Articles du Vendredi : Sélection du 18 janvier 2019


Aurélien Barrau : «La raison écologique est nécessairement aussi une raison sociale»
Sophie Joubert
www.humanite.fr/la-raison-ecologique-est-necessairement-aussi-une-raison-sociale-aurelien-barrau-666189

À l’occasion de la parution du livre Trous noirs et espace-temps (Bayard), destiné aux enfants, l’astrophysicien et chercheur Aurélien Barrau parle de l’enseignement des sciences, de l’importance du doute et de la déconstruction, mais aussi de son activité citoyenne de lanceur d’alerte et de son engagement pour la transition écologique.

(…)

Comment liez-vous votre activité de chercheur en astrophysique et cette activité citoyenne de lanceur d’alerte?

Aurélien Barrau Il n’y a aucun lien. Je n’ai aucune compétence institutionnelle en matière d’écologie. Mais en tant qu’être vivant, je pense avoir le droit et même le devoir de me positionner sur les sujets essentiels. Nous vivons, par exemple, dans un monde où huit personnes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité. C’est obscène. Nous vivons également dans un monde où 100 milliards d’animaux terrestres (10 fois plus d’animaux marins) sont inutilement tués chaque année dans des conditions effroyables. Et nous allons tout droit vers un désastre écologique dont les conséquences seront épouvantables. Pour la vie en général, pour l’humanité entre autres, pour les plus démunis en particulier.

Vous insistez sur le fait qu’il faut agir sur les conséquences et arrêter de se disputer sur les causes…

Aurélien Barrau En effet, je crois que c’est essentiel. Chacun a son analyse sur les causes de cette fin du monde programmée. Pour certains, il s’agit du capitalisme, pour d’autres de la surpopulation, pour d’autres encore de la religion, etc. J’ai évidemment un avis sur la question et je pense clairement que le néolibéralisme est incompatible avec un avenir durable. Mais le fait est – que cela plaise ou non – que nous ne nous mettrons pas tous d’accord sur les causes. Alors qu’il est assez simple de s’accorder sur les faits. Mettons donc fin au suicide collectif et nous verrons bien, par la pratique, quel est le système qui permet d’y parvenir rapidement. Étant convaincu que les enjeux écologiques et sociaux sont liés, j’ai l’espoir que si la question environnementale est enfin prise au sérieux, elle puisse servir la cause sociale avec une efficacité sans précédent. Après avoir été si malmenée par lui, c’est finalement la nature qui reviendrait aider l’homme. Nous ne pourrons pas nous en sortir sans partage.

Que peut le politique? Que répondez-vous à ceux qui opposent la liberté aux mesures écologiques contraignantes (la hausse du prix du carburant, par exemple)?

Aurélien Barrau La loi nous interdit de tuer, de violer, de torturer… et c’est une bonne chose ! Cela préserve les libertés individuelles. Pourquoi devrions-nous être libres de commettre un « crime contre l’avenir » en interdisant la possibilité d’un futur pour l’humanité et des millions d’autres espèces ? Nous ne sommes pas capables de nous autoréguler, mais nous sommes capables d’édicter des règles qui enfreignent notre hubris. Il faut en passer par le droit, c’est une question de survie. Pour autant, il me semble indispensable que les mesures fortes qui doivent être prises le soient dans une optique de justice et de redistribution. Faire porter une fois de plus l’effort sur ceux qui ont déjà très peu est inacceptable. Et ce n’est pas seulement condamnable d’un point de vue éthique, c’est infaisable d’un point de vue pratique. Il faut engager une transition majeure qui redéfinisse en profondeur notre être-à-la-Terre et il faut le faire dans l’invention d’un commun qui ne reproduise pas les schèmes inégalitaires du passé. Sortons de la religion mortifère de la croissance : en confondant la fin et le moyen, elle a littéralement dénaturé la question du sens et nous place aujourd’hui en situation de risque vital. Si le risque ne concernait que la fin de notre civilisation, il mériterait peut-être d’être couru. Après tout, la vie finira par reprendre ses droits et le monde actuel est loin d’être parfait… Mais il ne faut pas oublier que, derrière les espèces, il y a des individus. Si nous détruisons ce monde, il ne s’agira pas que d’une apocalypse théorique : des gens vont mourir, des gens que nous connaissons, que nous aimons. Aucun cynisme n’est légitime à ce sujet.

Comment inventer une politique écologique qui penserait les interactions, le partage, et qui fasse en sorte que tout le monde se sente concerné?

Aurélien Barrau Plus qu’une privation, si nous réussissons la transition, elle peut prendre la forme d’un réenchantement. D’abord, parce que se penser à nouveau dans la nature et non plus en guerre avec elle serait, en soi, jubilatoire. Ensuite, parce que le système symbolique qui permettrait la mise en œuvre de cette mutation conduirait précisément à déconstruire les valeurs de possession et d’oppression qui régissent aujourd’hui un large pan de nos sociétés. Enfin, parce que la raison écologique est nécessairement aussi une raison sociale. Il n’est pas physiquement possible d’imaginer un avenir commun à plus de 10 milliards d’humains sans un partage des richesses et des territoires. Nous n’avons plus le choix : l’avenir sera solidaire et écologique ou il ne sera pas.

Le mot « écologie » est d’ailleurs insuffisant, la question est beaucoup plus vaste : il s’agit simplement de la possibilité même d’un futur sur une planète qui ne soit pas dévastée. Il n’est pas question « d’environnement » mais juste d’existence. Nous traversons un moment décisif, sans doute le plus important de notre histoire. Espérons que nous saurons ne pas opposer les différents combats essentiels qui doivent maintenant être menés conjointement et urgemment. L’enjeu est plus qu’immense, il est vital.

Jon Palais : « L’enjeu est la transformation collective, pas la transformation individuelle » (2/2)
Propos recueillis par Hervé Kempf et Émilie Massemin
https://reporterre.net/Jon-Palais-L-enjeu-est-la-transformation-collective-pas-la-transformation

Comment mener la bataille du climat ? La non-violence est-elle la meilleure méthode ? Quand tout va basculer, parviendra-t-on à orienter les choses vers la solidarité plutôt que vers les barbelés ? Ce sont les questions que pose Jon Palais, militant d’Alternatiba et d’ANV COP 21. Un entretien tourné vers l’action. Suite & fin de la partie1/2.  

Pourquoi avez-vous lancé ANVCOP21 ?

D’abord, pourquoi Alternatiba ? Beaucoup de militants écolos avaient arrêté de mobiliser sur le climat, parce qu’ils étaient arrivés au diagnostic que c’est un problème abstrait, global, technique, qui semble impalpable par les gens. En plus, c’est tellement angoissant que ça tétanise ceux à qui on arrive à l’expliquer. Donc on n’activait que des leviers de paralysie. Il fallait remédier à ces obstacles. Plutôt que de parler du climat d’une manière abstraite et négative, le faire d’une manière positive et concrète. Transformer le centre-ville en village des alternatives au changement climatique permettait de dire aux gens que le climat, c’est l’agriculture à travers la nourriture qu’ils mangent, le vélo, l’énergie, la réparation, la relocalisation… Et les aider à avoir prise sur le problème par l’angle positif des solutions. Mais à l’approche de la COP21, on ne pouvait pas rester seulement sur un message positif. D’où ce qu’on a théorisé, qu’il faut marcher sur deux jambes, les alternatives et la résistance. Le débat au sein d’Alternatiba a duré deux ans, pour que les gens voient la complémentarité des actions d’opposition et des actions d’alternatives, et non les contradictions.

ANVCOP21 est donc né d’une discussion interne à Alternatiba.

Au printemps 2015, on voyait s’approcher la COP et on s’est dit que le débat ne se conclurait pas avant. C’est pour cela qu’on a lancé un autre mouvement, ANV-COP21, pour mener des actions. Puis Alternatiba a décidé de mener aussi des actions non-violentes. Comme on avait beaucoup de militants en commun, on a jumelé les deux mouvements en 2016 pour ne pas faire double emploi.

Pourquoi le choix stratégique de la non-violence ?

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise stratégie en soi, ça dépend de l’objectif. Qu’est-ce qui est le plus efficace entre une scie et une casserole ? Ça dépend si on veut couper du bois ou faire chauffer de l’eau. Notre diagnostic est qu’il faut un changement complet du système. Il y a deux raisons que cela se fasse par un mouvement de masse : pour le rapport de force et pour la justice sociale. Ce ne sont pas seulement des intellectuels qui doivent le théoriser, des politiques qui doivent prendre des mesures courageuses, des multinationales qui doivent ajuster des trucs ; on doit changer de mode de vie. La stratégie non-violente nous semble la plus adaptée pour favoriser l’émergence d’un mouvement de masse. Parce que nos sociétés condamnent la violence. Tout le monde est offusqué par la violence, des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, des humains sur les animaux, etc. Donc la non-violence est une garantie de légitimité aux yeux de la majorité de la population.

Si la violence sert à exercer un rapport de domination, la non-violence signifie-t-elle le refus d’exercer un rapport de domination ?

J’essaie d’éviter d’expliquer ce qu’il y a de contre-productif dans la violence parce que ça agace toujours des gens, et que je ne veux pas les contrarier ou expliquer ce qu’il ne faut pas faire. Mais on voit avec quelle facilité un gouvernement instrumentalise la violence, ou la contre-violence. Quand on mène des actions violentes, il est facile pour le gouvernement d’occulter le message politique des actions, de le réduire à leur caractère violent et de criminaliser le mouvement. Le gouvernement a beaucoup plus de moyens de violence que nous. Si l’on va sur ce terrain, s’ils ont envie de t’arrêter ils t’arrêtent, s’ils ont envie d’infliger trois mois de prison ferme, ils les mettent, s’ils ont envie de perquisitionner, ils perquisitionnent !  Dans la stratégie non-violente, tu essaies que ce soit toi qui pièges ton adversaire, que la bataille se déroule sur un terrain que tu maîtrise mieux. Par ailleurs, la non-violence permet à plein de gens d’entrer dans la lutte. Agir de manière violente est intimidant pour la plupart des gens. La non-violence est plus accessible.

« Même si l’on arrive à manier la violence à son avantage, on conforte la logique de la violence. »

Enfin, Gandhi disait que la fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence. Si l’objectif est de former une culture de non-violence, cela ne se construit pas avec des actions violentes. Même si l’on arrive à manier la violence à son avantage, on conforte la logique de la violence. Qui est une logique de négation de l’humanité de l’autre, de domination, d’oppression.

Il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 3 % par an au niveau mondial pour être en 2050 à moins de 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle. En 2018, comme en 2017, on est à + 2 %. Comment faire face à un système qui continue avec toute sa puissance dans la destruction de l’environnement ?

Le système n’est pas durable. Il dysfonctionne de tous les côtés. On pollue tout, les injustices se creusent, les démocraties sont en crise, on commence à être impactés par les catastrophes écologiques, la finance part en vrille et une nouvelle crise économique se prépare. Donc une chose est certaine, ça ne va pas rester comme ça.

La déstabilisation croissante du monde va-t-elle favoriser la solidarité ou les barbelés ? Comment fera-t-on quand le jeu sera renversé sur la table, pour arriver à ce que les choses se reconstruisent de manière écologique et solidaire et pas avec plus d’extrême-droite, de néolibéralisme et d’oligarchie ?

Là, on est à 1,1 °C de réchauffement. D’après ce que j’ai étudié, en coupant les robinets des émissions de gaz à effet de serre tout de suite, avec l’inertie, on sera à 1,4 °C. Ce qui veut dire que géophysiquement on peut rester sous 1,5°C ! C’est d’une énorme complexité d’un point de vue socio-économique et politique. Mais ce n’est pas impossible. Le dérèglement climatique est déjà dramatique et tout seuil d’aggravation sera dramatique. 1,5°C sera bien pire que 1,1°C, 2°C sera pire mais 1,6°C, 1,7°C, 1,8°C aussi. On vit avec l’idée que chaque dixième de degré compte et que chaque action, chaque effort qu’on fait, chaque limitation même insuffisante, a du poids. Quand on empêche une centrale à charbon, un projet de gaz de schiste, qu’on maintient dans le sol des énergies fossiles, on participe à la limitation. Insuffisante, mais est-ce que c’est parce que c’est insuffisant qu’il ne faut plus le faire ? Non ! Ces questions nous travaillent énormément. Ce qui nous fait tenir, c’est qu’on n’est jamais seul. Alternatiba et ANV ont des formes très horizontales où l’on développe beaucoup les polyvalences. Les gens changent souvent de rôle, ils vont faire de la communication, de la logistique, de la stratégie, ils participent aux décisions politiques. Le sentiment collectif est très fort. On n’est pas les mêmes quand on vit collectivement l’urgence, la gravité, la répression que quand on les vit tout seul. Il est très important de comprendre ça, parce qu’affronter tous les jours le problème de la fin du monde, c’est horrible. Nous-mêmes, quand on fait des conférences, des formations, on est toujours autant ébranlé par ce qu’on dit. C’est tellement inhumain, le moment est tellement extraordinaire à l’échelle de l’histoire de l’humanité que c’est quasiment impossible à intégrer. C’est une énorme violence et c’est la force collective qui permet de vivre avec ça. Sinon, on s’effondre.

Comment cette préoccupation pour l’avenir se traduit-elle dans votre vie quotidienne ?

Depuis quelques années, le militantisme prend tout dans ma vie. Je ne pense pas que ce soit possible très longtemps. Mais ça a été possible beaucoup plus longtemps que ce que je pensais au départ. J’ai toujours cru que j’allais pouvoir me reposer dans six mois. Depuis cinq ans… (rires). Il y a plein de contradictions. C’est comme faire des actions pour la réduction du temps de travail : il faut que tu travailles plus pour faire passer le message politique qu’il faut travailler moins. C’est ça, le militantisme. On est pour un mode de vie où les gens peuvent prendre le temps de vivre et on ne le fait pas (rires). Ça fait longtemps que je suis végétarien, j’achète mon électricité à Enercoop, les légumes sont produits localement, le compte bancaire est à la Nef, etc. J’essaie d’être au maximum en cohérence. Mais il y a des choses sur lesquelles c’est plus compliqué. J’habite à la campagne, j’ai une voiture, ça pollue. Pour faire l’entretien d’aujourd’hui, j’ai pris la voiture pour aller à la gare. Je viens à Paris pour participer à des réunions dont j’espère qu’elles vont faire bouger les choses. J’espère que ce qu’on fait va permettre de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre que ce qu’on émet pour le faire. Parce que tout a une empreinte écologique. On est souvent l’objet des procès de gens qui nous disent « Vous nous demandez d’être écolo mais vous avez une voiture, votre truc est en plastique », etc. Comme si l’on venait d’une autre planète ! Mais qu’est-ce que ça change à la trajectoire du monde que je réduise encore plus mon empreinte carbone ? Le plus important dans notre mode de vie, c’est notre engagement politique. L’enjeu est dans la transformation collective, pas dans la transformation individuelle ni la somme des transformations individuelles. On a un changement d’échelle à faire. Donc il faut trouver des effets de levier, il faut changer les choses en masse. Les efforts personnels ne pèseront rien dans la balance dans quinze ans par rapport à ce qu’on aura réussi à infléchir ou pas dans les politiques nationale, internationales.

« Je suis un citoyen au sens propre et le rôle des citoyens aujourd’hui est d’intervenir. »

Les militants d’aujourd’hui, on devrait juste les appeler des citoyens. Au sens premier du terme, le citoyen est la personne qui s’implique dans la vie de la cité. Aujourd’hui, le mot est dénaturé parce qu’on a l’impression qu’on parle d’un usager de la démocratie. Comme si la démocratie était un fonctionnement établi une fois pour toutes dont nous serions des sortes de consommateurs. On a des droits, comme celui de voter, qui est quelque part le contraire de la démocratie parce qu’au lieu d’exercer le pouvoir on le délègue ! Sans moyen de contrôle, de révocation. On a tiré tellement loin ce système démocratique qu’il en devient quasiment le contraire de son idéal.

Je suis un citoyen au sens propre et le rôle des citoyens aujourd’hui est d’intervenir. On n’a pas le droit d’attendre que des représentants politiques dont on sait qu’ils sont dans un système pétri de contradictions et de compromissions qu’ils trouvent la solution.

Les trois lobbies selon François de Rugy : EDF, l’automobile, la chasse. Interview
Propos recueillis par Hervé Kempf et Lorène Lavocat
https://reporterre.net/Les-trois-lobbies-selon-Francois-de-Rugy-EDF-l-automobile-la-chasse-Interview

Place de l’écologie dans le grand débat national, lobbies, transports, chasse, réduction des émissions de gaz à effet de serre, GCO, EuropaCity, violences policières… François de Rugy a répondu sans détour à Reporterre.

François de Rugy est ministre de la Transition écologique et solidaire. Nous l’avons rencontré mardi 15 janvier.

Reporterre — Dans sa « lettre aux Français », Emmanuel Macron s’est montré peu précis dans ses propositions sur l’écologie. Comment va-t-on réduire nos émissions de gaz à effet de serre et éviter le déclin sans précédent de la biodiversité ?

François de Rugy — La transition écologique occupe une place importante dans le grand débat national puisque c’est un des quatre sujets mis en avant depuis le début. Le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité ont-ils des conséquences sur la vie des gens, faut-il agir plus vite, plus fort sur ces questions ? On remet aussi en débat la fiscalité écologique, alors que certains pensaient peut-être que la pause que nous avions marquée pour 2019 valait abandon de la trajectoire future. Par ailleurs, on souhaite aborder les sujets sous l’angle du vécu des gens. Il faut des mesures à la fois à la hauteur des enjeux planétaires et à hauteur d’homme ou de femme. Les gens ont peut-être d’ailleurs des propositions à faire pour réduire les gaz à effet de serre, et préserver la biodiversité. Parce que finalement, l’écologie, le climat, c’est l’affaire de tous. Je défends l’idée qu’on ne peut pas s’en remettre aux autres. On ne peut pas dire que la lutte contre le dérèglement climatique, ça doit uniquement viser le transport par camions, ou les voitures, ou les centrales. Tout le monde doit se sentir concerné, tout le monde peut agir, et c’est l’action de tout le monde qui permettra d’avoir des résultats. Après, des sujets auxquels nous n’avons pas pensé surgiront peut-être dans le grand débat. Ce grand débat, c’est une bonne occasion de discuter avec les Français qui veulent de l’écologie, mais aussi de la démocratie. On m’a souvent dit que ces sujets étaient secondaires, qu’il fallait d’abord traiter l’économique, le social, éventuellement l’écologique. Mais que tout ce qui est institutionnel n’intéresse pas les gens. Le mouvement des Gilets jaunes a montré l’inverse.

Vous étiez un Gilet jaune avant l’heure…

Non. Mais quand j’ai rencontré quelques-uns des Gilets jaunes, j’ai constaté que ces questions étaient importantes. La seule façon de résoudre les difficultés, les contradictions, les conflits même qu’il peut y avoir autour de l’écologie, c’est par la démocratie. Certains se demandent s’il ne faudrait pas un régime autoritaire pour faire avancer des idées écologiques. J’y suis défavorable, par principe, et parce que, sur le fond, on n’a pas d’autre choix pour faire avancer l’écologie que de le faire par des débats, des arbitrages, des compromis, des discussions. Ce qu’il faut, ce sont des changements profonds et durables, donc il faut qu’ils soient progressifs. Seule la démocratie permet de décider les objectifs qu’on se donne, la vitesse pour les atteindre et les moyens plus ou moins contraignants que l’on mobilise.

Il a quand même fallu un fort mouvement populaire pour en arriver au débat. On aurait pu imaginer, comme avec le Grenelle de l’environnement en 2007, commencer ce quinquennat par une grande concertation.

Le Grenelle de l’environnement, auquel j’ai participé comme député, n’était pas vraiment un moment de débat avec la société mais un moment de négociation. Comme lors du Grenelle de Mai 68, il s’agissait d’une grande négociation nationale sur les questions environnementales. Par ailleurs, l’environnement constitue l’un des sujets sur lesquels on organise le plus de débats. Des débats publics, des consultations, des assises, sur l’agriculture et l’alimentation, sur la mobilité, etc. Et, pour autant, ça n’empêche pas un mouvement comme celui des Gilets jaunes.

Mais le débat sur l’alimentation — les États généraux de l’agriculture et de l’alimentation — a suscité tellement de déception que beaucoup de personnes se disent qu’en jouant le jeu du débat, ça n’avance pas à grand-chose…

Sur ce grand débat, le président s’est engagé par une lettre, c’est-à-dire par un écrit, qui reste. Dans deux mois, les gens pourront nous demander : « Quelles conclusions tirez-vous de la concertation ? » Mais ça ne suffira sans doute pas à aplanir le doute et la crainte d’un certain nombre de gens quant à l’utilité du débat.

Pour y arriver à ce moment où on remet beaucoup de choses sur la table, il a fallu un mouvement populaire, qui d’ailleurs n’est sans doute pas fini.

Nous ne sommes pas le seul pays traversé de crises ou de secousses. La Grande-Bretagne n’est toujours pas sortie de la crise ouverte par le Brexit. L’Italie a subi une secousse lors des dernières élections avec une coalition du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue du Nord… En France, on n’agit bien souvent que dans des situations de crise, quand le problème devient incontournable. C’est d’ailleurs un problème supplémentaire en matière d’écologie, où il faut sans cesse anticiper, notamment sur les conséquences du dérèglement climatique. Beaucoup de gens, dans la sphère politique mais aussi dans la société, se disent : « Oui, d’accord, mais on pourra voir ça plus tard. » C’est ce que nous voulons éviter.

N’est-ce pas surtout dans le gouvernement qu’il y a des résistances ? Quand Nicolas Hulot a démissionné fin août, il a exprimé sa déception par rapport au gouvernement et au poids des lobbies dans la détermination des politiques.

Cela ne m’a pas échappé.

Donc la force de résistance à l’écologie ne se trouve pas que dans la société, elle est aussi dans le gouvernement.

J’ai accepté de relever ce défi, pas parce que c’était facile. J’avais d’autres responsabilités, j’étais président de l’Assemblée nationale, 4e personnage de l’État. Devenir ministre de la Transition écologique n’était pas la voie de la facilité. Je fais le choix de me battre dans la durée. J’ai trois ans devant moi ; en trois ans, on peut obtenir des résultats. Je connais les lobbies. La politique, ce n’est pas le bien contre le mal, avec le bien qui triomphe toujours à la fin.

Quels sont les trois lobbies auxquels vous êtes le plus confrontés d’après vous ?

Les gens pensent souvent que les lobbies sont des groupes un peu secrets qui défendent des intérêts privés dans l’ombre. Mais les lobbies les plus puissants sont ceux qui réussissent à convaincre une grande partie de l’opinion. Dans le domaine de l’énergie, l’acteur qui pèse le plus lourd, c’est EDF. C’est une entreprise qui a beaucoup de salariés, qui produit la majorité de l’électricité que nous consommons, mais aussi à laquelle les Français sont attachés. Quand EDF parle, les Français écoutent avec attention et peuvent même être convaincus. Pour autant, l’intérêt général n’est pas toujours aligné sur l’intérêt d’EDF, et c’est normal. Il faut donc parfois mener des bras de fer, y compris avec une grande entreprise publique.

Deuxième lobby…

Je ne vais pas faire une liste !

Si vous les connaissez, il faut le dire !

Je vais vous donner un autre exemple. Lors des négociations européennes sur les émissions CO2 des voitures, mon prédécesseur avait constitué une coalition d’États européens qui s’étaient fixé une baisse de 40 % des émissions de CO2 d’ici 2030. J’ai pris mes fonctions peu avant un Conseil des ministres européens de l’Environnement qui devait adopter une position sur le sujet. Au même moment se tenait le Salon de l’automobile en France, et le président de la République avait organisé une réunion à l’Élysée avec des responsables des grandes entreprises françaises et européennes. Le lobby de l’automobile…

C’est ce qu’on comprend.

Oui, mais les constructeurs automobiles n’ont pas mené d’action ciblée avec des relais de communication, des relais politiques, syndicaux pour nous pousser à abandonner notre position à moins 40 %. Le sujet a été évoqué, mais il n’y a pas eu de pression monumentale. Nous avons tenu le coup, avec les autres ministres européens ambitieux. Donc, les lobbies ne sont pas forcément ceux qui font la loi.

Tout n’est pas si simple. Dans un autre registre, la chasse. Le lobby de la chasse existe, il ne s’en cache pas. Ils expriment leur point de vue, ils demandent à rencontrer les politiques, ils ont un lobbyiste payé en permanence…

Qui rencontre d’ailleurs le président de la République.

Qui rencontre différents responsables politiques. Une des premières décisions que j’ai eues à prendre après mon arrivée a été de signer des arrêtés sur les chasses dites « traditionnelles ».

Chasse à la glu et piégeage d’oiseaux…

Je suis le premier ministre de l’Environnement depuis très longtemps qui ait restreint les quotas de chasse. Ceux qui sont contre les chasses traditionnelles me critiquent parce que je ne l’ai pas interdite purement et simplement. Et les chasseurs m’en veulent parce que j’ai restreint les quotas de prises.

Il y a aussi eu la baisse du permis de chasse, et un arrêté prolongeant la période de chasse des oies cendrées. Donc, on ne peut pas dire que le gouvernement résiste au lobby de la chasse.

Je donne moi-même cet exemple, je ne vais pas faire comme si ça n’existait pas ! Pour autant, contrairement à ce que pensent certains, les politiques ne sont pas soumis aux lobbies pieds et poings liés. Et si on faisait un référendum, il y aurait sans doute une majorité de Français pour interdire la chasse.

D’après les derniers sondages, moins d’une personne interrogée sur cinq est favorable à la chasse.

Pour autant, faudrait-il l’interdire ? C’est le débat démocratique qui permet de choisir. La meilleure réponse aux lobbies est de mettre les choses sur la table. Sur les oies cendrées, on met en place un système de gestion adaptative des espèces, c’est-à-dire qu’on va regarder, avec des scientifiques, espèce par espèce, celles qui peuvent être chassées ou pas, en fonction de leur état de conservation. Or, la population d’oies cendrées est en croissance.

On ne va pas s’en plaindre !

Attention à tout ramener à des symboles. Derrière l’oie cendrée, beaucoup de gens ne voient pas la question de la biodiversité, mais la question de la chasse. Chaque fois qu’il y aura un arrêté sur la chasse, il y aura des gens pour en faire un symbole, sans se préoccuper si l’espèce est en bon état de conservation ou pas.

Un autre lobby de deux millions de citoyens, « l’Affaire du siècle », soutient un recours contre l’État pour inaction climatique. Le gouvernement lui prêtera-t-il une oreille aussi attentive qu’aux autres lobbies ?

J’espère que les associations qui ont déposé le recours vont faire entendre la voix de l’écologie dans le grand débat. En effet, les lobbies peuvent prendre plus de place que ce qu’ils représentent réellement dans la société. Il y a aussi les « grandes gueules du conservatisme », qui disent qu’il ne faut rien changer, parce que sinon l’économie va mal se porter, parce que ça va être injuste socialement…

Ces voix doivent trouver en face des voix fortes pour l’écologie. Je le ferais en tant que ministre, mais ce sera plus fort si je ne suis pas seul, s’il y a de la pluralité. Un des intérêts de ce débat, c’est de remettre de la pluralité et de la diversité de points de vue, alors que beaucoup de gens voudraient faire croire que c’est LE peuple contre les décideurs et les élites politiques, et que LE peuple a toujours une voix univoque. Non, le peuple est divers, il est constitué de gens qui ne pensent pas tous la même chose, et parfois les mêmes personnes sont traversées de contradiction, notamment sur les sujets écologiques.

La France est très en retard sur ses objectifs climatiques et d’économies d’énergie. La stratégie nationale « bas carbone » prévoyait de « renforcer le prix du carbone » et de « fixer une trajectoire jusqu’en 2030 ». Elle est donc très fragilisée par l’annulation de la hausse de la taxe carbone. Comment remplir l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans ce contexte ?

Faire un recours contre l’État pose un problème de fond : ce n’est pas tant à l’État de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, c’est au pays tout entier.

Mais c’est l’État qui met en place les politiques publiques pour réduire les émissions !

Prenez le tabagisme. L’État met en œuvre des politiques, mais à un moment donné, ce sont les gens qui décident d’arrêter de fumer ou pas.

Mais l’État a une forte responsabilité : l’État pousse pour le « grand contournement ouest » (GCO) de Strasbourg, qui va générer plus de trafic, l’État donne son feu vert à l’autoroute Toulouse-Castres, l’État appuie le triangle de Gonesse… ce ne sont pas les gens qui le demandent !

Détrompez-vous ! On ne fait pas baisser les émissions de gaz à effet de serre dans un tribunal, parce qu’un tribunal est fait pour trancher des litiges, pour faire appliquer une loi, pas pour dire quels doivent être les objectifs et les moyens d’une politique.

Avec l’accord de Paris, nous nous sommes engagés à maintenir le réchauffement climatique sous les 2 °C.

Oui, mais l’accord de Paris donne des objectifs, pas les moyens pour y parvenir. Le seul moyen qu’il propose est de donner un prix au carbone. C’est ce que nous avons fait ! Mais dès qu’on met en place la taxe carbone, ça suscite des résistances dans la société. On est le 3e pays d’Europe qui a la taxe carbone la plus élevée, à 44,5 € la tonne de CO2.

Quand le Président écrit dans sa lettre qu’on ne reviendra pas sur ce qu’on a mis en œuvre depuis le début du quinquennat, c’est y compris sur ce sujet-là : on ne reviendra pas sur la tonne de CO2 à 44,5 €. Pour la suite, il faudra réfléchir : à quoi affecter les fonds de la taxe carbone, est-ce avec plus de redistribution sociale, avec un rythme moins rapide… Je mettrais tout sur la table, afin d’en discuter avec les gens pour voir ce qui est acceptable ou pas. Et quand il faudra trancher, ceux qui sont aux responsabilités prendront les décisions.

Quant aux autres sujets, je souhaite qu’on regarde politique par politique, investissement public par investissement — avec le soutien du Haut Conseil pour l’action climatique — la cohérence globale de l’ensemble de notre action.

Pourquoi laissez-vous faire le triangle de Gonesse ?

Je réponds d’abord sur le GCO de Strasbourg. C’est un des premiers sujets que j’ai eu à traiter quand je suis arrivé. Le GCO n’est pas une infrastructure routière pour créer du trafic en plus, mais pour se substituer à une autre infrastructure routière. Actuellement, l’autoroute A35 traverse Strasbourg, avec un très fort trafic au cœur de la ville. Depuis des années, des élus, des citoyens souhaitent qu’une partie de ce trafic soit reportée sur une infrastructure de contournement, avec un péage.

Mais de nombreux chercheurs estiment que le GCO va devenir « un couloir à camions européen ». En prétendant régler le problème de Strasbourg, le GCO risque d’amplifier la pollution et les émissions de gaz à effet de serre à toute la plaine d’Alsace. Pourquoi laisser le feu vert au GCO ?

Honnêtement, on peut en parler longtemps. Je connais bien le sujet des transports parce que j’en étais responsable pendant sept ans à Nantes, en tant qu’élu municipal. Depuis les années 1970, il y avait un projet d’autoroutes urbaines qui devaient converger devant le château des ducs de Bretagne. Cette folie a été stoppée, un contournement a été fait. Et en 2001, les dernières voies qui avaient un statut autoroutier sont devenues des voies urbaines. C’est la démarche qu’on mène à Strasbourg.

Les contournements autoroutiers, c’était il y a quinze ans. En 2019, l’important, c’est d’arrêter le développement de l’automobile.

Donc, des autoroutes urbaines comme à Strasbourg ! L’autoroute A35 qui traverse Strasbourg doit devenir une voie urbaine pour les transports en commun, les vélos…

Dans sa lettre aux Français, le Président a réitéré son engagement contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité. Mais, dans le même temps, le préfet du Val-d’Oise a déclaré d’utilité publique l’aménagement du triangle de Gonesse, qui entraînera la bétonisation de 280 ha de terres agricoles fertiles, pour construire un centre commercial (EuropaCity). N’y a-t-il pas une contradiction ?

Le triangle de Gonesse est un projet d’urbanisme, certes sur des terres agricoles, mais ce n’est pas une forêt vierge non plus ! Ce sont des terres où l’on cultive des céréales, pas en agriculture biologique d’ailleurs.

Mais il existe un projet alternatif centré sur le développement de l’agriculture biologique aux portes de la capitale.

Quand je suis arrivé, il y avait ce dossier sur la table. J’ai dit aux porteurs du projet qu’il fallait absolument qu’ils revoient leur projet. Ils ont commencé à le faire : la fameuse piste de ski indoor a été abandonnée.

Pour le projet dans son ensemble, il me semble devoir mélanger l’habitat, le travail, les activités économiques, les commerces, les loisirs et la culture, et ne pas être uniquement à dominante commerciale et de loisirs. Il faudrait aussi continuer d’avoir de la production agricole dans une logique de circuit court, du maraîchage, des fermes urbaines. Et une desserte qui soit en transport en commun, et pas uniquement par autoroute. Bref, les discussions se poursuivent sur ces bases-là.

Vous disiez que les gens n’étaient pas d’accord avec la taxe carbone. Ce qu’on entend surtout, c’est un sentiment d’injustice : seuls 20 % des fonds de la taxe carbone vont à la transition écologique ; le kérosène n’est pas taxé, l’impôt sur la fortune a été supprimé…

Ne mélangeons pas tout, l’impôt sur la fortune n’a rien d’écologique.

C’est une question de justice sociale. Les gens se demandent pourquoi ils paient leurs impôts alors que les services publics de détériorent, que les petites lignes ferment. Que leur répondez-vous ?

On n’a jamais autant investi dans le transport ferroviaire que pendant ce mandat, notamment dans les zones urbaines denses comme l’Île-de-France. On investit aujourd’hui en province, dans les « trains d’équilibre du territoire ». L’État a engagé le renouvellement complet de tout le matériel roulant. Trois milliards et demi d’euros, ce ne sont pas des petites sommes. Bien sûr, on peut toujours faire plus. C’est d’ailleurs un des objectifs de la réforme sur le ferroviaire menée l’an dernier. C’est le sens de l’ouverture à la concurrence des lignes Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux, qui n’intéressaient plus personne depuis des années, ni l’État, ni la SNCF, ni les collectivités locales. Sur la ligne Nantes-Bordeaux, faute d’investissement, il y a des portions sur lesquelles les trains ne circulaient plus qu’à 50 km/h. Le but, c’est que ce soit moins cher et de meilleure qualité, et donc qu’il y ait plus de gens à prendre le train ! Et il n’y a pas que la taxe carbone non plus comme levier sur le climat.

Il y a aussi la taxe sur le kérosène par exemple ?

Il faut tout passer en revue, sur tous les modes de transport. Avec Élisabeth Borne, nous avions plaidé pour une « vignette poids lourds », pour faire contribuer les camions, notamment ceux qui ne font que traverser la France. On va continuer à y travailler. Tous les modes de transport émetteurs de CO2 doivent contribuer.

Sur l’aérien, je suis favorable à ce qu’on révise la Convention de Chicago au niveau international. Elle a été adoptée en 1944, à une époque où personne ne parlait de changement climatique. La taxe sur le kérosène peut être un des sujets des élections européennes à venir. La taxation doit se faire à l’échelle européenne parce que si on ne le fait qu’à l’échelle franco-française, il y aura des effets de fuite.

L’Allemagne ou la Suisse l’appliquent déjà sur les vols intérieurs.

Oui, mais en France, il y a 54 % de taxes pour un billet de vol intérieur. Donc, si on met une nouvelle taxe, les compagnies aériennes qui font Paris-Nice ou Nice-Nantes, iront dans un autre pays européen faire le plein sans payer. C’est ce qui se passe sur le transport routier. Il faut que l’effort soit partagé, que chacun prenne sa part. Je voudrais qu’on puisse aussi récompenser ceux qui font des efforts. Si on reprend l’exemple du tabagisme, celui qui s’arrête de fumer a un bénéfice personnel, au-delà du bénéfice pour la collectivité. Tandis que celui qui s’arrête d’émettre du CO2 n’en retire pas ou peu de bénéfice personnel. La taxe est une méthode contraignante, dissuasive, il faudrait également un moyen positif, incitatif. Comme un compteur carbone. Pourquoi ne pas mettre en place un dispositif expérimental avec une récompense pour ceux qui font des économies d’énergie, ceux qui émettent moins de CO2 ? Des volontaires pourraient s’engager à changer tel ou tel comportement afin de réduire leurs émissions, et être récompensés pour cela. Il faudrait qu’on puisse le faire à terme pour des particuliers comme pour des entreprises.

C’est une de vos propositions pour le « grand débat » ?

Oui, et je veux proposer au gouvernement un dispositif qui pourrait commencer dès cette année sur une base volontaire. La question de la justice sociale, on la retrouve aussi là.

(…)

Les travaux illégaux de construction d’un barrage ont repris début janvier au lac de Caussade, malgré un arrêté préfectoral pris en décembre contre les travaux et une décision du tribunal administratif. Pourquoi l’État ne fait-il rien pour préserver cette zone riche en biodiversité ?

À la fin de l’année dernière, les deux ministres de l’époque, Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, et moi-même nous avons désavoué la préfète du département, qui avait autorisé le barrage de Caussade contre l’avis de sa hiérarchie. Donc l’État n’a pas laissé faire.

Pourquoi alors les travaux continuent-ils ?

Nous sommes devant des gens qui, là aussi, font la politique du coup de force. Dans le contexte d’un pays en proie à des mouvements de protestations, et où les forces de l’ordre sont très sollicitées.

Nous avons donné des instructions, moi avec le préfet. La justice est saisie. Et nous allons continuer : il y a des systèmes d’astreinte financière pour non-respect de décisions de justice et de décisions de l’État que nous allons enclencher. Ce qui se passe est inacceptable.

Mais mon rôle de ministre de l’Écologie n’est pas simple. Il y a trop de gens qui, depuis trop de temps, se sont habitués à s’arroger le droit de faire ou de ne pas faire, sans passer par l’État et la loi. Il faut faire valoir la voix de l’intérêt général porté par des décisions politiques : le droit doit s’appliquer, y compris par la force s’il le faut.

Sur le fond, nous devons travailler sur la gestion et le stockage l’eau. Dans le grand sud-ouest, les déficits en eau sont colossaux, et vont en s’aggravant. C’est une manifestation concrète du dérèglement climatique. Aujourd’hui, cela pose des problèmes pour l’agriculture, demain, nos concitoyens pourraient être soumis à des restrictions de consommation d’eau potable. D’où la nécessité d’une politique d’adaptation au changement climatique. Et tout le monde doit se remettre en question : les agriculteurs sur leurs pratiques culturales, les naturalistes qui ne peuvent pas continuer à dire qu’il faut laisser le cours naturel de l’eau. Parce que si on laisse faire, cela signifie des sécheresses potentielles, avec des dégâts colossaux pour la biodiversité.

Caussade est un exemple négatif. Il nous faut une écologie positive avec des exemples concrets qui peuvent servir. Ce qui s’est passé autour des retenues d’eau dans les Deux-Sèvres, un conflit résolu par la discussion, par le compromis, peut être un bon exemple à suivre.

Etxeleku, Xamar, Intxaurrandieta eta Moreno mintzatuko dira Donapaleuko Otsail Ostegunetan

www.argia.eus/albistea/etxeleku-xamar-intxaurrandieta-eta-moreno-mintzatuko-dira-donapaleuko-otsail-ostegunetan

1997an abiatuz geroztik, urtero Otsail Ostegunak antolatzen ditu Amikuzeko Zabalik elkarteak Donapaleun. Aurtengo edizioan Maialen Moreno Zubeldia, Juan Karlos Etxegoiean “Xamar”, Ainhoa Intxaurrandieta eta Iñaki Etxeleku mintzatuko dira, lehen ostegunetik azkenera. Eta otsaila burutzeko, 24an Libertimendua egingo dute Donapaleuko plazan.  Hitzaldi guztiak Donapaleuko Auzitegi karrikan den herri elkargoko gelan izango dira. Zabalik elkarteko antolatzaileek diotenez, “lau ostegun, lau hitzaldi, arratseko 8ak30etarik 11ak arte, tragoa eta bere bixkotxa barne. Formula ezagutzen duzue engoitik, euskaratik eta euskaraz bizitzeko nahikariak bultzaturik antolatzen dugun hitzordua…”.

 

Otsailaren 7an Maialen Moreno Zubeldia filologo eta itzultzaileak “Irri ixtorioak: gure ahozko literaturatik” izango du mintzagai. Lapurdin, Baxe Nafarroan eta Zuberoan 2009-2010 urte bitartean herri kontakizunen bilketa metodiko bat egin zuen Maialen Moreno Zubeldiak. Herriz herri jendearen ahotik atera kontakizunak bildu eta gero horiek transkribatu, sailkatu, eta aztertu zituen. Kontakizunen gauko eguneko corpusa osatu nahi izan du. Bilketa hori egiteko zein metodologia erabili duen eta kontakizunak aztertzeko jarraiki oinarriak azalduko ditu hitzaldian, nola heldu zen jendearengana eta nola atera zuen informazioa, zeregin horretan aurkitu mugak…

14an Xamar ariko da; “Etxera bidean” hitzaldian. “Xamar (alias Juan Karlos Etxegoien) –aurkezten dute Zabalik elkartekoek– ezagutzen dugu euskarazko dibulgazio liburuen bidez : ‘Orhipean’ eder hura, ‘Orekan’ hizkuntzen ekologiaz ari zena, ‘Euskara jendea’ liburu eta dokumentaletan dena, eta ‘Etxea’ argazki ederrez hornitua. Baina ezagutzen dugun Xamar euskaldun honek, beste bizi bat izana du lehenago. Frankismo beltzean sortua, Aezkoa hotzeko Garralda herrian, gaztean ez zekien euskara bazenik ere. Guk ere  badakigu hortaz zerbait: ia bi belaunalditan hizkuntza desagertu da bizitza sozialetik. Jakobinoen pean, maltzurkiago agian, baina frankismo pean egunetik gauera, debeku latzaren pean”.

Otsailaren 21an Ainhoa Intxaurrandieta konbidatu dute Hegoaldean eta batik bat Gipuzkoan hainbat herritan aurkeztu duen “Angula ustelak” Amikuzen aurkeztera, alegia, Gipuzkoan EAJk eta PSEk abiatua zuten Zubietako lehenbiziko erraustegiaren inguruan Bilduko agintariek aurkitu zutena… eta hura gelditu izanagatik sufriarazten ari zaizkiena: “Zineman dira ikusten –diote Zabaliketik– gisa hortako ixtorioa : intriga eta azpijokoak, jukutria ilunenen gordetzeko ordinagailuak ixilka hustea, gaiak epaitegira desbideratzea politiko debate sanoaren itxurak eginez… Ainhoa Intxaurrandietak eta Iñaki Errazkinek beren larruan bizi dute gisa hortako serie txarreko gertakarien arrosarioa”.

Azken ostegunean, otsailak 28, Iñaki Etxelekuk aurkeztuko du “ZAD-a bizi dutenen ahotik” bere liburua. “Nola bizi, ekoiztu eta trukatu kapitalismoaren kontsumo eta alienazio legeetarik bereiz? Nola kudeatu egunerokotasuna eta gatazkak, larderiarik gabe, delegazio alderdikoietarik aparte, demokrazia zuzenean eta berdintasunean? Eta, beste mundu posible baten promesa dakarren esperientzia hori haustera etorriko den estatuaren indarrari aurre egiteko, nola antolatu erantzun azkar eta eginkorrak? Iñaki Etxeleku ZADen egon da, eta han direnei galdetu die. Jendeak lañoki erantzuten du, argitasun harrigarriaz. Sentitzen dutenaren gibelean sumatzen dira hausnarketa asko eta sakonak, eta laguntza handikoak dirateke ezker iraultzailearen etorkizunaz grinatzen direnentzat. Bai eta ZADeko bizipen kolektibo eta militante horiek hurbilagotik ezagutuz, autonomiaren eta autogestioaren nondik norakoak hobeki ulertu nahi dituenarentzat ere”.