Articles du Vendredi : Sélection du 19 juin 2020


Chomsky : ‘ On se remettra de la pandémie, pas de la fonte des glaces ‘
AFP
https://lequotidien.lu/monde/chomsky-on-se-remettra-de-la-pandemie-pas-de-la-fonte-des-glaces

Les Etats-Unis courent à la catastrophe, en raison de l’absence de stratégie fédérale contre la pandémie, d’assurance-santé pour tous, et de leur mépris pour le changement climatique, a indiqué le philosophe américain Noam Chomsky, considéré comme l’un des pères de la linguistique moderne.

Très engagé à gauche, cet influent intellectuel de 91 ans, auteur d’une centaine d’ouvrages et professeur à l’Université d’Arizona, est confiné depuis deux mois dans sa ville de Tucson, avec sa femme brésilienne, leur chien et leur perroquet. Extraits de l’entretien.

Comment analysez-vous ce qui se passe aux Etats-Unis, pays le plus durement touché par le coronavirus ?

Réponse : Il n’y a pas de direction cohérente. La Maison Blanche est tenue par un sociopathe mégalomane, qui ne s’intéresse qu’à son propre pouvoir, aux échéances électorales. Il faut bien sûr qu’il maintienne le soutien de sa base, qui comprend les grandes fortunes et les grands patrons.

Quel paysage politique émergera selon vous de la crise, aux Etats-Unis et dans le monde? Va-t-on vers un monde plus démocratique ou au contraire un renforcement des nationalismes et extrémismes ?

Dès son arrivée au pouvoir, (Donald) Trump a démantelé toute la machine de prévention des pandémies, coupant le financement des Centres de prévention des maladies (CDC), annulant les programmes de coopération avec les scientifiques chinois pour identifier les virus potentiels. Les Etats-Unis étaient particulièrement mal préparés.

La société (américaine) est privatisée, très riche, avec de gros avantages (…) mais dominée par les intérêts privés. Il n’y a pas de système de santé pour tous, absolument crucial aujourd’hui. C’est l’ultime système néolibéral.

Par bien des aspects l’Europe est pire, avec des programmes d’austérité qui amplifient le danger, des attaques portées à la démocratie, le transfert de décisions à Bruxelles et la bureaucratie de la ‘troïka’, non élue (Commission européenne, BCE, FMI, ndlr). Mais au moins elle a un reste de structure socio-démocrate qui apporte un certain soutien, et qui manque aux Etats-Unis.

Aussi grave que soit la pandémie, ce n’est pas le plus grave

Mais aussi grave que soit la pandémie, ce n’est pas le plus grave. On se remettra de la pandémie, moyennant un coût très élevé. Mais on ne se remettra pas de la fonte des calottes glacières des pôles et de la montée du niveau des mers et autres effets délétères du changement climatique.

Que faisons-nous là-dessus? Chaque pays fait quelque chose, pas assez. Les Etats-Unis eux en font beaucoup, courant au précipice, en éliminant programmes et régulations qui pourraient atténuer la catastrophe.

C’est la situation actuelle, mais ça peut changer. Il y a des forces mondiales qui luttent contre. La question est de savoir comment ces forces émergeront. C’est ce qui déterminera le sort du monde.

De nombreux pays utilisent la technologie pour surveiller leur population afin de combattre le virus. Sommes-nous dans une nouvelle ère de surveillance numérique ?

Il y a des sociétés qui développent des technologies qui permettent aux employeurs de voir ce que leurs employés ont sur leur écran d’ordinateur, de vérifier vos frappes sur le clavier, et, si vous vous éloignez de votre écran, de comptabiliser ça comme une pause. L’ »internet des choses » est en marche. Tout objet domestique contient de l’électronique. C’est pratique (…) mais l’information va aussi à Google, Facebook et au gouvernement. Cela donne un potentiel énorme de contrôle et de surveillance, et c’est déjà là, ce n’est pas dans le futur.

Si on laisse ces géants technologiques contrôler notre vie, c’est ce qui se passera. Ça ressemblera à la Chine, où il y a des systèmes de ‘crédits’ sociaux, de la technologie de reconnaissance faciale partout. Tout ce que vous faîtes est surveillé. Vous traversez au mauvais endroit, vous pouvez perdre des crédits.

Ce n’est pas inévitable, de même que le changement climatique n’est pas inévitable. On peut laisser ça se produire, ou l’arrêter.

« L’avenir est public ». Ces 1400 remunicipalisations qui dessinent les contours des services publics de demain
Publication
https://multinationales.org/L-avenir-est-public-Ces-1400-remunicipalisations-qui-dessinent-les-contours-des

Un nouvel ouvrage collectif tire les leçons de centaines d’exemples de « remunicipalisation » de services publics locaux dans 58 pays. Alors que la crise du Covid-19 a remis en lumière le rôle essentiel du secteur public et de ses agents, cette publication montre qu’il est aussi le mieux placé pour nous aider à faire face aux défis écologiques et sociaux de demain.

La nouvelle publication internationale L’avenir est public. Vers la propriété démocratique des services publics, coordonnée par le Transnational Institute et à laquelle ont collaboré l’Observatoire des multinationales et des dizaines d’élus, de syndicalistes, de chercheurs et d’organisations de la société civile, présente pas moins de 1400 exemples de remunicipalisation de services publics dans 58 pays. Elle confirme l’existence d’un mouvement de renouveau et de réinvention du secteur public un peu partout dans le monde, particulièrement au niveau local.

De la gestion des déchets en Égypte au déploiement de l’internet haut débit aux États-Unis dans des municipalités pauvres négligées par les opérateurs commerciaux, de la création de pharmacies municipales au Chili à l’essor des fournisseurs et producteurs d’énergie citoyens, en passant par les collaborations de collectivités françaises avec le secteur agricole local pour s’assurer une alimentation saine et de qualité, L’avenir est public montre la diversité et le potentiel de ce mouvement de remunicipalisation, mais aborde aussi les obstacles auxquels il est confronté.

Souvent inspirées par une volonté de « reprendre le contrôle » face aux défaillances de la gestion privée, ces remunicipalisations sont aussi et surtout une affirmation : celle que le service public est le seul capable d’assurer équitablement les besoins et les droits fondamentaux de toutes et de tous, et le mieux placé pour répondre aux défis sociaux et écologiques d’aujourd’hui et de demain.

L’épidémie du Covid-19 a remis le secteur public et ses agents au centre de l’attention : ceux et celles qui nous soignent, mais aussi ceux et celles qui assurent au quotidien, souvent de façon invisible, le bon fonctionnement de notre société et notre économie. La crise sanitaire a aussi mis en lumière les risques de la dépendance envers le secteur privé, et les carences du modèle managérial imposé dans les hôpitaux et dans l’administration. L’avenir est public vient à point nommé, comme source d’inspiration et d’enseignements pour dessiner les contours du secteur public de demain.

Alors qu’approche en France le second tour des élections municipales, cette publication rappelle aussi le rôle essentiel des collectivités locales pour mener la transition climatique et assurer la résilience économique et sociale de nos territoires. Elles sont et seront l’un des principaux acteurs des efforts de relance écologique suite à la crise sanitaire, et pour que ces efforts portent leurs fruits, le service public doit y occuper une place centrale.

Anne Le Strat, ancienne présidente d’Eau de Paris et ancienne adjointe au maire de Paris, déclare à propos de ce livre : « La pandémie de la Covid 19, qui a montré les failles de notre modèle de développement, a occasionné un regain d’intérêt pour la chose publique. N’attendons pas la prochaine crise pour bâtir ou reconstruire des services publics démocratiques, à même de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux auxquels l’Humanité doit faire face. Cet ouvrage est essentiel pour montrer la réalité déjà concrète sur le terrain d’une alternative au « tout profit », qui ouvre des perspectives sur un renouveau des politiques publiques. »

La maire de Barcelone Ada Colau ajoute : « En tant que maire de Barcelone, je suis convaincue que la réponse à la crise du Covid-19 n’est pas davantage d’austérité. Nous avons besoin d’investissement public dans des services publics de qualité comme la santé et l’éducation pour reconstruire l’engagement et la capacité du secteur public et la résilience locale. En même temps, nous devons protéger les biens essentiels de la spéculation. Avec ses études de cas et ses contributions d’experts, ’L’avenir est public’ est une lecture plus que recommandée pour les élu.e.s, les travailleur.se.s et les militant.e.s. »

Repenser les besoins, planifier la (dé)croissance, reconvertir : les gestes « barrière » contre le monde d’avant
Collectif
www.bastamag.net/Ce-qui-depend-de-nous-Manifeste-relocalisation-ecologique-solidaire-Repenser-besoins-Travail-utilite-sociale-Planification-decroissance-cooperative

Les grandes crises peuvent parfois déboucher sur des changements profonds et positifs. Les mobilisations populaires sont la clé, « d’autant plus puissantes qu’elles s’appuieront sur un imaginaire social alternatif à celui de l’accumulation infinie, du consumérisme et du fantasme de toute-puissance ». Cet imaginaire, des chercheurs et militants l’alimentent avec un manifeste publié ce 5 juin : Ce qui dépend de nous. Manifeste pour une relocalisation écologique et solidaire.

« La vraie « folie » dont il nous faut guérir, c’est celle du tout-marché, qui détruit le travail, la Terre et la vie. » C’est ainsi que débute Ce qui dépend de nous. Manifeste pour une relocalisation écologique et solidaire qui parait ce 5 juin aux éditions Les Liens qui Libèrent. Rédigé à partir de multiples contributions de chercheur.ses et de militant.e.s, ce manifeste traduit la force de proposition des mouvements sociaux et altermondialistes, mettant en débat des solutions appuyées sur la recherche scientifique et les expérimentations sociales [1]. « Les partager et les bonifier avec le plus grand nombre pour les imposer aux dominants. Voilà ce qui dépend de nous » écrivent-ils.

Ces alternatives sont fondées non seulement sur la relocalisation de l’économie – objectif désormais incontournable, bien que ses formes et ses implications restent ambiguës –, mais aussi sur la redéfinition des richesses (qu’est-ce qu’une bonne vie ? que voulons-nous vraiment produire, et comment ? ), leur redistribution (quel partage ? quels sont les niveaux d’inégalité acceptables ?), la démocratisation de la démocratie (comment ne plus « déléguer à d’autres » le cours de nos vies et faire refluer les inégalités, le patriarcat et le racisme ?), la réinvention de nos relations à la Terre et au vivant (comment vivre avec, et non plus contre ? comment faire corps, et non plus masse ?), la refondation de la coopération internationale (comment décolonialiser nos rapports aux populations pauvres, au Sud comme au Nord, pour que chacun·e puisse bien vivre ?).

La démarche proposée par le chercheur Bruno Latour – « imaginer les gestes “barrière” contre le retour à la production d’avant crise » [2] – inspire leurs réflexions dans le chapitre 3 dont voici un extrait.

Repenser les besoins

Jamais un débat sur l’utilité sociale du travail n’avait eu une telle ampleur : de l’accent mis sur les « invisibles » à l’exercice du droit de retrait, le sens du travail a été au cœur des discussions depuis le début du confinement. Appelés par l’État ou les dirigeants d’entreprise à reprendre le travail, nombre de salarié·e·s ont eu conscience de risquer leur vie, même quand leur activité n’était pas vraiment « essentielle ». Malgré la demande des syndicats, le gouvernement a d’ailleurs refusé que soit établie une liste des activités essentielles.

C’est pourtant un débat sur les activités et besoins essentiels, mais hors épidémie, et d’une tout autre ampleur, qu’il est urgent d’ouvrir pour au moins tenir les objectifs de l’accord de Paris sur le climat. Ces objectifs imposent de réduire fortement notre empreinte écologique. À supposer même que tou·te·s les habitant·e·s des pays développés ne consomment que l’équivalent du minimum décent, les émissions associées resteraient – dans l’état actuel de nos modes de production – bien supérieures aux objectifs climatiques (de près de 40 %). Il va donc falloir faire le tri dans nos consommations.

Il faut d’abord, évidemment, faire décroître l’industrie publicitaire, qui pèse aujourd’hui bien trop lourd dans la furie consumériste et le formatage des besoins. Les fournisseurs d’accès à Internet devraient, par défaut, bloquer la publicité : libre ensuite à leurs client·e·s d’activer le déluge publicitaire, qui surcharge la bande passante du réseau et coûte à chaque consommatrice 480 euros par an (c’est ce que déboursent les annonceurs du Web). Cela affaiblirait Google et Facebook et donnerait un gros coup de pouce aux réseaux sociaux alternatifs libres. Le volume de publicité dans l’espace public devrait aussi être limité, et un financement public non publicitaire être garanti pour les médias indépendants, comme le propose la Convention citoyenne pour le climat.

Pour faire émerger des besoins non manipulés, il n’y a pas de solutions « clés en main », mais une nécessité de mobiliser à la fois l’expertise concrète des citoyen·ne·s et les savoirs « experts ». L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a expérimenté des procédures de délibération collective pour établir des budgets de référence permettant de satisfaire les besoins essentiels et d’accéder à un statut de citoyen·ne à part entière [3].

Cette délibération doit être engagée à une échelle bien plus vaste afin de faire le tri entre le superflu et le nécessaire. De quelles ressources a-t-on besoin pour se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer, mais aussi se cultiver, faire preuve d’autonomie et de créativité manuelle et intellectuelle, prendre part à la vie de la cité, contempler la nature ? La culture est un droit au même titre que la satisfaction des besoins physiologiques ; il importe qu’elle soit accessible à chacun·e, et non assujettie à la logique du profit.

Le débat sur la redéfinition des besoins compatibles avec la biosphère pourra déboucher sur des décisions politiques mettant en place des formes de rationnement individuel pour certains biens ou services particulièrement polluants (voyages en avion, croisières motorisées, résidences ou véhicules individuels…) ou certaines ressources en voie d’extinction.

Sauver les entreprises : oui, mais !

Redéfinir les besoins ne sert à rien si l’on ne transforme pas en même temps l’appareil productif. La crise ouvre à cet égard une fenêtre inédite. Au nom de la sauvegarde de l’emploi, les pouvoirs publics sont sur le pied de guerre pour tenter de sauver les entreprises : prise en charge des salaires (chômage partiel), garanties bancaires, facilités de paiement, annulation de créances… Pour certains « fleurons » en situation extrêmement difficile – l’industrie aéronautique et automobile notamment –, ils injectent de l’argent frais avant d’éventuelles recapitalisations. En contrepartie, la seule exigence est de « modérer » le versement de dividendes et la rémunération des dirigeants pendant la crise sanitaire.

Mais voulons-nous vraiment soutenir les entreprises du CAC 40, dont les profits cumulés atteignent plus de 260 milliards d’euros sur les trois dernières années et qui détiennent 2500 filiales dans des paradis fiscaux ? Sauver Air France et le secteur aérien, dont les émissions de CO2 connaissent une croissance exponentielle ? Relancer l’industrie automobile, qui a massivement délocalisé ses usines et multiplié les modèles polluants ? Renflouer l’industrie parapétrolière – Vallourec, CGC ou Bourbon – pour qu’elle continue à explorer de nouveaux gisements pétroliers et gaziers aux quatre coins de la planète ? Évidemment non. L’urgence ne peut servir de prétexte à l’inertie : pas de « relance post-épidémie » sans que les pouvoirs publics conditionnent leurs aides à la mise en œuvre de plans contraignants de justice fiscale, de relocalisation et de reconversion sociale et écologique, élaborés en concertation avec les salarié·e·s, les associations et les collectivités locales concernées et contrôlés par eux.

Au moment où les multinationales se précipitent au guichet de l’État pour quémander des aides publiques, le législateur se trouve en position de force pour leur imposer des efforts inédits. Il est temps de les soumettre enfin à l’accord de Paris en leur fixant des objectifs contraignants de réduction des émissions de GES sur une base annuelle de –7 % pour répondre aux dernières recommandations scientifiques. Celles qui dérogeraient à ces objectifs se verraient interdire de verser des dividendes à leurs actionnaires. Il faut rompre le lien d’intérêt lucratif entre les marchés financiers et les industries polluantes, ce lien qui entrave aujourd’hui l’émergence d’une économie décarbonée. Le partage de l’effort vers la sobriété doit en effet commencer par l’appareil de production et s’en prendre au nerf de la guerre : le capital financier.

Planifier la (dé)croissance

Que signifie la neutralité carbone, affichée comme le Graal de l’ambition climatique, dans des activités comme l’extraction d’hydrocarbures, la chimie, l’automobile, l’aéronautique ? Certains secteurs à l’empreinte écologique intrinsèquement excessive doivent décroître et leurs entreprises se reconvertir. Au-delà de l’actuelle crise, il va falloir inventer un processus démocratique de planification écologique pour rendre soutenable notre système productif : quelle décroissance pour certains secteurs, quelle croissance pour d’autres ? [4] Quelle croissance ou quelle décroissance, selon les secteurs ?

Le débat aura lieu à tous les niveaux territoriaux, dans les entreprises et les branches professionnelles. Quelles sont les activités néfastes pour la biosphère, et à quel rythme les faire décroître ? Quels désinvestissements des secteurs nocifs et quels investissements privilégier pour faire des économies d’énergie et réduire les importations de gaz et de pétrole ? Quels montants débourser, quelles coopérations mettre en œuvre pour relocaliser et développer la production de générateurs d’énergie renouvelable, les moyens de transport collectifs, l’agriculture paysanne, la production de biens et services essentiels ? Rien que pour la France, il faut rapidement faire décroître les investissements nocifs pour les faire tendre vers zéro et, en parallèle, augmenter les investissements « climat » en les faisant passer de 50 milliards par an actuellement à un minimum de 100 milliards.

Sur la base de ces débats décentralisés, des instances nationales – voire européennes, si possible – devront arbitrer. Le Parlement, sous le contrôle d’une conférence de citoyen·ne·s tirés au sort, et donc collectivement indépendants de tous les lobbies, fixera des objectifs d’investissement qualitatifs et quantitatifs dans les différents secteurs stratégiques.

Des conférences régionales et de branche auxquelles participeront les directions d’entreprise, les syndicats, les associations environnementales et les collectivités publiques déclineront ces objectifs au plus près des unités productives et des territoires, en prenant en compte les équilibres écologiques et sociaux. Les banques publiques d’investissement fourniront les crédits nécessaires.

Reconvertir l’insoutenable

La décroissance de certaines activités nuisibles pose des défis sociaux majeurs. Deux conditions sont absolument décisives. D’abord, reconvertir au maximum les équipements et les emplois existants dans de nouvelles productions utiles pour préserver les qualifications et l’expérience des travailleurs. Et, quand cela n’est pas possible – il peut s’avérer difficile de reconvertir une raffinerie de pétrole en usine d’éoliennes –, garantir des formations professionnelles et le maintien intégral du salaire et de la protection sociale aussi longtemps que nécessaire. Il s’agit donc de mettre en place une sécurité sociale professionnelle financée par des cotisations sociales.

L’une des victimes collatérales du Covid-19 est l’industrie des transports. Comment sauver l’emploi et les savoir-faire sans relancer la prolifération insoutenable des avions-cargos, des SUV et du tourisme mondialisé de masse ? Il y a 45 ans, les ouvrier·ère·s de l’usine d’armement britannique Lucas Aerospace, confronté·e·s à des suppressions d’emplois massives et aspirant à un travail socialement utile, ont imaginé une démarche de reconversion qui demeure plus que jamais inspirante [5]. Les syndicats ont adressé un questionnaire aux 13 000 salarié·e·s, toutes catégories confondues, pour faire l’inventaire des qualifications et des savoir-faire et susciter des propositions de transformation de la production. Le débat s’est ensuite engagé dans les comités d’atelier, ainsi qu’avec les organisations féministes et le mouvement écologiste.

En janvier 1976, le contre-plan ouvrier émit 150 propositions de productions alternatives : énergie (éoliennes, pompes à chaleur, solaire, carburants alternatifs…), santé (reins artificiels, instruments d’optique, véhicules pour la mobilité des personnes handicapées…), transports collectifs (bus hybrides pétrole-électricité, véhicules route-rail…). Il fut partiellement mis en œuvre, mais finit par être mis en échec par la résistance patronale et la reprise du marché des armements avec l’élection de Reagan aux États-Unis.

Socialiser les grands groupes

L’expérience historique enseigne qu’on ne peut espérer modifier durablement les trajectoires des grands groupes industriels et financiers en laissant le pouvoir de décision aux seuls actionnaires. On sait aussi ce que donnent les nationalisations classiques, généralement éphémères, dans lesquelles les inspecteurs des finances de Bercy désignent un PDG pour qu’il redresse l’entreprise en l’obligeant à se conformer aux exigences de rentabilité financière, avant de la restituer assainie aux actionnaires privés. Pour démocratiser la gouvernance des entreprises, certains proposent une codétermination entre capital et travail (50/50) ou bien une coexistence à parité dans les conseils d’administration d’une chambre du capital et d’une chambre du travail. Ce serait déjà un progrès, mais le pouvoir du capital risque fort de rester prédominant et de bloquer les reconversions qui ne seraient pas suffisamment profitables, d’autant plus que l’entreprise dépendrait de financements privés, voire des marchés financiers.

Le modèle des coopératives est beaucoup plus prometteur pour faire de l’entreprise un bien commun. De nombreuses études montrent que les coopératives sont au moins aussi productives que les entreprises classiques, avec de meilleures conditions de travail et un emploi plus stable. Les avantages sont encore supérieurs dans le cas des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). En effet, leurs choix stratégiques résultent d’une délibération approfondie mobilisant les diverses parties (salarié·e·s, investisseurs, clients, fournisseurs, collectivités locales, associations…) intéressées à la bonne marche de l’entreprise, à la qualité de sa production et à son impact environnemental.

Le travail est organisé en fonction non plus du seul profit des actionnaires, mais de l’utilité sociale, sanitaire et environnementale. Les personnes ne sont plus assujetties à un management financier qui rend leur travail de plus en plus abstrait et dénué de sens à leurs yeux. Elles co-décident des conditions et des finalités de leur travail. La présence d’autres acteurs représentant les usagers, la défense du vivant ou des générations futures facilite la mise à distance des logiques productivistes et oriente le travail dans une logique de care pour mieux prendre soin du monde.

Pourquoi ne pas transformer Air France, Renault et Airbus, et même la SNCF, EDF ou la Poste, en SCIC nationales capables d’assurer l’installation et la gestion des équipements nécessaires aux mobilités douces et aux transports collectifs réinventés dont nous avons besoin ? Pourquoi ne pas reprendre le contrôle d’une industrie pharmaceutique qui vit largement sur les deniers publics (Sécurité sociale, crédit d’impôt recherche, CICE…), y compris Sanofi et Servier en France, en visant la constitution d’un puissant secteur socialisé du médicament qui servirait l’intérêt général ?

Attac, Ce qui dépend de nous, Manifeste pour une relocalisation écologique et solidaire. 96 pages, 10 euros. Sortie en librairie le 24 juin. Ce manifeste est disponible gratuitement sous forme électronique dès ce 5 juin, en suivant ce lien. « Il constitue dès maintenant un bien commun, à la disposition de toutes celles et ceux qui veulent bloquer le « retour à l’anormal » et construire un « monde d’après » solidaire et désirable », précise Attac.

De nombreux contributeurs et contributrices ont souhaité apporter leur expertise et leur soutien à cet ouvrage collectif, et notamment : Dominique Méda, Claire Hédon, Mathilde Larrère, Nicolas Girod, Jean-Baptiste Fressoz, Marie-Hélène Bacqué, Pablo Servigne, Guillaume Faburel, Geneviève Azam, François Gemenne, Laurence de Cock, Txetx Etcheverry, Amélie Canonne, etc.

Notes

[1] Attac, qui est par vocation un lieu de convergence et de réflexion collective, a pris l’initiative de favoriser l’élaboration rapide de ce texte.

[2] Bruno Latour, « Imaginer les gestes “barrière” contre le retour à la production d’avant crise », 29 mars 2020. Source

[3] Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, « Les budgets de référence », à découvrir ici.

[4] Dominique Plihon, « La planification écologique : une approche institutionnaliste », 3 avril 2020. Source

[5] Voir Jean-Pierre Hardy, « Lucas Aerospace : contre-plans ouvriers alternatifs », Association Autogestion, 26 novembre 2018. Source

F. Jobard (CNRS) : « Dans la police, on n’est pas raciste, on le devient » David Le Bars (Syndicat des commissaires de Police) : « Je demande à ce sociologue de nous donner des études qui nous permettent de prouver ce qu’il affirme »
Fabien Jobard
https://blogs.mediapart.fr/edition/police-co/article/140620/racisme-la-volonte-de-savoir-de-m-le-commissaire-le-bars

Le commissaire David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, ignore les recherches sociologiques sur le racisme dans la police, défend la thèse d’un « complot médiatique et politique » et me somme de l’éclairer. Je m’y emploie ici.

Secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, le commissaire David Le Bars, était interrogé le 5 juin dernier sur le site francetvinfo, à propos d’un échange que j’avais eu avec une journaliste du même site. La question adressée à M. Le Bars était celle-ci : « Fabien Jobard, chercheur du CNRS et spécialiste des questions de justice et de police, a déclaré sur franceinfo que « dans la police on n’est pas raciste, on le devient ». Qu’en pensez-vous ? » La réponse de M. Le Bars a claqué : « M. Jobard, on le connaît ». A cette affirmation pour le moins comminatoire, M. le commissaire ajoutait : « Moi je demande à ce sociologue de nous donner des études qui nous permettent de prouver ce qu’il affirme, j’en suis moi-même choqué ». Puis il expliqua que la discussion actuelle autour du racisme policier est « un complot médiatique et politique ».

Le Bars ignore donc la sociologie de la police, ce qui ne manque pas d’étonner de la part d’un fonctionnaire de ce rang (j’y reviendrai). Je partage ici volontiers quelques connaissances acquises en France autour de ces sujets.

Dans la police, on n’est pas raciste, on le devient. Cette affirmation est l’enseignement majeur de la première enquête sociologique sur le racisme dans la police, publiée en 1992 aux éditions du Seuil sous la direction de M. Michel Wieviorka. Les policiers étaient amenés à parler en groupes (technique des focus groups) autour de leur travail. Beaucoup disaient qu’une fois passées les portes de l’institution policière, ils étaient confrontés à une culture institutionnelle qui tournait, entre autres éléments, autour d’une vision stéréotypée et hiérarchisante des individus selon leurs origines ; vision au terme de laquelle « les Arabes » se voient systématiquement affectés d’attributs négatifs et dévalorisants. Ces mêmes policiers expliquaient également que les tâches qu’on leur demandait d’effectuer les mettait très souvent aux prises avec la jeunesse immigrée ou descendante d’immigrés, puisqu’on leur demandait de se concentrer sur la délinquance de voie publique – laquelle est une délinquance de jeunes hommes sans occupation, population dans laquelle, par tout un ensemble de mécanismes comme la désindustrialisation, les jeunes immigrés et leurs descendants fournissent de gros contingents. Ainsi, qu’ils le veuillent ou non (et que cela choque M. Le Bars ou non), les policiers disaient qu’il leur était très difficile de ne pas souscrire à des stéréotypes qui sont, dans leur forme brute, des stéréotypes racistes.

Vieille enquête, produite alors que M. Le Bars n’était pas encore policier. Les recherches qui ont suivi et qui se sont en particulier multipliées dans les années 2000-2010, n’ont pas infirmé ce constat, mais ont diversifié les sources de connaissance et les diagnostics. Nous disposons ainsi désormais de recherches nombreuses sur les contrôles d’identité, par observations (celle que j’ai menées avec René Lévy ou celles plus récentes de l’équipe franco-allemande co-dirigée par Sebastian Roché, écarté il y a quelques mois de l’école des commissaires de police où il donnait des cours – voir son ouvrage De la police en démocratie, Grasset, 2016, ou encore celle de Jérémie Gauthier dans la revue Sociétés contemporaines en 2015) ou par sondages (ceux du Défenseur des droits, ceux de l’Institut national des études démographiques et de l’Insee avec l’enquête Trajectoires et Origines, mais aussi celle dirigée par Nicolas Jounin dans la revue Déviance et Société, 2015), qui montrent la sur-représentation des jeunes hommes noirs et maghrébins parmi les personnes contrôlées, ce quelle que soit la composition de la population présente sur les lieux – tout en assortissant ce constat de diverses observations. Dans la recherche de Jounin, par exemple, les jeunes blancs peuvent se dire tout autant contrôlés que les autres, car ils sortent plus souvent et ont plus souvent un usage festif des lieux publics (au passage, il est intéressant de relever que M. Le Bars ignore cette recherche de Nicolas Jounin. Il avait pourtant soutenu en 2016 que ce professeur de sociologie avait assommé un de ses subordonnés, au cours d’une opération qu’il dirigeait. Ne s’étant présenté à aucune des audiences, M. Le Bars ne s’en est jamais expliqué et Nicolas Jounin fut relaxé, quatre ans après les faits). Dans toutes les enquêtes, les jeunes noirs et maghrébins sont ceux qui sont, et de loin, les plus sur-contrôlés, et ils disent bien plus souvent que les autres être visés par des contrôles accompagnés de propos insultants ou dévalorisants. Les contrôles d’identité sont-ils constitutifs d’un « racisme policier » ? Les policiers obéissent dans ce cadre aux réquisitions du procureur de la République (que leur hiérarchie, toutefois, sollicite). Ces contrôles répétés, parce qu’ils sont bien plus fréquents en France qu’ailleurs en Europe et parce qu’ils portent en particulier sur les jeunes hommes minoritaires, finissent par naturaliser les stéréotypes. On en revient à : « dans la police, on ne naît pas raciste, on le devient ».

Les enquêtes au sein des services de police menées en France ne peuvent pas non plus être passées totalement inaperçues de M. Le Bars. Dans une observation récemment jointe à une procédure judiciaire, le Défenseur des Droits évoque une « discrimination systémique » dans la police. Il s’appuie pour cela sur des observations qualitatives produites par mes soins au cours de patrouilles de police en grande banlieue parisienne, publiées dans un ouvrage de Didier et Eric Fassin en 2006 (La Découverte). Dans ces observations, j’insistais là encore sur la difficulté pratique qu’ont les policiers, notamment en banlieue parisienne, à ne pas souscrire à des visions et des pratiques stigmatisantes, encouragés qu’ils l’étaient par des politiques de sécurité qui ne faisaient pas dans la dentelle. Didier Fassin lui-même, aujourd’hui professeur à Princeton et directeur d’études à l’Ehess, produisit en 2011 un long ouvrage consacré à une brigade anti-criminalité, dont les comportements observés par lui furent alors très commentés (La force de l’ordre, Le Seuil).

Le Bars avance un argument au cours de son entretien sur francetvinfo : la police est aujourd’hui à l’image de la population. Il a raison de le souligner : depuis les dispositions Chevènement à la fin des années 1990, la police s’est bien plus ouverte aux diverses origines et la police de Seine-St-Denis ou de Paris est une police diverse, colorée, féminisée. Nous l’avons nous aussi maintes fois souligné, par exemple dans l’ouvrage publié avec Jacques de Maillard, Sociologie de la police (2015), aux éditions Armand Colin, dont je recommande la lecture à M. Le Bars. Dans cet ouvrage, nous rappelons qu’aux États-Unis, maints services de police comptent dans leurs rangs une proportion plus élevée de Noirs qu’il n’y en a dans la population de leur ville, mais que ces services peuvent tout aussi bien produire plus de violence à l’égard des Noirs qu’à l’égard des autres. Nous rappelons aussi la recherche de Jérémie Gauthier, publiée dans la revue Sociologie du travail en 2011 (et Prix du jeune auteur de cette année-là, accessible en ligne), auprès de policiers issus de minorités dans deux services de police, l’un en banlieue parisienne, l’autre à Berlin, qui disaient combien leur travail était rendu difficile par, encore une fois, la culture différencialiste de la maison, le racisme policier environnant.  Par ces indications bien sûr un peu rapides, j’espère avoir répondu à la volonté de savoir que M. Le Bars a manifestée. Ces recherches et, j’espère, ces lectures aideront à comprendre que le « racisme policier » est un problème profond, complexe, irréductible aux fonctionnaires ni à leurs chefs, mais qui appelle de leurs chefs, justement, lectures et réflexions. Le savoir est en effet un élément clef aujourd’hui pour un commissaire de police (voir l’ouvrage de mon collègue Frédéric Ocqueteau sur ce point, publié en 2006 chez Armand Colin). Le niveau de diplôme requis pour être commissaire de police aujourd’hui est Bac+5 et les titulaires de ce concours extrêmement sélectif sont souvent également titulaires d’un diplôme de Sciences Po. Ces fonctionnaires sont des « directeurs et concepteurs » de la police nationale. Il est facile d’opposer « l’homme de terrain » au « chercheur dans sa tour d’ivoire », mais cela diffuse une image erronée des deux métiers. Et pour penser un problème aussi lourd que celui du racisme policier, pour se donner les moyens de le traiter, mieux vaut ne pas se réfugier derrière la facilité, le déni ou l’ignorance.

“Ekonomia guzia petrolioari buruz itzulia da Ekuadorren”
Joana Detxart – Proiektu garatzailea
https://iparraldekohitza.eus/2020/06/12/ekonomia-guzia-petrolioari-buruz-itzulia-da-ekuadorren

Hiru hilabete iragan berri ditu, nonbait han, Ekuadorren Detxartek. Agroekologiaren sustatzeko egitasmo batean ibili da laguntzaile, baina, hara, hetsialdiak aldatu du urri arte iraun behar zuen egonaldia.

Diakite errefuxiatuen laguntzeko elkartasun sareko kide gisa agertu zen duela zenbait hilabete Joana Detxart (Baiona, 1996). Euskaldunen plazan abiatu zen lauzkatze multzoan ibili zen hastetik. Azken hilabeteetan, Ekuadorren egon da agroekologia sustatzeko egitasmo baten karietara, eta koronabirusarengatik uste baino lehenago sartu behar izan du Euskal Herrira.

Zuzenbide ikasketak egin zituen, baina gaur egun beste bide batzuetan ibilki da. “Ez dut abokatu izan nahi, edo ez oraindik”, dio. “Proiektuak garatu, jendeak ikusi, partekatu” egin nahi du nagusiki. Errefuxiatuen elkartasun sareetan segitu nahi luke, orain, Italian edo Grezian, eta menturaz Andaluzian (Espainia). “Orotarik nahasiko dut, eta zerbait sortuko da hortik”.

Zertara joana zinen Ekuadorrera?

Urtarrilean abiatu zerbitzu zibiko bat dela medio izan da, Paueko Pistes Solidaires elkartearen bidez. Helburua zen zazpi hilabetez Ekuadorrerat joatea agroekologia xede kolektibo batekin ekintzak garatzeko. Besteak beste, komunikazioan laguntzeko. Urri arte egon behar nuen. Quiton den elkarte batekin partaidetzan egin da, Mugarik Gabeko Albaitariak eta Agronomoak [AVSF] gobernuz kanpoko erakundearekin ari dena. Gazte boluntarioak etorrarazten dituzte erakusteko zer egiten duten hango laborariekin. Martxoaren 4an arribatu nintzen hara.

Eta konfinamendua etorri da berehala?

Birusa hasia zen pixka bat, baina guti. Konfinamendua abiatu dute Frantzian bezala, martxoaren 17an. Hamar bat egunez ibili nintzen libreki konferentzien ikusten. Anitz dira komunitate indigenak Ekuadorren. Laborantza ez da hain ongi ikusia hirietan, alta hirikoek janariaren beharra dutelarik. Hain zuzen, manifestaldiak izan ziren joan den urrian; Sierra eta Amazoniako indigenak etorri ziren Quitora manifestatzera. Sistema liberala eta kapitalista salatzen dute pobrezia sakontzen duelako, bereziki komunitate horietan. Ez dira batere ongi ikusiak indigenak. Mobilizazioen garaian, gobernuko kide batek erran zien aski zutela beren mendietan egotea.

Martxoaren 8a ere han iragan zenuen.

Sekula ez nuen egin manifestaldi hain handirik. Hiru bloke baziren manifan. Berdea: emakumeen gorputza zuen ardatz, abortua debekatua baita oraino han, horren eskatzeko. Gorria: langileena. Eta ubela: erakundeena. Emakumeen parlamentu bat sortu dute. Oso interesgarria da. Amazoniatik neska anitz baziren etorriak, lerro lodi-lodia zutena aitzinean.

Nola iragan duzu konfinamendua?

Apartamentu partekatua bagenuen Quiton, eta bi astez egon nintzen han. AVSFk proposatu zidan baserrira joatea; beste boluntario batzuk baitziren han, eta lan egiten zuten agroekologian, baratzezaintzan. El Chinche deitu baserrialdean zen, Quitotik 40 minutura, Sierran. Proiektuaren hastapena da. Entseatzen dira formakuntzak eskaintzen laborariei ikasteko nola lan egin ekologikoki.

Bi hilabetez egon naiz, eta oso interesgarria zen. Ekuadorren, Latinoamerika osoan bezala, laborari batzuk pobreak dira, eta, bestela, laborantza industriala handia da, dena jaten duena; laborariak enpresa handi batzuei lotuak dira. Produktu kimikoak erabiltzen dituzte. Ekologiaren bitartez, laguntzen ahal dira autonomoagoak izaten; janari ekoizpena birtokiratuz. Laborantza anitz bada Ekuadorren, baina ekonomiaren parte ttikia baizik ez da. Ekonomia guzia petrolioari buruz itzulia da. Laborantzan ari diren anitzek beste lan bat badute ondoan.

Tokian tokiko laborantza ez baitute egiten jada, adibidez, indigenen komunitateetan?

Tradizionalki lan egiten dutenak jada ekologikoan dira, bai, baina arlo hori beharbada ez da hain garatua, arazo sozialak baitira. Helburua da erakustea beste molde batez elkarrekin lan egiten ahal dutela. Komunikazioa eta elkartasuna moztuak izan dira. Inaurkina nola erabili eta nola produktu kimiko gutiago erabil daitekeen erakustea da xedea, adibidez. Edo komertzializazioa.

Konfinamendu denboran eskaera anitz bazen banaketa saskientzat; bestela, Quiton jendea supermerkatuetara joaten baita. Erosleak, gehienbat klase ertain eta aberatsekoak ziren saskientzat. Bada hezkuntza bat egiteko erakusteko janaria ez dela bortxaz plastiko pean atzematen den hori.

Komunitate indigenen kontrako arrazakeria sentitu ote duzu Quito aldean?

Politikoki segur da badela. Ekuadorren, besteetan bezala, globalizatu baitira. Indigenek beren lurra atxiki nahi dute. Sierran ez dira hain trabatuak, mendia baita. Amazonian, haatik, petrolio eta egur proiektuak egiten direlarik, komunitateko jendeei erraten diete mugitzea. Ekuador amazoniarra da, baina ez dute hala sentitzen, lurraldearen herena baizik ez baita Amazonian. Gobernuak nahiago ditu bere interes ekonomikoak ikusi.

Konfinamendua nola bizi izan dute ezagutu dituzun ekuadortarrek?

Oraino pixka bat konfinamenduan dira. Gobernuak arrunt segitu du Europan pasatzen zena. Konfinamendua Europako garai berean arindu dute. Jendea pixkanaka atera da, halere, konfinamendutik, lan egin behar baitu. Anitzek karrikan lan egiten dute. Langabezia saririk ez da. Bestalde, Venezuelako errefuxiatuek lan eta lo egiten dute karrikan; haientzat ere oso zaila izan da. Sozialki diren hausturak eta zailtasunak erakutsi ditu egoera horrek. Quiton berean, kanpoan egoteko debekua ezarri zelarik, laster hasi ziren manifak eguerditan, eta segitzen dute.

Eta hemendik goiti zer egin gogo duzu?

Frustrazioarekin itzuli naiz, sartu bainaiz goizago. Ekain hondarrean bukatuko da zerbitzu zibikoa. Baina, Europako Elkartasun Kidegoa egituraren bidez, xerkatzen dut misio bat, Italiarat edo Greziarat joateko, errefuxiatuen aldeko proiektu batean. Andaluziarat joan nahi nuke ere, etorkinak hara heltzen direlarik nola pasatzen den ikusteko.

Ondotik, Euskal Herrira itzuliko naiz egitasmo zerbait azkarki egiteko.