Articles du Vendredi : Sélection du 18 décembre 2015

L’OMC contre le climat ?

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France, auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, Anthropocène, 2015)
www.alterecoplus.fr/tribunes-debats/lomc-contre-le-climat-201512181753-00002795.html

Accord de Paris sur le climat : tout reste à faire pour qu’il devienne historique

RAC
http://macop21.fr/accord-de-paris-sur-le-climat-tout-reste-a-faire-pour-quil-devienne-historique-2/

COP21: Parisko Akordioa engainua da

ELA – Ingurumen Buletina

COP21 : Laurence Tubiana :«L’accord doit être une prophétie autoréalisatrice»

Christian
www.liberation.fr/planete/2015/12/17/cop21-l-accord-doit-etre-une-prophetie-autorealisatrice_1421547

L’OMC contre le climat ?

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France, auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, Anthropocène, 2015)
www.alterecoplus.fr/tribunes-debats/lomc-contre-le-climat-201512181753-00002795.html

« Nous devons faire du commerce un allié dans la lutte contre les changements climatiques. » Ainsi s’est exprimé Roberto Azevedo, le directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), dans une tribune publiée dans Les Echos le mardi 14 décembre, à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau sommet de l’OMC à Nairobi, au Kenya. Objectif mentionné ? Générer un « un cercle vertueux des politiques commerciales et environnementales, pour promouvoir la production et la consommation durables tout en favorisant la croissance et le développement ». Cette approche a un nom, la « théorie du soutien mutuel ».

Vieille théorie

Cette théorie n’est pas nouvelle : depuis plus de cinquante ans, l’OCDE explique qu’il n’y a pas de contradiction entre l’expansion du commerce mondial, les politiques de croissance et la protection de l’environnement. La libéralisation des échanges assurerait à la fois la croissance de la production et la protection de l’environnement : l’innovation technologique « verte » serait rendue universellement disponible par l’accès aux marchés mondiaux. C’est le principal argument utilisé par Roberto Azevedo : « un accord sur les biens environnementaux contribuerait à diffuser des technologies de pointe (…) à un coût beaucoup plus bas ».

Au sein de l’OMC, le respect des règles commerciales l’emporte sur l’urgence climatique et sur l’urgent déploiement des énergies renouvelables

Sur le plan théorique, on distingue généralement trois effets de l’ouverture du commerce mondial sur l’environnement : un effet d’échelle correspondant à l’accroissement de la pollution liée à l’augmentation de l’activité économique ; un effet de composition provenant de la spécialisation des économies qui modifie la part relative de chaque secteur dans l’économie ; un effet de technique lié à la mise à disposition de méthodes de production (supposées) moins polluantes. L’effet net résulte de la somme de ces trois effets. Les études disponibles tendent à montrer que l’effet d’échelle – l’accroissement des émissions liées à l’augmentation de la production – l’emporte sur l’effet de technique, notamment lorsqu’il s’agit de pays qui ne sont pas membres de l’OCDE.

Chacun sa priorité

Roberto Azevedo s’appuie donc sur une théorie discutable pour justifier la poursuite de la libéralisation du commerce et sur des normes qui sont, elles, jugées indiscutables. L’Ontario, province du Canada, n’a-t-il pas dû revoir à la baisse l’ambition de son plan de soutien aux énergies renouvelables, jugé par l’Organisme des Règlements des différends de l’OMC trop favorable aux entreprises de la province au détriment des multinationales japonaises, européennes et américaines (Affaire DS412) ? Au sein de l’OMC, le respect des règles commerciales l’emporte sur l’urgence climatique et sur l’urgent déploiement des énergies renouvelables. Chacun sa priorité.

Il y aurait pourtant une mesure relativement simple pour faciliter l’accès aux technologies vertes : que les droits de propriété intellectuelle (DPI) portant sur les technologies et techniques nécessaires et appropriées aux besoins des populations en matière de lutte contre les dérèglements climatiques soient levés. C’était une des options – finalement supprimée – du texte de négociation de la COP21 que de fournir des ressources aux pays qui en ont besoin pour lever les barrières générées par les DPI. Là aussi, le droit commercial a primé sur l’urgence climatique : loin de faciliter la mise à disposition de ces technologies, les règles du commerce international limitent leur diffusion aux acteurs économiques en mesure de rémunérer les brevets déposés par les firmes qui les détiennent.

Alors que le fret, déjà responsable de 10 % des émissions mondiales1, pourrait augmenter de 290 % d’ici à 2050, il devient urgent que les règles et principes d’organisation de l’économie mondiale et du commerce international soient soumises à l’objectif climatique. Les Etats ne l’ont malheureusement toujours pas mise à l’ordre du jour de l’OMC.

  1. Michel Savy et al., Le fret mondial et le changement climatique, La Documentation française / Centre d’analyse stratégique,« Rapports et documents», 2010

Accord de Paris sur le climat : tout reste à faire pour qu’il devienne historique

RAC
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L’accord international sur le climat, signé par 195 pays le 12 décembre 2015 au Bourget, était un point de départ indispensable vers une action coordonnée et renforcée de tous les États face aux changements climatiques. Mais tout reste à faire pour enrayer la crise climatique. L’accord constitue un cadre de travail, plutôt qu’un plan d’action. Il fixe un cap ambitieux, mais les moyens restent à déterminer pour y parvenir.

Pour que l’accord, qui entrera en vigueur en 2020, se traduise par une accélération de la transition énergétique mondiale, il va falloir que tous les États adoptent rapidement des plans d’action renforcés en matière d’énergies renouvelables, d’économies d’énergie, de transport propre, d’agroécologie, etc. Il faut aussi que l’ensemble des flux financiers, publics et privés soient, sans plus attendre, redirigés vers la transition énergétique et l’adaptation aux impacts existants et à venir, y compris vers les pays les plus pauvres.

Un accord inédit, une étape politique importante

La COP21 s’est terminée sur l’adoption de deux textes principaux : l’accord international de Paris contre le changement climatique, annexé à une décision de la Conférence des Parties (COP, soit l’ensemble des pays membres de la Convention de l’ONU sur le climat). Les deux textes n’ont pas le même statut juridique. L’accord de Paris présente une certaine contrainte juridique et surtout il pose le cadre, structurel, pour la lutte contre le changement climatique sur le long terme. Les décisions de COP sont prises chaque année et organisent l’action des pays à plus court terme.

La signature de l’accord de Paris est une étape inédite pour le multilatéralisme : c’est la première fois qu’un accord sur les changements climatiques est signé par 195 pays membres de la Convention de l’ONU sur le climat. C’est aussi la première fois que plus de 150 chefs d’Etats se déplacent pour une réunion internationale autre que l’Assemblée Générale annuelle des Nations Unies. C’est aussi la première fois que tous les pays de la planète se fixent des objectifs en matière de lutte contre le changement climatique et sont arrivés au sommet préparés, à la très grande différence du sommet de Copenhague. Quelles que soient le détail des décisions prises, il faut espérer que cette dynamique politique et citoyenne continue pour permettre d’accélérer la transition et l’action face à l’état d’urgence climatique.

Un cap de long terme pour guider l’action des États et des investisseurs

Le cap fixé par l’accord de Paris est ambitieux. Si cet accord se traduit en actes, cet horizon signifie ni plus ni moins tourner le dos aux énergies fossiles au niveau mondial d’ici le milieu du XXIe siècle. Et donc, opérer une transformation rapide de notre système de production et de consommation d’énergie au cours des 35 prochaines années. Cette transformation rapide est encore plus nécessaire dans le contexte où les 195 pays de la Convention Climat de l’ONU visent désormais une limitation de la hausse de la température “bien en deçà de 2°C”, en faisant tous les efforts pour la maintenir “en deçà de 1,5°C”. C’est un renforcement du seuil de hausse de la température tel qu’il avait été acté à Copenhague (2009) et à Cancun (2010), puisque celui-ci portait sur un objectif de 2°C.

L’objectif de long terme pour la planète, défini dans l’accord, n’est pas seulement de limiter le réchauffement bien en deçà de 1.5 ou 2°C, mais d’atteindre « l’équilibre entre puits anthropiques et émissions de gaz à effet de serre pendant la seconde moitié du siècle (…) conformément aux meilleures données scientifiques disponibles ». Concrètement, cela veut dire zéro émissions (nettes) de gaz à effet de serre (CO2, méthane, HFC, etc.) le plus tôt possible après 2050 (autour de 2060-2080). Ce qui implique de ne plus émettre de CO2 lié à l’utilisation d’énergies fossiles dès 2050, et de laisser 80% environ des combustibles fossiles dans les sols. Il n’y a d’autre chemin pour y parvenir que de viser un horizon fait de 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050, rendu possible par des économies d’énergie à tous les niveaux. Cela exigera aussi des transferts financiers et technologiques pour que les pays les plus pauvres puissent accéder, eux aussi, à cette transition.

Dans la réalité, ces deux caps soulèvent beaucoup de questions : comment respecter cette limite ambitieuse alors même que les engagements actuels sont complètement hors des clous ? comment comprendre le cap fixé par l’accord et éviter l’entrée massive de fausses solutions pour y arriver. C’est aujourd’hui que commence la bataille d’interprétation de l’accord de Paris.

Par ailleurs, la formulation de l’horizon de long terme choisie par les pays dans l’accord fait peser un risque important. Elle n’exclut pas les fausses solutions au problème climatique, comme le nucléaire, le stockage et captage de CO2, la séquestration du CO2 dans les sols via des pratiques agricoles intensives en intrants et en capital. Des sols appartenant jadis à des populations vulnérables, privées de leur terre et donc de leur principal moyen de survie au profit d’entreprises devenues des spécialistes du marché de la séquestration du carbone.

 

L’accord ne crée pas d’obligation pour revoir à la hausse les engagements actuels des États, qui ne sont pas dans les clous

Au regard de ces caps ambitieux, les engagements déjà annoncés par la quasi-totalité des États du monde pour la période après 2020 sont encore loin du compte : lorsqu’on les additionne, ces engagements pourraient réchauffer la planète de 3°C ou plus, au lieu des 1,5 ou 2°C fixés dans l’accord. Par dessus le marché, les efforts déjà engagés par les pays développés d’ici à 2020 sont très insuffisants et il n’a pas été question de les rehausser.

C’est pourquoi les États devront impérativement revoir leur copie dans les 2-3 années qui viennent, sans attendre l’entrée en vigueur de l’accord, en 2020. L’institut Climate Interactive estime que les pays développés devront porter collectivement leurs objectifs de réduction d’émissions à -45% minimum à horizon 2030 (en moyenne). C’est indispensable pour envisager une limitation du réchauffement à +1,8°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Le principal défaut de l’accord de Paris est qu’il ne prévoit pas de relever les engagements nationaux avant 2025. Soit dans dix ans ! Les 195 pays membres de la Convention de l’ONU sur le climat se sont limités à fixer un nouveau point de rendez-vous en 2018, dans le cadre d’un “dialogue facilitatif”. L’accord de Paris laisse donc au bon vouloir des États la possibilité de revoir leurs engagements d’ici là, alors que la science impose de revoir ces engagements à la hausse très rapidement.

2025, c’est bien trop tard pour revoir les engagements des États à la hausse

Nous n’avons plus le temps d’attendre. La lutte contre les changements climatiques est désormais une course contre la montre.

Il serait inconcevable que les États ne revoient pas à la hausse leurs engagements nationaux d’ici à 2018. Ce serait le signe que les pays ne prennent pas l’accord de Paris au sérieux.

 

Sous la pression citoyenne, le rendez-vous de 2018 doit devenir un moment politique prioritaire : celui où tous les États reviennent à la table des négociations avec des engagements revus à la hausse et, pour les pays riches, de nouvelles propositions financières pour l’après 2020. Dans son discours de clôture, François Hollande s’y est d’ailleurs engagé pour la France. Il s’est également engagé à pousser de tels engagements au sein de l’Union européenne et auprès de pays partenaires.

  • En Europe, une telle relève des engagements signifie adopter des politiques publiques qui permettront d’atteindre 40% d’économies d’énergies d’ici à 2030 et 45% d’énergies renouvelables d’ici à 2030 (dans le cadre de la traduction en directives européennes du “Paquet énergie climat 2030”). Cela porterait de facto l’effort européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre au-delà de 50% par rapport à 1990 (en sachant que l’Europe aura probablement déjà atteint environ -30% en 2030).
  • En France, cela signifie de fixer un cap ambitieux de 100% d’énergies renouvelables dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, de mettre en place un prix carbone significatif, et d’abandonner tous les projets climaticides comme le projet inutile d’aéroport à Notre Dame des Landes.

L’accord prévoit un mécanisme de révision tous les cinq ans à partir de 2025

L’accord de Paris entrera en vigueur en 2020. Il prévoit l’obligation pour les États de préparer et communiquer des plans nationaux volontaires sur le climat tous les cinq ans. Chaque nouvel engagement devra représenter une progression par rapport au précédent.

Les États qui ont déjà présenté des plans climat pour la période entre 2020 et 2025 (comme les États-Unis) devront formuler avant 2020 un nouvel engagement pour la période 2025-2030. Pour les pays qui ont pris des engagements jusqu’en 2030, l’accord leur demande de présenter avant 2020 un engagement “actualisé” ou “révisé” pour la période 2025-2030.

Les États devront également se revoir tous les cinq ans pour faire le point, ce qui informera la préparation de leur engagement pour la période suivante. Le premier bilan mondial est prévu en 2024, ce qui est très tardif. Trop tardif pour obliger les États à revoir leurs engagements déjà déposés.

La bataille sur les financements reste entière

Le deuxième gros bémol de l’accord de Paris porte sur la question des financements, pour répondre aux besoins des pays les plus vulnérables et des pays en développement.

En ce qui concerne les “financements climat” à mobiliser entre aujourd’hui et 2020, il y a eu beaucoup de contributions financières annoncées au cours de la COP21, pour rattraper le retard et rassurer les pays les plus pauvres sur l’atteinte de l’objectif déjà fixé à Copenhague : mobiliser 100Md$ par an d’ici 2020. Mais ces contributions ont été faites en marge de l’accord de Paris et des principes clé n’ont pas été inscrits dans les textes.

La COP21 n’offre pas la clarté espérée sur les volumes de financements publics qui seront mobilisés pour l’adaptation des pays pauvres aux conséquences des changements climatiques. D’après l’ONG Oxfam, seulement 16% des financements actuels vont à l’adaptation (entre 3 et 5 Md$ annuels). La demande des ONG et des pays vulnérables était d’obtenir un engagement précis des pays développés pour atteindre au moins 35Md$ pour l’adaptation (sous la forme d’argent public et de dons), au sein des 100Md$ par an promis à Copenhague en 2009. Malheureusement, à Paris, les 195 pays ont seulement décidé de “viser l’équilibre” entre adaptation et réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans préciser de chiffre dédié à l’adaptation.

Pour les engagements financiers après 2020, les ONG demandaient à ce que les pays s’engagent tous les cinq ans sur de nouveaux montants collectifs, avec un plancher de 100Md$ par an à partir de 2020. Résultat, l’accord de Paris prévoit de continuer avec les 100Md$ par an comme montant minimal, jusqu’en 2025. Les pays en développement peuvent ajouter de manière volontaire à ce montant. Un nouveau chiffre collectif (pas nécessairement à la charge des seuls pays développés) sera défini d’ici 2025. Attention, l’ensemble de ces étapes est précisé dans la décision de la Conférence des Parties attenant à l’accord. Mais l’accord lui-même (qui pose davantage le cadre et les règles de long terme) reste extrêmement flou sur les principes et les engagements financiers des États.

Le transport international échappe (une fois encore) à l’universalité de l’accord

Depuis l’adoption de la Convention de l’ONU sur le climat, le transport maritime et aérien international échappe à toute contrainte sur la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, ce secteur représente à lui seul près de 10% des rejets mondiaux de gaz à effet de serre, soit autant que les émissions de l’Allemagne et du Royaume-Uni réunis. La COP21 n’aura pas permis de rectifier le tir, puisque ce secteur a une nouvelle fois été exclu de l’accord. En ce sens, l’accord de Paris sur le climat n’est pas complètement universel.

C’est une occasion manquée d’envoyer un message fort aux deux organisations de l’ONU spécialisées dans le transport maritime (Organisation maritime internationale) et dans le transport aérien (Organisation de l’aviation civile internationale) : ces deux organisations doivent non seulement parvenir à un accord sur la réduction des émissions des avions et des bateaux. Sans quoi, le seuil de 2°C (sans même parler de celui de 1,5°C) est tout simplement impossible à tenir.

L’accord permettra-t-il aux plus vulnérables de se prémunir contre les risques climatiques ?

Les “pertes et dommages” ont fait leur entrée dans l’accord et leur existence est désormais reconnue. Ce sujet a fait son entrée dans la négociation internationale il y a quelques années : ce sont l’ensemble des conséquences (montée du niveau de la mer, typhons très violents, érosion des côtes, etc.) auxquelles il n’est pas possible de s’adapter.

Mais l’accord de Paris ne reconnaît pas que ces pertes et dommages pourraient un jour se traduire par une compensation de la part des pays historiquement responsables des changements climatiques. La décision de COP, qui accompagne l’accord, exclut spécifiquement cette compensation. C’était une ligne rouge pour les États-unis, qui ont réussi à se faire entendre. Les conséquences juridiques et à long terme d’une telle exclusion peuvent être très importantes, et nous en connaissons encore mal la portée. Heureusement, les décisions de la COP n’ont pas la même portée juridique que le traité international en lui même et peuvent donc être renégociées d’une année sur l’autre.

Les droits de l’homme, la transition juste et la sécurité alimentaire relégués dans la partie non contraignante de l’accord

La société civile internationale s’est fortement mobilisée pour que l’accord intègre des principes fondateurs à l’action climatique internationale, en particulier le respect des droits humains et des peuples autochtones, le maintien de la sécurité alimentaire ou encore la mise en place d’une transition juste pour les travailleurs.

Pourquoi ? Parce que ces principes doivent impérativement guider les politiques, mesures, investissements et choix technologiques qui seront mis en oeuvre par les gouvernements. Ils doivent permettre de s’assurer que les actions menées “au nom du climat” n’auront pas d’impacts négatifs sur les travailleurs, la planète et les populations.

Résultat : ces grands principes fondateurs, qui devraient être des prérequis à toute action des pays dans le cadre de l’ONU, sont relégués dans le préambule de l’accord. Heureusement, ils font quand même partie du traité international qui sera ratifié par les États et doivent donc se retrouver dans tous les politiques et mesures prises par les pouvoirs publics.

 

Et maintenant ?

L’accord de Paris ne garantit pas encore que le monde restera bien en dessous 2°C de réchauffement, mais il ne l’empêche pas non plus.

L’écart entre les efforts qui ont été promis et l’objectif de maintien de la hausse des températures est énorme, mais les moyens existent pour le combler. En ce sens, l’accord de Paris est un plancher et non un plafond pour la lutte internationale contre les changements climatiques.

L’action doit continuer au niveau international, national et local pour y arriver ! Heureusement, la société se bouge : près d’un million de personnes se sont mobilisées au cours des deux semaines de la COP21 ; 1,8 millions de croyants ont interpellé les gouvernements ; 1000 maires de villes du monde entier se sont engagés à soutenir un cap vers 100% d’énergies renouvelables en 2050 ; des sommes immenses sont déjà désinvesties des énergies fossiles ; les énergies renouvelables poursuivent leur essor et représentent la majorité de la capacité électrique mondiale nouvellement installée en 2014 et plus de 6 millions d’emplois ont été créés dans le monde dans ce secteur.

Les gouvernements doivent maintenant rejoindre le mouvement !

La France doit sans plus attendre prendre acte de l’objectif de long terme fixé dans l’accord, et accroître en conséquence ses ambitions en matière d’énergies renouvelables à horizon 2018 et 2023. Cela doit être fait dans le cadre de la “Programmation pluriannuelle de l’énergie” qui découle de la Loi de transition énergétique adoptée mi-2015.

L’accord de Paris ne sera crédible que s’il s’accompagne de l’arrêt immédiat des projets néfastes et climaticides dans tous les pays. En France, il faut abandonner les projets d’aéroport de Notre Dame des Landes, d’EPR de Flammaville, ou de centre de stockage de déchets nucléaires Cigéo. Il faut aussi procéder à la fermeture de réacteurs nucléaires, à commencer par ceux de Fessenheim, qui seront remplacés par des énergies renouvelables et des économies d’énergie. L’État doit également amener les entreprises dont il est actionnaire principal (Engie et EDF) à fermer leurs 46 centrales à charbon à l’étranger.

Les solutions existent avec des initiatives locales s’appuyant sur des dynamiques citoyennes comme les territoires à énergie positive, les projets citoyens d’énergies renouvelables ou encore les démarches zéro déchet. Plus que jamais, le mouvement citoyen doit s’amplifier, résister contre les politiques climaticides et incarner les solutions.

COP21: Parisko Akordioa engainua da

ELA – Ingurumen Buletina

Aurrekariak

Aurreko asteetan publiko egin genuen COP21aren aurrean ELAk zuen jarrera. Batetik, esperantzarik eza, eta bestetik gure aldarrikapen nagusiak:

– 2020rako berotegi efektuko gasen murrizketak %25 eta %40 artean egon behar dute, 2100ean planetaren beroketa 2 gradutara iritsi ez dadin. 2050rako emisioen %80a murriztu behar da.

– Energia fosilak dira emisioen iturri nagusia. Beharrezkoak diren emisio murrizketa egiteko petrolio, gas eta ikatz erreserben bi heren lur azpian geratu behar dira. Energia trantsiziorako pausuak ematea ezinbestekoa da, energia berriztagarrietan oinarrituta eta energia nuklearra behin betiko baztertuta.

– Klima aldaketa eragitean herrialde bakoitzak izan duen ardura berezitu eta aitortu behar da, eta honen arabera klima aldaketaren eraginei aurre egiteko baliabiderik ez duten herrialdeei finantzatzeko funtsera ekarpenak egin behar dituzte.

– Klima aldaketari aurre egiteko saltzen dizkiguten soluzio faltsuak albo batera utzi behar dira: karbono emisioen merkatua, REDD programak, geoingeniaritza, agroerregaiak, frackinga, energia nuklearra, transgenikoak,… Eta naturako baliabideen pribatizazio ahaleginak behin betiko geldiarazi.

– Pertsona eta bizitzaren iraunkortasuna erdigunean izango duen ekonomia eredu berri bat izateko trantsizio ekologiko eta sozialerako pausuak eman behar dira. Baliabide naturalen erabilera eraginkor eta iraunkorra, kontsumo arduratsua, hondakinen kudeaketa iraunkorra eta pertsonen eskubideetan oinarrituko den eredua da egoera honi buelta emateko alternatiba bakarra.

Parisko akordioa: edukia eta balorazioa

Orain, Parisko Akordioa sinatu denean, esan behar dugu aurten ere zoritxarrez gure aurreikuspenak bete direla. Parisko Akordioaren bozketaren irudiak ikusirik, batzuk emozioz negarrez ageri direnean, badirudi azkenean sinatu dutela behar dugun akordio lotesle eta anbiziotsua. Errealitatetik oso urrun, tamalez. Edukia ikusirik, ondorengoa azpimarratu nahi dugu:

– Akordioak ez du emisio murrizketarik jasotzen, ez orokorrik, ez herrialde bakoitzak egin beharrekorik. Hurrengo hilabetetan falta diren herrialdeek murrizketa “ekarpenak” jakinarazi behar dituzte. Lehen murrizketa konpromisoak, lotesleak zirenak, orain murrizketa ekarpen bihurtu dira, borondatezkoak. Eta orain arte ezagutzen ditugunak kontuan hartuz, planetaren tenperatura 3 gradu igoko litzateke. Egin beharreko murrizketen %20a soilik dira. Eta inongo kasuan ez dira lotesleak, borondatezkoak dira. Ez dago zigorrik ezartzeko inongo mekanismorik. Akordioak berak onartzen du ekarpen hauekin ez direla

helburuak beteko. Bestalde, orain arte 2015 urtea aipatzen zen emisioen gailurrera iristeko epea, orain ordea ahalik eta azkarren iristea dela helburua aipatzen dute; beste atzerapauso oso larri bat.

– Murrizketen ekarpenak bost urtero errebisatuko dira. 2020an indarrean sartuko dira lehen ekarpenak eta lehen errebisioa 2023an egingo da. Ez dakigu 8 urte barru zer eta nola errebisatuko den, ez baita ezer derrigorrezkorik. Ez aipatutako ekarpenak betetzea, ez eta ekarpen horiek gehiago murriztuz berritzea.

– Ez da energia fosila murriztu eta energia berriztagarriak orokortzeko aipamenik egiten. Energia hitza bi aldiz agertzen da testuan, horietako bat energia berriztagarriei eta Afrikari erreferentzia eginez, arlo hau

gainontzeko herrialdeek garatu behar ez balute bezala. Energia fosilak ez dira aipatu ere egiten. Bestalde, kontraesankorra da guztiz COP hauetan lehengai eta energia iturrien esplotazioaren mugak eta babes beharrak aipatzea, beste negoziazio sekretu batzuetan, TTIPen ingurukoan hain zuzen, lehengaien eta energia iturrien merkatuei muga guztiak deuseztatzen ari diren bitartean. Eta lotesleak diren akordioetan, gainera.

– Herrialdeen arteko ezberdintasuna aitortzen da hainbat gaietan. Baina finantziazioari dagokionez, ez da inongo diru kantitaterik jartzen ez eta exijitzen. Ahalegin handiagoa egin behar dela aipatzen da soilik, esan gabe herrialde bakoitzak zenbat ditu jarri behar dituen. Adierazpenean orain arteko helburua, urtero 100.000 milioi dolar, aipatzen da baina ez dira akordioan sinatzen.

– Soluzio faltsuetarako bidea irekitzen jarraitzen du. Garapen iraunkorrerako proiektuak bultzatuz murrizketak kontatzea ahalbidetzeko mekanismoa hartzen du bere baitan akordioak, lehen Kiotoko protokoloan garapen garbirako mekanismo bezala ezagutzen zirenak. Karbono merkatuek ere

aurrera jarraituko dute. Emisioen murrizketak aipatzerakoan karbono hobiak mantentzearekin osatzen dute, honek karbonoaren lurrazpiratzea eta geoingenieriaren proiektu bidegabeei atea irekitzen die.

– Pertsonak zentruan jartzea ere exijitzen dugu ELAn, ez bakarrik ekonomian, baita edozein erabaki politiko hartzerakoan ere. Adostutako testuan pertsonen eta komunitateen eskubideen inguruan behin

eta berriro hitz egiten den arren, ez da neurri bat bera ere proposatzeko, sarrera gisa soilik, polita geratzen da eta. Oso esanguratsua da ama lurra edo justizia klimatikoa aipatzen dituen paragrafoa,

batzuentzat garrantzitsuak diren kontzeptu gisa definitzen baititu. Horra hor akordioaren sinatzaileek duten balore faltaren erakusleetako bat.

– Akordio hau 2020an sartuko da indarrean, eta ordurako paperean jarri dituzten intentzio guzti hauek neurri zehatzez bete beharko dituzte. 2020 nahiko berandu da jada, eta are gehiago neurriak hartuko diren ziurtasunik ez badago.

Hau horrela izanik, ez dugu ulertzen non ikusten ari diren Parisko Akordioaren aurrerapena eta miraria. Iruzurra izan da. COP goibilera hauen dinamika beti izan da “aurten ez baina hurrengo urtean lortuko

dugu” esatea. Eta Pariskoa ere aurreko urteetako akordio guztien berdina izan da, hitz politez beteriko testua, baina beste porrot bat. Ez du bere baitan neurri loteslerik hartzen, eta dena herrialdeen borondatearen esku uzten du. Eta beste bost urte itxaron behar benetako neurriak ezagutzeko, baldin

eta egongo badira. 2020a izango omen da orain benetako abiapuntua. Gaur jada berandu bada, zer esanik ez 2020, edo lehen errebisioa egingo den 2023a.

Gizateriaren kontrako krimena da. Benetako bidea ez da COP goibilerek irudikatzen dutena. ELAk sistema aldatzeko beharra, ez klima, azpimarratzen du horretarako bi ardatz jarraituz:

– Batetik, tokian tokiko alternatibak sortu eta garatzea, eskualde mailakoak, lehengaien eta pertsonen mugikortasuna eta energia beharrak murriztuko dituztenak, eta benetan bizitza iraunkorrago bat eraikitzeko behar ditugunak. Alternatiben Herrian ikusi genuen jada errealitatea direla. ELAk ere baditu

alternatibak, gure proposamena enplegu berdeena da, kalitatezko enplegua eta klima aldaketa murrizteko eraginkorra.

– Eta noski mobilizatzen jarraitzea, hori baita bidearen beste ardatza. Ez dugu gure aldarrikapenetan etsiko, gobernuei eta enpresa handiei presio egiten jarraituko dugu, benetan beharrezkoak diren politikak egin eta betearazteko.

COP21 : Laurence Tubiana :«L’accord doit être une prophétie autoréalisatrice»

Christian
www.liberation.fr/planete/2015/12/17/cop21-l-accord-doit-etre-une-prophetie-autorealisatrice_1421547

L’ambassadrice française pour le climat, Laurence Tubiana, revient pour la première fois sur le déroulement des débats au Bourget.

  • COP21 : «L’accord doit être une prophétie autoréalisatrice»

C’est la cheville ouvrière de l’accord de Paris sur le climat. Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, a incarné, avec le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la présidence de la COP 21. «Il a tenu l’horloge, il représentait l’autorité, et écoutait tout le monde, dit-elle. Quant à moi, j’étais au contact pour rappeler que l’accord est le meilleur possible et qu’il n’y avait de plan B», explique-t-elle en exclusivité pour Libération.

Y-aura-t-il vraiment un avant et un après accord de Paris ?

Je pourrais vous citer au moins 20 changements majeurs ! Avant Paris, l’objectif affiché visait à limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici à la fin du siècle par rapport aux niveaux préindustriels. Après Paris, il s’agit désormais de le limiter «nettement en dessous de 2°C et de poursuivre l’action pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C». Avant, seuls quelques pays, recouvrant uniquement 15 % des émissions de gaz à effet de serre, avaient l’obligation de mettre en œuvre des politiques concrètes. Après, ce sont désormais tous les pays qui en ont l’obligation, avec des exceptions pour les pays les plus pauvres. Et chacun d’entre eux devra revoir tous les cinq ans sa copie à la hausse, avec un premier bilan dès 2018. Avant, la finance se souciait peu du climat. Après, de plus en plus d’institutions financières, de banques, d’agences de notation commencent à prendre en compte le risque climatique dans leurs investissements. Avant, le lobby du charbon se portait plutôt bien et les entreprises étaient réticentes à favoriser le transfert de technologie. Après, les énergies renouvelables vont connaître un développement incroyable, et de plus en plus d’Etats et de firmes travailleront ensemble dans les technologies en créant des joint-ventures…

Permet-il de changer la marche des économies en transformant le système ?

Cet accord sur le climat pousse chaque pays à repenser sa politique dans tous les sujets : transports, logement, agriculture, industrie, écosystèmes, en y intégrant l’objectif d’adaptation et de réduction des émissions. Cet accord est là pour durer, au moins jusqu’à 2050 ; et il a des marqueurs, comme le fait de revoir ses ambitions tous les cinq ans. Et puis, des entreprises aux villes, les anticipations vont converger : l’accord de Paris doit être une prophétie autoréalisatrice. Aujourd’hui, les renouvelables paient une prime de risque. Demain, avec le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles, ce sont ces dernières qui la paieront… Cet accord sera un puissant outil de travail pour tous ceux qui veulent vraiment le changement. Il ne résout pas le problème, mais il servira à résoudre le problème.

Une négociation implique d’allier stratégie à long terme et tactique à court terme ?

Quand je démarre en juin 2014, je propose à Laurent Fabius de jouer sur plusieurs composantes. A commencer par le message à faire passer : «L’économie sobre en carbone, c’est maintenant. Et cela va s’accélérer.» L’accord de Paris doit intégrer un socle minimal : un objectif de long terme, un mécanisme de révision, l’articulation des engagements entre pays développés et en développement, le financement. Et il doit pouvoir évoluer dans le temps, puisqu’on n’aura jamais ce qu’il faut dès 2015. Ensuite, le but est de mobiliser tous azimuts sur les contributions nationales : il y en aura 187 à l’arrivée ! Enfin, le reste du paquet pour accentuer le signal : les engagements des acteurs privés, entreprises, collectivités.

Vous identifiez déjà où mettre l’accent ?

Oui. On sait qu’il y a alors des choses compliquées à gérer : sur les 100 milliards de dollars de financements d’ici à 2020 – symboliques mais importants – les transferts de technologie, la question des pertes et dommages pour les pays les plus fragiles. Mais l’idée, alors, c’est aussi de mettre en branle toutes les institutions internationales, y compris financières, les sociétés civiles, pour donner l’impulsion. Ce plan a été compliqué à gérer, car cela donnait une diplomatie à 360 degrés pour laquelle le ministre a mobilisé tous nos réseaux diplomatiques dans le monde. Il a fallu aussi savoir anticiper l’interprétation de l’accord. La parole fait autant le changement que l’accord lui-même : c’est ce que j’appelle la convergence des anticipations rationnelles. Mais il y a toujours de l’irrationalité exubérante dans une négo.

D’où la nécessité de s’adapter dans cette équation à plusieurs inconnues ?

L’ambition, comme le mécanisme de révision tous les cinq ans de ces ambitions, a jusqu’au bout été compliquée à sécuriser. L’Europe, les pays latino-américains, les pays les moins avancés comme les petites îles, les Etats-Unis y étaient certes favorables, mais beaucoup d’autres n’en voulaient pas. Le déjeuner des chefs d’Etat en septembre à New York a joué un grand rôle pour identifier les grandes composantes de l’accord. Puis on s’est appuyés sur la série de négociations informelles organisées dès mars pour y aboutir dans la dernière ligne droite. On a «cranté» des choses tout au long de l’année, trouvé des convergences, dessiné les variables politiques de l’accord. Que l’on a retrouvées lors du premier jour au Bourget avec les discours des 150 chefs d’Etat. On est cependant retombés très vite dans les ornières. Aussi, le vendredi, Laurent Fabius est intervenu pour dire : on arrête de rajouter des crochets dans le texte. C’est là que la France a pris véritablement le contrôle.

Il fallait donner des gages à chacun pour que l’accord soit acceptable pour tout le monde ?

Oui, par exemple, les pays arabes avaient besoin de voir reconnaître le possible impact des politiques climatiques sur leur économie. Les Etats-Unis ont, eux, obtenu une formulation sur la différenciation, notamment sur la transparence – mesures et vérifications – qui leur permet de dire chez eux qu’ils sont soumis au même régime que les Chinois. Les petites îles et les pays les moins avancés avaient besoin de l’objectif de température de 1,5° C et du mécanisme de «pertes et dommages» ; ils l’ont eu… On a même vu des réunions entre Etats-Unis et Bolivie pour évoquer la question très sensible des marchés du carbone. Les premiers plaidant pour une approche «marché» pour avoir un signal économique, les seconds dénonçant la marchandisation de la nature. A l’arrivée, les deux visions sont dans le texte final. Mais au moment de conclure l’accord, il y a eu un clash sur un mot, qui a failli tout faire capoter. Franchement, nous ne pouvions pas proposer un meilleur compromis et c’est ce que nous avons expliqué à tous les groupes de négociation. A partir de là, il fallait y aller sur le mode take it or leave it, à prendre ou à laisser. Puis, l’après-midi, on a connu un moment de stress, alors que tout le monde était épuisé par trois nuits blanches. Dans un paragraphe de l’accord, il avait été écrit un shall (contraignant) et non un should (incitatif). Or,les Américains ne voulaient pas sur ce point précis d’une obligation juridiquement contraignante, type Kyoto, qui les obligerait à passer devant le Congrès pour ratifier l’accord. C’était une vraie erreur technique due à la fatigue, pas un passage en force. Nous avons expliqué que l’erreur allait être corrigée. Ça s’est réglé après deux heures de flottement.

N’aurait-il pas été plus simple de trouver un accord à 150 en laissant de côté les boulets comme l’Arabie Saoudite, la Turquie ou le Venezuela, par exemple ?

Si on veut que tous les pays s’embarquent et réduisent leurs émissions, on n’a pas le choix. Personne, même des ONG comme Greenpeace, n’espérait un tel accord dans une convention signée par 195 parties. Mais des pays auraient pu émettre des réserves. Les accords contraignants n’incluant qu’une minorité de pays avaient déjà été tentés : c’est l’exemple du Protocole de Kyoto, mais ça n’a pas marché. Enfin, l’idée d’un accord du club des pays les plus émetteurs a été essayée, sans plus de succès. Mais ça n’a rien donné car ceux qui poussent l’ambition, ce sont les plus vulnérables ! Il fallait bouger à 195, et prévoir dans l’accord les mécanismes d’accélération par étapes. C’est le petit miracle de l’accord de Paris.

La convention climat jette-t-elle les bases d’une nouvelle gouvernance ?

Trouver un accord sur les tarifs douaniers à l’Organisation mondiale du commerce, c’est compliqué, mais s’accorder sur un sujet qui embarque autant de choses transversales que le climat, c’est encore plus compliqué. Peut-être que nous avons trouvé avec la présidence de la COP 21 une modalité nouvelle, une fonction de facilitation qui, sans imposer de solutions, sans être dans une logique de club ou de marchandage, construit progressivement le compromis. Cela pourrait être un modèle pour repenser, sur d’autres sujets, la gouvernance mondiale. Où des petits pays n’ont, pour une fois, pas été écrasés par les grands pays émergents ou le groupe forcément moins allant des pays pétroliers. Les pays les moins avancés et les petites îles parlent au nom de l’intérêt général. Cette négociation climat a vu se stabiliser la multipolarité géopolitique : il faudra en tenir compte. Ce sont les pays qui avaient bloqué l’accord à Copenhague qui l’ont aujourd’hui facilité…

Même les Etats-Unis ont mis de côté leur unilatéralisme ?

Ils ont joué leur soft power, leur influence, et ont usé d’énormément de leadership, en développant de nombreuses discussions bilatérales. Et en préparant leur pays. Mais n’ont jamais dit : «on a la solution, et on l’impose.»

A l’arrivée, se donner l’ambition de limiter la hausse à 1,5° C sans les moyens, n’est-ce pas hypocrite ?

Non, car l’accord est un cadre qui reconnaît expressément que cela ne suffit pas. C’est pour cela qu’on parle d’accentuer les efforts avec des cycles de cinq ans, sur les émissions, les finances, les transferts de technologie. L’accord donne les outils pour que le momentum de Paris se recrée régulièrement autour de la société civile, des collectivités, des entreprises. Car les pays ne savent pas comment on va parvenir à réduire les émissions des gaz à effet de serre 80 % d’ici à 2050. On invite les pays à faire des scénarios de décarbonation avant 2020. Paris enclenche un cercle vertueux. La preuve, 20 pays veulent doubler leur aide à la recherche et au développement sur l’énergie propre, 28 milliardaires emmenés par Bill Gates vont investir aussi dans l’innovation, etc. Quelque chose a bougé. Et l’on ne reviendra pas en arrière.