mêmes de leur survie dans cet environnement extrême en pleine mutation. Elle a aussi intensifié la compétition entre éleveurs pour accéder à des zones de pâturage de plus en plus réduites. D’un autre côté, les opérations de dragage qui ont accompagné la construction des ports méthaniers ont entraîné une chute des populations de poissons, réduisant d’autant la source d’alimentation alternative traditionnelle des Nenets.

L’obstacle des sanctions

Si les intérêts des populations traditionnelles de la péninsule ne pesaient de toute façon pas lourd face aux objectifs économiques et géopolitiques du Kremlin et de ses alliés, un obstacle bien plus considérable s’est dressé sur le chemin de Yamal LNG : celui des sanctions commerciales mises en place par les États-Unis et l’Union européenne suite à la crise ukrainienne. En ciblant à la fois certains oligarques (comme Guennadi Timchenko, le propriétaire de Novatek), certains transferts de technologies (notamment celles nécessaires à la fracturation hydraulique ou pour forer en eaux profondes) et enfin en bloquant toute possibilité de financement auprès des grandes banques internationales, ces sanctions ont porté un coup fatal à beaucoup de projets d’exploitation d’hydrocarbures. Plusieurs contrats majeurs associant des entreprises russes et des majors occidentales ont été soit suspendus soit abandonnés. Le géant américain ExxonMobil a dû geler en 2014 son projet emblématique d’extraction de pétrole offshore dans l’Arctique en partenariat avec Rosneft, et vient d’y renoncer définitivement en revendant ses parts à la firme russe.

Le groupe Total lui-même a dû renoncer à ses velléités d’exploiter du pétrole de schiste sibérien en partenariat avec Lukoil. Il a cédé à Gazprom ses parts dans l’immense gisement gazier offshore de Chtokman, et a réduit son exposition au gisement pétrolier de Kharyaga, dans l’ouest de la Sibérie à proximité du cercle arctique. Il n’a jamais été question en revanche d’abandonner Yamal LNG ni plus généralement la participation de Total au capital de Novatek, qui fait désormais de la Russie le premier pays contributeur aux « réserves prouvées » du groupe français. Pourtant, les discussion qui avaient été entamées avec des banques pour financer le projet – d’un budget de 27 milliards de dollars au bas mot – ont dû être brutalement interrompues. Au même moment ou presque, BNP Paribas s’était vue infliger une amende de 9 milliards de dollars par le département de la Justice américain, pour des transactions en dollars avec des pays sous embargo comme l’Iran. De quoi refroidir les ardeurs de toutes les banques européennes, d’autant que les autorités américaines estiment que leur juridiction s’étend à toutes les transactions libellées en dollars, seule devise en usage dans le secteur pétrolier.

Bouclage financier à l’arrachée

Même si Total et ses alliés avaient obtenu que les sanctions européennes – au contraire des sanctions américaines – ne visent nommément ni Novatek ni son propriétaire Guennadi Timchenko, les discussions sur le montage financier de Yamal LNG sont restées longtemps enlisées. Les banques européennes ont refusé de s’engager. Les banques chinoises, ardemment courtisées, se montraient elles aussi réticentes. De 2014 à 2016, le bouclage du financement a été plusieurs fois annoncé comme imminent, sans jamais se concrétiser.

Au final, le dossier n’a fini par se débloquer que lorsque l’État russe a décidé d’injecter directement 2,4 milliards de dollars pris dans son « Fonds de bien-être national », dédié au financement des retraites, et a annoncé en parallèle une exemption pour 12 ans de toutes royalties sur les ressources gazière et une exemption totale de toute taxe à l’exportation. Deux banques publiques chinoises ont alors accepté de prêter 12 milliards de dollars. L’un des fonds publics chinois dédiés aux nouvelles « routes de la soie », ces routes commerciales que Pékin souhaite mettre en place et dont l’une passe justement par l’Arctique, a également apporté de l’argent. Avec la contribution de deux banques russes contrôlées indirectement par le Kremlin et celles de Total et des autres partenaires du projet, le budget était enfin bouclé. Mais au prix d’un soutien massif du gouvernement russe, et de certaines contorsions comptables pour éviter les transactions en dollars, dont la viabilité reste à tester.

Coup de pouce crucial de l’État actionnaire

Malgré une politique officielle de fermeté vis-à-vis de la Russie, Total et ses partenaires ont pu compter sur le soutien indéfectible de l’État français. En visite à Moscou début 2016, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, avait ainsi annoncé qu’il demanderait aux États-Unis des « assurances » que les banques françaises appelées à financer Yamal ne tomberaient pas sous le coup des sanctions américaines. Visiblement, ces assurances n’ont pas été données.

Paris a néanmoins donné un coup de pouce crucial à Yamal LNG à travers son soutien à l’entreprise parapétrolière française Technip (aujourd’hui fusionnée avec une firme américaine pour former TechnipFMC), chargée de construire l’unité de liquéfaction du gaz pour un montant de plus de 4 milliards de dollars. Un contrat crucial pour cette entreprise alors fragilisée par la chute des cours du pétrole, et dont le premier actionnaire n’est autre que l’État lui-même, à travers Bpifrance, l’ex Banque publique d’investissement. Le directeur financier de cette institution, Arnaud Caudoux, siège depuis l’année dernière au conseil d’administration de TechnipFMC.

Or en plus de ses participations dans des entreprises jugées « stratégiques », Bpifrance est désormais en charge, également depuis 2017, des crédits et garanties publics à l’exportation, une activité qui était auparavant confiée à la Coface et qui est placée sous la supervision… d’Arnaud Caudoux. Dans ce cadre, la banque publique a apporté en 2017 une garantie de 350 millions d’euros à Technip pour couvrir les risques liés à l’exécution de son contrat sur Yamal LNG. Participation directe au capital plus garantie officielle de l’État… Visiblement, ce contrat a été jugé suffisamment important pour Technip – avec peut-être la crainte de voir préférer une technologie de liquéfaction chinoise – pour passer outre certaines situations de conflits d’intérêts.

Il y a d’ailleurs plus curieux encore : parmi les entreprises françaises, grandes et petites, présentes sur le chantier de Yamal LNG, TechnipFMC est loin d’être la seule à compter Bpifrance parmi ses principaux actionnaires. C’est également le cas de Nexans, entreprise spécialiste des câbles, de Vallourec qui a fourni des tubes pour les forages de Novatek, de Daher qui a fourni les valves, du groupe Gorgé qui a conçu la sécurité incendie des sites… Le monde est petit.

Bpifrance, arme anti-sanctions des entreprises françaises

Au-delà de Yamal LNG, TechnipFMC est déjà aussi partie prenante du second projet gazier de Novatek dans la péninsule, Arctic LNG 2. Le projet intéresse également Total (en plus de son implication indirecte déjà acquise via ses 20% de Novatek) mais, selon plusieurs sources, les Russes poseraient comme condition à sa participation que cette fois, des banques françaises mettent la main à la poche malgré les sanctions.

Un scénario similaire est train de se jouer en Iran, avec beaucoup des mêmes acteurs. L’accord sur le nucléaire orchestré par Barack Obama en 2015 a aiguisé les appétits des multinationales occidentales, et en particulier des groupes français Renault, PSA et Total. Le géant pétrolier français a fini par signer en 2017 un accord avec le gouvernement de Téhéran pour l’exploitation de l’immense champ gazier de South Pars, sur lequel il lorgnait depuis longtemps. Là aussi, les banques françaises, sollicitées pour accompagner l’expansion en Iran des firmes tricolores, rechignent. La solution trouvée par les pouvoirs publics français ? Créer à travers de Bpifrance un fonds d’aide et de financement d’au moins 1,5 milliard d’euros qui permettraient aux entreprises françaises grandes et petites de commercer avec l’Iran sans violer les sanctions imposées par Washington. Autrement dit, une activité de prêt direct pour les projets des firmes tricolores en Iran, qui s’ajouterait à l’activité actuelle de garantie à l’export de Bpifrance. Ce fonds – garanti « sans dollars » et sans personne de nationalité américaine – devrait être mis en place dans les prochains mois.

Quand il s’agit de promouvoir les intérêts des grandes entreprises, l’État français semble ainsi tout disposé à contourner aussi bien les sanctions commerciales qu’il a lui-même contribué à imposer dans le cadre de ses alliances géopolitiques que les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. On appelle cela « diplomatie économique ».

 

Lire les deux premiers volets de cette enquête :
Autour d’un immense projet gazier dans l’Arctique, les liaisons dangereuses de multinationales françaises avec l’oligarchie russe
Quand les grands groupes français se font les instruments de la politique d’influence du Kremlin

[1] Le réchauffement des températures est plus marqué dans les zones polaires que dans les latitudes basses. Sur ce point et sur l’ouverture de l’Arctique aux appétits industriels et géopolitiques, lire nos enquêtes Entre réchauffement et projets industriels, l’Arctique en mutation forcée et Ruée sur les ressources du Grand Nord.

[2] Lire cet article.

[3] Sujet abordé dans cet article en ce qui concerne Ymal LNG et dans ce reportage de National Geographic au sujet des gisements exploités par Gazprom dans la péninsule.

Bai Margaret, posible da

Xabier Letona @xletona
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Le procès en appel d’une ONG contre les Pays-Bas s’ouvre ce lundi. La condamnation de l’Etat en première instance avait ouvert la voie à de nombreuses actions.

Klimaren hondamendia, hori da seguruenik gaur egungo krisi globalaren ondorio ikusgarriena. Donald Trumpen etorrerak brintzak sortu dituen arren, horren inguruko kontsentsua handia da: gure planetak sendabideak behar ditu. Euskal Herrian Baionan egin zen asmo horren aldeko lehen ekimen sozial masiboa 2013an: Alternatiben Herria. Bilbon errepikatu zen esperientzia 2015ean eta datorren ekainaren 2an Nafarroaren txanda izango da, Iruñean. Urrian, Bizi!-ren eskutik, Iparraldean errepikatuko da esperientzia.

Alternatiben Herrian bizi direnentzat, ostera, klimaren hondamendia sintoma bat besterik ez da, eta horren kontra egin behar da, baina garrantzitsuena egoera hori ekarri duena da: sistema kapitalista. Herri honetako herritarrek dagoeneko argi dute ez dela nahiko kapitalismoaren aurka egitea, gero eta sustraituago dute apurka alternatibak eraiki behar direla. Horretan datza Alternatiben Herriaren eguna: alternatibak nahi eta buruan dituzten guztiek euren esperientziak eta ideiak erakutsi eta elkar trukatzean. Ikasi, hausnartu, ahalmendu, saretu eta gozatu. Horra egunaren klabe nagusiak.

Trantsizio hotsak

Feudalismotik kapitalismoraino bidaia ia bi mendekoa izan zen. Autore batzuentzat, Paul Mason kazetari britainiarra esaterako, poskapitalismoan gaude jada eta egungo sistemaren zutoinak arrakalaz beteak dira. Bere esanetan, trantsizioa hasia da. Batek daki, baina ekainaren 2an Iruñean bilduko direnak ez dira trantsizio horren emaitzen zain geratuko, trantsizioa gaurdanik ari dira lantzen gizarteko alor guztietan.

1999an AEBetako Seatlen globalizazio kapitalistaren aurka hasitako protestak, 2001ean loratu ziren Brasilen: Porto Alegrek “Beste mundu bat posible da” egin zion oihu neoliberalismoari. XXI. mende hasierako metxa hark piztuta jarraitzen du Euskal Herriko herri mugimenduaren abaraskan, gero eta anitzago, gero eta sakonago, gero eta eraldatzaileago.

“There is not alternative” (“ez dago alternatibarik”) barreiatu zuen Margaret Thatcher mandatari neoliberal britainiarrak lau haizetara. “Bai, bada, beste mundu bat posible da eta baditugu alternatibak”, erantzun diote Iruñerritik 50 herri mugimendu, elkarte, enpresa eta sindikatuk. Baionako 2013ko saioa ELAren Fundazio Manu Robles-Arangiz Institutuari lotutako Bizi! mugimenduak antolatu zuen. Bilbokoa eta Iruñeko Alternatiben Herria, Euskal Herriko Eskubide Sozialen Kartak bideratu ditu.

Sei auzo, herri berri baterako.

Eguna Iruñeko Alde Zaharrean ospatuko bada ere, alternatiben esparruak Nafarroa osoa erakutsi nahi du. Baina ez da erraza, Iruñerrian bizi da lurraldearen erdia baino gehiago eta hori agerian da herri mugimenduen baitan ere. Sei auzo tematikotan banatzen dute beren jarduera Alternatiben Herrian: Arragoa (kultura, hizkuntza…); AuzoEKOnomia; Bizi anitzak eta duinak; Burujabetza; Haurren Errepublika; eta, Herriak eta Lurra.

Azken auzo honetakoa da, esaterako, Euskal Herriko lehen udal komertzializatzaile elektrikoa eratu duen subjektua: Izabako udala. Pirinioetan txango txiki bat eman besterik ez dago ikusteko zenbat zentral hidroelektriko dagoen, baina gehienak enpresa handien esku daude. Nafarroan, zentral horietako hiru daude udalen eskuetan, bat Izabakoa da. Herri honek 60ko hamarkadatik kontrolatzen du indar elektrikoaren produkzioa, gero banaketa ere bereganatu zuen eta duela gutxi merkaturatzea ere bere esku hartu du, Ezka Ibaia Energia SL enpresa publikoa medio. Urrats eredugarria, kontuan hartuta azken hamarkadetan udalek oinarrizko zerbitzu ugari pribatizatu dituztela. Orain, oztopo handien artean bada ere, udal gutxi batzuk berriz hasi dira publiko egiten zerbitzu horietako hainbat.

Ari gara

Energia Gara eta Goiener dira argi indarraren esparruan azken urteetan sortu diren esparru kooperatibo indartsuenak. Ekonomia sozial eraldatzaileak zulatu gabe zuen telefoniaren eremuan ere ernetu da alternatiba: Izarkom. 2014an, halaber, Lasotan Iniziatiba Sozialeko kooperatiba sortu zen, hezkuntzaren munduan elkarbizitzaren laborategia eratzeko helburuarekin. Euskoa tokiko moneta ere bere bidea finkatzen ari da Ipar Euskal Herrian, eta dagoeneko 3.000 pertsona edo entitatek erabiltzen dute diru gisa: aberastasun hori multzo horren baitan kudeatzen dute, haien arteko eragiketak ordaintzeko, eta euskoak ez doaz beste inoren patrikara edo Europako Banku Zentralera, honek, adibidez, bankuei %0ko interesean eman diezaien eta hauek guri %8an. Inork ez du Euskoarekin espekulatzeko asmorik, aberasteko xederik. Beste adibide bat? Itsulapikoa, euskal crowfundingerako plataforma gazteak ere bere bidearekin jarraitzen du.

Kontsumo taldeak ere hor dira, eta bertako produktoreak –gertukoak eta ekologikoak– (EHKOlektiboan adibidez), Piparrika moduko herri baratzeak, Guneko Oilategia, Bilgune feminista, Kattalingorri, Mendillorriko Antzara auzo elkartea, Emausko Trapuketarien Hemen Konpon ekimena, OlatuKoop, Koop57… Oilategi bizi honetan, dozenaka dira han-hemenka bestelako arrautzak errun dituztenak, eta beste ugari sortu berri edota herritarren asmoetan dira.

Kolpez kolpe azaleratuta, sexu erasoen izeberga gero eta ageriago dago emakume antolatuen eskutik; Martxoaren 8ak zirrara berezia eragin zuen Alternatibaren Herriko herritarren bizkar-hezurrean. Eta antzeko sentipena ainguratzen da gure barrenean dozenaka mila pentsiodunek herri honetako plaza eta etorbideak hartzen dituztenean. Gizartearen periferian ei ziren gehiengo handiak erdigunera datoz berau hartzeko asmoz. Chrysallis elkarteak egindako lanari esker, herritarrak hobeto ezagutzen du haur transexualen latza. LGTBI mugimenduak inoiz ez bezalako ikusgarritasuna lortu du Nafarroan eta bapo arduratzen da ondo erakusteaz… Richter eskala sozialean indar desberdineko lurrikarak dira, baina behin eta berriz ari dira astintzen egungo status quoaren zutoinak.

Horiek eta beste hamaika esparru ere jorratuko dira Iruñeko Alternatiben herrian. Irauli nahi dute egungo egoera. Iraultza? Izan liteke, baina honek ez du zerikusirik duela mende bateko sobieten erreboltarekin. Sasoi bakoitzak berea du eta egungoa ez da langilerian oinarritzen, ehunka borroka eta aliantzetan baino. Horrek, baina, baditu bere arazoak: nola demontre eraikitzen da alternatiba orokor eta zehatza bakoitza bereari begira bada, eta bakoitzarentzat bere borroka bada garrantzitsuena? Egon daitezke erantzun asko, baina bat Marina Garcés filosofo kataluniarrak utzi berri digu apirileko LARRUNeko tituluan: “Borroka konkretu bakoitzean guztia dago jokoan”.

Gizateriaren handitasuna

Katakrak 2013ko hondarrean Iruñeko Kale Nagusiak irekitako liburutegia ederra da. Eta hori baino askoz gehiago ere bai, besteak beste, Iruñeko lurrikara honen epizentroa. Handik ari da Maitane Unzu gaztea koordinazio lanetan azken bederatzi hilabeteetan, sei auzoen batzarra koordinatu eta amaraun konplexu hau ehuntzen. 30.000-40.000 euroko aurrekontua dute Alternatiben Herria eraiki eta kapitalismoari kilimak egiteko. Koop57-ko finantza kooperatibaren mailegua dute horretarako, Itsulapikoko diru bilketa eta era guztietako ekarpen eta salmentak ere bai.

Eta hala ere, neoliberalismoaren urrats gupidagabe eta tinkoen aurrean, egongo da pentsatzen duenik, arrazoi osoz gainera, ea kilima hauek guztiek zertarako balioko duten. Alternatiben Herriaren hitzaldi, mahai-inguru eta eztabaidetan izango da erantzun ugari galdera horretarako, zalantzarik gabe. Horietako bat izan daiteke alternatibarekin amesten zuen Hannah Arentd XX. mendeko filosofo handienetakoak utzitakoa: “Duintasunarekin, konstantziarekin eta ausardia apur batekin, mendeetan barrena horiexekin eraiki da gizateriaren handitasuna”.

Lotura honetan, halaber, Alternatiben Herriaren orain arteko balorazio egin digu Amaia Zufia Euskal Herriko Eskubide Sozialen Kartako ordezkariak. (Ondorengo irudietan ikusi ahal dira Iruñeko Alde Zaharrean zer non egongo den ekainaren 2an)