Articles du Vendredi : Sélection du 19 janvier 2024

La planification écologique reléguée au second plan de l’agenda politique d’Emmanuel Macron
Matthieu Goar et Perrine Mouterde
www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/17/la-planification-ecologique-releguee-au-second-plan-de-l-agenda-politique-d-emmanuel-macron_6211278_823448.html

Le chef de l’Etat n’a lancé, mardi soir, aucune nouvelle idée, préférant rappeler les efforts financiers décidés en 2023 sur ce sujet.

Cette fois-ci, Emmanuel Macron n’a pas fait mine de s’étonner des effets du réchauffement, comme lors de ses vœux du 31 décembre 2022, où il avait hérissé les scientifiques en lançant : « Qui aurait pu prédire (…) la crise climatique ? » Mardi 16 janvier, lors de sa conférence de presse, le président de la République a, au contraire, appuyé son propos. « Quels que soient les efforts qu’on fait pour baisser nos émissions, pour changer nos manières de produire, de consommer (…), nous aurons à vivre les conséquences du dérèglement climatique. Il est déjà là, et donc, on doit s’adapter », a-t-il répondu à une question sur les inondations vécues par les habitants du Pas-de-Calais à l’automne 2023, puis encore en début d’année.

Malgré ce constat et sa volonté d’entamer un nouveau chapitre de son mandat, le chef de l’Etat n’a pas profité de l’occasion pour ouvrir un acte II de la planification écologique. En ce début d’année, entre la nomination d’un nouveau gouvernement et les polémiques sur l’école, la planification écologique n’est pas en haut de l’agenda politique de l’Elysée. « Je ne vais pas vous annoncer aujourd’hui un nouveau cap écologique, parce que je pense qu’on a pris des décisions historiques et qu’elles sont les bonnes », a estimé M. Macron. Une référence à sa prise de parole du 25 septembre 2023, quand il avait dessiné les contours de son « écologie à la française », une stratégie destinée à inciter les Français à changer de comportement grâce à des aides.

« Il faudra des objectifs clairs »

Lors de sa conférence de presse, le chef de l’Etat a promis que son nouveau premier ministre, toujours « pilote » de la transition, s’exprimerait sur le dossier, notamment lors de son discours de politique générale. Lui n’a lancé aucune nouvelle idée, préférant rappeler les efforts financiers décidés en 2023, sur la rénovation thermique des bâtiments (augmentation de MaPrimeRénov’de 2,4 à 4 milliards d’euros) et sur l’évolution du parc automobile, avec le renforcement du bonus écologique, dont les nouvelles modalités ne sont pas encore connues, et le leasing social, disponible sur environ 20 000 voitures cette année.

« Il n’y a pas une annonce fracassante. (…) La priorité des prochains mois sur la planification, c’est de déployer le plan qui est le nôtre », a-t-il conclu, avant de se féliciter de la baisse de 4,6 % des émissions de gaz à effet de serre sur les trois premiers trimestres de 2023. Un bon résultat dû en partie à des effets conjoncturels, notamment un hiver doux et des prix élevés de l’énergie. « En 2023, on s’est mis en ordre de bataille technique : lois d’accélération du nucléaire, des renouvelables et de l’industrie verte, hausse massive des budgets prévus, plaide David Amiel, député Renaissance de Paris. 2024 doit être l’année de la mise en œuvre visible par tous. »

Sur la transition énergétique, visant à diminuer le recours aux énergies fossiles, Emmanuel Macron a répété son choix de miser à la fois sur le développement du nucléaire et sur celui des renouvelables. Concernant la relance de l’atome, un dossier récupéré par Bercy, le gouvernement a déjà acté, en plus de la prolongation du parc actuel, la construction de six nouveaux réacteurs EPR sur les sites des centrales de Penly (Seine-Maritime), de Gravelines (Nord) et du Bugey (Ain). Le président a précisé, mardi soir, qu’il annoncerait « les grands axes » pour huit réacteurs supplémentaires « dès l’été ».

Ces nouvelles capacités de production électrique devraient être inscrites dans le projet de loi de souveraineté énergétique, qui doit être débattu au Parlement dans les prochains mois. « C’était une prise de parole très floue sur la planification écologique, pense Anne Bringault, directrice des programmes de Réseau Action Climat. Il faudra des objectifs clairs, notamment sur le développement des énergies renouvelables, et des mesures structurantes pour engager le changement de trajectoire nécessaire. » Reste à trouver un créneau dans l’agenda politique de 2024.

Pour les 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2, le contrat n’est pas rempli
RAC
https://reseauactionclimat.org/pour-les-50-sites-industriels-les-plus-emetteurs-de-co2-le-contrat-nest-pas-rempli/

Un exercice inédit de planification a été mené entre le gouvernement et les 50 sites industriels les plus pollueurs. Malheureusement, un flou persiste sur les paris technologiques que les industriels sont prêts à prendre pour atteindre les objectifs climatiques et les garanties que l’Etat leur demande en contrepartie de son soutien.

Il y a plus d’un an, le gouvernement a demandé aux 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 d’établir leurs feuilles de route pour décarboner leurs activités de manière à atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone.

Cet exercice prospectif a été finalisé à l’automne dernier et s’est achevé par la signature de contrats de transition écologique entre l’Etat et les industriels.

Les feuilles de route détaillant les objectifs de réduction des gaz à effet de serre et la stratégie de déploiement des moyens technologiques mobilisés pour y parvenir n’ont pas été rendues publiques, dans le souci de respecter le secret des affaires. Néanmoins, les contrats de transition écologique ont été publiés courant décembre 2023 et nous éclairent sur la manière dont les industriels comptent s’y prendre… ou presque.

Pas de contrainte… pour le moment

Ces contrats sont plus symboliques que réellement engageants. Les entreprises peuvent ainsi témoigner de leur bonne volonté de suivre une trajectoire de décarbonation pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone tandis que l’Etat témoigne de sa bonne volonté pour soutenir les entreprises financièrement et par le déploiement d’infrastructures (réseau d’hydrogène et de CO2). Mais que se passe-t-il si un site industriel ne respecte pas son engagement de réduction d’émissions ?

Avec les 5 milliards d’euros d’aide publique supplémentaires qui pourraient être débloqués pour l’industrie d’ici 2030, il est primordial que cet engagement se concrétise au-delà d’un contrat symbolique. A commencer par la subvention massive dédiée à la décarbonation du site ArcelorMittal à Dunkerque, qui pourrait atteindre 850 millions d’euros. L’Etat doit demander des garanties en termes de diminution des émissions mais également de conservation de l’emploi en France, pour que de tels montants d’argent public soient utilisés à bon escient.

Des acteurs industriels plus ou moins investis

L’autre défaut de ces contrats est leur manque de précision quant aux stratégies de décarbonation envisagées par les industriels. On constate par ailleurs, pour les entreprises ayant joué le jeu de fournir les leviers de diminution des émissions, que ceux-ci sont majoritairement basés sur des technologies de rupture comme la capture et le stockage du CO2, encore très incertaines. Le déploiement de l’économie circulaire et la prise en compte d’hypothèses de sobriété de la demande ne sont cités que dans 3 des 32 contrats. Ce sont pourtant des leviers fondamentaux de la décarbonation de l’industrie.

Le Réseau Action Climat a souhaité évaluer la transparence des entreprises sur leurs engagements climatiques et les leviers qu’elles prévoient de mobiliser pour les tenir. A ce stade, il ne s’agit pas ici d’évaluer l’ambition des engagements et l’efficacité des stratégies mais la complétude et la transparence des déclarations des entreprises dans les contrats. Pour cela, nous avons évalué la quantité et la qualité des informations  avec le système de notation suivant sur trois points :

  • Entreprises ayant décliné un contrat (et donc une trajectoire et des leviers de décarbonation) par site,
  • Entreprises ayant listé les leviers de décarbonation prévus dans leurs feuilles de route,
  • Entreprises ayant précisé l’impact de chaque levier dans l’effort total de décarbonation.

Avec une moyenne de 1.3 sur 3 points, les 50 sites auraient pu mieux faire. Les mauvais élèves sont concentrés dans le secteur du ciment, les entreprises Eqiom et Heidelberg-Calcia ayant uniquement publié leurs cibles de réduction d’émissions pour 2030 et 2050. Ces informations paraissent bien maigres en comparaison avec les contrats déclinés site par site par un autre acteur du ciment en France, Vicat. Les secteurs de l’agroindustrie (Roquette et Cristal Union) et du raffinage (TotalEnergies, Petroineos) figurent également parmi les acteurs n’ayant pas joué le jeu de la transparence. On recense au final 33 sites industriels qui se sont contentés de publier des informations à l’échelle de l’entreprise et non du site.

Or, en regard de l’effort que l’industrie va devoir fournir pour atteindre les objectifs de réduction des émissions pour 2030 (-23% par rapport aux niveaux de 2022), il est légitime que la société civile ait plus d’éléments quant à l’orientation prise par l’industrie, notamment lorsqu’elle implique le déploiement de technologies aussi coûteuses en argent public.

Virginie et Isabelle, maîtres-composteures et fabricantes d’un terreau fertile à la vie citoyenne
Alexandre Carré
https://vert.eco/articles/virginie-et-isabelle-maitres-composteures-et-fabricantes-dun-terreau-fertile-a-la-vie-citoyenne

Maîtres jet d’ail. Alors que le tri des biodéchets devient obligatoire partout en France, un métier a le vent en poupe : celui de maître-composteur. Virginie Drouet et Isabelle Gaton Moreteau, qui officient dans l’est parisien, racontent leur métier à Vert.

Ça a été une révélation !», se souvient Virginie Drouet en racontant sa première rencontre avec le métier en 2018. Originaire de Poitiers, elle a d’abord connu une première carrière dans le marketing commercial et scientifique au sein d’une entreprise d’électronique. Forte de 25 ans d’expérience à Paris, elle décide de se reconvertir, et reprend ses études avec un mastère à AgroParisTech. C’est là qu’elle découvre le compostage, lors d’un stage dans une ressourcerie.

Isabelle Gaton Moreteau a tracé un chemin tout aussi singulier. Après un diplôme universitaire en mathématiques appliquées aux sciences sociales, elle quitte rapidement ce parcours initial pour s’installer à la campagne, afin de se consacrer à sa famille et au jardinage. «Comme tout le monde, j’ai pendant longtemps eu le pourrissoir au fond du jardin, rit-elle. Mais au fur et à mesure, j’ai appris à faire du compost toute seule». De retour à Paris en 2013, elle fait, elle aussi, sa rencontre avec ce métier.

Toutes deux ont décidé de changer de vie en passant le diplôme professionnalisant pour devenir maîtres-composteures. Elles ont appris les rudiments du métier pendant une formation de deux semaines comprenant la rédaction d’un mémoire suivi d’un oral, pour devenir maître dans l’art de composter.

Un duo complémentaire

Depuis 2019, Virginie Drouet et Isabelle Gaton Moreteau opèrent en tandem, pour l’intercommunalité d’Est Ensemble, qui regroupe neuf communes de l’Est de Paris. Elles y couvrent un territoire de 40 kilomètres carrés et ont en charge plus de 900 référents bénévoles — dont 600 personnes formées par leurs soins — pour un total de 400 sites de compost partagés.

Leurs journées sont très diversifiées et allient les trois piliers du métier : la technique, le pilotage et l’animation. Elles sont, en résumé, les cheffes du compost de l’intercommunalité. Entre la gestion des formations, les réponses aux courriels, la coordination des sites de compostage, la distribution du matériel, et les animations pour sensibiliser le public, Virginie Drouet et Isabelle Gaton Moreteau jonglent avec des responsabilités variées. «Nous sommes très complémentaires», s’enthousiasme Isabelle. «J’ai quand même gardé des habitudes de mon ancien métier, rétorque aussitôt Virginie Drouet. J’ai plus d’affinités avec les tâches administratives qu’Isabelle, mais elle vient souvent me sortir de mon bureau pour aller sur le terrain», sourit-elle.

Quoi qu’il en soit, toutes deux s’accordent à dire que le contact humain, avec les habitant·es, les bénévoles, les élu·es ainsi que les professeur·es et leurs élèves, est l’une des facettes les plus gratifiantes de leur métier. «On rend service aux habitants, on agit et c’est un acte concret pour l’environnement. Même si je gagnais deux fois plus avant, je suis ravie d’avoir changé», s’amuse Virginie.

Le compostage comme levier de changement

Actrices du changement, Virginie Drouet et Isabelle Gaton Moreteau s’efforcent de maintenir l’adhésion des bénévoles à cette pratique écologique en créant des liens de confiance. «On met en contact des personnes qui travaillent pour le même établissement, mais qui ne se sont jamais parlé, décrit la seconde. On a 400 sites de compost, 400 façons de faire».

Elles soulignent également la nécessité d’attirer de nouveaux talents dans le secteur. «Aujourd’hui, il y a une pénurie de maîtres-composteurs, déplore Virginie Drouet. C’est un métier d’avenir, car les collectivités s’aperçoivent que la collecte coûte trop cher par rapport au compostage partagé. Elles ne sont juste pas à l’aise avec le bénévolat, parce qu’elles ont peur que ce soit mal géré ou que ce soit abandonné » Pourtant, selon le duo, la diversité des profils et la richesse des compétences apportées par les habitant·es, font des sites de compostages de vraies pépinières à changement vers une transition écologique et citoyenne.

À travers leurs parcours et leur engagement dans le compostage, toutes deux démontrent que le compostage va bien au-delà d’une simple pratique écologique : c’est une contribution significative à la préservation du lien social.

Beldurrik ez?
Mikel Otero Gabirondo
www.argia.eus/argia-astekaria/2855/beldurrik-ez

2024ko egutegiari lehen orriak erortzen ari zaizkion honetan, gure arazo ekologikoen erpin nagusienetarikoa den larrialdi klimatikoari begiratuz gero, ezin esan amaitu berri dugun urtea itxaropentsua izan denik. Errekorrez betetakoa, dagoeneko ez da erraza adierazle bakan bat azpimarratzea, ia denak baitaude hizki larri gorritan. Klimaz haratago, planetaren bederatzi muga ekologikoetatik seitan planetaren karga gaitasunaren gaindi gabiltza, eko-antsietatetik eko-axolagabetasunera egunero hainbat salto eginez.

Urte luzez ohartarazi gaituzte zientzialariek sistema naturalek eta sozioekonomikoek kolapsoa izan dezaketela, bero jasanezina, muturreko fenomeno meteorologiko ugariak, elikagaien eta ur gezaren eskasia, itsas mailaren igoera, gaixotasun berri gehiago eta gizarte-ondoeza eta gatazka geopolitikoak areagotuko dituen mundu honetan.

Baina, aurten, 15.000 zientzialariren lanak barnebiltzen dituen urteroko The State of the Climate 2023 (Klimaren egoera 2023) txostenaren idazleek pausotxo bat gehiago eman dute eta honako hau adierazi: “Denbora amaitu da. Zientzialari garen aldetik, gero eta gehiago eskatzen zaigu jendeari egia esateko termino sinple eta zuzenetan, aurre egiten diegun krisiei buruz. Egia esan, shock egoeran gaude 2023ko muturreko fenomeno meteorologikoen tamainarekin. Sartu garen dimentsio ezezagunaren beldur gara”.

Badakigu hamar urte barru arazo nagusia izango dela, baina gaur gaurkoz beste hamaika arazo lehenesten ditugu

Sartu garen dimentsio ezezagunaren beldur dira zientzialariak. Eta gu? Non kokatzen gara euskaldunak gure eta datozen belaunaldien bizi baldintzak erabat baldintzatuko dituen gai honetan? Azken inkestei eta txostenei erreparatu eta gero, bi datu ekarriko ditut gogora. Antza, populazioaren %40 inguruk uste du hamar urte barru larrialdi klimatikoa hiru arazo nagusien artean egongo dela. Esan daiteke euskal jendarteak etorkizuneko krisi ekologikoari buruzko kezka badarabilela buruan, baina gaurko arazoez galdetuz gero, kezka hori hamahirugarren postura jaisten da. Hau da, badakigu hamar urte barru arazo nagusia izango dela, baina gaur gaurkoz beste hamaika arazo lehenesten ditugu.

Eta horrela, urgentziek ez digute uzten etorkizuneko arazo nagusiei aurre hartzen, irtenbideak beti biharko uzten ditugu. Jendartearen izaerari leporatu diezaiokegu, noski, baina bi kontutxo gogoraraziz amaituko dut. Ingurumen gehiegikerien bestondoa ez da hamar urte barru azaleratuko, dagoeneko azaleratzen ari delako. Bestalde, gutxienez hamar urteko esfortzu bateratu eta jarraitua behar dugu hamar urte barruko eszenatoki latzenak egikaritu ez daitezen. Beldurrik ez?