Articles du Vendredi : Sélection du 1er février 2013

Pierre Rabhi lance la « révolution des colibris » devant une salle comble

Barnabé Binctin
www.reporterre.net/spip.php?article3787

Transition énergétique: un exemple allemand?

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/transition-energetique-un-exemple-allemand,32846?xtor=EPR-9

Pays basque : une monnaie locale pour un changement global

Rémi Rivière
www.bastamag.net/article2914.html

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Pierre Rabhi lance la « révolution des colibris » devant une salle comble

Barnabé Binctin
www.reporterre.net/spip.php?article3787

Mercredi 30 janvier, le mouvement Colibris a lancé sa nouvelle campagne citoyenne, dans une ambiance de raz-de-marée populaire inattendu. Cette conférence participative avait pour but de lancer la nouvelle campagne du mouvement, intitulée « la (R)évolution des Colibris », et permettre ainsi de discuter collectivement de la feuille de route « le Plan des Colibris » avec tous les membres, soutiens et bénévoles du réseau Colibris. Reporterre y était.  (…)

La philosophie du mouvement : re-responsabiliser l’individu

Le mouvement des Colibris est de l’ordre de l’utopie concrète, dans cette tentative de réconciliation entre l’idéal et le monde vécu. La raison d’être du mouvement réside probablement là, d’ailleurs, dans sa philosophie d’action : re-responsabiliser l’individu et redonner confiance dans la capacité personnelle et quotidienne d’agir concrètement pour le changement. Les inspirations gandhiennes sont à peine voilées : « Soyons le changement » est ainsi le slogan de la nouvelle Révolution.

Le Mahatma des Colibris, c’est Pierre Rabhi, et c’est lui qui exprime le mieux cette pensée : « La crise, nous la cherchons partout, alors que nous l’avons en nous-mêmes. Tous les jours, à travers nos choix de consommation, nous déterminons un modèle de société. C’est à nous de changer le paradigme dominant ».

Réaccorder les valeurs et le mode de vie. Rejouer ensemble le fond et la forme. Cette conférence « participative » était l’occasion de convertir les discours en actes, en renouvelant les modes d’échange par exemple. Les « forums de proximité » qui offraient des temps de discussion entre voisinage ont permis de mettre en débat les exposés des intervenants. Car de beaux noms se sont relayés sur la scène, autour de Pierre Rabhi, entre Thierry Salomon – président-fondateur de Négawatt – et Jacques Caplat – auteur de L’Agriculture biologique pour nourrir l’humanité. Tous étaient là pour présenter la feuille de route qui guidera cette campagne de près de 18 mois, autour de 5 thèmes prioritaires qui se succèderont dans le temps :
1/ l’économie : relocaliser,

2/ l’agriculture : planter ce que nous mangeons,

3/ l’éducation : révolutionner l’école,

4/ la démocratie : réinventer un modèle pour la Cité,

5/ l’énergie : économiser et produire renouvelable.

 

Avec toujours le souci d’associer le geste et la parole : à côté des programmes d’actions locaux, cette feuille de route sera également soumise à amendements. Une version 1.0 est mise en ligne sur un espace collaboratif, qui sera actualisé tous les 6 mois afin de l’enrichir des commentaires et propositions de chaque citoyen.

(…)

Céline Morel : « Il n’y a pas d’idées de grandeur ; ce qui plaît aux gens, ce sont des scénarios compréhensibles, car ils peuvent se les approprier et en devenir acteurs. C’est ça, Colibris ».

Au fait, pourquoi les colibris ? La réponse nous vient du côté de l’Amérique du sud, dans une légende chère à Pierre Rabhi. L’histoire veut qu’un jour, alors qu’un incendie ravageait la forêt et que tous les animaux regardaient désemparés le désastre se produire, le colibri, lui, s’activait de son côté, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Un tatou, agacé de cette agitation dérisoire lui dit alors : « N’es-tu pas fou Colibri ? crois-tu vraiment éteindre le feu avec ces gouttes d’eau ? » Et le colibri de répondre : « Non, mais je fais ma part… »

Hier soir, le colibri n’était plus vraiment seul, et sa petite goutte d’eau, associée à celle de ses camarades, a pris du volume. Preuve que le calendrier avait été bien étudié : avec ce froid, l’histoire de la petite goutte d’eau pourrait vite faire effet boule-de-neige… C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

Transition énergétique: un exemple allemand?

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/transition-energetique-un-exemple-allemand,32846?xtor=EPR-9

Coûteuse (mais pas trop), la mutation énergétique allemande produit ses premiers fruits. Au goût amer, pour la France.

Comme chaque année à pareille époque, le président de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) fait son show. L’ex-député de Compiègne, François-Michel Gonnot, organise un colloque sur l’énergie, via son club Energie et Développement.

Ce matin 29 janvier, la discussion portait —quelle surprise— sur la… transition énergétique. Tradition oblige, c’est Jean-Marie Chevallier qui a ouvert les débats. L’inoxydable professeur à l’université Paris-Dauphine a bombardé l’auditoire des généralités dont il a le secret, sur les changements climatiques («on va vers un réchauffement de 3°C à 6°C»), la transition énergétique («qui permettra d’améliorer l’efficacité énergétique et de faire évoluer le mix énergétique»), les énergies fossiles («qui ne paient pas le coût du carbone qu’elles émettent»), etc.

L’économiste de l’énergie s’en est ensuite pris au politique, coupable à ses yeux, de s’occuper de ce qui ne le regarde pas: «Fermer Fessenheim, c’est irrationnel, interdire les gaz de schiste, c’est absurde».

Le rapporteur de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre lui a retourné le compliment. «Quand la précarité énergétique touche 8 millions de Français, le politique se doit d’intervenir», a martelé le député (PS) de l’Isère. Présentant l’actualité de son texte, François Brottes a estimé qu’il «verrait le bout du tunnel législatif vers le mois de mars».

Voilà pour les mises en bouche. Le plat de résistance était d’une tout autre ampleur. Durant un long exposé, Hans-Joachim Ziesing, membre de la commission indépendante de contrôle de l’énergie du futur a présenté les premiers résultats tangibles de la transition énergétique à l’allemande.

Ce spécialiste de l’économie du climat et des énergies renouvelables a tout d’abord rappelé les objectifs visés, outre-Rhin: abattement de 40% des émissions de CO2 en 2020 (20% en France), 55% en 2030 (40% en France), 70% en 2040 (60% en France) et 80 à 90% en 2050.

Côté production, le dernier réacteur nucléaire (23% de la production d’électricité) devra avoir été arrêté en 2022, au plus tard. Et 80% de la production d’électricité seront d’origine renouvelable d’ici 2050.

Pour y parvenir, Berlin influe tant sur la demande que sur la production. Ces dernières années, l’Allemagne a mis en œuvre toute une batterie de «politiques et mesures» permettant déjà d’améliorer de plus de 2% par an son efficacité énergétique. Ironie du sort, c’est pratiquement l’objectif fixé à la France par la loi Pope de 2005, jamais atteint depuis.

 

Tout aussi audacieux, 2% du parc immobilier local sont rénovés chaque année. C’est deux fois mieux que de ce côté-ci du Rhin. «A l’horizon 2050, la totalité du parc devra être neutre en carbone», précise l’ancien professeur à l’institut de recherche économique de Berlin (DIW).

La part belle, bien sûr, est donnée aux énergies renouvelables (ENR), éolien et photovoltaïque en tête. En mer et à terre, les aérogénérateurs allemands représentent déjà une capacité installée de plus de 30.000 mégawatts et produisent près de 50 térawattheures par an, soit 8,6% de la production totale d’électricité.

Sous le soleil exactement, ce sont près de 30.000 MWc de panneaux photovoltaïques qui sont installés et délivrent plus de 6% des électrons consommés outre-Rhin. Si l’on ajoute la valorisation de la biomasse, les ENR produisent plus de 11% de la consommation d’énergie finale, contre 6,9% en 2006.

Bien sûr, tout cela n’est pas gratuit. «La seule sortie du nucléaire devrait coûter 6,8 milliards d’euros», reconnaît l’économiste. Sur le long terme, le montant de la facture est estimé à 330 Md€ d’ici 2030 et 600 Md€ jusqu’à 2050. «Ce qui ne fait qu’une quinzaine de milliards par an», relativise Hans-Joachim Ziesing. Soit, grosso modo, le montant du devis annuel du seul programme de rénovation énergétique annoncé par François Hollande, lors de la Conférence environnementale du mois de septembre.

Pour préserver la compétitivité de son industrie, Berlin a choisi de faire payer l’essentiel de cette mutation par les consommateurs. «En quelques années, le montant de la facture des clients domestiques allemands est passé de 160 à 253 €. En France, cela se maintient autour de 150 €», indique Bruno Bensasson, chargé de la stratégie durable chez GDF Suez et ancien conseiller technique de plusieurs ministres de l’industrie et du président Chirac.

Résultat: la consommation des ménages allemands s’est stabilisée autour de 3.000 kWh/an, alors que celle des Français a progressé de 30% pour atteindre combien dekWh ? .

Parallèlement, les achats d’énergie de l’industrie sont massivement aidés. A coup d’aides fiscales, dérogations, compensations à l’achat de quotas d’émission de GES, le montant de la facture des entreprises est très allégé. «En 2012, l’industrie allemande a bénéficié de 10 Md€ d’aides pour ses achats d’énergie», comptabilise Hans-Joachim Ziesing.

«Le mythe de l’électricité française la moins chère d’Europe a vécu», renchérit Jean-Paul Aghetti, membre du comité directeur de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden). Selon les calculs de ce lobby des entreprises grandes consommatrices d’énergie, en cumulant toutes les aides, le prix du MWh facturé aux entreprises allemandes serait 25% inférieur à celui de l’électron français.

Et ce n’est sans doute pas fini. Avec le boom de l’éolien et du photovoltaïque, l’Allemagne voit chuter le prix de son électricité. En moins de deux ans, le prix moyen du MWh vendu sur la bourse de l’électricité EEX est passé de 90 à 40 €. Rendant ainsi le courant allemand plus compétitif à l’export. Pour la troisième année, la France a été, l’an passé, importatrice nette d’électricité allemande à bas coût (8,7 TWh/an), notait RTE, il y a quelques jours [JDLE]. Une des vertus, non soupçonnée initialement, de la transition énergétique à l’allemande.

Pays basque : une monnaie locale pour un changement global

Rémi Rivière
www.bastamag.net/article2914.html

C’est l’une des plus importantes monnaies locales en France, avec le Sol Violette à Toulouse : l’eusko vient d’être lancé à Bayonne. Quel intérêt face à l’euro ? Favoriser l’économie locale, soutenir les circuits courts, plus écologiques, développer les entreprises éthiques et contribuer au progrès social. Des dizaines de commerçants, d’artisans et d’associations s’y sont déjà convertis. Reportage au Pays basque, qui entre dans la zone eusko.

« C’est la première fois que je vois une Assemblée générale se terminer à l’heure », s’emballe le jeune directeur d’une petite entreprise, coup d’œil furtif sur sa montre, avant de noyer cette synthèse mémorable dans une joyeuse gorgée de cidre basque. La démonstration de l’association Euskal Moneta (Monnaie basque), le 23 janvier à Ustaritz, était irréprochable, comme il se doit lorsque l’on met au vote la création d’une monnaie locale et que l’on ambitionne d’y associer des valeurs éthiques d’économie solidaire, sociale ou écologique.

En moins de trois heures, les questions les plus pointues ont reçu les réponses les plus simples et les infographies menaçantes ont fini par esquisser des issues prometteuses. Avec la même sérénité appliquée et après un an et demi de travail, les créateurs bénévoles de « l’Eusko » (variante du mot « basque ») ont proclamé, devant une centaine d’adhérents au projet, le lancement de la monnaie basque alternative. Et ont assuré qu’elle deviendrait la plus importante de l’hexagone. Un serment déjà à moitié tenu, avant même que ne circulent les nouvelles coupures dans les commerces du Pays basque.

Sol Violette à Toulouse, Eusko à Bayonne

En quelques semaines, près de 190 entreprises, commerçants, artisans et associations ont été rejoints par plus de 600 particuliers. Un nombre qui devrait progresser rapidement dès les premières transactions et l’ouverture des bureaux de change, le 31 janvier. Un résultat exceptionnel, à comparer aux 70 structures qui utilisent la monnaie complémentaire de Toulouse, le Sol violette, durant son expérimentation, entre mai et décembre 2011.

« A notre connaissance, le Sol violette est la monnaie locale la plus forte de l’hexagone et compte près d’un millier d’utilisateurs », indique Txetx Etcheverry, trésorier de l’association Euskal Moneta. 2 500 systèmes de monnaies locales et solidaires sont recensés à travers le monde, dont une quinzaine en France. Le Pays basque possède naturellement des atouts majeurs grâce à une identité forte, des outils de relocalisation de l’économie et un tissu militant extrêmement vigoureux.

 

 

 

Une monnaie solidaire pour une économie locale

A Villeneuve-sur-Lot, les créateurs de la monnaie complémentaire « l’abeille », lancée il y a près de trois ans, ne s’y sont pas trompés. Ils ont reçu les basques pour un cours pratique en estimant que ce territoire possédait toutes les garanties du succès. Il fallait voir, ce 19 janvier, les premiers adhérents de la monnaie basque se procurer avec empressement des coupures de 1, 2, 5, 10 et 20 euskos pour leur équivalent euros (1 eusko est égal à 1 euro). Les liasses multicolores, bleues, vertes, jaunes ou mauves pâles, encore pleines de relents d’encres, figurant la culture basque en verso, et son économie en recto, disparaissaient dans les poches.

Ce jour-là, au siège de la Chambre d’agriculture alternative [1], 6 500 euros ont été changés en autant d’euskos durant l’Assemblée générale de l’association agricole. Et pas besoin de grands discours. Au cœur d’une structure qui défend déjà une autre économie agricole, l’intérêt d’une monnaie locale et solidaire va de soi. Ainsi, les paysans basques sont en train de réintroduire le blé panifiable (utilisé pour le pain), disparu du paysage il y a plus d’un demi siècle. Dans quelques mois, les boulangers basques pourront se procurer de la farine fabriquée localement.

Tout bénef’ pour les commerçants

C’est le principal avantage d’une monnaie locale : favoriser les filières courtes et les transactions sur le territoire qui y recourt. « C’est un système assez simple de solidarité : on tourne entre nous », résume Dante Edme-Sanjurjo, co-président de Euskal Moneta. Un constat qu’a dressé Xina Dulong, heureux propriétaire du Café des Pyrénées à Bayonne et représentant de l’association des cafetiers-hôteliers-restaurateurs de la ville. Son commerce accepte les euskos et servira même de bureau de change. Partisan de la première heure de cette initiative, Xina anticipe déjà les changements dans sa manière de commercer.

En tant qu’entreprise, et contrairement aux simples usagers de la monnaie, il peut convertir ses euskos en euros. Un taux de 5% est cependant prélevé à chaque conversion. Une « taxe » qui sert à inciter les entreprises et les associations utilisant les euskos à les réinvestir localement, sans payer les 5%. Ces frais de conversion peuvent être supportés par les commerçants, au même titre que des tickets restaurants ou des transactions par cartes bleues, contre la promesse de gagner de nouveaux clients. Mais le bénéfice est total si le commerçant les dépense plutôt pour régler ses frais ou ses fournisseurs, localement bien évidemment.

Xina s’intéresse donc à un brasseur, installé à l’intérieur du Pays basque et adhérent de l’eusko. Ses bières côtoieront bientôt les grandes marques internationales sur le comptoir des Pyrénées. « Si plusieurs bars font de même, peut-être pourra t-il embaucher et se développer ? », espère le patron des cafetiers bayonnais. « Et il aura le même problème pour écouler ses euskos » continue t-il, esquissant ainsi l’ébauche d’un circuit commercial aux vertus locales. Vin, cidre, jus de pomme ou cola basques élargissent déjà les possibles de Xina.

 

 

 

L’entreprise devient solidaire des citoyens

En Allemagne, près de 10 ans après la création de la monnaie de Chiemgau, les 600 entreprises adhérentes parviennent à réinvestir 73 % de leurs Chiemgauers dans le réseau. En Autriche, la ville de Wargla était parvenue, au début des années 30, à vaincre la grande dépression en éditant une monnaie locale. Jean-Baptiste Etcheto, président du Conseil de développement du Pays basque — dont le Conseil de direction vient de voter son adhésion à l’eusko —, en relève l’essence en un slogan élémentaire : « nos emplettes feront nos emplois ». Ou comment l’entreprise devient solidaire des citoyens en relocalisant l’économie. Dans le cas de l’eusko, l’inverse est également vrai : le consommateur peut contribuer au développement de l’activité économique.

Ainsi, chaque usager de cette monnaie complémentaire peut choisir de parrainer une entreprise ou une association. Dès qu’une structure réunit une trentaine de parrainages, elle reçoit 3 % des sommes converties par ses parrains. En changeant chaque mois 100 euros contre 100 euskos (dont 3 euskos vont à la structure parrainée), un groupe de 30 personnes peut ainsi permettre à une association de toucher plus de 1 000 euskos par an. Que l’association cherchera ensuite à faire circuler dans le réseau, si elle veut éviter la décote de 5 % en les changeant en euros. Ou risquer que l’eusko, comme toute monnaie complémentaire, perde de sa valeur puisqu’elle ne peut générer d’intérêts, réduite à sa condition d’argent liquide.

Progrès social et changement global

En Allemagne, où cette mécanique a fait ses preuves, une valeur de 50 000 euros est directement versée aux associations chaque année. Pour autant, la plupart des monnaies locales restent dépendantes des subventions. Pour compenser leur absence, les basques proposent une adhésion libre à leur système, à partir de 5 euros pour un particulier et 10 euros pour une association.

Mais ils ont également choisi, comme l’abeille, de développer une économie sociale et solidaire, et comme à Toulouse, de ne compter dans leur réseau que des entreprises partageant des valeurs éthiques. L’association Euskal Moneta choisit d’accompagner les entreprises vers des pratiques plus éthiques au lieu de leur imposer des critères d’entrée. « Chaque année, les entreprises du réseau devront relever des défis simples et pragmatiques » explique le co-président de l’association, Dante Edme-Sanjurjo. Une « mise au norme » qui touche la relocalisation de l’économie, le progrès social, mais aussi le lien à la vie du territoire, l’usage de la langue basque ou encore l’écologie. Des défis simples qui, pour être relevés, peuvent être aidés par l’association et dûment vérifiés.

 

 

 

 

« Sortir l’argent d’un circuit capitaliste »

Quant aux euros encaissés par Euskal Moneta, dans le respect du code monétaire et financier, ils doivent constituer un fond de garantie. C’est à la NEF, société financière éthique et partenaire du Crédit Coopératif, que l’argent sera bloqué. Une façon, pour Dante Edme-Sanjurjo, de « sortir l’argent d’un circuit capitaliste pour une économie sociale et solidaire ». Cerise sur le gâteau, la société capital risque basque Herrikoa, qui œuvre au développement économique et solidaire, s’est engagée auprès d’Euskal Moneta à investir dans des entreprises du réseau à hauteur du fond de garantie. Chaque euro converti en eusko permettra d’investir « dans un projet structurant », assure Dante.

Une façon d’inscrire la démarche de l’Eusko dans « un territoire qui produit des structures », détaille Txetx Etcheverry, qui souligne « le potentiel spécifique du Pays basque ». Si l’association a manqué de financement pour lancer le projet, chaque étape a fait l’objet de coups de mains complaisants. « On a été porté par ce pays », confie Txetx.

19 projets de monnaie complémentaire en France

L’Eusko ne s’exportera pas dans le Béarn voisin, qui partage pourtant le même département des Pyrénées Atlantiques, mais passera peut-être les Pyrénées pour conquérir l’autre Pays basque et ses industries. « La frontière n’empêchera pas l’eusko de circuler », estime Txetx. « Le Pays basque sud développe aussi une agriculture hors sol. Est-ce la bonne échelle de relocalisation ? Comment articuler ces régions industrielles ? Nous verrons à l’avenir… »

Reste que le développement de l’eusko est attentivement suivi depuis Bilbao ou Saint Sébastien, notamment par le syndicat ouvrier ELA, majoritaire dans la Communauté autonome basque. Il considère ce lancement comme une « expérience de laboratoire » et y a même contribué. Il faut dire que les monnaies complémentaires ont le vent en poupe. Certains projets existent déjà au Pays basque sud. 19 sont en cours de création en France. Un air du temps économique et écologique.

« Nous, on construit l’avenir »

Car les monnaies locales ont ceci de commun qu’elles pensent global. Ancrées à un territoire et à une identité, elles permettent de relocaliser une partie de l’économie et de réduire les émissions de CO2 en créant des circuits plus courts. Si l’économie locale s’en porte mieux, la planète ne va pas plus mal. Et la hausse programmée du prix du pétrole risque d’inciter encore davantage les entreprises à créer des réseaux de proximité. Exemple parmi d’autres, le Pays basque compte des productions horticoles alors même que les fleuristes basques s’approvisionnent en Hollande. L’eusko ne peut que favoriser une mise en réseau salutaire et rogner dans les flux monétaires dont 90 % sont aujourd’hui internationaux. « Un battement d’aile de Colibri », consent Txetx. Certes. « Mais nous, on construit l’avenir. »

Notes

[1] Euskal Herriko laborantza ganbara, voir les différents articles de Basta ! sur cette Chambre d’agriculture alternative