Articles du Vendredi : Sélection du 24 mars 2023

Face à la crise climatique, le Giec prône la justice sociale et la sobriété/strong>
Magali Reinert
https://reporterre.net/Face-a-la-crise-climatique-le-Giec-prone-la-justice-sociale-et-la-sobriete

Adoptés à l’unanimité, le rapport du Giec et son résumé pour les décideurs font entrer dans leur vocable la sobriété et la lutte contre les inégalités. Les solutions technologiques sont en revanche reléguées en arrière-plan.

Un consensus a été trouvé. Comme ses prédécesseurs, le sixième rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a été adopté à l’unanimité dimanche 19 mars à Interlaken, en Suisse. Six fois renouvelé depuis 1990, l’exercice de synthèse en une trentaine de pages des quelque 10 000 pages des six rapports du Giec parus entre 2018 et 2022 pourrait sembler de pure forme. Pourtant, en l’approuvant, les 195 pays membres du Giec s’accordent sur les causes anthropiques du changement climatique, ses effets et les solutions existantes.

Experts et États sont d’accord : le réchauffement climatique est d’origine humaine et certains changements sont déjà inévitables et irréversibles. « La fenêtre d’opportunité pour sécuriser un futur vivable et soutenable pour tous se ferme rapidement », insiste le rapport. Mais à la différence des précédents rapports, plus de date butoir mise en avant. L’enjeu est simple : plus les actions de réduction des émissions seront importantes et rapides, plus on limitera la casse. « Le message important est que pour stabiliser la température mondiale, il faut atteindre zéro émission net de gaz à effet de serre. Plus on l’atteindra tôt, moindre sera le réchauffement », résume pour Reporterre Gerhard Krinner, climatologue à l’Institut des géosciences de l’environnement et auteur du rapport de synthèse.

L’arrivée du terme « sobriété »

Le résumé destiné aux décideurs insiste aussi largement sur toutes les solutions d’atténuation et d’adaptation déjà existantes à la disposition des États. « C’est la première fois que le terme “sobriété” apparaît dans une synthèse pour les décideurs politiques », se réjouit Anne Bringault, coordinatrice des programmes au Réseau Action Climat. Avec une définition à l’appui : les mesures et pratiques qui réduisent la consommation d’énergie, de terre et d’eau.

Sur les énergies, la part belle est faite au solaire et à l’éolien. À l’échelle mondiale, le nucléaire arrive derrière les énergies renouvelables pour réduire les émissions. Le stockage de carbone est relégué en dernière place des solutions énergétiques et comme comparativement très cher. « Le rapport insiste sur le fait que la captation du carbone ne peut pas être la seule solution et qu’il faut réduire la consommation actuelle d’énergies fossiles », dit Gerhard Krinner. 

Dans la longue liste des solutions se trouvent aussi sans surprise la réduction de la destruction d’espaces naturels, un régime alimentaire soutenable (moins de viande, moins de déchets), l’isolation des bâtiments, le développement des transports en commun…

Pour l’agriculture, les pratiques agroécologiques, l’agroforesterie et de la diversification agricole côtoient le stockage de l’eau, l’irrigation et l’amélioration des variétés. Il en faut pour tout le monde. Globalement, les innovations technologiques sont peu évoquées. Et le rapport prend soin de lister les risques qui leur sont associés : « Les risques de nouveaux impacts environnementaux, les inégalités sociales, la dépendance à des connaissances étrangères, l’effet rebond », entre autres. « L’urgence de l’action ne permet plus de présenter d’hypothétiques innovations technologiques comme des solutions », commente Anne Bringault.

« Justice sociale » et « justice climatique »

Pour les États signataires, ce constat sur les solutions ne les engage pas. Le texte ne comporte en effet pas de prescriptions politiques. Mais il va néanmoins guider les négociations lors de la prochaine Conférence des Nations unies sur le climat — la COP28qui se déroulera à Dubaï en novembre 2023. Autre point important du rapport pour les négociations à suivre, la reconnaissance des fortes inégalités face au réchauffement climatique. Les justices climatique et sociale font ainsi leur apparition dans le texte validé par les décideurs.

Face à l’urgence de mettre en place des mesures d’adaptation, la question de l’équité dans l’accès à ces mesures entre pays, mais aussi au sein d’un même pays, devient une « priorité ».

Les inégalités des impacts entre les régions du globe sont largement illustrées par des cartes d’impacts saisissantes. Pour la pêche par exemple, où les stocks de poisson disparaissent dans la zone intertropicale au profit des pôles. Plus largement, le rapport rappelle que le réchauffement n’est pas le même partout. La France est bien placée pour le savoir, puisqu’elle s’est déjà réchauffée de 1,7 °C alors que le réchauffement global est de 1,1 °C.

« Rien d’essentiel n’a disparu »

Le processus nécessaire pour aboutir à un consensus international sur le climat mérite aussi que l’on s’y attarde. Au cours de la semaine qui vient de se dérouler en Suisse, les représentants des États avaient la charge de valider le rapport de synthèse rédigé par les scientifiques, mais aussi d’adopter, phrase par phrase, le résumé pour décideurs selon le principe onusien d’un pays, une voix. Chaque phrase a ainsi été discutée et validée. Au cours de cette étape diplomatique, les scientifiques ne quittent pas l’arène, puisque c’est sous leur regard attentif que se déroulent ces débats. Les États choisissent ce qu’ils mettent et omettent, mais les scientifiques sont garants que le texte respecte bien l’état des connaissances scientifiques. « Rien d’essentiel n’a disparu », commente Gerhard Krinner.

« La publication de chaque rapport reste aussi un moment important, c’est à chaque fois un signal d’alarme qui remet les enjeux climatiques en haut du débat public », insiste Anne Bringault. Même si d’aucuns peuvent rétorquer que — rapport ou pas — les conséquences du dérèglement climatique suffisent aujourd’hui à mettre le climat à la Une de l’actualité. « Si les effets du changement climatique sont déjà là, conclut Gerhard Krinner, on peut toujours influencer la vitesse du réchauffement en réduisant les émissions pour avoir plus de temps pour s’adapter. »

Logement : ensemble on gagne !
Txetx Etcheverry
www.enbata.info/articles/logement-ensemble-on-gagne

La mesure de compensation devant protéger les logements habités à l’année de leur transformation en meublés de tourisme est entrée en vigueur le mercredi 1er mars 2023. La mise en place de ce mécanisme particulièrement contraignant de régulation vient porter un coup dur à la spéculation immobilière en Pays Basque nord. Retour sur une bataille exemplaire, qui a vu se créer une alliance gagnante entre associations, élus, agglomération Pays Basque et population, pour en tirer certains enseignements quant aux suites de la bataille pour le droit de vivre et se loger au pays.

16 juin 2021, le mouvement Alda installe un QG de campagne dans un petit T1 de la rue des Tonneliers à Bayonne et y tient une conférence de presse : cet appartement était habité par un jeune couple bayonnais jusqu’en janvier dernier et il a été depuis transformé en airbnb permanent. Un logement perdu pour la population locale, pour qui il faudra en construire un nouveau, en artificialisant plus de sols, en aggravant l’empreinte carbone du territoire, et en offrant aux travailleurs locaux des appartements plus chers et plus éloignés de leurs lieux de travail et de services.

Alda rend public un chiffrage réalisé par l’association qui démontre qu’au moins 6 à 7000 logements ont ainsi été transformé en meublés de tourisme permanents au cours des dernières années en Iparralde, et plus probablement autour de 10 000 (1). Le choc dans l’opinion est important. Une nouvelle facette de la crise du logement en Pays Basque vient d’être placée au centre du débat sur le droit de vivre et de se loger au Pays.

7 juillet 2021 à Urrugne. 37 militants d’Alda relient par un chemin fait de tentes de camping le siège territorial de la Communauté d’Agglomération du Pays Basque (CAPB) au siège social de Poplidays. Cette société, créée par Carmen Immobilier, est spécialisée dans la location de logements entiers proposés en meublés de tourisme permanents. « Si rien n’est fait, nous allons finir par devoir camper pour continuer à vivre dans notre propre pays ! » explique Ainize Butron, co-présidente de l’association. Alda demande solennellement un rendez-vous à la CAPB et présente sa proposition de solution au problème dénoncé : la mesure de compensation.

La compensation consiste à devoir produire un nouveau logement de surface équivalente et dans la même commune pour tout logement d’habitation transformé en meublé de tourisme, ce qui rend très difficile voire impossible ces transformations, protège définitivement le parc locatif à l’année, et permet de récupérer un grand nombre de logements perdus pour la population locale, sans bétonner davantage ni artificialiser de nouveaux sols.

Alda explique avoir remis une note juridique à la CAPB démontrant que cette mesure, normalement applicable dans les villes de plus de 200 000 habitants, l’est également dans les 24 communes de la zone tendue d’Iparralde, par une délibération du Conseil communautaire de la CAPB.

Xebax Christy, également co-président de l’association, alerte sur l’urgence de la situation : la compensation a été mise en place dans les grandes villes comme Paris, Bordeaux, Nantes ou Lyon qui constituaient l’essentiel du chiffres d’affaires des plateformes comme Airbnb, Abritel ou Booking.  Elle vient d’être confirmée, le 18 février 2021, par la cour de cassation et de lourdes sanctions  commencent à tomber pour la faire respecter. Les plateformes de location redéploient donc depuis juin 2021 leur stratégies de développement vers les « petites villes du littoral et les territoires ruraux ». Le Pays Basque risque de perdre beaucoup plus de logements encore dans les quelques années à venir !

20 juillet 2021, une délégation d’Alda est reçue au siège de la Communauté d’Agglomération du Pays Basque par son président, Jean-René Etchegaray, le vice-président en charge du tourisme Daniel Olçomendy, le vice-président à l’habitat et au logement Roland Hirigoyen, le Conseiller Délégué Ingénierie et Conseil en Aménagement – Droit des sols Philippe Aramendi et un certain nombre de responsables de services techniques concernés. Les services de la CAPB valident la note juridique remise il y a quelques semaines par Alda : la Communauté d’agglomération du Pays Basque est bien compétente juridiquement pour mettre en place la mesure de compensation. Les responsables de la CAPB considèrent cette mesure comme cohérente avec le programme d’actions du Plan Local de l’Habitat qui doit être définitivement voté en octobre, et prennent l’engagement de la proposer le plus rapidement possible au débat et au vote des maires de la zone tendue et des conseillers communautaires du territoire. Une étude a été sollicitée à l’AUDAP, l’agence d’urbanisme, pour évaluer la dimension exacte du problème.

22 juillet 2021, le vice-président chargé du tourisme durable à la CAPB Daniel Olçomendy déclare dans une interview : « Il est clairement inenvisageable sur le territoire que la location permanente des habitants soit détériorée au profit de ces meublés touristiques. (…) cette problématique est prise à bras le corps et étudiée d’un point de vue juridique afin de proposer un règlement et pouvoir faire appliquer la notion de compensation. A la rentrée, nous aurons des propositions concrètes sur le territoire ».

24 juillet 2021, le débat s’ouvre effectivement au Conseil communautaire autour du vote de la délibération portant sur la création d’un service commun “Instruction des changements d’usage”. Le Président Jean-René Etchegaray introduit le débat en ces termes : «  Filipe Aramendi va prendre maintenant le micro pour présenter un rapport qui est la création d’un service spécifique commun « Instruction des changements d’usage » au sein du service commun d’instruction des autorisations de droit des sols. Sous cette appellation très technicienne, il y a la manière dont, M. Aramendi, nous voulons nous saisir d’un sujet majeur dont vous vous êtes entretenus il y a quelques jours avec l’association Alda. ».

Filipe Aramendi explique ensuite que «La deuxième demande que nous fait Alda, c’est d’instaurer également le système de compensation qui consiste à obliger les propriétaires de ces meublés de tourisme qui sont mis en location donc à titre permanent, j’insiste bien, on ne parle pas ici des locations à titre temporaire et occasionnel, qui sont également très fréquentes et d’ailleurs bien souvent nécessaires à beaucoup de personnes ne serait-ce que pour compléter leur revenu. (…) Tout cela nous a amenés à convenir lors de cette réunion avec les membres d’Alda, après s’être assurés que notre Communauté d’agglomération du Pays Basque était bien compétente juridiquement pour faire évoluer cette réglementation, d’aller dans ce sens.»

Septembre 2021, un cycle de réunions de travail démarre entre les 24 communes de la zone tendue pour mettre au point le contenu d’un futur règlement instaurant la mesure de compensation.

Il y aura plus d’une vingtaine de réunions au total. 3 scénarios, du plus laxiste au plus ambitieux, sont en discussion.

21 septembre 2021, Alda lance un cycle d’occupations d’Airbnb non enregistrés et ne disposant pas de l’autorisation de changement d’usage leur permettant d’avoir transformé un logement habité à l’année en meublé de tourisme. Ce cycle d’actions va contraindre la multinationale Airbnb à se régulariser sur la côte basque en ne publiant plus que des annonces disposant du numéro d’enregistrement et donc de l’autorisation de changement d’usage. Les meublés de tourisme mis en location sur les plateformes internet seront désormais « traçables » par les collectivités locales. Ces actions contribuent fortement à créer un climat général hostile aux plateformes de type Airbnb et à leurs pratiques sans scrupules ainsi révélées au grand public.

20 octobre 2021, une plateforme unitaire constituée de 32 organisations et collectifs du Pays Basque appelle à une grande manifestation « Vivre et se loger au Pays / Ezpekulazioari ez ! » le 20 novembre à Bayonne (2). Une intense campagne de mobilisation démarre qui place définitivement les problèmes du logement au centre du débat public et de l’agenda des divers responsables.

5 novembre 2021, l’étude commandée par la CAPB à l’agence d’urbanisme Audap vient confirmer les premiers chiffrages d’Alda. Analysant des données de l’année 2020, elle montre l’existence de 10 466 logements devenus des meublés de tourisme permanents. Leur nombre a explosé depuis 2016.

20 novembre 2021, 8 000 personnes manifestent dans les rues de Bayonne derrière une banderole unitaire « Vivre et se loger au Pays / Espekulazioari ez! ». Il s’agit de la plus grande manifestation sur le thème du logement depuis 25 ans dans l’Hexagone. Nombre d’élus de la CAPB y participent. Son impact est très important. Le Préfet des Pyrénées-Atlantiques déclare que « L’État, (…) le conseil départemental et la communauté d’agglo ont entendu ce que les manifestants nous ont crié très fort ». Il annonce que la loi 3DS modifiant le dispositif d’encadrement des loyers devrait être rapidement votée au parlement et que le Pays Basque pourra alors y prétendre. Il affirme que le foncier au Pays Basque est trop cher, avec des locations de trop courte durée, type Airbnb, « souvent fait au noir ou de manière illégale ». Enfin, il s’engage à créer un « comité stratégique des territoires » qui réunira, en plus du préfet lui-même, le conseil départemental, le conseil d’agglomération Pays Basque, la banque des territoires, action-logement, et tous les bailleurs sociaux, dont la première réunion aura lieu en février. « Ce comité stratégique donnera le coup d’envoi à une véritable réponse des pouvoirs publics en matière de logement.« 

Février 2022, une véritable offensive des lobbies pro-airbnb a lieu dans la presse et auprès des conseillers communautaires de la CAPB. Alda et la plateforme « Se loger au Pays – Herrian bizi » contre-argumentent méthodiquement. Alda diffuse de nombreux outils pédagogiques, vidéo, cartes montrant la prolifération des airbnb en Iparralde au cours des dernières années, notes techniques, étude sur l’impact économique comparé des meublés de tourisme et des logements habités à l’année…

5 mars 2022, le Conseil communautaire de la Communauté d’Agglomération Pays Basque vote à 169 voix pour, 8 contre et 33 abstentions le règlement instaurant la version la plus contraignante de la compensation sur les 24 communes de la zone tendue. Il doit rentrer en vigueur le 1er juin 2022.

3 juin 2022, saisi par des associations de multi-propriétaires défendus par l’avocat d’Airbnb et des agences immobilières en procédure de référé, le tribunal administratif de Pau suspend le règlement instaurant la compensation. La CAPB annonce qu’elle va déposer un recours en cassation contre cette décision devant le Conseil d’État.

8 juin 2022, à l’appel de la plateforme Se loger au Pays – Herrian bizi, 300 personnes se rassemblent devant le siège de la CAPB pour dénoncer cette suspension. Une délégation est reçue par le président Jean-René Etchegaray et plusieurs élus, qui promettent de ne pas en rester là. Une seconde réunion entre la plateforme et les représentants de la CAPB est actée pour la semaine suivante.

15 juin 2022, une seconde réunion entre la CAPB et Se loger au Pays – Herrian bizi. La CAPB annonce sa décision de soumettre à nouveau au vote un règlement modifié réaffirmant dans ses lignes essentielles le principe de compensation adopté le 5 mars dernier.

9 juillet 2022, le Conseil communautaire de la CAPB vote le nouveau règlement à une majorité de 97,8 % des suffrages exprimés.

Il n’y a cette fois-ci eu que 4 voix contre, sur 232 conseillers communautaires, contre 8 le 5 mars 2022. Le règlement modifié, qui sera la cible de nouveaux recours judiciaires des lobbies, sera applicable dès le 1er mars 2023. Ce nouveau vote vient adresser un signal politique fort aux investisseurs financiers qui suivent de près cette affaire. Le Pays Basque ne compte plus accepter la transformation de ses logements en meublés de tourisme et tout investissement dans ce sens serait des plus hasardeux et des plus risqués. De fait, depuis le 5 mars 2022 et dans l’attente de la décision des tribunaux sur le fond, les achats de logements pour les transformer en airbnb permanents semblent stoppés localement.

16 septembre 2022, après examen du règlement modifié et des nouveaux recours déposés contre lui, le Tribunal administratif de Pau lève la suspension de l’exécution de la délibération adoptée le 5 mars 2022. C’est une grande victoire des partisans de la compensation qui vient récompenser la mobilisation citoyenne et la ténacité de la CAPB. La compensation rentrera donc en vigueur le 1er mars 2023, dans l’attente des décisions sur le fond.

1er Mars 2023, l’entrée en vigueur de la compensation est celle d’un outil fort de régulation venant porter un premier coup dur à la spéculation immobilière. Pour une fois, le volontarisme politique et l’intérêt général parviennent à s’imposer face à la loi toute puissante du marché et de l’argent roi.

Cette victoire doit permettre de récupérer plusieurs milliers de logements pour la population locale dans les années à venir, et surtout va empêcher d’en perdre près de 16 000 supplémentaires selon les estimations d’Alda. C’est une première avancée d’envergure qui en appelle d’autres.

Elle est le fruit d’une bataille elle aussi exemplaire, dont on doit tirer certains enseignements si l’on veut construire des stratégies gagnantes dans la lutte pour le droit de vivre et se loger au Pays. Actions déterminées mais pédagogiques et populaires, travail d’information et d’argumentation permettant de sensibiliser l’opinion publique et les élus à un problème, formulation et socialisation des solutions possibles, mobilisation populaire et plurielle couplée avec des élus déterminés à faire primer l’intérêt général sur la volonté de profits sans limites de quelques uns, la recette a déjà fait ses preuves dans les batailles pour EHLG, contre la 2X2 voies, la voie nouvelle LGV ou le projet de mines d’or. L’existence de la CAPB peut-être, comme dans le cas présent, une sacrée valeur ajoutée, une protection renforcée, pour faire entendre et respecter la voix et l’intérêt du Pays Basque et de sa population, mis à mal par la puissance destructrice de l’argent et l’idéologie productiviste et néo-libérale.

Ensemble, continuer à gagner !

Nous sommes loin d’être tirés d’affaire et beaucoup d’autres combats doivent être gagnés pour garantir le droit de vivre et se loger au pays à notre population, et tout particulièrement à sa jeunesse et ses classes populaires : encadrement renforcé des loyers, changement des règles de fiscalité, production accrue de logements social et très social, préservation des terres agricoles, encadrement et limitation des congés pour vente, limitation des résidences secondaires, mise en place des moyens de contrôle et de sanctions indispensables pour faire respecter la compensation mais aussi pour éradiquer les fraudes qui prolifèrent et précarisent chaque jour davantage les locataires (baux frauduleux, congés pour reprise factices, viol du gel à la relocation des loyers etc.).

Chaque citoyen.ne peut contribuer à cette mobilisation collective et aux victoires qu’elle permettra demain, en renforçant les divers mouvements et associations qui mènent cette bataille essentielle, ou à très court terme en assurant le succès de la prochaine grande manifestation pour le droit de vivre et se loger au Pays. Parlons-en dans notre famille, à nos amis, nos voisins ou collègues de travail, pour en faire le rassemblement le plus massif et pluriel possible. Le samedi 1er avril à 15H00, soyons des milliers à Bayonne pour, ensemble, continuer à gagner !

(1) En 2017, Iparralde comptait 41 670 logements loués à l’année pour la population locale.

(2) Cette plateforme qui prépare aujourd’hui une seconde grande manifestation pour le samedi 1er avril regroupe Bâtir Les Solidarités, la Fondation Abbé Pierre, Atherbea, EHLG, Lurzaindia, Alda, Bizi, ELB, LAB, la CFDT, EHBai, EELV, le PS, le NPA et bien d’autres collectifs et organisations.

« Oinarriak jarri behar ditugu euskararen erreprodukziorako »
Ander Zarraga
www.argia.eus/albistea/oinarriak-jarri-behar-ditugu-euskararen-erreprodukziorako

Krisi ekologikoak euskararentzat ekarriko dituen erronken eta aukeren inguruko hausnarketa proposatzen du Joanes Igeregi Santamaria sopeloztarrak. Euskararen kolapsoa ala kolapsoaren euskara? izena daramaten berbaldietan, Sukar Horia taldeko kideak iraganari erreparatuz, besteak beste, bioaniztasunaren, ekologiaren eta hizkuntza zein kultura txikien biziraupenari buruzko lotura egiten du.

Zein da honen guztiaren abiapuntua?

Iaz egin nuen Euskararen Jabekuntza, Kudeaketa eta Hizkuntza-praktikak XXI. Mendean masterraren amaierako lanetik dator. Intuizioa neukan krisi ekologikoak gizarte antolamenduan eragina izan zezakeela, beraz, euskararengan ere bai, edozein gizarte antolamenduk eragiten dielako bertan bizi diren hizkuntzei. Horregaz batera, krisi ekologikoagaz lotutako kolapsoaren aukera ere aipatzen da askotan, eta hortik sortu zen hitz jokoa, hau da, euskara etor daitezkeen gizarte aldaketa horien ondorioz kolapsatu daitekeen edo euskara egokituko ote den krisi ekologikoagaz etorriko den gizarte berrira.

Beraz, krisi ekologikoak euskararen desagerpena ekar dezakeela uste duzu?

Bai; edo hori, edo egoera berri horretara egokitzea, azkeneko milaka urteetan egin duen bezala. Euskarak egokitzeko etengabeko ariketa bat egin behar izan du: gure lurraldeko gizartea eraldatzen joan da eta euskarak aldaketa horietara egokitzen jakin behar izan du; euskal kultura birsortzen joan da, gizarte eredu berri horietan irauteko. Iruditzen zait etorkizunean ere horrelako bidea egin beharko duela etorriko diren gizarte aldaketetan bizirauteko. Lortu ezean, orduan etorriko lirateke euskararentzako arriskua, lehenago ere gertatu izan den bezala.

Beraz, berritu ala hil arteko kontua da?

Azken finean, hizkuntza batek erantzun behar die gizartearen momentuko beharrei, eta euskalduntzen gabiltzan belaunaldi askok hizkuntzarekiko atxikimendurik ez daukate, beraien eguneroko bizitzako funtzio zentral batzuk betetzen ez dituelako; eskolan eman diegu hizkuntza, baina eskolatik kanpo gaztelaniaz bizi dira. Beraz, euskal komunitateak pentsatu beharra dauka hizkuntzak zein funtzio bete behar dituen bere herritarrak euskaraz bizi daitezen.

Zentzu horretan bidea egiten ari garela uste duzu?

Iruditzen zait azken 50 urteetan euskarak izugarrizko ibilbidea egin duela etorri diren gizarte eraldaketetara egokitzeko. Batez ere, 60. hamarkadako euskalgintza prozesuan jartzen da fokua, sasoi horretan gizarte aldaketa oso handiak gertatu zirelako Euskal Herrian: landa eremuetatik hirietarako migrazio prozesu masiboa eman zen, eta jende gehienaren bizimodua asko aldatu zen belaunaldi gutxitan. Orduan, euskara landa eremuetan bizi zen, baina prozesu nahiko arrakastatsua egin zuen hiriguneetara salto egiteko, eta pasatu zen behiakaz eta txakurrakaz berba egiteko pentsatzen zen hizkuntza bat izatetik, lantegietan, bankuetan, unibertsitatean edo hedabideetan erabiltzeko hizkuntza bat izatera. Egokitze ariketa horretan impasse batean gaude orain, azken urteotako globalizazio masiboak izugarrizko erronkak ekarri baitizkio euskarari, eta horiei erantzuten asmatu beharko dugu ere. Jende askok ziklo baten amaieran gaudela esaten du; zalantza barik, euskalgintzak lorpen handiak izan ditu azken hamarkadetan, baina alarma batzuk ere pizten dabiltza.

Zeintzuk bidetik uste duzu eman beharko litezkeela aldaketa horiek?

Sozializatzeko bideak izugarri aldatu dira azken 20 urteetan. Nire mundualdi laburrean uste dut gure aitita-amonen bizitza osoan beste aldatu dela sozializatzeko modua.

Txikitan, lagunakaz nola erlazionatzen ginen eta gaur gazteak nola duten egiteko modua era bat ezberdinak dira; plazatik mugikorrera pasatu gara. Hor bidegurutze zaila daukagula iruditzen zait: batetik, uste dut ingurune digitalean eta teknologia berrien munduan euskara ezinbestean egon behar dela, baina, bestetik, gerta daiteke hamarkada gutxira, egokitze-prozesu horretan ahaleginetan gabiltzala, agertokia berriro goitik behera aldatzea eta munduak antz gehiago edukitzea orain dela 40 urteko munduagaz gaurkoagaz baino; ez dut esan nahi denboran atzera egingo dugunik, baina izan daiteke zentzu batzuetan etorkizuneko munduak gure iraganagaz antzekotasun gehiago izatea, orainaldiagaz baino.

Gaur egun, aurreikuspenak egitea ez da batere erraza, baina zein da zure ikuspuntua?

Ez nuke esango txarrera goazenik, baina bai kontsumo gutxiagoko gizarte batera goazela, energia eta material gutxiago izango duen mundu batera, hain zuzen, eta horrek hainbat kontutan sinplifikazioa ekarriko duela eta modu lokalago batean biziko garela. Hori txarrera joatea da? Agian asteburu-pasa Berlinera joatea amesten duen pertsona batentzat bai, baina ez dut uste bizimodu txarragoa eragingo duenik halabeharrez. Modu lokalago batean bizitzea euskararentzako mesedegarria ere izan daitekeela uste dut, komunikabide lokalek eta tokiko kulturgintzak ere indar gehiago izango luketen bizimodu bat izango litzatekeelako. Azken hamarkadetan, mundu globalago batera joan gara, gero eta interkonexio eta mugikortasun handiagoagaz, baina horren eraginez inoizko hizkuntza eta kultura aniztasun galerarik handiena ere izan dugu; beraz, uste dut lokalago bizitzeak euskarari ere mesede egin diezaiokeela. Globalizazio horretan atzera egiteak ekarri dezake kultura eta hizkuntza txiki horiei arnas hartzeko aukera bat ematea.

Iraganeko gizarteei begirada ere proposatzen duzu horretarako, ezta?

Gure inguruko kolapsoei erreparatuz, nabarmenena Erromatar Inperioaren erorketa da. Orduan, latinak hartzen zuen ingurutik 40 hizkuntza azaldu ziren; beraz, krisi ekologikoaren ondorioz etorri daitekeen desazkunde horregaz gertatuko denaren ideia bat egin dezakegu. Edonola ere, iruditzen zait kultur aniztasun handiagoko mundu batera goazela, baina horrek ez du esan nahi euskararen biziraupena bermatuta dagoenik. Horregatik, iruditzen zait gaur egun oinarriak jarri behar ditugula euskarak bere erreprodukzioa bermatuta izan dezan. Hala ere, krisi ekologikoak B aurpegia ere badauka eta euskararen biziraupena bermatzen duten baliabide asko arriskuan egon daitezke. Adibidez, gutako asko eskoletan edo euskaltegietan euskaldundu gara, baina ez dakigu horrek etorkizuna bermatuta izango ote duen; izan ere, ongizate-estatua bezala ezagutzen dugunaren baliabideak geroz eta urriagoak dira, eta bizimodu sinpleago batera jotzeak suposatu dezake hezkuntzan urte gutxiago ematea edo euskararentzako baliabide gutxiago egotea.

Guatemalan eman dituzu hainbat urte Garabide elkarteagaz hizkuntzen inguruan lan egiten. Nola ikusi duzu hango errealitatea?

Deigarria egin zitzaidan hemen XX. mendearen hasiera gertatutako prozesuaren oso antzekoa bizitzen ari direla gaur egun. Orain arten, Guatemalakoa gizartea oso tradizionala eta nekazaria izan da, baina mundu hori desagertzen ari da umeen eskolaratzeagaz batera: ikasketak egiten dituzten gazteak hirietara joaten dira landa inguruan egin ezin  ditzaketen lanpostuen bila, eta, horren ondorioz, euren hizkuntzen erreprodukzioa desagertzen ari da. Komunitate askotan ikusi dut aitona-amonak maia hizkuntzan elebakarrak zirela; haien seme-alabak elebidunak, gaztelera eta maia zekitela, eta hirugarren belaunaldiko gazteek gaztelera bakarrik zekitela. Zentzu horretan, esan daiteke telebistak eta eskolak lortu dutela 500 urteko kolonizazioak lortu ez duena, eta hor ikus daiteke globalizazio-prozesuak zer nolako indarra eta eragina duen. Guatemalako kasua hurbiletik ezagutzen dut, baina Latinoamerika osoan antzeko zerbait gertatzen ari da. Adibidez, Evo Moralesen agintaldian, Boliviako hainbat hizkuntza galdu dira, eta ez dut uste Moralesen gobernua indigenista izanik euren errua edo asmoa hori denik.

Sukar Horia elkarteko kidea zara ere. Komentatzen duzunaren inguruan zein da zuen planteamendua?

Gure helburua da ikusaraztea krisi ekologikoak zer-nolako eragina eta lotura duen gizarteko beste dimentsio batzuetan. Pentsatzen dugu krisi ekologikoari irtenbidea bilatzea ez dela nahikoa, hori justua eta parekidea ere izan beharko delako; beraz, iruditzen zaigu oso lotuta dagoela klase sozialen arteko gatazkagaz. Adibidez, horrelako krisi bat dagoenean, ikusten dugu emakumeek beti hartzen dutela euren gain zaintzaren lana, eta horrek krisi ekologikoa feminismoagaz ere lotzen du. Hitzaldian ere aipatzen dugu lotura bat dagoela kultur aniztasunaren eta naturagaz harremanak izateko dugun ohituraren artean; garrantzitsua da ekologismoak bat egitea gizarte eraldaketa bultzatu gura duten bestelako mugimenduakaz, ekologismoagaz zuzenean lotuta egon ez arren: etxebizitza edo langile sindikatuak, mugimendu feminista, auzo elkarteak… Krisi ekologikoari irtenbide justu eta parekide bat eman behar badiogu, askapen mugimendu ezberdinen arteko loturaren bitartez izango da, ezin baitugu bakoitzak gure borroka modu isolatuan egin.

Zuk hizkuntza eta kultura txikituak eta ekologismoa bateratzen dituzu; zein da zure hipotesia?

Ikusi da munduko toki berdinetan biltzen dela biodibertsitate eta hizkuntza aniztasunik handiena; ez dagoena argi da kultura indigenek daukaten biodibertsitatea mantentzeko gaitasunagatik edo biodibertsitate oparoaren ondorioz ematen den edo ez hainbeste kultura ezberdinen biziraupena. Bestela esanda, egin dudan ikerketa txiki honetan ikusi ahal izan dut oro har egitura dominatzaileak eta bereziki inperio handiak sortu diren lekuetan bai biodibertsitatea, bai kultura aniztasuna ere suntsitu direla; beraz, hor dominazioaren logika komun bat ikus daiteke, eta askapenaren logika komun bategaz egin beharko diogu aurre horri.