Articles du Vendredi : Sélection du 17 mai 2024

Pas d’action à la hauteur sans formation !
Gaëlle Vincens
www.enbata.info/articles/pas-daction-a-la-hauteur-sans-formation

En 2019, j’ai commencé à marcher pour le climat. Je suis partie à la rencontre d’autres jeunes qui avaient fait le même constat : nous sommes de plus en plus inquiet·es de la situation dans laquelle nous plongent les systèmes actuels, dévastateurs pour la planète mais aussi au niveau personnel.

Agir plutôt que subir

Lors des Assises du mouvement abertzale du Pays Basque Nord le 27 janvier 2024, les ateliers consacrés à la jeunesse ont relevé que le contexte global incertain génère un sentiment d’impuissance. La jeunesse est touchée de plein fouet par la situation, les défis inédits qui se posent à nous et avec lesquels nous devons composer. Ces moments m’ont permis de me rendre compte de la dimension collective, politique et sociétale de la reprise en main nécessaire des conditions de nos vies pour agir plutôt que subir. Les questions climatiques et l’éco-anxiété sont des termes qui sont revenus plusieurs fois dans les discussions au sein du mouvement Xuti Gazte! ; sentiment d’autant plus fort lorsqu’on constate le décalage entre ce qui doit être fait au regard de l’envergure des problèmes actuels et le manque d’action et de volontarisme de la part des responsables politiques face à l’urgence climatique.

Cette inertie politique est doublée par une stigmatisation de la jeunesse. M’engager et me rapprocher de gens, de jeunes qui ont les mêmes ambitions notamment, correspondait à trouver la résonance politique avec l’envie de faire et non pas d’attendre. C’est chez Bizi! que j’ai trouvé ces ressources, avec la démarche sincère de partager des clés de lecture adéquates pour prendre des décisions à la hauteur des enjeux et ainsi mettre en oeuvre les actions permettant de (re)penser et (re)panser notre territoire.

Monter en compétences

Pour passer à l’action au bon niveau et s’appuyer sur la richesse d’initiatives présentes en Iparralde, il nous faut continuellement monter en compétences pour agir. Nous attendons de nos élu·es qui nous représentent qu’ils se forment, quel que soit leur âge.

« Nous attendons de nos élu·es qui nous représentent qu’ils se forment, quel que soit leur âge. »

L’Association des maires ruraux de France mentionne également cette nécessité (1) : « Il est essentiel de renforcer l’existant, mutualiser les moyens, s’inspirer des bonnes pratiques et développer la formation des élus et des agents ». La formation est un enjeu majeur pour se saisir des leviers de passage à l’action et une première étape incontournable. C’est aussi le premier conseil donné par les élu·es locaux pour engager et réussir la métamorphose écologique de sa collectivité (2) : « la première clé de réussite d’une politique de transition environnementale est la formation et la sensibilisation de tous les acteurs : élus, agents publics ». Si ce n’est pas encore une évidence pour tous·tes de continuer à se former, je suis convaincue que c’est dans l’intérêt de tous·tes, et plus encore des jeunes générations.

(1) Grand Atelier des Maires Ruraux de France pour la Transition Écologique, Association des maires ruraux de France (AMRF), rapport de juillet 2023.

(2) Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité Rapport sénatorial d’information n° 87 (2023-2024)

« La lutte contre les inégalités passe aussi par la consommation, à condition de mieux informer »
Brian Hill, Economiste
www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/04/la-lutte-contre-les-inegalites-passe-aussi-par-la-consommation-a-condition-de-mieux-informer_6231533_3232.html

Les consommateurs sont prêts à dépenser plus pour des biens lorsqu’ils sont informés que leur fabrication assure de moindres inégalités de salaire entre chaque acteur de la chaîne de production, observe, dans une tribune au « Monde », l’économiste Brian Hill.

Malgré les nombreuses études démontrant les importantes inégalités de revenus et de richesse dans les pays occidentaux, ces dernières ne figurent pas parmi les sujets prioritaires des diverses campagnes électorales de 2024. Et pour une bonne raison : la taxation et la redistribution – soit la principale politique économique envisagée pour répondre à cette problématique – divise l’opinion publique. Au Royaume-Uni, seulement 40 % de la population se déclarent favorables à ces politiques.

Si les citoyens peinent à s’accorder, qu’en est-il des consommateurs ? Actuellement, la plupart d’entre eux ignorent tout des niveaux d’inégalités de revenus entre les différents acteurs impliqués dans le financement, la conception, la production et la vente des produits qu’ils achètent.

Or, notre recherche récente montre que si cette information était fournie pour tout produit commercialisé – comme les informations nutritionnelles dans un supermarché ou sur une application mobile comme Yuka –, un effet positif serait observé. La lutte contre les inégalités passe aussi par la consommation, à condition de mieux informer.

En effet, 80 % de notre échantillon aux Etats-Unis et Angleterre sont prêts à payer davantage pour des produits comportant de moindres inégalités de revenus. Les consommateurs, quelle que soit leur orientation politique (y compris ceux qui rejettent l’idée d’une redistribution par l’Etat), paient plus pour un bien comparable produit de façon plus égalitaire.

Ce contraste peut s’expliquer par une autre découverte de notre recherche, à savoir que la propension des consommateurs à payer pour pallier les réductions des inégalités est fortement corrélée à leur avis sur le degré d’inégalité dans leur pays – plutôt qu’à leur adhésion à des solutions traditionnelles. Et, c’est bien connu, nombreux sont ceux qui considèrent que les inégalités actuelles sont extrêmes. Ce chiffre est de 78 % au Royaume-Uni, par exemple, soit presque autant que la part de consommateurs payant plus pour moins d’inégalités, et bien plus que ceux soutenant la redistribution.

De même que l’étiquetage obligatoire du pays d’origine d’un produit peut favoriser les producteurs français, l’information sur les inégalités de rémunération inhérentes à chaque produit peut ainsi contribuer à modérer les inégalités à l’échelle sociale. A condition que cette information soit disponible…

Un système universel

L’idée que l’information contribue à lutter contre les inégalités existe déjà selon certains, tandis qu’elle paraît irréalisable pour d’autres. Les premiers ne voient pas la différence avec des labellisations commerce équitable comme B-corp ou des initiatives telles que C’est qui le patron ?. Les seconds s’interrogent : quel indice d’inégalité serait fourni, et comment ? D’où viennent les données permettant de le calculer ?

Pour répondre aux premiers, nos recherches montrent l’importance de donner accès à l’information pour tous les produits sur le marché – et particulièrement pour les « mauvais élèves ».

Prenons l’exemple des informations nutritionnelles, qui sont présentes sur tous les produits d’un certain type, et même disponibles sous forme de scores via des applications comme Yuka.

Des décennies de recherche en psychologie confirment que le rejet des scores négatifs motive bien plus les choix de consommation que l’attrait pour les bons scores. Néanmoins, les labels sociaux existants sont à la discrétion des entreprises, et recensent principalement des produits « vertueux ». Un système d’information universel, qui pointe notamment des produits « mauvais » serait plus efficace.

Quant aux doutes sur la faisabilité d’une telle initiative, notre recherche propose de premières réponses. Elle examine plusieurs indices d’inégalité, dont l’indice de Gini prisé par des économistes, un score à cinq lettres dans le style du Nutri-Score et le ratio entre le salaire maximal et le salaire médian au sein de l’entreprise produisant le bien. Le dernier indice est généralement privilégié par nos sujets étudiés car considéré comme le plus compréhensible et le plus informatif. Rapporté dans ce format, il n’est pas surprenant que les consommateurs soient prêts à payer plus pour une réduction d’inégalité donnée.

Une base de comparaison suffit

Heureuse coïncidence, c’est précisément cet indice que les grandes entreprises cotées en Bourse sont désormais obligées de dévoiler, suite aux régulations récentes dans de nombreux pays, dont la France et les Etats-Unis. En effet, les données pour le calculer existent dans de nombreux cas, et sont même rassemblées par les gouvernements via les déclarations de revenus, par exemple. Il ne manque plus que leur mise à disposition au public, que ce soit au niveau des produits individuels ou, plus facilement, au niveau de types de produits et de producteurs.

En effet, l’information est plus efficace si elle concerne tous les produits sur le marché, d’autant que le public est typiquement mal informé sur les niveaux actuels d’inégalités et a donc du mal à évaluer des produits sans information fournie. Mais les consommateurs n’ont pas besoin d’informations spécifiques : une base de comparaison leur suffit.

Le régulateur n’aurait alors pas à contraindre chaque entreprise à dévoiler ses inégalités pour mener une politique d’information. Il lui suffit de publier des indicateurs généraux des niveaux d’inégalité par type de produit et de producteur, et de permettre que ceux-ci soient communiqués aux consommateurs pour leur permettre d’évaluer les produits dont les informations plus spécifiques manquent.

Le contraste mis en lumière entre citoyen indécis et consommateur rétif aux inégalités suggère qu’une politique d’information peut mobiliser le public, en complément des politiques plus traditionnelles. Une régulation légère, informée par des recherches dans le domaine, devrait suffire à la réaliser.

Brian Hill est professeur d’économie et de sciences de la décision à HEC Paris, directeur de recherche, CNRS.

Les clés d’un monde libre et solidaire selon François Ruffin et Camille Étienne!
Hervé Kempf
https://reporterre.net/Les-cles-d-un-monde-libre-et-solidaire-selon-Francois-Ruffin-et-Camille-Etienne

Du temps libre, une vie stable et pouvoir agir sur le monde : Camille Étienne et François Ruffin forgent leur recette d’un monde souhaitable, une alternative pour porter le « profond désir d’autre chose » qui ébranle la société.

Reporterre a réuni François Ruffin et Camille Etienne lors d’un dialogue exceptionnel pour imaginer le monde souhaitable. Un moment fort, enregistré le 2 mai au Ground Control, à Paris, et que vous pouvez lire ci-dessous, ou écouter ici ou sur une plateforme d’écoute de votre choix.

Reporterre — Quel monde souhaitez-vous pour 2050 ?

Camille Étienne — Le monde que je souhaite se crée et se vit tous les jours. L’espoir que j’ai pour demain s’incarne dans le fait de montrer qu’il est possible de sortir de notre impuissance. Le plus fondamental pour 2050 est que nous nous sentions libres d’être puissants et que nous n’ayions plus la sensation de n’avoir aucune prise sur ce qui se déroule. Dans le monde que je souhaite, les gens seront en capacité de décider de leur existence et pas victimes de choix écrasants pris pour eux.

François Ruffin — Il y a un profond désir d’autre chose dans le pays. On vit un moment de détachement de l’idéologie dominante. Les grands mots tels que concurrence, croissance, mondialisation, compétitivité, marché ne font plus envie. Ils inquiètent et dégoûtent. Les gens ont massivement le désir de remplacer la concurrence par de l’entraide et du partage, la mondialisation par de la protection. Mon espérance est placée dans ce geyser d’énergie dont l’endroit est à trouver pour y planter le bâton et que cela jaillisse.

C’est une bataille à mener, armé du pessimisme de la lucidité et de l’optimisme de la volonté. Pour remporter cette bataille, l’imaginaire doit s’ancrer dans le réel. Les gens ne veulent pas de l’utopie mais la transformation du réel. Pour reprendre un concept de Bernard Friot, il existe aujourd’hui beaucoup de « déjà-là » du monde qu’on veut.

Au-delà des valeurs et des principes, à quoi ressemblera ce monde ?

François Ruffin — Le changement passera par plus de liens, de temps libre et par la sortie du carcan production-consommation. Les gens sont en attente d’autre chose. Ils disent que le progrès, c’est plus de liens plutôt que plus de biens. Depuis les années 1970, il n’y a plus de corrélation entre l’augmentation du PIB et les indices de bien-être.

Pour que l’on puisse embarquer les gens de chez moi dans le changement, le monde doit offrir une garantie de travail stable. La question de la stabilité est aujourd’hui essentielle. Devoir être dans une vie liquide où il faut être mobile et flexible est devenu insupportable aux gens.

Camille Étienne — Le projet écologique est souvent présenté comme chaotique, pourtant il est le seul chemin sérieux pour vivre dans un monde en paix. Aujourd’hui, l’instabilité est en partie créée par notre dépendance à l’industrie fossile qui finance les dictateurs et les guerres.

Dans le monde idéal, notre consommation d’énergie serait diminuée et donc sa production aussi. Et nous dépendrions moins d’autres pays comme la Russie. Finalement, c’est un monde dans lequel on se sentirait plus en paix. Par ailleurs, dès maintenant, on peut s’inspirer d’imaginaires qui se sont matérialisés, qui existent, comme ceux que raconte le livre Ils inventent un monde écologique, ou dans les zones à défendre, ou dans des modes de vie d’autres périodes historiques et d’autres pays.

Nous pouvons aussi puiser dans les luttes, comme celle contre l’A69 où, malgré la violence et la répression, on a vécu des moments de fête immenses. Lorsque nous arrachons à la tristesse du monde des moments de joie, l’imaginaire matérialisé surgit.

Pourtant, l’imaginaire capitaliste est encore puissant. Comment le contrer et susciter l’adhésion au récit que vous nous racontez ?

François Ruffin — Il faut sortir du domaine du souhait pour expliquer que l’écologie, c’est du boulot : elle va générer des emplois stables. Il y a aujourd’hui cinq millions de passoires thermiques à transformer. Ceux qui le font doivent avoir une reconnaissance matérielle, et une reconnaissance spirituelle, ce qui passe par une héroïsation des métiers du bâtiment, du social, du soin, etc.

Pour convaincre les classes populaires, la clé est la question de l’emploi. Assurer des emplois est une garantie de stabilité pour sortir du chaos et revenir à un ordre juste. Et la première des justices est que les gens qui tiennent notre pays debout puissent vivre de leur travail.

Camille Étienne — L’imaginaire des dominants prône des valeurs inverses aux nôtres. Mais le récit est une bataille. Il ne suffit pas de juste souhaiter un autre imaginaire. Concernant l’usage des réseaux sociaux, les outils des dominants peuvent être utilisés pour contrer le récit qu’ils nous imposent.

Sans se défaire totalement de l’outil technologique, nous pouvons nous assurer qu’il soit à notre service et non l’inverse. Avec ces outils, on peut montrer d’autres récits et d’autres héros, on peut rendre visible la fierté à se battre et la dignité retrouvée.

François Ruffin — Je suis convaincu que les gens ne considèrent pas Elon Musk ou Bernard Arnault comme des héros, même s’ils sont présentés ainsi. Le système déploie une quantité énorme d’efforts sur l’imaginaire parce que les gens n’y adhèrent plus.

La société de production-consommation qui apporterait le bonheur à tous, l’innovation technologique qui serait synonyme de progrès social et de progrès humain : ces affirmations ne vont plus de soi. J’ai la conviction que nous sommes majoritaires, que le bon sens est de notre côté. Il reste à trouver le moyen du réveil.

Mais les néolibéraux se défendent notamment par un discours sécuritaire, qui convainc nombre de gens…

François Ruffin — Ce ne sera pas simple mais la bataille est en cours. Sur le plan idéologique ou de l’imaginaire, les néolibéraux ont perdu. Sauf que la société n’est pas portée que par des idées, mais essentiellement par des intérêts matériels, et on a en face de nous des intérêts matériels extrêmement puissants qui veulent le maintien du système.

Ensuite, les gens sont étouffés sur le plan matériel — un tiers de la population est au ras de l’eau ou en dessous —, mais aussi sur le plan spirituel. Ils ont le sentiment qu’il n’y a pas d’au-delà, que « c’est comme ça », et ils cherchent une issue. Étant donné que le bloc central libéral se rétrécit depuis 20 ans, la bataille est de voir à quel bloc les particules qui décrochent se raccrochent : au bloc national-autoritaire ou au bloc écolo-progressiste ? Là, on ne peut pas dire qu’on a gagné.

Une des batailles concerne l’identification de la cause du malheur des gens. La cause du malheur est-elle liée au réfugié, celui que l’on voit à la télé ? Ou bien à celui que l’on ne vous montre pas ? Je ne sais pas si c’est une bataille de l’imaginaire, mais c’est une bataille de présentation du réel : si on montre la tête du PDG aux ouvriers, sa baraque aux États-Unis avec dix-sept salles de bains, son accès direct à la plage, la colère est réorientée.

Face au bloc national-autoritaire, et alors que la question écologique transcende les frontières, ne faudrait-il pas redéfinir une valeur universelle ?

François Ruffin — Je ne perçois pas la nécessité d’un nouvel universalisme. Le concept d’internationalisme, c’est-à-dire de solidarité et de coopération entre les nations a existé dans le mouvement ouvrier. Il doit maintenant entrer sur le terrain environnemental et écologique.

Ceci dit, ce n’est pas parce que le phénomène est mondial que nous sommes exonérés d’agir maintenant et à notre échelle. Un véritable internationalisme ne signifie pas se mettre tous d’accord, mais que l’un avance et que les autres suivent. Le devoir est à la fois de faire ici, en transformant notre énergie, notre industrie, nos déplacements, nos logements, et d’ouvrir la voie pour entraîner d’autres pays dans le sillage.

Camille Étienne — Une solidarité très concrète lie les activistes à travers le monde. Nous commençons souvent à agir avant les grandes instances. Par exemple, sur les fonds marins, nous n’avons pas attendu que l’Autorité internationale des fonds marins de la Jamaïque prenne une décision pour mener campagne afin que la France prenne position contre l’exploitation. Puis ce fut au tour de la Suisse, du Mexique et du Canada.

Peu à peu, c’est devenu tellement majoritaire que les grandes organisations n’ont eu d’autre choix que de suivre. Donc la solidarité internationale n’enlève en rien la nécessité d’ancrer nos décisions et nos luttes dans des territoires. En commençant à agir chez nous, nous défaisons des mécanismes de domination qui se passent ailleurs.

Alors même que les néolibéraux encouragent le libre-échange, des murs s’élèvent de plus en plus à travers la planète. N’y a-t-il pas un travail à mener sur ces murs ?

François Ruffin — Le libre-échange a entraîné une déstabilisation de dizaines de milliers d’existences qui avaient jusque-là des salaires corrects. Depuis les années 1980, une peur s’est installée, notamment chez les classes populaires. La peur de l’avenir, pour soi, et encore plus pour ses enfants.

Pendant des années, cette inquiétude n’a pas été entendue alors que la gauche aurait dû en être la voix. Au contraire, la gauche a construit l’Europe via Jacques Delors, le monde via Pascal Lamy, alors directeur de l’Organisation mondiale du commerce. Aujourd’hui, l’adversaire est toujours la finance, mais surtout l’indifférence, la résignation, l’abattement qui gangrènent le cœur des gens.

Pour que les classes populaires aient des réflexes progressistes et non réactionnaires, la garantie de pouvoir bien vivre est la question-clé. Le Rassemblement national ne sera pas chassé par des leçons de morale mais par l’incarnation d’une force qui remet de la stabilité et de l’espoir dans le cœur des gens. Et de la joie aussi.

Face au fatalisme ambiant, comment la peur peut-elle être transformée en fierté, en dignité et en puissance ?

Camille Étienne — Il faut faire une distinction entre des paniques morales créées et agitées par le bloc fasciste, comme la peur de l’autre, et des peurs qui sont réelles. Il faut assumer que le monde actuel est terrifiant, avec les incendies, les tsunamis, les sécheresses, l’effondrement des denrées agricoles, la perte éventuelle de son emploi, la montée du fascisme.

Mais quand la peur est reléguée à la sphère de l’intime, elle crée de l’apathie et empêche de se soulever. En 2024, nous avons le droit d’avoir peur et d’être en colère. Toutes les émotions sont légitimes et constituent un objet politique au sens collectif. Quand nous luttons et arrachons des moments de paix au chaos du monde, l’enjeu est de faire de ces émotions un élan.

François Ruffin — L’émotion veut dire la mise en mouvement. La raison doit ensuite canaliser la direction de ce mouvement. La peur, que j’appelle le pessimisme de la lucidité, et qui naît de l’horizon sombre devant nous, est normale. Le risque est de ne proposer ni remèdes ni récits face à cette peur.

Une solution est de montrer les grands moments historiques où des basculements ont réussi. Par exemple, 1945 avec Ambroise Croizat et la Sécurité sociale. Il y avait alors du « déjà-là » : les caisses de solidarité, les fédérations de travailleurs, les mutuelles déjà mises en place ont permis de croire en une utopie réalisable, la Sécurité sociale.

Nos pratiques peuvent faire advenir du « déjà-là » dans nos vies. Les expériences réussies peuvent rouvrir de l’imaginaire. Quand la bulle du « c’est comme ça » est crevée, lorsqu’on montre qu’ailleurs, c’est autrement, la bataille de l’imaginaire et du récit est gagnée. Notre objectif de demain est que ce « déjà-là » ne soit pas une exception mais devienne la règle.

 

Ekialdeko Afrikan, oztopoak oztopo, eurite aldaketei egokitzeko ekimenak martxan
Nicolas Goñi
www.argia.eus/argia-astekaria/2870/ekialdeko-afrikan-oztopoak-oztopo-eurite-aldaketei-egokitzeko-ekimenak-martxan

Etiopia, Somalia eta Kenyako hainbat eskualdetan ia hiru urtez euririk gabe egon ondoren, azkenaldian urpetuak izan dira. Sasoi kontrasteak ohikoak izanik ere eskualde hartan, klima aldaketarekin larritzen dira, eta euriak hobeki baliatzeko hainbat tokiko ekimen garatzen ari dira bertako laborari eta ingeniariak, laborantza eta bideak elkarrekin erresilienteagoak bihurtzeko. Hainbat krisiri aurre egin beharrez, baldintza bereziki prekariotan ari dira, baina lehen emaitzak poztekoak dira etorkizunari begira.

Aspaldidanik erran ziguten klimatologoek: atmosfera berotu ahala, gero eta muturrekoagoak izanen dira euriak, hau da, mutur batean lehorte gogorrago eta luzeagoak, eta bertzean eurite eta uholde handiagoak. Hain zuzen, hala gertatu zaie azken urteotan Ekialdeko Afrikakoei. 2020an Etiopian, Somalian eta Kenyan oti inbasio historikoa pairatuz gero, lehortea hasi zen. Satelite datuak ditugunetik, eskualdean inoiz izandako lehorte gogorrena izan da eta 2023 arte iraun du, milioika pertsonari gosea pairaraziz. Iaz, ARGIAren 2.825 aleko Ozeanoak inoiz baino beroago ditugula, egoera ezezagunetara eraman gaitzake El Niño fenomenoak erreportajean erraten genuen El Niño fenomenoak eurite handiak Ekialdeko Afrikara ekarri zitzakeela, eta hori litzatekeela beharbada fenomeno horren eragin positibo bakarra, 2020ko urritik zirauen lehortea arintzea, alegia. Euriteak bai gertatu dira, baina lehortea arindu baino gehiago egin dute: 2023ko azaroan uholde handiak izan dira Somalia eta Etiopiako hainbat eskualdetan eta aurtengo apirilean Kenyan eta berriro Etiopian, ehundaka mila pertsona kaltetuz, tokian tokiko uztak lokazpetuz –beraz jadanik larria zen egoera humanitarioa gehiago okertuz–, eta hainbat azpiegitura andeatuz. Azpiegitura horietarik bideak izan dira kaltetuenak, bereziki bide gehienak asfaltatu gabe direlako. Jatekorik gelditzen ez zaien eta laguntza humanitarioaren zain direnentzat, bide ibilgarriak izatea hil ala biziko kontua da. Kenya hegoaldeko Makueni eskualdean bide ingeniaria den Michael Malukik eufemismoz laburbiltzen du egoera: bideak eta euriak elkar gurutzatzen dutenean, arazoak datoz. Batetik, urak bideak higatzen dituelako, edota ibilgailuak hikatzeko moduko lokatza sortzen duelako. Baina, alderantziz ere, bideek hainbat modutan uraren zikloa oztopatzen dutelako: tokian tokiko ura blokeatu eta norabide desegokira eraman, jariatze-ura eta jalkinak pilatu, azal azpiko fluxuak aldatu eta uholde-ereduak ere aldatu, toki batzuetan okerragoak eginik. Arazo gurutzatu horiei konponbidea eraikitzen ari dira Maluki eta Ekialdeko Afrikako hainbat ingeniari eta laborari.

Ura hobeki bideratzeko bideak

Bideek eta euriteek eragindako arazoei elkarrekin aurre egiteko ekimen nagusia da Green Roads for Water (Urarentzako Bide Berdeak) Herbehereetako MetaMeta izeneko kontsultoriak bultzatutakoa. Herbehereetan ingeniaritza hidraulikoak historia luzea izanik ere, berez kontsultoria horren jatorrizko ideia ez dator Flevoland probintziatik, baizik eta Balutxistan eta Sindh eskualdeetatik.

Han duela bortz edo sei mila urtetik gabarband izeneko harrizko terraza moduko urtegi apal eta luzeak eraikitzen zituzten, montzoi sasoian sorturiko erreka iragankorren ura eta jalkinak bertan harrapatzeko eta laborantzarako baliatzeko. Behaketa hortik hasita, galdera da bideak nola diseinatu edo birmoldatu, gabarband horien abantailak izan ditzaten, kontuan harturik gaurko lurrazalaren %20 bide batetik kilometro batera dagoela, populazioaren gehiena bertan bizi dela, eta ekosistema lurtarrak duela 6000 urte baino askoz zatikatuagoak direla, hain zuzen, bideen eraginez nagusiki.

Tokian tokiko baldintzen eta arazoen arabera konponbide mota asko badago: gune lehor eta harritsu batean bide bat molda daiteke urtegi gisan funtziona dezan, bere bazter batean ura eta jalkinak atxikiz; gune higatuetan bideak sestra-kurben arabera eraiki daitezke, bertatik ura mantsoago isuri dadin eta lurrean ur gehiago sar dadin; ordokietan bideak drainakorrak egin daitezke eta bidetik isurtzen den ura harrizko egituren bidez bideratu soroak ureztatzerako, baserrigunetako putzuak betetzeko edo akuiferoak elikatzeko; batzutan sinpleki zuhaitzik ez dagoen tokietan bidea goititu eta bide bazterretan zabalera nahikoan zuhaitzak landatu daitezke, zuhaitzek bidearen hautsa bertan atxikitzeko eta bidearen azpiko lurra egonkortzeko, eta abar.
Hainbat adibide aurkitu ditzakegu Guidelines for Road Infrastructure in Support of Water Management and Climate Resilience (Uraren Kudeaketa eta Klimaren aurreko Erresilientzia Laguntzen duten Bide Azpiegituretako Jarraibideak) izeneko txostenean. MetaMetak dioenez, konponbide guzi horiek low-tech dira, horietarik asko laborariek eta ingeniariek berek probatu eta garatu dituzte, eta askotan nabaritu da gauza oso xumeek diferentzia handia egin dezaketela.

Hondamendien gainetik, ura beti bizitzaren berme

Kenyako Kitui konderrian horrelako sistemetan inbertitzen den shilling bakoitzeko, laborantzaren etekinak 2,5 shillingez igotzen direla kalkulatu dute. Hots, uraren zikloarentzat eta bideen iraunkortasunarentzat mesedegarria izateaz gain, tokiko ekonomiarentzat ere abantaila garbiak ditu. Michael Malukik dioenez, gaur egun bertako bideen %5 eta %10 artean arau horien arabera moldatu dituzte. Kenyan eta Somaliland eskualdean garatzen hasi baino lehen, ingeniaritza horren lehen maila handiko saioa Etiopia iparrean egin zuten. Han urtero laborariak auzolanez ari dira terrazak berreraikitzen eta ureztatze kanal zaharrak garbitzen. 2015ean hasi ziren auzolan hori « urarentzako bide berdeak » arauen arabera egiten, eta ohiko lanaz gain, lubaki eta putzu berriak sortzen eta bazterbideak prestatzen, ura bideetatik arto eta garagar soroetara eramateko. Mek’eleko unibertsitatean geologian ingeniaria den Kifle Woldearegayen arabera, emaitzak poztekoak dira: bide horien hurbileko maila freatikoa bi metroz igo zen, eta inguruko baserrien produktibitatea ere %35 emendatu zitzaien. Mek’ele ezaguna ez bazaizue, Mek’ele hiriburu duen eskualdearen izena beharbada entzun duzue: Tigray, 2020tik 2022ra bertan iragandako gerrarengatik. Urte haietan lehorteak eragindako arazoei gehitu zitzaizkien gerrak sorturiko gabezia, suntsiketa, hilketak eta bortxaketak, ARGIAren 2.746 aleko Nobeldun sarraskia erreportajean Axier Lopezek azaldu bezala. Somalian ere egoera politikoa ez da poztekoa: 1992an piztu zen gerra zibilaz geroztik, estatuari tokian tokiko mafiak eta talde islamistak gailendu zaizkio. Testuinguru ezin zailago horietan dabiltza Ekialdeko Afrikako hainbat laborari, artzain eta ingeniari, oztopoak oztopo, eurien ura lurrean hobe gordetzeko beren lurraldea moldatzen, lurraldearen etorkizuna eraikitzen.