Articles du Vendredi : Sélection du 19 novembre 2010

De Cancon à Cancún

Christian Crouzet, producteur multiplicateur de semences potagères au sein du G.I.E. le Biau Germe
Alda ! daté du 18.11.10

Gazte Ekoliderrak

Itsaso Olaizola Gazte Ekoliderrak ekimenaren arduraduna
Alda ! daté du 18.11.10

Décroître c’est grandir !

Denis Delbecq , journaliste indépendant et éditeur du site Effets de Terre (http://effetsdeterre.fr)
Le Monde daté du 16.11.10

Des gagnants, des girouettes et une unité syndicale de façade

André Martin – Co-animateur du site http://www.retraites-enjeux-debats.org
http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article477 le 12.11.10

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De Cancon à Cancún

Christian Crouzet, producteur multiplicateur de semences potagères au sein du G.I.E. le Biau Germe
Alda ! daté du 18.11.10

Pour une transition écologique et sociale, changeons le système, pas le climat !

A près de deux semaines du contre sommet alter-mondialiste “Cancon-Cancún 2010”, Christian Crouzet, Porte parole Confédération paysanne du Lot et Garonne et Secrétaire régional Confédération paysanne d’Aquitaine présente aux lecteurs d’Alda! les enjeux de ce rassemblement du samedi 4 décembre à Cancon.

En quoi consiste le rassemblement de “Cancon-Cancún 2010”?

Après le sommet de Copenhague en 2009 sur l’urgence climatique, qui a débouché sur une impasse politique, les Nations-Unies se réunissent de nouveau à Cancún (au Mexique) à partir du 29 Novembre. A cette occasion, l’organisation paysanne internationale Via Campesina a lancé un appel pour construire «1000 contre-sommets à travers le monde». Dans ce cadre-là, Attac, la Confédération paysanne, les Amis de la Terre et Bizi! ont pris l’initiative d’un rassemblement à Cancon dans le Lot et Garonne le samedi 4 décembre. «Changeons le système mais pas le climat : pour une transition écologique et sociale» sera le thème de la journée. Cancon-Cancún 2010, c’est une forte envie de répondre à l’appel des paysans de Via Campesina présents à Cancún. C’est aussi une volonté de contribuer à l’élaboration d’une conscience planétaire capable de déboucher sur une gouvernance mondiale qui mette l’être humain et son environnement au cœur de l’économie. Y seront abordés le rôle destructeur de l’économie financière, les solutions au réchauffement climatique et l’importance d’une mobilisation citoyenne. Tout cela dans une ambiance festive et responsable.

Pourquoi la Confédération Paysanne s’engage-t-elle dans cette campagne ?

La Confédération Paysanne est adhérente à Via Campesina qui rassemble de nombreux syndicats paysans sur l’ensemble du globe. L’existence d’une «Internationale Paysanne» est capitale pour faire face à une mondialisation de l’économie plus apte à satisfaire le revenu du capital que celui du travail. Via Campesina fédère les paysans de la planète autour du droit à la souveraineté alimentaire, des questions d’accès à la terre, de la préservation des ressources naturelles et de la défense de la biodiversité cultivée. Tout comme Via Campesina, la Confédération Paysanne considère que l’agriculture familiale et paysanne est une réponse au dérèglement climatique provoqué par un mode de développement industriel très destructeur en termes d’environnement et d’actifs paysans. Réussir une transition écologique qui limite les transports de matières agricoles et les émissions de CO2 permet de conforter le combat pour le droit à la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire assurer au sein d’un groupe de pays ou d’un continent les besoins alimentaires de la population à partir d’une politique agricole rémunératrice du travail accompli par les paysans. Se battre contre le dérèglement climatique en imposant des taxes carbone au transport, c’est favoriser les échanges locaux et nationaux au détriment d’importations lointaines, c’est renforcer la pratique de l’agriculture paysanne.
Initiatives encourageantes du Pays Basque

Sur ce sujet, en tant que secrétaire régional de la Confédération Paysanne d’Aquitaine je voudrais rajouter que nous sommes très attentifs aux initiatives agricoles du Pays Basque. Avec Laborantza ganbara et Lurrama vous vous êtes doté de deux outils capables de dépasser une nécessaire transition écologique et sociale pour votre territoire. Face à un Conseil Régional d’Aquitaine axé sur un modèle industriel de développement agricole, ce qui se passe en Pays Basque constitue un encouragement pour tous les paysans d’Aquitaine engagés en agriculture paysanne.

Compléments d’informations :


Blog “Cancon-Cancún 2010” : http://blog.cancon2010.org

Blog de Bizi! : bizimugi.eu

Gazte Ekoliderrak

Itsaso Olaizola Gazte Ekoliderrak ekimenaren arduraduna
Alda ! daté du 18.11.10

2011ko ekimenan parte hartzera gomita Iparraldeko Gazte Ekintzaleei!

Zer da gazte ekoliderra izaitea?

Gure famili, kuadrila, lantoki, elkarte, mugimendu, auzo, herri eta bailaretako “zirikatzaile ekologikoak” gisara irudika-tzen ditut gazte ekoliderrak. Gazte Ekoliderra izaiteko 4 ezaugarri azpimarratuko nituzke: 1) Dugun planeta bakarraren mugen barruan bizitzeak aberastu egingo gaituela sinetsita dagoen gaztea izaitea; 2) Jasangarritasun gaietan ezagutza izaitea; 3) Ekintzara bideratzeko gogoa eta beharra sentitzea; eta, horretarako, 4) gazte ekoliderrak ekimenean parte hartzea. Trebatu, Ekin eta Izan zuen lema herri/auzo mugimenduei berenganatze lanetan zabiltzate… Gazte Ekoliderrak ekimenaren xede nagusietako bat, hain justu, Ekolider gazteak herrigintzan parte aktibo izatea da, lidergo soziala bultzatzea, partaideek beraien auzo/herrira begirako proiektuak gara-tzea. Horretarako, nola ez, dagoeneko lanean ari diren talde, mugimendu, erakundeekin elkarlan bideak bultzatu nahi ditugu. Beraz, garrantzitsua da guretzat herri/auzo mugimenduetan aktibo diharduten gazteak Ekoliderrak ekimenera erakartzea eta lotura naturalak bideratzea. 1. Trebatu: Lehenengo fasea trebakun-tza aldia da. Aukeratutako gazteak garapen jasangarri eta lidergo trebakuntzari ekingo diote. 2. Ekin: Bigarren fasea ekintza aldia da, hau da, trebakuntzan ikasitakoa praktikara aplikatzeko garaia, eginez ikasteko aukera. Horretarako, besteak beste, partaideek tokiko proiektu bat garatu eta ezagutzera eman beharko dute. 3. Izan: 85 orduko bi aldi hauen ondoren, partaideak Ekoliderrak Sarearen kide aktiboak izatera pasatzen dira. Dagoeneko lehenengo edizioko gazteak Sarean antolatu dira eta datozen hilabeteetako Ekoliderrak Sarearen ekintza plana definitzen ari dira.

Nundik dator ekoliderrak proiektua? Zertako?

azte Ekoliderrak Kutxaren Gizarte Ekin-tzaren baitan sortutako ekimena da. Ekimen hau testuinguru zehatz batean jaiotzen da. Krisi global zein lokal batean murgilduta gaude eta baikortasunerako eta esperientzia positiboak martxan jartzeko beharra eta gogoari erantzun nahi dio.Zertarako? Gazte Ekoliderrak ekimenaren helburua Gipuzkoan eta Euskal Herrian jasangarritasunaren alde gogoz arituko den gazte formatu eta aktiboen sarea sortzea da. Ekologia-lidergoa eta ekintzaletasuna sustatu nahi dugu 18-29 urte bitarteko gazteen artean.

Zein dira aurre ikusten dituzuen ondorioak?

Gazte Ekoliderrak 2010 ekimen pilotua izan da, honek dituen alderdi positibo eta negatiboekin. Jatorri, adin eta diziplina ezberdinetako 31 gazte nahastea izan da gure lehentasuna, izaera eta ikuspuntu ezberdinak taldea aberastuko zutela sinetsita. Orain urtarrilean hasiko den bigarren edizioaren antolaketan gabiltza eta izen-emate aldia www.ekoliderrak.net irekia da jada abenduak 3 bitartean. Iparraldeko Gazte ekintzaileak animatuko balira mundiala litzateke! Bi edizioetako gazteak elkarlanean hasiko dira datorren urtean eta epe luzeagora begira, hemendik 5-6 urtetara, 150 inguru lagunek osatutako ekintzaileen sarea izatea gustatuko litzaiguke. Poliki poliki baina beti aintzina!

Décroître c’est grandir !

Denis Delbecq , journaliste indépendant et éditeur du site Effets de Terre (http://effetsdeterre.fr)
Le Monde daté du 16.11.10

Enfant, je faisais des igloos chaque hiver, tout près de Paris. N’en déplaise à Claude Allègre, Laurent Cabrol et aux disciples de l’église climato-sceptique, mes enfants n’en ont vu qu’en photo. Depuis mon enfance, la consommation mondiale d’énergie a plus que doublé ; elle devrait encore croître de moitié d’ici vingt-cinq ans. La quasi-totalité de cette croissance s’est faite – et se fait toujours – à l’aide de sources d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) dont la combustion rejette de formidables quantités de gaz à effet de serre.
Ce lien entre l’évolution du climat de la planète, et les émissions de gaz « réchauffants » n’est pas une vue de l’esprit. Il repose sur un faisceau toujours croissant de données scientifiques. C’est bien la combustion des hydrocarbures qui provoque un réchauffement global. Et si le climat conserve sa variabilité annuelle, la tendance à moyen et long terme est une quasi-certitude, nous disent les climatologues : le climat se réchauffe vite. Aujourd’hui, la plupart des dirigeants politiques, des responsables des grandes entreprises énergétiques de la planète et des citoyens sont informés du double défi posé par le climat et la disponibilité d’une énergie à un prix abordable. Et pourtant, personne, aucun pays, aucune entreprise majeure, n’a vraiment décidé d’agir en conséquence. Croître et grandir, la devise reste de mise, advienne que pourra. L’humanité reste tranquillement engagée sur le pire des scénarios de croissance de la consommation d’énergie modélisé par les climatologues, le fameux business as usual.
A quelques heures de la veillée de Noël, l’an dernier, j’ai rencontré Christophe de Margerie, président-directeur général de Total, pour un portrait que m’avait confié le mensuel Terra Eco, paru dans l’édition d’avril 2010. Christophe de Margerie m’a donné « sa » vérité sur le pétrole. Ce jour-là, la France avait froid, les livraisons de fioul allaient bon train, et Christophe de Margerie défendait son entreprise : « S’il y a un problème de livraison de fioul, en ce moment, qui appelle-t-on ? Total ! Ce n’est pas Hulot ou Arthus-Bertrand que l’on va chercher, c’est nous ! C’est curieux quand même pour des salopards ». Derrière ces propos « crus », il y a une vérité. Le monde a soif de pétrole, et donc besoin des producteurs d’énergie. Il y a une seconde vérité qui stimule la première : personne n’a intérêt à ce que cela change. Pas plus le patron de Total, les responsables politiques, que la plupart des consommateurs. Personne ? Juste l’humanité et les bientôt neuf ou dix milliards d’âmes qui la constitueront.
Depuis la préhistoire, l’ingéniosité et la technologie humaine ont permis des progrès fantastiques, notamment quand il s’est agi de nourrir une démographie galopante. Mais c’est de notre capacité à extraire l’énergie et notamment le pétrole qu’est venu le formidable essor de nos sociétés, permis par les révolutions agricoles. N’importe quel candidat au baccalauréat fera le rapprochement entre le niveau de développement d’un pays, et sa consommation d’énergie par habitant. Pourtant, il y a urgence à casser cette spirale infernale. Urgence parce que l’ingéniosité a des limites : chaque progrès pour aller chercher des énergies fossiles s’accompagne d’un coût qui s’envole, et d’un impact sur l’environnement qui va croissant.
En dépit de décennies de recherches, aucune source d’énergie ne permet aujourd’hui de remplacer le pétrole, le gaz et le charbon, dont la ressource s’amenuisera et le prix s’envolera. Ni le nucléaire, que personne – sauf peut-être quelque fanatique – n’imagine suppléer les hydrocarbures sauf dans quelques pays : coût et délai de construction déraisonnables, stockage de déchets encore en suspens, risque de prolifération de matières fissiles dans un monde de plus en plus dangereux, etc. De leur côté, le solaire, l’éolien, la biomasse ne se développent pas assez vite pour répondre aux défis. Les agro carburants ont déjà montré des effets pervers, et la séquestration du gaz carbonique de nos usines et centrales ne fera pas ses preuves avant longtemps.
Que reste-t-il alors pour éviter le mur que chacun d’entre nous contribue à construire ? Certains évoquent une décroissance, radicale, de notre consommation. Une option qu’il est aisé de qualifier de « retour à la bougie ». Mais cette crainte ne garantit qu’une chose : que l’humanité restera les bras croisés, à regretter sans protester, par exemple, les projets de forage et de routes maritimes dans l’Arctique, dont les retombées écologiques accélèreront la fonte d’une banquise déjà mal en point. C’est bien de la décroissance que viendra une partie de la solution. Parce qu’on sait aujourd’hui diviser par deux, quatre, huit parfois, la dépense d’énergie – et les émissions de gaz à effet de serre – pour un même service rendu. Mais pour y parvenir, il faut de l’audace. De l’audace politique – parce qu’il n’est pas facile d’imposer des règles dans une société de liberté –, de l’audace économique, et du culot : allez expliquer à un actionnaire que vous entendez sabrer ses dividendes pour financer la lutte contre la précarité énergétique qui commence à ronger notre société et qui freine le développement au Sud. Choisie, la décroissance est une garantie d’empêcher un brutal retour en arrière, tout en luttant contre les inégalités. Une manière de faire grandir notre civilisation. Une décroissance subie, c’est tout l’inverse.

Précision de l’auteur : « Ce texte avait été écrit – bénévolement – à la demande de la revue Politiques énergétiques diffusée par le groupe Total. Mais le patron de l’entreprise, Christophe de Margerie, a refusé de le publier, refusant – sans les contester – la citation de ses propos en l’état. »

Des gagnants, des girouettes et une unité syndicale de façade

André Martin – Co-animateur du site http://www.retraites-enjeux-debats.org
http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article477 le 12.11.10

Sarkozy vient de promulguer sa contre-réforme des retraites qui va permettre à ses amis des grands groupes financiers d’acquérir une part croissante du «marché» des retraites, au prix d’une aggravation du chômage des jeunes et des seniors.

Certains estiment que Sarkozy a peut-être remporté une victoire à la Pyrrhus
Après cette bataille sociale, on peut effectivement espérer qu’en 2011 puis en 2012 les salariés ne se tromperont pas de bulletin de vote et seront moins nombreux à s’abstenir. Mais rien n’est acquis. Sarkozy-Medef-UMP disposent en effet de moyens financiers quasi sans limites et ont toujours été plus habiles que leurs adversaires. Après la bataille victorieuse de 2006 contre le CPE, on a vu le résultat à la présidentielle un an après.
Les ¾ des Français se sont opposés à cette réforme des retraites, mais les 5 principales confédérations n’ont pas été capables de s’entendre sur des modes d’action appropriés, de nature à empêcher cette régression sociale. Des dizaines de milliers de militants éprouvent un sentiment d’échec et de gâchis. Certes la bataille de l’opinion a été gagnée. Le problème c’est que depuis 2002 les organisations syndicales gagnent toutes les batailles de l’opinion, mais n’ont réussi à empêcher aucune régression sociale, hormis le CPE. C’est comme si à chaque grand match depuis 8 ans, l’OL et l’OM avaient systématiquement gagné la bataille du beau jeu, mais perdu tous leurs matchs sauf un. Que penseraient les supporters des dirigeants et entraîneurs de leur club ?
Tous ceux qui ont pris une part active dans cette bataille sociale ont le droit, et même le devoir, de visionner la «vidéo» pour essayer de comprendre quand et pourquoi le match a été perdu. Afin d’en tirer les enseignements pour les batailles sociales à venir. Ci-après quelques constats sur les faits, les gestes et les paroles des principaux acteurs.
L’unité syndicale
Beaucoup ont découvert fin octobre/début novembre qu’il s’agissait d’une unité syndicale de façade. Avec un petit avantage : le gouvernement n’a pas pu dire que les syndicats étaient divisés. Mais Sarkozy et ses conseillers le savaient depuis longtemps. Il leur a suffit d’attendre que cette unité syndicale de façade conduise le mouvement vers l’épuisement, par la dilapidation des énergies militantes dans 8 grandes journées de manifestations.
A quoi sert une intersyndicale incapable de définir 2 ou 3 objectifs clairs et mobilisateurs ? A quoi sert une intersyndicale dont les leaders n’osent pas aller soutenir les grévistes sur le terrain, ni organiser la solidarité financière ? A quoi sert une intersyndicale qui se refuse à nommer les secteurs économiques où la grève peut s’avérer efficace et ceux où une grève prolongée devient très vite impopulaire (collectes des ordures, transports de proximité …) ?

La CFDT
En 2008, François Chérèque au nom de la CFDT était opposé au passage de 40 à 41 annuités, au motif qu’une telle augmentation était aberrante dans une situation de chômage massif. Dix-huit mois plus tard, avec 1 100 000 chômeurs supplémentaires, la direction de la CFDT ouvre la porte à une augmentation des 41 annuités. En faisant adopter, lors de son congrès de juin 2010, le paragraphe alambiqué suivant : « L’augmentation de la durée de cotisation n’est acceptable pour la CFDT qu’à la condition d’un partage des gains d’espérance de vie et d’une possibilité de choix renforcée. Les gains d’espérance de vie doivent faire l’objet d’un partage équilibré entre durée de cotisation supplémentaire ouvrant droit à une retraite à taux plein et temps de retraite complémentaire. »
En mars 2008, la direction de la CFDT détaillait ses objectifs en matière de retraite. Dans le dossier presse daté du 25 mars 2008, on peut lire au chapitre « Généraliser l’épargne retraite collective et solidaire » : « … Aller au-delà d’une stabilisation du taux de remplacement à son niveau actuel semble difficile … Il faut donc acter que la répartition n’est capable d’assurer qu’un certain niveau de remplacement… L’épargne retraite devient inévitablement un complément indispensable au régime par répartition pour assurer un taux de remplacement correct comme l’ont fait, avant nous, la plupart des autres pays européens. » (1)
Les dirigeants de la CFDT, qu’il faut distinguer de la grande majorité des militants CFDT, sont donc ouverts à l’augmentation du nombre d’annuités et revendiquent la généralisation de compléments de retraites par capitalisation. Voilà des faits précis, pour ceux qui douteraient encore que l’unité syndicale de l’automne 2010 reposait sur des sables mouvants.
Rappelons enfin la proposition de François Chérèque, en direct au JT de 20 heures, d’ouvrir rapidement une négociation sur l’emploi des jeunes et des seniors, comme porte de sortie du conflit. Le Canard Enchaîné du 27 octobre résumait ainsi cet épisode burlesque : « A trois jours de la prochaine démonstration de force syndicale, Laurence Parisot et François Chérèque ont livré un spectacle digne des vestiaires de catch, lorsque, avant de s’empoigner sur le ring, les lutteurs s’arrangent sur l’issue du match ».
L’économiste Jacques Sapir écrivait le 2 novembre dans « Retraites : Sarko n’a pas gagné, Aubry non plus » : « En dépit des discours des dirigeants syndicaux, il était évident qu’il y avait différentes stratégies à l’œuvre dans le mouvement. De ce point de vue, la CFDT apparaît bien comme le « maillon faible » du front syndical, comme cela fut constaté depuis 1995. »

La CGT
Grande efficacité de la CGT pour mobiliser 20 fois plus de manifestants que n’importe quel autre syndicat. Grandes qualités de Bernard Thibault pour expliquer clairement les enjeux dans les grands médias. Mais la CGT ne représente plus une force suffisante dans aucune grande entreprise du secteur privé (automobile, métallurgie, construction électrique, électronique, télécoms …), à quelques exceptions près telles que les raffineries et les ports. Cet état de fait constitue un handicap majeur lors de grands conflits sociaux.
Dans un entretien à L’Humanité publié le 6 novembre, Bernard Thibault annonçait : « La CGT continuera à se mobiliser contre la réforme des retraites, y compris si l’unité syndicale se fissure ». Mais il reste quand même des choses peu compréhensibles.
La recherche de l’unité syndicale était certes nécessaire. Mais les dirigeants de la CGT savaient que l’unité syndicale à tout prix conduisait à un grand flou sur les objectifs : retrait/pas retrait, quels points non négociables, quels points négociables … Ils savaient que les grandes journées nationales de mobilisation à une semaine d’intervalle avaient très peu de chances de faire reculer le gouvernement. Enfin, pourquoi n’avoir pas lancé début octobre un appel à la solidarité financière avec les salariés en grève reconductible ?
Des journaux bien informés ont rapporté des propos de MM. Soubie et Fillon selon lesquels « la situation est sous contrôle, car les directions des principaux syndicats sont responsables ». Le résultat final de ces 6 mois d’intense mobilisation tendrait à confirmer que la situation était effectivement sous contrôle !

FO, Solidaires et FSU
L’issue de la bataille confirme leur analyse depuis le début du conflit, à savoir que la multiplication de grandes journées nationales de mobilisation ne suffirait pas à empêcher le vote de la loi. Jean-Claude Mailly (FO) dénonce « un certain gâchis dans la conduite du mouvement ». Beaucoup de militants partagent ce constat, à commencer parmi les salariés qui étaient partis en grève reconductible.

Le PS
Début octobre, un article du NO titrait « Martine Aubry, à la godille – un coup à gauche, un coup à droite ». Et rappelait ses propos du 17 janvier sur RTL : « on doit aller, on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans ». Au début de l’automne, nouvelle embardée de la première secrétaire du PS qui déclare sur France 2 : « Nous acceptons parfaitement l’augmentation de la durée de cotisation ». Rappelons que Martine Aubry ne fait pas partie de l’aile droite du PS (Manuel Valls, Gérard Collomb, DSK …). Pour comprendre l’aberration de l’augmentation de la durée de cotisation , lire « Il faut répéter encore et partout que la retraite à 60 ans n’a jamais existé »
La direction du PS a appelé ses militants à participer à toutes les manifestations, mais des déclarations aussi incohérentes n’en sont pas moins lourdement contre-productives dans la bataille de l’opinion. La direction du PS propose des remèdes pour agir sur les symptômes d’une maladie dont elle s’est toujours refusée à nommer les causes profondes. Refus d’expliquer aux citoyens comment les grands groupes financiers et leurs fidèles relais dans les partis de droite organisent le chômage de masse, l’endettement de l’Etat, ainsi que le bradage aux intérêts privés, de l’école, de la santé et des retraites. Refus d’admettre et d’expliquer que le principal remède au chômage de masse est une répartition plus équitable du temps de travail, puisque le retour d’un taux de croissance de nature à faire baisser significativement le chômage est une illusion depuis 20 ans déjà. Et que cela a peu de chances de changer dans les décennies à venir. Avec un adversaire principal aussi inconséquent, la droite garde toutes ses chances pour 2012 et les Français n’en ont pas fini avec les régressions sociales.

Les vrais gagnants
D’une part les grévistes des raffineries, ceux qui ont bloqués les ports (Marseille, Le Havre, Dunkerque …) et tous les salariés qui ont eu le courage de partir en grève reconductible pour défendre l’intérêt général et celui de leurs enfants et petits-enfants. Nous leur devons une grande reconnaissance. C’est pourquoi la solidarité financière devrait être poursuivie jusqu’à ce que soient compensées au minimum 80% de leurs pertes de salaire.
D’autre part, tous ceux qui par leurs initiatives militantes (réunions publiques, tractages, sites, blogs, actions de blocage …) ont contribué à faire comprendre aux Français les enjeux de cette bataille sociale.

Sur la grève par procuration
Quand 70% des Français approuvent les grèves, cela signifie que la « grève par procuration » n’est pas une idée à disqualifier d’un revers de main. Le problème majeur est que les secteurs en capacité de démarrer des grèves efficaces « au nom de tous et de l’intérêt général » sont souvent ceux qui sont le moins percutés immédiatement par la contre-réforme, aujourd’hui celle des retraites. Ce qui au passage permet de comprendre pourquoi les gouvernements ont intérêt à maintenir, tout en les réduisant régulièrement, quelques avantages sociaux significatifs aux salariés de certains secteurs stratégiques (SNCF, RATP, routiers, ports, raffineries, aiguilleurs du ciel..).

Sur le rôle des médias
La plupart des grands médias ont répété, en boucle ou mezzo-voce, la ritournelle UMP-Medef selon laquelle il n’y aurait pas d’autre solution que de travailler plus longtemps. Alors même que 70% des Français pensaient le contraire. Un slogan brandi dans la manifestation lyonnaise résumait cela parfaitement : « MEDIAS partout, INFO nulle part ! ». Beaucoup d’articles pertinents ont montré de quel côté se sont positionnés les grands médias écrits et audio-visuels. Coluche, il y a longtemps déjà, avait trouvé une formule assez juste : « Les journalistes ne croient pas les mensonges des hommes politiques, mais ils les répètent, c’est pire ! ».
Comment être mieux préparés et plus efficaces dans les batailles sociales à venir ?
Vaste question à laquelle chacun pourra apporter des éléments de réponse. Il faudrait que ce débat ait lieu dans chacune des organisations syndicales et politiques, puisqu’on a pu constater leurs limites en matière de cohérence et d’efficacité. Pour notre part, nous considérons qu’il est sain et utile que des initiatives citoyennes locales, unitaires, transversales, déjà existantes ou à créer, viennent ajouter leurs capacités d’analyse, de souplesse et d’imagination aux forces des organisations syndicales et politiques traditionnelles.
(1) Ce dossier de presse CFDT est consultable à l’adresse http://www.cfdt.fr/content/medias/media11113_2008_03_25_dossier_presse_retraites.pdf