Articles du Vendredi : Sélection du 17 septembre 2010

L’armée allemande prédit le pire une fois le pic pétrolier atteint

Frédéric Lemaître Article paru dans l’édition du Monde daté du 11.09.10

De la crise écologique aux inégalités sociales

Fanny Simon et Maxime Combes – AITEC Publié dans le hors-série d’Altermondes « Un monde sans pauvreté : et si c’était possible ? » diffusé gratuitement ce vendredi 17 septembre dans le journal Libération à la veille de l’Assemblée générale des Nations Unies qui sera consacré aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Les écolos américains appellent à “l’action directe de masse”

Hélène Crié-Wiesner. Article paru dans Rue89 (http://www.rue89.com) le 12.09.10

“Le changement climatique est une réalité”

Hervé Kempf Article paru dans l’édition du Monde daté du 13.09.10

Pétroli-Pétrola la la la

Jean-Marc Jancovici Message envoyé le 6 septembre du site www.manicore.com (allez sur le site de Bizi !, rubrique « Textes » pour avoir les liens ci-dessous actifs et lire les articles concernés).

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L’armée allemande prédit le pire une fois le pic pétrolier atteint

Frédéric Lemaître Article paru dans l’édition du Monde daté du 11.09.10

Le “peak oil” (pic pétrolier), ce moment où la production de pétrole va commencer à diminuer, aura des conséquences considérables sur l’économie et la politique extérieure allemande. Telles sont du moins les conclusions d’un rapport émanant du département d’analyse stratégique de l’armée allemande, récemment dévoilé par le site Spiegelonline. Une révélation que ni l’armée ni le gouvernement n’ont souhaité commenter. Ce rapport d’environ 90 pages n’est apparemment que la première partie d’une réflexion sur “les dimensions environnementales de la sécurité”. Il rappelle que la date à laquelle interviendra ce fameux “peak oil” continue de diviser les experts, qui sont, pour la plupart d’entre eux, juges et parties. Néanmoins, alors que la date de 2030 est souvent admise, le rapport estime qu'”il est probable que le “peak oil” intervienne autour de 2010 et que ses effets sur la sécurité se fassent sentir entre quinze et trente ans plus tard”. Tandis qu’Angela Merkel doit présenter, le 28 septembre, sa stratégie en matière énergétique pour l’horizon 2050, le rapport souligne que la raréfaction de pétrole “entraînera de grands risques systémiques pour l’Allemagne vu son implication dans la mondialisation, et ce quelles que soient les politiques énergétiques suivies”. Contrairement aux crises liées dans le passé aux matières premières qui se sont traduites par des tensions régionales, le peak oil pourrait provoquer des tensions mondiales. En raison du rôle que le pétrole joue dans l’économie, notamment la chimie, sa rareté touchera l’ensemble des économies. Réactions en chaîne A partir de ce constat, les auteurs, dirigés par un lieutenant-colonel, passent en revue les réactions en chaîne qui risquent de se produire. A les lire, le pire est possible : les Etats producteurs de pétrole vont voir leur pouvoir accru ; l’importance prise par le marché va diminuer au profit de relations commerciales entre les Etats ; des pays qui ne se seraient pas préparés à l’avance pourraient faire faillite et, dans certains cas, la démocratie pourrait être en danger. Dans ce cas de figure, l’Allemagne doit revoir sa politique extérieure. Comme les autres pays importateurs, celle-ci sera conditionnée par l’accès aux matières premières, notamment le fameux pétrole. Alors que ses deuxième et troisième fournisseurs, la Grande-Bretagne et la Norvège, vont rapidement voir leurs ressources pétrolières diminuer, Berlin n’aura d’autre possibilité que de se tourner encore davantage vers son premier fournisseur : Moscou. Entre la défense d’intérêts européens et la préservation des intérêts purement allemands, l’Allemagne va avoir une partie subtile à jouer. Le rapport recommande par ailleurs que les forces de sécurité européennes portent davantage intérêt à la protection de zones stratégiques comme le Maghreb où doit être lancé un immense projet international de captage d’énergie solaire. Au Proche-Orient aussi, prévient le rapport, un rééquilibrage des relations avec les pays producteurs de pétrole comme l’Arabie saoudite et l’Iran pourrait se traduire par des tensions avec Israël.

De la crise écologique aux inégalités sociales

Fanny Simon et Maxime Combes – AITEC Publié dans le hors-série d’Altermondes « Un monde sans pauvreté : et si c’était possible ? » diffusé gratuitement ce vendredi 17 septembre dans le journal Libération à la veille de l’Assemblée générale des Nations Unies qui sera consacré aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Comme l’a clairement démontré la Conférence de Copenhague sur le changement climatique, en décembre 2009, et ce, malgré l’activisme des climato-sceptiques, la prise de conscience de la crise écologique planétaire fait son chemin. Reste qu’il n’est pas toujours évident de bien saisir ce que sont les inégalités écologiques et comment elles s’articulent aux inégalités sociales. Au Nord comme au Sud, ce sont les populations défavorisées qui vivent dans les endroits les plus pollués, dans les zones à risques On estime aujourd’hui que 20% de la population mondiale, et principalement celle des pays dits « développés », consomme 80% des ressources naturelles actuelles. Cette statistique ne suffit pas, cependant, à définir ce que sont les inégalités écologiques entre les pays. D’abord parce que les ressources naturelles sont en quantité finie et qu’il est impossible d’imaginer que chaque habitant de la planète puisse consommer autant de ressources qu’un Américain, un Européen ou un Japonais. Quatre planètes comme la nôtre seraient alors nécessaires pour assouvir ces besoins. Autrement dit, « l’empreinte écologique » (1) des pays du Nord n’est pas soutenable. Paradoxalement, une bonne part des ressources naturelles disponibles (pétrole, gaz, minerais, bois précieux…) est géographiquement située dans les pays peu développés. Mais, en raison d’une exploitation régentée par les intérêts des multinationales et des Etats les plus puissants, leur utilisation se révèle inégalement répartie. Ce pillage n’est pas nouveau. Depuis la colonisation, les pays du Sud fournissent les sociétés industrialisées en matières premières exportées à bas prix, tout en faisant abstraction des coûts environnementaux. Le tout bien souvent pour rembourser la dette extérieure contractée envers ces mêmes pays riches. Cette conjonction de facteurs favorise l’érosion et la pollution des sols, l’épuisement des nappes phréatiques, la déforestation… Dette écologique Au Nigeria, la communauté Egie subit de plein fouet les pollutions de l’eau, de l’air et des terres. En cause, l’extraction d’un pétrole qui ne lui est pas destiné. Alors que ce pétrole alimente les besoins insatiables des pays riches et émergents, les fuites des oléoducs et le torchage de gaz ne cessent d’affecter les populations les plus démunies. L’inégal accès aux ressources naturelles se double donc d’une inégale exposition aux conséquences environnementales de l’exploitation de ces ressources. Certains chercheurs utilisent, pour décrire ces inégalités, le concept de « dette écologique », entendu comme le « maintien d’une situation d’injustice environnementale globale dans laquelle une minorité s’approprie les ressources de la Terre tout en exportant les conséquences de la dégradation planétaire sur la majorité pauvre de l’humanité » (2). Dans le cas des dérèglements climatiques, où plus des deux tiers des gaz à effet de serre ont été émis par les pays du Nord, les populations des pays du Sud sont les premières victimes de l’augmentation des sécheresses, du décalage des saisons des pluies, etc. Conséquence directe de ce modèle de développement : la production de déchets toxiques que les pays développés et émergents, ainsi que leurs multinationales, cherchent à exporter vers les pays du Sud où les législations sont beaucoup moins strictes. En profitant d’un «traitement» des déchets beaucoup plus «rentable», ces entreprises pratiquent une forme de dumping environnemental. Et si les régulations internationales s’améliorent lentement, elles restent largement insuffisantes. L’affaire du Probo Koala va ainsi marquer la Côte d’Ivoire pour des générations. Ses 580 tonnes de déchets toxiques stockés dans les soutes du bateau et déversées en 2006 dans plusieurs décharges du district d’Abidjan, ont causé la mort de 16 personnes et l’intoxication de plus de 100000 Ivoiriens (3). Exposition aux risques La survie d’une bonne part des populations pauvres des pays du Sud est directement dépendante d’un accès sécurisé à des ressources naturelles. Malheureusement, ces populations sont les plus exposées aux risques environnementaux et ne disposent que de peu de moyens pour s’en protéger. Ces dégradations de l’environnement sont d’autant plus préoccupantes qu’elles aggravent la vulnérabilité des populations concernées. Plus généralement, au Nord comme au Sud, ce sont les populations défavorisées qui vivent dans les endroits les plus pollués, dans les zones à risques, dans les quartiers insalubres, sans eau potable ou sans assainissement. Cette exposition aux risques et aux nuisances environnementales, aussi bien que l’accès aux ressources (4), est donc fonction de la position sociale occupée dans la société. Malgré ces constats aujourd’hui largement établis, les dirigeants de la planète continuent d’agir comme si de rien n’était : l’exploitation des ressources naturelles du Sud par les multinationales du Nord est facilitée par une libéralisation croissante du commerce international sans qu’en contrepartie ne soient créées de véritables réglementations écologiques contraignantes. Si le mode de vie occidental est en cause, la redistribution des richesses à l’échelle mondiale doit être repensée à travers une réduction de la quantité des ressources naturelles utilisées dans nos pays. La transformation de notre modèle de développement, jusqu’ici néolibéral et productiviste et source de ces profondes inégalités écologiques et sociales, est donc à l’ordre du jour. C’est tout l’enjeu des prochaines négociations internationales sur la biodiversité à Nagoya (Japon), du 18 au 29 octobre, et sur le climat à Cancun (Mexique), du 29 novembre au 11 décembre. (1) L’empreinte écologique correspond à la superficie de la Terre nécessaire à la consommation des ressources et aux rejets d’une population donnée. Lire ci-après « De l’empreinte à l’espace écologique », Sylvain Angerand (2) Définition donnée par J.P. Padua, « La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel », C. Emelianoff, Écologie et Politique 35/2007 (3) Rapport A/HCR/22/9 du Rapporteur spécial du Conseil des Droits de l’Homme (4) C. Emelianoff, 2007, « La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel », Écologie et Politique 35/2007, Des inégalités écologiques parmi les hommes, P.19

Les écolos américains appellent à “l’action directe de masse”

Hélène Crié-Wiesner. Article paru dans Rue89 (http://www.rue89.com) le 12.09.10

Le Congrès des Etats-Unis s’est dégonflé cet été en abandonnant son projet contre les changements climatiques. Tout espoir de voir le pays adopter une législation sérieuse s’est envolé. Dégoûtées, trois organisations majeures de la lutte pour l’environnement en appellent maintenant à l’action directe. J’ai déjà raconté la radicalisation [1] de nombreux écolos américains. Il semble que le fossé entre « verts radicaux » et « écolos mous » [2] soit en train de se combler tout seul. Les partisans de la discussion (Al Gore et ses disciples) n’ont pu que constater l’échec de leur stratégie. Outre une reprise acharnée des luttes de terrain -notamment dans les Appalaches charbonnières [3] -, un appel spectaculaire vient d’être adressé aux environnementalistes américains. Publiée sur Grist [4], site phare du mouvement vert, cette lettre parue le 7 septembre est signée par le directeur de Greenpeace USA [5], son homologue du Rainforest Action Network [6], et par le leader du réseau 350.org [7]. En voici une traduction-adaptation. Je suis curieuse de voir ce que va donner cet appel, comment vont y répondre les groupes locaux, s’ils vont saisir la perche que leur tendent ces professionnels de la lutte. Car pratiquer l’action directe dans son coin, c’est une chose. A l’échelle des Etats-Unis, c’est un défi autrement complexe. Chers amis, Bon sang, quel été ! Les scientifiques viennent d’annoncer que nous venons de vivre les six mois les plus chauds, l’année la plus chaude, et la décennie la plus chaude de l’histoire humaine. Dix-neuf pays ont enregistré des records absolus de température : le thermomètre a grimpé à 54°C au Pakistan, un record en Asie. Quand on voit l’impact de ces chiffres sur les incendies en Russie, ou sur le Pakistan noyé par des inondations sans précédent, on comprend qu’il n’y a rien d’abstrait dans tout ça. Cet été, justement, le Sénat américain a décidé de reconduire un accord bipartisan en vigueur depuis vingt ans : l’immobilisme politique face aux changements climatiques. Lesquels, rappelons-le, ne résultent pas d’une quelconque volonté divine. Nous sommes face aux industries les plus puissantes et les plus profitables du monde : celles qui tirent leurs bénéfices de l’exploitation des combustibles fossiles. Nous ne les vaincrons pas en restant gentils. Nous devons construire un vrai mouvement, d’une ampleur sans commune mesure avec ce que nous avons bâti dans le passé. Un mouvement capable de contrer le pouvoir financier de Big Oil (pétrole) et Big Coal (charbon). Ce mouvement est notre seul espoir, et nous avons besoin de votre aide. Honte aux leaders politiques Quelles sont les priorités ? Dans l’immédiat, en ce moment partout dans le monde, des groupes préparent la Global Work Party [8] du 10 octobre. Ce sera l’occasion de présenter nos solutions concrètes pour résoudre la crise climatique. On ne se contentera pas de sortir quelques panneaux solaires. L’objectif est de faire honte à nos leaders politiques, de les apostropher : « On fait notre boulot. Et vous ? » En attendant, dans tout le pays, des avocats et des associations locales abattent un travail d’enfer en combattant des projets de nouvelles centrales au charbon, des militants s’emploient à convaincre les banques de ne plus prêter d’argent aux sociétés délinquantes, des conseils municipaux rivalisent d’imagination pour rendre leurs villes plus propres et durables. Tout cela constitue la base de n’importe quel mouvement, la fondation de tout progrès à long terme. Mais aussi indispensables que soient ces actions, elles ne sont pas suffisantes. Nous progressons, mais le problème va plus vite que nous. Le temps n’est pas notre allié. Nous en avons conclu une chose : il faut passer à l’action directe de masse [9] [ce sont les auteurs qui renvoient à Wikipédia, ndlr]. C’est ce qui a été employé autrefois pour le droit de vote, les droits civiques des Noirs, et la lutte contre la globalisation capitaliste [« corporate globalization » en anglais, ndlr]. L’action directe est un mode de lutte déjà employé par nombre d’environnementalistes, notamment ceux qui luttent contre les compagnies charbonnières des Appalaches. […] L’histoire a prouvé qu’il y a une manière efficace de transmettre un message à la fois au public et aux décideurs politiques : s’impliquer physiquement, faire barrière de nos corps. Le mouvement pour les droits des Noirs a mis du temps à décoller Il est évidemment impossible de prédire à l’avance quel événement va servir de déclic. Après tout, des tas de Noirs avaient refusé de quitter les sièges réservés aux Blancs dans les bus sans que nul ne s’en émeuve. Il se trouve que quand Rosa Parks l’a fait à son tour, en 1955, le mouvement des droits civiques a pris comme une traînée de poudre. Mais il y a au moins deux choses certaines. Premièrement, nous devons agir dans l’unité. Deuxièmement, nous sommes plus intelligents ensemble que seuls. C’est pourquoi nous réclamons votre aide. Quand vous déciderez de vous lancer dans un combat écologique, pensez en terme d’action directe. Réfléchissez à ce qui est possible, et soumettez-nous vos idées. Voici quelques pistes de réflexion : • Pensez à Gandhi, Martin Luther King, et à d’autres pacifistes avant eux. Pas de violence, pas de dommages à la propriété. • Nous avons besoin d’actions à grande échelle, impliquant un maximum d’acteurs. Pensez en centaines et en milliers de personnes. N’imaginez pas des actions si pointues que seuls quelques spécialistes pourraient y participer. Vous n’allez pas trouver des centaines de gens capables de grimper des façades en rappel ou de faire de la plongée sous-marine. • Nous ne sommes pas idiots, nous savons que nous n’arrêterons pas l’économie basée sur le charbon et le pétrole avec une seule action concrète. Nous devons nous concentrer sur des objectifs symboliques -par exemple des centrales à charbon vieilles et polluantes- que nous utiliserons pour plaider l’opportunité de passer à autre chose que du charbon. • Nos actions doivent être ancrées localement, c’est à dire s’appuyer sur des associations et des militants locaux. • Nos tactiques doivent emporter l’adhésion des spectateurs, pas nous les aliéner. Il faut tenir les provocateurs et les incendiaires à distance, et savoir attirer les gens qui auront une influence sur le public. La discipline compte beaucoup. • Nous devons être transparents, ne pas nous complaire dans le secret. Notre travail est forcément surveillé à la loupe par la police. • L’esthétique a son importance. On se bat aussi pour la beauté du monde, celle qui a été confisquée par nos adversaires. Nous voulons aussi gagner les cœurs et les esprits. • Nos ressources ne sont pas illimitées. Le coût et la complexité de ce genre d’action peuvent vite s’envoler. Comme pour tout ce qui concerne l’environnement, la frugalité et la simplicité sont des vertus cardinales. Les Etats-Unis sont historiquement responsables du problème Bien que nos organisations respectives aient toutes des actions en cours à l’international, nous raisonnons en ce moment au seul niveau des Etats-Unis. Pour trois raisons : 1. Dans certaines parties du monde, des militants ont déjà fait un travail énorme, et ils ont bien des choses à nous enseigner ; 2. les Etats-Unis se doivent de montrer l’exemple, ne serait-ce qu’à cause du fait que notre pays est historiquement à l’origine de l’effet de serre ; 3. enfin, même si nous, Américains, prenons de vrais risques (face à la police) en nous engageant dans l’action directe, il ne faut pas oublier qu’ailleurs, ceux qui luttent de cette manière peuvent carrément être jetés en prison pendant des décennies, ou bien pire. Notez enfin que même si cet appel n’émane que de trois organisations écologistes, nous entendons que le combat soit ouvert à tous. Nous collaborerons avec plaisir avec quiconque partage nos objectifs et notre ligne de conduite. En plus, nous pensons vraiment que le mélange et la collaboration entre les organisations est la clé du succès. On fait de notre mieux pour faire passer ce message, alors dites-nous si vous êtes intéressés. (…) Nous nous doutons bien que cette stratégie d’action ne va pas convenir à tout le monde. Pas de problème. Pour ceux que cela intéresse, voici l’adresse où envoyer vos idées : climate.ideas@gmail.com [10]. D’ici la fin de l’automne, on aura creusé tout ça, et on reviendra vers vous avec un plan cohérent d’action à démarrer au printemps. Phil Radford [11], Greenpeace USA, Becky Tarbotton [12], Rainforest Action Network, Bill McKibben [13], 350.org

“Le changement climatique est une réalité”

Hervé Kempf Article paru dans l’édition du Monde daté du 13.09.10

Le statisticien danois Bjorn Lomborg, 45 ans, a connu la notoriété mondiale en 2001 avec son livre The Skeptical Environmentalist (L’Ecologiste sceptique, Le Cherche Midi, 2004). Cet ouvrage entendait démontrer que nombre de problèmes environnementaux – dont le changement climatique – étaient exagérés. Ses thèses ont été combattues par de nombreux écologistes et scientifiques, mais soutenues par des personnalités comme Claude Allègre, qui a préfacé la traduction française de l’ouvrage. Mais dans Smart Solutions to Climate Change (“Des solutions intelligentes pour le changement climatique”), ouvrage collectif qu’il dirige et qui paraît en Grande-Bretagne aux Cambridge University Press, celui qui est devenu le directeur du Consensus de Copenhague (un centre de réflexion danois) cesse ses attaques contre la théorie du changement climatique. Il propose maintenant d’autres solutions que celles usuellement avancées. Vous ne mettez plus en avant les réserves sur le changement climatique. Le changement climatique est-il une réalité ? Oui, il est réel, il découle de l’activité humaine, et c’est un phénomène important. Les estimations économiques nous indiquent que le dommage lié au changement climatique sera de 2 % à 5 % du produit intérieur brut mondial à la fin du siècle. Ce n’est pas la fin du monde, mais ce n’est pas rien. Le changement climatique est définitivement un problème important. Mais ce n’est pas le seul, si l’on pense que la moitié de la population mondiale manque d’eau, d’un bon système de santé et d’éducation, et même de nourriture suffisante. Que pensez-vous de l’offensive des climatosceptiques contre le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à l’hiver 2009-2010 ? Le GIEC est la meilleure source d’information que nous ayons sur le changement climatique. Cependant, il n’est pas à l’abri des erreurs, et il devrait être politiquement neutre. Il a parfois été très loin pour recommander des actions, et, comme on l’a vu avec les glaciers de l’Himalaya, il a parfois exagéré. Mais le point fondamental est que le GIEC est correct à 90 %. Le livre que vous dirigez observe qu’il “est peu probable que tous les impacts du changement climatique pourront être évités”. Quels pourraient-ils être ? Le changement climatique va surtout frapper les pays en développement : ils devront faire face à plus de précipitations, à des fortes températures, à des ouragans plus violents, subir des impacts négatifs sur l’agriculture, etc. Mais quand cela se produira, ces pays seront beaucoup plus riches qu’aujourd’hui et pourront mieux y faire face. Par exemple, on prévoit que le Bangladesh sera à la fin du siècle plus riche que les Pays-Bas d’aujourd’hui : il sera à même de faire face à l’élévation du niveau des mers. La croissance économique mondiale va-t-elle se poursuivre durant tout le XXIe siècle ? Oui. Si elle ne se poursuivait pas, beaucoup des problèmes liés au réchauffement global seraient atténués, parce qu’il y a un lien très fort entre les émissions de gaz à effet de serre et l’enrichissement des pays. Donc, une façon de réduire les émissions serait de réduire la richesse des pays ? Absolument. Mais aucun responsable politique ne sera réélu s’il conduit son pays à moins de richesse. D’autant plus que le changement climatique n’est pas le seul problème à résoudre : devenir plus riche est le seul moyen de répondre aux problèmes d’eau, d’alimentation, de santé ou d’éducation. Le défi est de trouver un moyen tel que les nations s’enrichissent tout en n’émettant pas de CO2. Quelles solutions au changement climatique préconisez-vous dans le livre ? Il faut abandonner la politique de réduction des émissions de CO2 mise en oeuvre par le protocole de Kyoto et promue par l’Europe. Cette stratégie ne marche pas : on a promis de réduire les émissions et on a échoué de manière spectaculaire. En ce qui concerne l’avenir, les économistes que nous avons réunis estiment que limiter le réchauffement global à 2 °C est incroyablement coûteux. Il faut développer d’autres pistes : réduire les émissions de méthane, les particules de suie, capter et stocker le CO2, planter plus d’arbres, étudier la géo-ingénierie (techniques de manipulation de l’atmosphère permettant de limiter l’effet de serre en limitant l’ensoleillement de la Terre, par exemple), faire de la recherche en technologies vertes et transférer les technologies entre les pays. Les deux priorités sont la recherche sur la géo-ingénierie et la recherche sur les technologies d’énergie verte. Investir dans l’énergie verte est la solution à long terme du réchauffement global. Si ces énergies sont moins chères que le pétrole et le charbon, tout le monde les adoptera. Il faut investir 100 milliards de dollars par an (78 milliards d’euros) dans cette recherche. Faut-il développer aujourd’hui les énergies renouvelables ? Ce n’est pas une bonne idée tant qu’elles ne sont pas compétitives. Par exemple, l’Allemagne dépense 75 milliards de dollars en subventions pour des panneaux solaires qui ne fournissent que 0,1 % de la production électrique du pays. De même, le Danemark a installé depuis les années 1970 10 000 éoliennes qui sont largement inefficaces. Cela crée des emplois – d’une manière très coûteuse – et de belles séances photo pour les politiciens. Mais cela n’a que très peu d’effet sur le climat. Il ne faut pas dépenser des sommes énormes sur des moyens inefficaces, mais dépenser moins en concentrant l’investissement sur la recherche pour obtenir des technologies qui seront efficaces dans la prochaine décennie. La réduction massive des émissions dans le monde ne se produira que quand la technologie sera si bon marché que l’Inde et la Chine en voudront. Que pensez-vous de la théorie du pic pétrolier ? Elle est fausse. Il reste énormément de pétrole à découvrir, notamment dans les sables bitumineux et les schistes bitumineux. Et même si on manquait de pétrole, il y a des centaines d’années de réserves de charbon, qui est moins coûteux. Le monde polluerait simplement plus avec le charbon. Vous promouvez la géo-ingénierie ? On ne dit pas qu’il faut l’appliquer maintenant, mais qu’il faut l’étudier vraiment. C’est le seul moyen qui nous permettrait d’agir rapidement – en années plutôt qu’en décennies -, s’il arrivait quelque chose de vraiment négatif en matière de climat. La taxe sur le carbone est-elle un dispositif efficace ? C’est le moyen le plus efficace pour changer le comportement des gens à court terme. Les estimations dont nous disposons indiquent qu’une tonne de carbone émise aujourd’hui causera un dommage climatique d’un coût de 5 euros. Je soutiens une taxe de 5 euros : elle serait encore insuffisante pour changer le comportement des gens, mais permettrait de financer la recherche. Comment joue l’inégalité entre le Nord et le Sud ? Quoi que fassent les pays du Nord pour lutter contre le réchauffement climatique, cela aura peu d’effet, parce que la grande majorité des émissions attendues va se produire dans les pays en développement. Il faut donc que ces derniers disposent de technologies vertes à bon marché.

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Jean-Marc Jancovici Message envoyé le 6 septembre du site www.manicore.com (allez sur le site de Bizi !, rubrique « Textes » pour avoir les liens ci-dessous actifs et lire les articles concernés).

Chers ami(e)s, collègues, correspondant(e)s, et autres amoureux fous des combustibles fossiles même si vous avez un temps cru ou espéré le contraire, Vous l’aurez remarqué, vous aussi : c’est la rentrée ! Désormais, fini de coincer la bulle ou de se faire dorer la pilule, il est plus que temps de retourner au charbon. Tiens, charbon, vous avez dit charbon ? Il s’agit bien de ce truc noir et sale, là, qui ne sert plus à rien, sauf à ce que les Chinois mettent plein de CO2 dans l’atmosphère et nous fichent le climat en l’air alors qu’on leur demande si gentiment de faire autrement ? Pourquoi diantre perdre du temps à s’intéresser à cette énergie du passé en Europe, et qui le sera bientôt chez les autres ? Eh bien…. parce que son usage n’a jamais cessé de croître depuis que les hommes ont commencé à en utiliser, et qu’il y a hélas quelques raisons pas si faciles à combattre pour cela continue un certain temps : http://www.manicore.com/documentation/petrole/index.html#charbon Du coup, si, en cette période de rentrée propice aux bonnes intentions, si l’humanité veut vraiment “sortir du charbon”, il va falloir sacrément mettre les gaz. Tiens, gaz, vous avez dit gaz ? Mais c’est évident qu’il faut se mettre au gaz, puisque le gaz est “naturel”, donc nécessairement propre, et qu’il y en a plein partout, pour au moins pour 67 ans, 5 mois, 5 jours et 3 heures (j’ai un doute sur les minutes), que même les USA ne savent plus quoi en faire tellement il y en a. Mais… outre que pétrole, charbon, tremblement de terre et tsunamis sont tout aussi “naturels” que le gaz, cette énergie reste fossile et carbonée en Diable. Pour tenter d’apporter une petite pierre à l’édifice sur ce point et quelques autres, voici (presque) tout ce que vous avez voulu savoir sur le sujet préféré de Pumba sans jamais oser le demander : http://www.manicore.com/documentation/petrole/index.html#gaz Du gaz, du charbon, tout ça c’est fort intéressant, mais ce qui compte vraiment, quand on parle d’énergie dans le monde, c’est le pétrole, non ? Pour le coup, on va se dépêcher de parler de pétrole avant qu’il n’en reste plus, ou plus exactement qu’il y en ait de moins en moins, ce qui va commencer dans bien moins de 40 ans… et est probablement déjà à l’oeuvre en Europe depuis quelques années : http://www.manicore.com/documentation/petrole La contrainte pétrole à l’oeuvre depuis quelques années en Europe ? P’têt ben qu’oui, puisque les émissions dues aux transports, en France, après avoir cru sans discontinuer depuis qu’il existe des pétrolettes, se sont mises à baisser depuis…. que l’approvisionnement pétrolier de l’Europe baisse aussi (début des années 2000 ; voir la fin de la page http://www.manicore.com/documentation/petrole/pic_futur_petrole.html). Et du coup je me suis dit qu’il était utile de mettre à jour la page sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre, dans le monde et chez nous, pour faire apparaître que nous sommes peut-être déjà dans la contrainte subie… : http://www.manicore.com/documentation/serre/GES.html Vous l’aurez aussi remarqué : quand il s’agit de prévoir l’avenir, il vaut mieux être prudent (personnellement je préfère prévoir le passé, en général c’est moins risqué). Du coup, j’ai sagement attendu, avant de pondre ma rubrique “énergies fossiles” qui est pleine d’horreurs sur l’avenir énergétique, que quelques personnes bien plus respectables que moi aient dit bien pire encore. Et il suffisait d’attendre : juste avant l’été, le patron de Lloyds a dit des choses suffisamment surprenantes pour que je fasse une mise à jour de la page http://www.manicore.com/documentation/kikadissa.html Ah, si seulement les LLoyds étaient adhérents du MEDEF ! Et sur ce, il va être temps pour votre serviteur de retourner…. au charbon ! Bonne rentrée à tous, et très cordialement à tous